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HENRY DE LABORDE

Ph.DUBEDOUT 

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Henry de Laborde était le huitième d'une famille de neuf enfants. Il est né à Doazit, à Péboué, de Thomas de Laborde et de Jeanne Dubernet, vers 1602.*1

Resté "cadet dans la maison". C'est dans cette situation familiale de célibataire que vécut Henry de Laborde, dans la famille de son frère aîné. Cependant, Il résidait le plus souvent à Labourdette de Péboué, maison située entre Peyran, Coudassot et Coudicanne.

En août 1669, le "grand chaud causa grandes maladies partout le pays, et en y mourut grande quantité, et moi-même (Henry de Laborde) j'ai demeuré longtemps malade" *2. Il fit son testament le 10 septembre 1670*3, et mourut à Doazit, âgé de 70 ans, le 24 février 1672*4. Il est enterré "dans nôtre sepulteure de l'église du Mus".*5

La Relation

"C'est en 1638 que Henri de Laborde, voyant passer à travers les Landes bon nombre de gens de guerre, courut aux informations et apprit qu'ils appartenaient à M. le Prince de Conti, et allaient mettre le siège devant Fontarrabie. Le bonhomme que la nature avait fait curieux et conteur, ne put se tenir de prendre note de ce fait. Et cette note prise, il résolut de coucher également par écrit tout ce qu'il verrait ou apprendrait par la suite qui lui parut digne de mémoire : grêles, tempêtes, tremblements de terre, prix des denrées, pluie et beau temps, épidémies, prédications, vols, assassinats, miracles, passages de troupes, etc...

L'auteur est l'exactitude même, c'est évident, pour tout ce qu'il a vu et entendu. Je conviens qu'il ne voyait pas de haut, mais il témoigne juste pour sa portée et pour son coup d'oeil, et ce témoignage que l'histoire la plus sérieuse ne saurait dédaigner a gardé toute sa saveur originelle.

Rien de plus piquant, de plus appétissant que cette prose incorrecte ; un vrai régal de pain noir, d'âpre piquette et de noix fraîches. Que d'anecdotes à recueillir pour notre histoire locale !".*6

Ce Journal a été publié dans le tome III de l'Armorial des Landes, du Baron de Cauna. Il porte le titre de RELATION VERITABLE des choses les plus mémorables passées en la Basse-Guienne depuis le siège de Fontarabie, qui fut en l'an 1638, et particulièrement des désordres et troubles arrivés aux sièges de Saint-Sever, Tartas, Ax ou Dax depuis ledit jour.

La dernière information portée dans ce journal est du 15 octobre 1670.

Le récit de ces événements a directement inspiré René Clary pour ses romans "Le Sire de Doazit", et "Mademoiselle de Doazit", et André Sourigues pour son roman "La Roste en Chalosse". Il est aussi abondamment cité par Francis Loirette, dans Landes et Chalosses, qui le présente comme "témoin essentiel du XVIIo siècle landais"*7. L'abbé Légé conseille de se reporter à ce manuscrit avec plus de sûreté et plus de fruits, que dans certaines études publiées au sujet de la révolte contre la gabelle*8.

Le personnage

Henry de Laborde ne donne explicitement que peu détails sur lui-même. A peine laisse-t-il paraître ses opinions sur les événements politiques qu'il relate. Lors de la Fronde, il est favorable au parti du roi, mais davantage à cause de la personnalité haïssable de Balthazar (le chef des frondeurs), que par choix idéologique, déplorant le racket et les exactions commises par les troupes de l'un et l'autre parti. Lors de la révolte contre la gabelle, par contre, il se situe nettement du coté des "Invisibles", à qui il donne même l'hospitalité, bravant les interdits du roi: "Défendu par le roy par toutes les billes de ne lui aboir à bailler ni pain ni bin, ni logement, ni munition. Je ne sabais pas ce que cela boulait dire. Je croyais que c'estait quelques dragons soubages ou infernals; mais estant benus louger chez nous à Péboué, j'ai bu que c'étaient hommes comme les autres, et les ay fait boire de mon bin dans ma maison de Labourdette"*9.

Le portrait que M. Léonce Couture dresse de notre chroniqueur est plutôt sévère: "L'excellent gentilhomme campagnard savait à peine écrire. Ses renseignements en histoire, en géographie, en politique, étaient encore au dessous de tout cela. Rien dans cet écrivain d'un nouveau genre ne dépassait la limite du dernier médiocre, excepté sa probité, sa religion et aussi sa curiosité". Ces propos sont très exagérés ; non seulement Henry de Laborde sait écrire, alors que la plupart de ses contemporains ne savaient pas signer, mais il écrit en français, bien qu'avec beaucoup de gasconismes dans le vocabulaire ou les tournures de phrases. Il connaît bien la Chalosse et les régions voisines. Sans être un érudit, le privilège de la lecture lui donne accès à un minimum de culture : il lit l'"armanach", il connaît la vie des Saints, de Luther, Calvin, Charlemagne,...

Il accède à des responsabilités au sein de la paroisse. En 1654, il est proposé et élu clavier de la "frairie" du Mus*10. Le 22 juin 1656, il est également élu pour un an clavier de la confrérie du St-Sacrement de l'Autel de la chapelle du bourg*11.

"Le comportement religieux de Laborde-Péboué semble typique de celui de la plupart des bourgeois landais, sinon d'autres catégories sociales*12".Il craint les sorciers ; il voit de mauvais présages dans le passage d'une comète ou une éclipse de soleil ; il attribue tous les malheurs qui accablent le peuple (guerres, épidémies, famines, intempéries...) à une punition divine. Avec son frère cadet "Ramounet", de qui il est souvent accompagné, "Ils firent nombre de legats et fonderent des obits ; cellui du quartier de Marquebielle et un autre de quatre messes qui le deservent au Mus le jour des quatre tems de l'année une chaque quatre tems qui sont paiées par des estrangers."*13

Pourtant, le souvenir que laisse Henry de Laborde, celui en tous cas que l'on retint dans sa famille, n'est pas des plus flatteurs. Il est rapporté par son arrière-petit-neveu, Raymond de Laborde (1688-1743) qui dressa la généalogie de sa famille : "Il se liuroit un peu trop a ses plaisirs, surtout au vin, qu'il prenoit quelque'fois sans mesure, dont il se corrigea un an, avant de mourrir, mais non pas plustost".*14

 

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1- Il était âgé de 63 ans en 1665. Relation Véritable ; Armorial des Landes du Baron de Cauna, tome III, page 549.

2- Relation Véritable ; p.570.

3- Généalogie de la famille de Laborde de Péboué ; Archives des Landes, copie de l'original, Br Gd 4o 313, page 8.

4- Registres de Doazit ; Série E. Etat Civil ; E.- B.M.S. 1660-1671, 4ème feuille en partant de la fin.

5- Généalogie de la famille de Laborde de Péboué ; p.6.

6- Léonce Couture. Bulletin mensuel de la Société Historique de Gascogne de 1872.

7- Landes et Chalosses. Société Nouvelle d'Editions Régionales et de Distribution. Pau. 1983. Tome 1, deuxième partie : Landes et Chalosses sous l'Ancien Régime ; pages 412 à 552.

8- Les Castelnau-Tursan, tome II ; p.389. Abbé Légé, 1886.

9- Relation Véritable, p.551.

10- ibidem, p.501.

11- Livre de la confrérie du Très-Saint-Sacrement-de-l'Autel de la chapelle Notre-Dame du bourg de Doazit.

12- C'est la conclusion de Francis Loirette, qui consacre tout un chapitre au comportement religieux d'Henry de Laborde. Landes et Chalosses, tome I, p.484.

13- Généalogie de la famille de Laborde de Péboué, page 8.

14- Généalogie de la famille de Laborde de Péboué, page 6.