Avant
de se lancer dans la recherche étymologique, il convient de savoir quel
est le
mot à expliquer en recensant les différentes orthographes qu’a pu
prendre le
nom :
La
première mention
connue de Maylis en 1273 ou 1274[2]
est
incomplète, et donc inutilisable pour notre sujet. On trouve
ensuite :
- Mayes, Mailies (1335 ; Livre rouge de l’évêché d’Aire)[3].
-
Maylies (1415 env., Arch. des Landes H.9, cité par V. Foix ; Arch.
d. L.
IIF912)
-
Maylies (1548, Arch. des Land. H.54, cité par V. Foix, ib.)
-
Mailiis (1 fois), Mayliis (4 fois) : Rôle des fiefs (1609)[4].
-
Maylis (1617- ...), Mailis (1638-1739), Meilis (1665-1685), Mailies
(1690-1704),
Malies, Maylies (1704) : Registres Paroissiaux de Doazit.
-
Meylis (15 fois) , Maylis (7 fois) : Relation véritable (1638-1670)[5].
-
Mailies (1651) : Pierre
Duval (Description de l’évesché d’Aire.)
-
Maïlys
(1658) : acte cité par A. Labarrère[6].
-
Maylies (1749 ; Pouillé d’Aire, publié par Cazauran ; bull.
de Borda
1885, p.131).
- Mairies
(1753) : carte « Partie méridionnale du Gouvernement de
Guienne »[7].
-
Meylies, Maillis, Mailie, Meylie : autres variantes relevées par
Daugé[8]
ou
Lesbats[9].
Les lettres « y » et « i » ayant la même valeur phonétique, et en écartant la forme accidentelle « Mayes », on obtient les variantes mai/mei-lies/liis/lis. Conformément aux habitudes locales : des mots tels que « maison, mainatge, aimar,... » sont prononcés « méyzoun, méynad.ye, éyma,... », tout en conservant un « a » à l’écrit. Il en ressort que « Mai- » est certainement la forme étymologique, tandis que « Mey- » est une écriture phonétique. Les variations sur la 2ème syllabe peuvent s’interpréter comme une évolution depuis « -lies », la plus fréquente dans les textes anciens ; jusqu’à l’écriture actuelle « -lis », avec une forme intermédiaire « -liis » qui traduit probablement une voyelle longue, rappelant le « e » en voie d’amuïssement.
L’étymologie à rechercher est donc celle de
« Mailies »,
prononcé [mej’liəs]
Voyons les différentes explications qui ont été avancées ; chronologiquement :
1- du gascon mair (prononcé may) =
mère, et du mot français lis. En
gascon, le lis se dit liri (du latin lilium) :
Mère-Lis, interprété
comme "Mère des lis". C’est l’évêque d'Aire et de Dax Mgr L.-M.-O.
Epivent, qui au cours d’une visite pastorale à Notre-Dame de Maylis le
24 avril
1860, officialise et encourage ce jeu de mots largement popularisé
depuis : « Son nom est plein de
charmes, Maylis,
2- « Meylies pourrait représenter un mot ancien : Meylia ou Maylia qui désignerait peut-être des terrains fertiles en mil ??? ou autre céréales » (V. Foix[12])
3- de « Malleolus (latin), malhol (occitan), jeune plan de vigne, maieul ». (J. Lemoine[13]).
4- « Peut-être (sans certitude) dérive du gascon "Malhère" : mare. » (R. Gaüzère[14]).
5- de « *Magilicius », tiré du cognomen ou du nomen « Magilius ». (B. Boyrie-Fénié[15]).
6- du scandinave « Mjelhus , la maison de la farine, le moulin ». (J. Supéry[16]).
Le travail préliminaire effectué plus haut, nous permet d’invalider les propositions 1, 5 et 6, qui ne rendent pas compte du « e » de la finale. Les hypothèses 3 et 4 sont incomplètes, elle ne portent que sur le radical, sans expliquer la terminaison. Reste l’hypothèse 2, par trop conjecturale. Nous sommes donc amenés à faire une 7ème proposition :
7- de « Magilin » + « -as » (féminin pluriel) : Magilinas (terras) : le domaine de Magilin.
On
remarquera que dans pratiquement toutes les villes de la région ayant
la
terminaison « ‑ies », celle-ci provient d’un mot féminin
pluriel,
après la chute d’un « n » intervocalique : Beyries
(Veirias <
vitrinas), Mauries (Maurias < maurinas), Pardies (Pardias <
pardinas),
Parenti(e)s (Parentias < parentinas), Salies (Salias < salinas)[17]…
Le
nom de personne « Magilin », sous sa forme contractée
« Maylin » est bien représenté en Gascogne orientale, où l’on
trouve[18]
un
Ruisseau de Maylin à Sost (65), et surtout en Haute-Garonne, avec des
lieux-dits de ce nom dans les communes de Ganties, Izaut-de-l’Hôtel,
Payssous,
St-Paul-d’Oueil, et aussi un lieu-dit « Maylies » à
Castillon-de-St-Martory[19].
Cet anthroponyme peut être formé sur magil-, forme élargie de mag(in), vieux-haut-allemand magan = force, puissance[20], avec le suffixe adjectival « -in » (latin -inus).
« Les Maylies »,
commune de Castillon-de-Saint-Martory (31).
La construction « Magilin+-as » ne pose pas de problème : c’est celle que l’on trouve dans les noms de village de Parenties ( < Parentin(us) + -as) et Mauries ( < Maurin(us) + -as). Ces noms de personne adjectivés, donc utilisés comme déterminants, indiquent qu’à l’origine ils se rapportaient à un déterminé féminin pluriel ; par exemple : tèrras, lanas,… magilinas.
L’évolution tout à fait régulière, avec chute de la voyelle prétonique, et du « n » intervocalique aboutit à « Mailias » : Magilinas > Mag(i)li(n)as > Majlias > Mailias. Le « a » final atone a été très tôt (~ XIIème siècle) remplacé par un « e » (> Mailies), et a fini par disparaître (~ XVIème siècle) pour donner la forme gasconne actuelle « Mailís ».
La prononciation courante actuelle reste « méylis » [mej’lis]. Cependant, la prononciation faussement savante « maylis » [maj’lis] gagne du terrain sur la prononciation traditionnelle sous l’influence du très populaire jeu de mots « mair-lys » (le « a » de « mair » qui porte l’accent tonique, conserve le son « a »), ainsi que du fait d’une lecture à la française de ce nom gascon.
[1] Une première version de cet article a été
publiée
dans Résonance,
les feuillets de l’AHCCM (Association Historique et
Culturelle
du Canton de Mugron) – n°4
Décembre 2010, pp.2 et 3.
[2] Recogniciones Feodorum in Aquitania (Bémont, p.42, n°107).
[3] Livre rouge de l’évêché d’Aire, extraits publiés par l’abbé Cazauran ; bull. de Borda 1885, p.277, et 1886, p.2.
[5]
LABORDE-PÉBOUÉ (Henri de) ; Relation
véritable.
[6] LABARRÈRE (Antoine) ; Histoire de N.-D. de Maylis ; Bordeaux ; Typographie Ve Justin Dupuy et Comp ; 1864.
[7] Gilles Robert de Vaugondy, carte « Partie méridionnale du Gouvernement de Guienne ».
[8] DAUGÉ (Césaire) ; Notre Dame de Maylis, Histoire et Pèlerinage ; Laffitau et Labonne Imprimerie Centrale Aire-sur-Adour, 1936 ; p.16.
[9] LESBATS (Julien) ; Toponymie des Landes ; imp. Castay, Aire sur l'Adour, 1978, p.77.
[10] LABARRÈRE (Antoine) ; ib.
[11]
-
FOIX (Vincent) ; Vieux clochers,
vieilles ruines, Tome IX, f° 370bis ; Archives des Landes IIF912.
- DAUGÉ
(Césaire) ;
ib. ; p.17.
- CUZACQ
(René) ; Deux petits dictionnaires landais ;
Editions Jean Lacoste ; Mont-de-Marsan ; 1966.
- BOYRIE-FÉNIÉ
(Bénédicte) ;
Toponymie : Buglose, Maylis,
Goudosse ; in bull. soc. de Borda, 2ème trimestre
2007,
p.126.
[12] FOIX (Vincent) ; ib. Tome IX, f° 370bis.
[13] LEMOINE (Dr Jacques) ; Toponymie du Pays basque français et des pays de l'Adour ; éd. A. et J. Picard, Paris, 1977. p. 235.
[14] GAÜZÈRE (Roger) ; Origine des noms des villages landais ; Sauve-Terre, Anglet ; 2001, p.51.
[15] BOYRIE-FÉNIÉ (Bénédicte) ; Dictionnaire toponymique des communes Landes et Bas-Adour ; éd. CAIRN ; Pau ; 2005. Et Toponymie : Buglose, Maylis, Goudosse ; in Bull. soc. de Borda n° 486, 2007, p.126.
[16] SUPÉRY (Joël) ; Les Vikings au coeur de nos régions ; éd. Yago ; 2009 ; p.396.
[17] Voir GROSCLAUDE (Michel) ; Dictionnaire toponymique des communes du Béarn (éd. CAIRN, ed. Reclams ; Pau ; 2006). Et BOYRIE-FÉNIÉ (Bénédicte) ; Dictionnaire toponymique des communes Landes et Bas-Adour ; éd. CAIRN ; Pau ; 2005.
[18] Base de données IGN : http://www.ign.fr/rubrique.asp?rbr_id=741 (lien obsolète; consulté en 2008).
[19] Castillon-de-St-Martory est situé à l’ouest de Salies-du-Salat, ce qui indique qu’il se trouve dans la zone gasconne où le « n » intervocalique s’amuït.
[20] MORLET (Marie-Thérèse) ; Dictionnaire étymologique des noms de famille ; Perrin ; Paris ; 1991 ; p.649 au nom « Maillard ».