Extraits des POÉSIES de RAPHAËL LAMAIGNÈRE concernant DOAZIT |
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Notes de l'auteur ; Version en écriture normalisée, et traduction, de Philippe Dubedout (Pour la prononciation, on se reportera au recueil dactylographié des poésies de Raphaël Lamaignère, à la page indiquée)
- A l'abbé Robert, curè de Doasit, navèth canonge
- Au hrair, curè de Tòssa
- Extrèit de "La hèita de Mossur de Benac, Senhor de Pojalèr"
- Hèsta a Montaut en l'aunor deu curè, l'Onoré Lafitte
- Au Robert, lo curè de Doasit
- Au disnar de l'abbè Saubignac
- Ua Camada dens lo Borg de Doasit qu'i a Quaranta ans
- A Noste
- Extrait de "Au Petit Seminari d'Aire "
- Au canonge Robert, curè de Doasit
- A l'abbè Lafitte, curè de Montaut
- A la glòria deu Jan Darcet, lo sabent chimista
- Au Hrair
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A Doasit, un curè que vadè
cap-virat |
A Doazit, un curé devenait tourmenté de voir
la volaille des voisins dans son pré.
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Adara o tard vienut, que troberèi
un truc, |
Tôt ou tard, je trouverai un truc, et nous verrons
alors, qui est le plus maladroit. |
Qu'apèra la serventa.
-"Anatz, shens mei tardar, |
Il appelle la servante. |
Hèit com dit, lo curè,
qui se'n vienè d'Aulès, |
Fait comme dit, le curé, qui s'en venait d'Aulès,
passa par le jardin, sur le chemin des néfliers.
|
Suu seòt, ua vesia en tornar
de samiar |
Sur le soir, une voisine, en revenant de semer, regarda,
curieuse, dans le pré du curé. |
Que se'n va díser a tots :
-"Las polas, au curè, |
Elle s'en va dire à tout le monde : |
E dempuish aqueth temps, tots que
s'arregüeitàn |
Et depuis ce temps-là, chacun garda chez soi, coqs
et poulets, et glousses tout autant. |
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La marchande d'oeufs.
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Capvath Haget, ua joena
damisèla |
A Hagetmau, une jeune demoiselle se promenait sur la place où l'on vend les oeufs ; jupe courte et cheveux teints, elle jouait à la Madame. |
-"Combien, ces oeufs ?" ce
ditz en ua deu Mus. |
-"Combien, ces oeufs ?", demande-t-elle à une vendeuse du Mus. -"Pour vous, cent francs la douzaine" ; c'était le prix de la quinzaine. -"C'est cher !" dit-elle en faisant la moue (en allongeant le museau). Mais alors, vous manquez d'oeufs en cette saison ?" |
-"Pas mei qu'aquò ! Preu
Mus e per Aulès, |
-"Pas plus que ça ! Je pense qu'à Doazit, la volaille ne fait pas les choses à l'envers. (elle n'a pas la plume à l'envers : elle fait les oeufs à la bonne saison). Je vous le dis sans vantardise. -"D'où vient, alors, que c'est si cher ?" |
-"Lo qui pòt plan pagar
cent liuras en ivèrn, |
-"Celui qui peut payer cent francs en hiver, se fait chaque jour plus rare. Alors, quand on vend pendant la pleine saison, (quand on met la chaussure au mauvais pied (à pied tordu), à l'inverse de ce qu'il faudrait : au mauvais moment), on ramasse des oeufs à la pelle et on en demande le prix fort." |
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A mon frère, curé de Tosse |
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Qu'èi hèit, l'aut
jorn, l'amna sarrada |
J'ai fait, l'autre jour, le coeur serré, pèlerinage aux morts d'Aulès. J'étais seul sur le pré, et loin des journaliers. |
Los darrèrs flòcs bon
que flairèvan |
Les derniers bouquets de fleurs embaumaient sous les rayons d'un soleil brumeux ; et tous s'étalaient en beauté, sous le ciel blanchâtre. |
E que'us trobai devath la brosta,
|
Et je les trouvai sous les herbes, beaucoup d'amis gisants, mais surtout, ceux de notre famille, empilés comme des gerbes. |
Aquí, lo riche com lo praube
|
Là, le riche comme le pauvre habite dans le sillon ; et chacun attend l'aube qui lui ouvrira le ciel. |
Aquí, papà l'amna
leugèra |
Là, papa, l'âme légère, parti un jour avec un gémissement, dort sous le lierre qui habille le sillon. |
Mamà tanben, la bravolòta,
|
Maman aussi, la pauvre, on l'y porta un jour d'avril ; il y a vingt ans qu'elle est enterrée, et j'en ai la peine encore vive. |
Eths, qu'an la patz, nos qu'am la
pena ; |
Eux, ont la paix, nous avons la peine ; eux ont leur nid, nous avons à passer... Mais tous nous font entendre les leçons du cimetière. |
"Suu vòs camin, qu'ètz
shens defensa, |
"Sur votre chemin, vous êtes sans défense, souvent votre croix est grande ; portez-la sans offense, par les deux bouts s'il le faut. |
"Coratge, amics, e hatz la
halha |
Courage, amis, renoncez aux faux pas (faites-en un feu), priez souvent (genoux souple, pour s'agenouiller) ; suivez la trace de Dieu qui mène au Paradis." |
Puish, qu'èi hèit len
dens la capèra, |
Puis, je me suis reposé (j'ai soufflé) dans la chapelle, où j'ai laissé saigner mon coeur ; et j'ai mouillé paupière avant de m'en aller. |
Gran ben m'a hèit
l'arrevirada |
Ce retour en arrière, dans le champs des morts d'Aulès m'a fait grand bien ; et crois-moi, j'aime bien la leçon des cyprès
|
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La hèita de Mossur de Benac, Senhor de Pojalèr (extrèit) [intégralité] (P. 51) |
L'affaire de Monsieur de Bénac, seigneur de Poyaler (extrait) |
..... |
.... |
Preus tucs de Sent-Aubin perseguit
preu gahús, |
A travers les collines de Saint-Aubin, poursuivi par le hibou, par les landes de Maylis, et les ravins du Mus, vite après il descend chez le forgeron d'Aulès. |
- "On ès, hòu,
Peirolet ?"
|
-"Où es-tu, ho! Pierre ?"
|
E qu'estaca preu còth la
bèstia qui henilha |
Et il attache par le col la bête qui hennit, pendant que l'autre, à l'intérieur, fait tomber la chevillette. Un homme ouvre la porte, à tâtons, pieds nus, déhanché et chassieux, chauve, avec un bec-de-lièvre. |
- "En aquesta òra, ací
? Que's passa donc per vòste ?" |
- "A cette heure, ici ? Que se passe-t-il donc par
chez vous ?" |
- "saps pas se troberí
moneda en çò deu diable ?" |
- "Sais-tu si je trouverais de l'argent chez le
diable ?" |
Autanlèu lo sorcièr
dab un burc que torneja |
Aussitôt, le sorcier, avec un fourchon, remue une chaudière au pied cassé, devant la cheminée ; il y mélange du sang de serpent, un crapaud, du saindoux, et avec deux rafles de maïs, fait bouillir le tout, rapidement. |
- "Tot que's devira plan...
Anatz-ve'n, shens forçada, |
- "Tout se passe bien... Allez, sans vous presser, jusqu'au gué du "Passade". Un homme y sera... Sautez la passerelle, et tracez par terre, un cercle avec cette branche fourchue." |
- "Quant te devi, garçon
?"
|
- "Combien te dois-je, garçon ?" - "Ne
parlons pas d'étrennes.." |
Com dit, mieja òra après,
au tròt de la cavala |
Comme dit, une demi-heure après, au trot de la
jument |
Negue com un bohon, la perpèra
lusenta, |
Noir comme une taupe, la paupière luisante,
|
- "Abans d'anar mei lonh ; que
vorrí saber que't dar." |
- "Avant d'aller plus loin, je voudrais savoir quoi
te donner." |
E lo marquís, tot teut,
estomagat, |
Et le marquis, tout étourdi, estomaqué, vit
scintiller comme deux yeux de chat. |
E devath la lustror |
Et sous la lueur, il lut avec terreur : - "Bénac, seigneur de noble race, par ce papier, se donne au diable à tout jamais. Et, depuis aujourd'hui, signé, il recevra de l'argent en abondance s'il veut, chaque jour tant qu'il vivra." |
L'òmi, dab un ponchon que's
tira sang d'ua venha : |
L'homme, avec une piqûre, prit du sang d'une de ses
veines : |
Eishentiva, ua cagèca enter
temps que coicà, |
Effrayante, une chouette, entre temps, cria, et, au cri,
Bénac faillit se renverser. |
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Hèsta
a Montaut en l'aunor deu curè, l'Onoré
Lafitte, |
Fête à Montaut en l'honneur du Curé, Honoré Lafitte, en poste depuis quarante-deux ans. |
|
Après disnar tan bon on tots
am hèit palhat, |
Après un si bon déjeuner où nous avons tous bien mangé ( étendu une couche dans l'estomac), et puis aussi bien bu (ouillé), je me suis dit : " Sans trop forcer (sans te mouiller la veste), tu pourrais peut-être souhaiter sa fête à Honoré..." Maintenant, si j'en ai trop dit, coupez-moi le caquet, passez-moi le licol et clouez-moi le bec ! |
|
Gaujosas per Montaut qu'an virolat
las clòchas, |
Les cloches ont tournoyé joyeuses, à Montaut, et, de partout, les enfants, d'Arcet et de Brocas ont allongé le pas. Et nous, soldats à la parade, autour de cette pleine soupière, nous chantons aujourd'hui, le jubilé du fils du Pandélé. |
|
Que som vienuts, amic, au hum de la
pregària |
Nous sommes venus à cet anniversaire, ami, au fumet de la prière, et dans tout l'attirail des lumières et des fleurs, vous porter les plus belles efflorescences de nos coeurs. |
|
Endòra, pietadós, en
vòsta glèisa ompriva |
Tout-à-l'heure, avec ferveur, en votre église ombreuse, nous avons demandé au ciel que vous puissiez vivre longtemps heureux avec le troupeau que vous menez sans faux pas par plaines et coteaux. |
|
Desempuish cinquanta ans qui sèrvetz
lo bon Diu |
Depuis cinquante ans que vous servez le bon Dieu, vous avez su repousser les importuns (chasser les mouches gênantes). Et sans faire de manières, sans vous plaindre, vous avez toujours fait place nette à votre devoir. |
|
Deu cròish sortit "abbè",
que v'envian ent'Amor |
Sorti abbé de la coquille (du séminaire), on vous envoie à Amou, où avec votre oncle, vous sûtes garder la bonne humeur. |
|
Los vecaris, lavetz, qu'avèn
plec e tornura ; |
Les vicaires, alors, avaient souplesse et bonnes dispositions (pli et tournure) ; jamais ils n'auraient affronté leurs patrons... Ceux d'aujourd'hui, paraît-il, irascibles, qui prennent tout du mauvais côté, regimbent au joug, ils tirent de travers... Pour Pimbo, bientôt, vous partez ensemencer, et chasser la vermine... Là, pendant trois ans, Il fait beau savoir comment vous fîtes votre devoir ! |
|
Mès, d'Aire, un jorn, que
v'arriba ua letròta, |
Mais, d'Aire, un jour, il vous arrive une lettre, et, comme qui trotte, vous vous en venez nicher sur le piton de Montaut... Le nid a bien tenu !... Et, par tous temps (par froid et par chaud), bon ouvrier, avec aisance, toujours avec complaisance, depuis quarante ans et plus, jamais vous ne vous êtes arrêté pour souffler. |
|
A l'autar, tot matin, e com vos a la
missa |
A l'autel, chaque matin, comme vous à la messe nous prenons en main le calice. Mais aujourd'hui, nous y laissons tomber, odorant, fruité, comme un parfum du ciel, la fleur de l'amitié. |
|
Qu'at sàbetz : entre amics lo
còr n'a pas nat atge ; |
Vous le savez : entre amis, le coeur n'a pas d'âge ; le notre, est toujours jeune, il a même beau ramage ; et si vous avez plaisir à dire avec nous "O quam bonum !" (Oh que c'est bon) nous vous répondrons avec le "Quam jucundum." (Que c'est agréable). |
|
Au mange tiénetz bon ! Qu'atz
la pluma lusenta, |
Tenez bon au manche ! Vous avez la plume luisante, et, si une fête comme aujourd'hui, une autre fois se présente, ici, nous ferons à nouveau retentir le Kyrie, et nous reboirons aussi une gorgée de champagne ! |
|
Alòm ! Viratz v'ec plan
!...
|
Allons ! Sortez-vous-en pour le mieux!... J'ai terminé mon amusette... De Doazit, Maylis, Saint-Aubin, Toulousette, D'Aire, de St-Sever, de Luxey, de Banos, Nous vous disons, rubis sur l'ongle : "Ad felices annos !" (Vers d'heureuses années)
|
1- Son oncle, le doyen, l'abbé Deyris.
2- Tous les
prêtres et curés présents.
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|
Sans crainte, cher ami, de
paraître import-- |
1, |
..... importun, |
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(P. 93)
|
Au déjeuner de l'abbé Saubignac, nouveau prêtre, Comme moi fils de Doazit, le 29 octobre 1944. * |
Après disnar tant bon on tots
am desglosit |
Après un si bon déjeuner, où nous avons tous dégluti, un gueuleton de jour de noce qui ne sentait pas le réchauffé, Robert m'a dit, en me donnant une poussée : "Allons ! C'est le moment ! Deux mots sans accroc !" Alors, je me suis levé... Mais, si je m'emmêle le fil, nous lui rendrons la pareille à cet oiseau ! (alouette). |
Uei matin, lo "Plaçòt"
qu'a carrilhoat las clòchas,*4
|
Ce matin, "Plassot" a carillonné, et j'ai vu par les chemins hommes, femmes et enfants, à la queue-leu-leu, ainsi, du "Clots" à "Mondiron", De "Guirouse" au "Lanot", et du "Proulh" à "Méron". |
E Maugrè lo plogèr, lo
hred e la ventada |
Et malgré la pluie, le froid et le vent, ils sont venus t'applaudir à pleines charretées. C'est un beau jour pour toi, grande fête pour les gens du "Guit", et je m'en voudrais de ne t'avoir suivi... |
En glèisa, ger matin, endòra
dab la fresca, |
A l'église, hier matin, tout-à-l'heure avec la fraîcheur, après un "Te Deum" bien chanté (tressé bien droit), je t'ai porté les plus belles efflorescences de mon coeur devant l'autel paré de lumières et de fleurs. |
Qu'ès prêtre, amic !
Ací, parelh com en cadèira |
Tu es prêtre, ami ! Ici, tout comme en chaire je t'en fais compliment, en levant mon verre. Trente-deux avant toi, si j'ai bien su métrer, ont poussé à Doazit comme cèpes sous les chênes. |
E qu'arribas tanben tà préner
la seguida, |
Et tu arrives aussi pour prendre la suite, après mille obstacles et plus d'une secousse. A Poyanne, attaché dix ans à la mangeoire, tu as fini par couper le noeud de tes entraves. |
Com d'auts, qu'èras partit
entà servir la França, |
Comme d'autres, tu étais parti pour servir la France, mais, tu as eu la chance d'en revenir sain. Ah ! qu'il te seyait bien le galon d'aspirant ; mais l'habit de curé te donne un air plus grand ! |
Vè-i ne donc d'ara enlà,
dab coratge, a l'obrada ; |
Va donc, dorénavant, avec courage, à l'ouvrage ; et, si tu doit te protéger, comme nous, contre quelque averse, rappelle-toi que le ciel, avec l'aide de Dieu, s'éclaircit toujours quand il a été assez pluvieux. |
Tira en abans shens paur ; tu, qu'ès
joen ; qu'as l'aviéner ; |
Avance sans peur ; toi, tu es jeune ; tu as l'avenir ; avec tous, j'en suis sûr, tu sauras t'accorder. Va ! Le monde est grand... Où que tu sois établi, n'oublie pas, ami, que tu es un fils de Doazit ! |
3- Le curé de Doazit.
4- Le chantre et sonneur.
5-
Sa maison natale.
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Chez nous |
|
Preu borg amistós de Doasit
|
Dans le bourg amical de Doazit - nos aïeux avaient choisi - pas sans suée, - bien exposé au soleil - un toit qu'on appelait "au Yunat", - pour la nichée |
Aquí vadón tres
mainadets |
Là, naquirent trois enfants - dégourdis, lurons, frais et blonds, - bouquets de famille, - Le papa était sacristain, - la mère vaillante, sans contredit - et sans esquille. |
Nid estretòt, mès fièr
larèr |
Nid étroit, mais fier foyer - avec un jardin sur l'arrière - où nous nous amusions ; - et, comme l'oiseau sur la branche - regarde le ciel en faisant roun-roun, - nous nous apprivoisions. |
Per temps, los praubets au taulèr
|
Parfois, les mendiants, à table - venaient avec nous, l'air doux - casser la croûte ; - et puis, agenouillés devant la croix - ils faisaient des tas de prières - avec notre famille. |
Mès, un jorn, deu teit
aimadiu |
Mais un jour, du toit aimant - partirent les frères, faire pour le bon Dieu - bonne semaille. - Et, avec ma soeur, seule à la maison - maman voulut, le coeur vif, - tenir et répondre. |
Temps qu'a corrut... Los dus au
clòt |
Le temps a couru.. Les deux dans la fosse - d'Aulès, dorment côte à côte, - main méritante ; - Mais s'ils ont les os dans la prairie - ils ont laissé dans la maison - l'âme vivante. |
Praube "Junat", ton
sovenir |
Pauvre "Yunat", ton souvenir - jamais, moi, je ne l'ai vu faner, - malgré le temps ; - Mais quand je prononce ton nom, - j'ai le coeur en émoi, - comme un enfant. |
Nid, on es morta nosta vutz,
|
Nid où est morte notre voix, - en toi sont les vertus des anciens - toujours vivaces... - Amis, qui passez après nous, - n'oubliez pas, coeur compatissant, - les Lamaignère. |
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Extraits de "Aus Seminaris d'Aire * Au Casteth Seminari
de Pojane * Au coletge de Dax." (P. 136) |
|
Que'm hei un punt d'aunor - preus
ans benlèu blasit - |
Je me fais un point d'honneur - bientôt fané
par les ans - de me dire qu'on m'a donné la béquée
au pays de Doazit : |
A noste, qu'èram sheis, plan
sarcits dens la garba |
Chez nous, nous étions six, bien serrés dans la gerbe : Firmin, Felix, nés au "Barbe" ; Isidore, Siméon, formés (bien jambés) pour le travail, Raphaël, Louis, comme eux éduqués. |
Que'm volí har curè...
Mès, on trobar moneda ? |
Je voulais me faire curé... Mais, où trouver
l'argent ? Maman ne portait pas le mouchoir de soie.
|
Que hesí l'aprentís en
prechant dens ua caissa ; |
Je faisais l'apprenti en prêchant dans une caisse ; et ils étaient tous là : Hélène avec ses tresses, mon frère avec sa petite robe, et tous les autres enfants qui venaient tous en rond s'agenouiller sur les planches. |
Au latin, tà benlèu,
que'm hicàn dab Lapègue*155 |
On me mit bientôt au latin avec Lapègue qui
me fit marcher droit dans le rang plus d'un an. |
151- Firmin, jésuite, mort à Madagarcar, en 1883.
Son frère, Félix, ancien curé de Montaut, mort
curé de Tilh en 1875.
152- Isidore, supérieur de
Maylis, mort en 1918. Siméon, curé de Luxey, mort en
1946.
153- Raphaël, curé de St-Aubin. Louis, curé
de Habas.
154- Ma soeur.
155- L'abbé Lapègue,
le vicaire, mort curé de Lüe.
156- L'abbé
Brun,curé de Doazit, ancien professeur de seconde au vieux
collège d'Aire, mort à Maylis où il avait été
prendre sa retraite.
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[Raphaël
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|
||
A l'estuda deus grans de haut
aporicat, |
A l'étude des grands, haut perché, nous avions comme surveillant maître Filloucat. Ancien sous-officier, c'était un turc, une mauvaise tête, qui jamais ne relâchait un pli de sa gorge. Les bons à rien, les moqueurs, les pendards, les malicieux, tous, à "l'Ignominie" il les envoyait ensemble. Et le dimanche suivant, au cahier ils avaient "deux" avec souvent du supérieur, un compliment sur le nez.
|
157- De Doazit, mort curé de Saubion.
158- C'était
une table branlante, sans pupitre, réservée aux plus
dissipés de l'étude, sans distinction de personnes.
159- C'était la plus mauvaise note, figurant sur celles de
la semaine, comme conduite générale à l'étude.
160- Le supérieur.
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Habas, le 24 mars. Installation de mon frère curé.
|
||
A nueit, amics, qu'èi hèit
un rebe, |
Cette nuit, amis, j'ai fais un rêve, doux et plaisant en me couchant. S'il ne doit pas vous donner la fièvre j'aurais plaisir à vous le raconter... Je voyais donc courir les enfants par les chemins au triple galop, et tring et trang faisaient les cloches en tournoyant à Habas. |
|
E que'm disón : "Uei
qu'am la noça |
Et elles me dirent : "Aujourd'hui nous avons la noce d'un curé bien réussit, et qui, d'un mois sur la lune rousse, nous arrive tout frais, de Tosse.Nous, nous l'avons vu, sortant des jupes avec son oncle, ici, tout petit ; aujourd'hui sevré, le front fier, il nous revient curé de Habas." |
|
E las duas mans sus la frimosa |
Et les deux mains sur le visage, je me réveillai tout rajeuni ; et il me sembla voir, amicale, l'aube où autrefois, je tressai le nid. Il y a longtemps de cela... La rouille du temps a fait des dégâts sur moi ; Mais si j'ai perdu du crin et la jeunesse de peau, jamais je n'ai oublié Habas |
|
Beròi peís on tot
clareja |
Beau pays où tout resplendit, le bleu du ciel, l'herbe et la fleur, où tout écumant se répand le courant du Gave vagabond. Terre de choix d'où fume encore sans se coucher, la foi des anciens ; honneur, vertus à plein tiroir trouve-t-on toujours à Habas. |
|
Tu, hrair, vèn donc ! Pren la
seguida |
Toi, mon frère, va donc ! Prends la suite d'Isidore, l'oncle curé ; Comme lui, sans peur, largue la bride, comme lui, sois un bon ouvrier de Dieu. Jette de la semence, la main vaillante, et tu empileras un beau gerbier ; Et toi, en bonne entente avec tous, puisses-tu vivre heureux, à Habas ! |
161- Notre oncle Isidore, fut curé de Habas de 1896 à 1904, avant de devenir supérieur des Missionnaires de Maylis. Moi d'abord, et puis mon frère, nous allions passer avec lui, et une vieille grand'tante, une bonne partie de l'année.
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|
||
Qu'avi sèt ans... Tatàn
Carmèla*162 |
J'avais sept ans... Tatie Carmèle, un soir, me dit : "Tu connais la nouvelle ? Si tu es sage et bien portant, si tu ne dois pas être volage je t'emmènerai avec l'attelage demain, au marché de Mugron." |
|
E jo, content, devath l'apriga |
Et moi, content, sous la couverture, la nuit je ne pus pas dormir du tout, et je me retournai sur le lit, le lendemain matin, sans faire de cabriole je fus levé avant l'aube ; et je n'avais en tête que Mugron. |
|
Un còp passada la
culòta, |
Une fois enfilée la culotte, maman
sortit un tout petit sou du tiroir d'une petite table : |
|
Que saludam Mailís-la-Blanca, |
Nous saluâmes Maylis-la-Blanche, et
Saint-Aubin où nous nous arrêtâmes : |
|
Benlèu, deu som de la
costeta, |
Bientôt, du haut d'une côte, nous vîmes luire à travers le feuillage la bavette du joli clocher, et dans la ville poussiéreuse je me sentis battre l'âme heureuse, quand nous dételâmes en plein Mugron. |
|
Çò que vedoi, n'at
saurí díser ; |
Ce que je vis, je ne saurais le dire ; Mais
j'en perdis, je crois, la parole et l'appétit au
panier. |
|
Hesom un torn... Dens ua
botiga |
Nous fîmes un tour... Dans une
boutique, nous entrâmes acheter trois empans de cordonnet
et deux bonbons dans un cornet. |
|
"Se vos, madama, e'u vòletz
véner, |
"Si vous voulez le vendre, madame, revenez ici, vous chercher le paiement, pour le marché de Toussaint. Je lui donnerai, s'il veut se rendre agréable, des oignons sur le plat, cuits dans la cendre, et puis de la méture de Mugron." |
|
Lo ser, mamà que'm ditz :
"Qu'ès triste ! |
Le soir, maman me dit : "Tu es triste ! Tu me fais la
moue... Allons ! Mange vite !" |
162- Ma grand'tante, dont j'étais le choyé.
163-
Toussaint.
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[Raphaël
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|
||
Au canonge Robert, mèste en
pè de Doasit, |
Au chanoine Robert, maître en pied de
Doazit, |
164- Resté longtemps malade l'année d'avant.
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A
l'abbè Lafitte, curè de Montaut, nomat canonge
per l'avesque. 26 janvier 48 |
A l'abbé Lafitte, curé de Montaut, nommé chanoine par l'évêque 26 janvier 1948 -
|
|
Vos qui portatz crotz en baveta |
Vous qui portez croix sur la bavette et la chamarre par dessus le tout, je suis heureux de vous faire courbette, nouveau chanoine de Montaut ! |
|
Cinquanta ans a benlèu, shens
un hum d'arrauquilha, |
Depuis bientôt cinquante ans, sans un soupçon d'enrouement, le poing plein d'épis garnis de grains, par plaines et coteaux, toujours sans aucune esquille vous avez mis en gerbe pour le bon Dieu. |
|
Plegadís au dever qu'atz pres
mantua sudada ; |
Souple au devoir vous avez pris plusieurs suées ; sous le joug, jamais vous n'avez dit "non" ! Mais, aujourd'hui, trouvez comme en bouquet, la nichée d'âmes qui font votre honneur ! |
|
Quenh atge atz ? Jo n'at sèi...
Pr'aquò qu'atz bròi plumatge, |
Quel âge avez-vous ? Je ne sais... Mais vous avez beau plumage et l'œil vif, par dessus le marché ! N'êtes-vous pas de Doazit, où tous ont bon ramage, jamais rien de déchiré ? |
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Totun, com dab los ans los rumes son
a crénher, |
Toutefois, comme avec les ans, les rhumes sont à craindre, notre évêque, bien levé (du bon pied), pour vous protéger du froid, vous a mis sur le dos le manteau dont nous avions rêvé. |
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Portatz, portatz long temps
l'agradiva shamarra ; |
Portez, portez longtemps l'agréable chamarre ; mais, ne vous écorchez pas les os ! Loin de tout faux pas, loin de toute bagarre, hardi, faites-lui gagner les sous ! |
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Suu plec beròi lusent de la
blanca pelissa, |
Sur le pli bien luisant de la blanche pelisse, tous ceux de Montaut, jeunes ou vieux, finie la noce du camail, feront demain un fier troupeau. |
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E que vorrí shens fres, en
tota galantisa, |
Et je voudrais sans frais, en toute galanterie, moi, petit curé de Poyaller, ici, du "Pax tecum" en Dieu, envoyer la bise a mon ami du Pandelè. |
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Mèmes, se'u pòdem
véder, un bèth jorn, centenari, |
Même si nous pouvons le voir un beau jour centenaire, alors, joyeux, nous reviendrons à son foyer par les chemins, en changeant l'ordinaire, pour brûler l'encens à Honoré. |
165- Sa maison natale à Doazit.
166- Honoré, son
prénom.
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Lamaignère]
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17 de heurèr 48 |
Mission de Doazit 17 février 1948
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Amics, sedut a vòsta
taula, |
Amis, assis à votre table, - ici laissez-moi le plaisir - comme un gascon qui rit et qui grogne - de vous dire un mot tout à loisir. |
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Herèi d'abòrd la
reverença |
Je ferai d'abord la révérence - a ce chanoine rajeuni - qui, l'autre jour, en apparence - faillit se laisser tomber du nid. |
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Bròi qu'es tornat a
l'arrevita, |
Il a joliment ressuscité, - et, comme avant, il peut piailler ; - même si on lui cherchait des noises - en bon Robert, il saurait se défendre ! |
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Molet solide, shens montura, |
Le mollet solide, sans monture - il s'en va par les sentiers d'Aulès, du Mus !. - Allons donc, il n'a pas perdu son souffle - quand il fait retentir les oremus ! |
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Diu que nse'u guardi shens
macada, |
Que Dieu nous le conserve en bonne santé, - longtemps encore à Doazit ; - et qu'il fasse fleurir le bien - avant de s'en aller au ciel ! |
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Com au primtemps flaira la
brosta |
Comme le feuillage embaume au printemps - je viens respirer avec vous messieurs - un petit relent de la mission, - hors de chez moi, pour me convertir. |
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Tu, hòu, gran mèste
Detchenique, |
Eh, toi,, grand maître Detchenique, - et toi, Robert, le fin neveu, - vous viendrez à bout, courage, - du mal qui nous égratigne. |
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E, deu "Laurai" duncò
"Guirosa", |
Et du "Lauray" à "Guirouse", - et de "Lapigue" à "Campsuson", - à ceux qui ont la figure teinte - vous enlèverez plumes et duvets. |
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Au miei d'un monde qui's
desconha |
Au milieu d'un monde qui se détraque - avec les incitations diaboliques, - vous saurez sortir du ravin - les folles victimes de l'aveuglement. |
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E tu, peís de bona traca |
Et toi, pays de bonne qualité - où il m'a tant plu de vivre, - reste attaché au bien : - sauve l'honneur de mon Doazit ! |
167- Missionnaires de Buglose.
168- Ravins.
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[Raphaël
Lamaignère]
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A la glòria
deu Jan Darcet, lo sabent chimista |
A la gloire de Jean Darcet, le savant chimiste né à Doazit ou Audignon(?) le 7 septembre 1724 mort à Paris le 13 février 1801
Traduction de l'auteur : |
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En 'queth peís on tot
verdeja |
En ce pays qui garde ses vertes frondaisons, et où le bleu du ciel se profile sans nuages, mon coeur, toujours vivant de souvenirs, chante quand il le peut les gloires de Doazit. |
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Tèrra de choès, aquí
qu'an volut vàder |
Sur cette terre de choix, ont voulu naître des gens de toute condition, qui méritent l'aubade ; mais si je devais entonner le verset, je brûlerais tout d'abord mon grain d'encens à Darcet. |
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Aqueth nom deu sabent com la bròja
floreta |
Ce nom de nos anciens*169, telle la jolie fleur des champs, refleurit toujours pour nous, dans sa lumineuse clarté ; Doazit peut se le passer de main en main, et le bénir, l'âme vaillante. |
69- Le texte traduit comporte une variante : "Aquét nom dous Anciéns..."
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[Raphaël
Lamaignère]
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29 de julh 1948
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Dejà vint-e-cinc ans... Com
lo temps passa viste ! |
Déjà vingt-cinq ans... Comme le
temps passe vite ! |
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Manòbre deu bon Diu, qu'as
hèit mantua socalha, |
Manoeuvre du bon Dieu, tu as fait plus d'un labour, tu as ensaché du froment et rempli le grenier ; et tu as même embelli ton champ de bouquets, comme un bon journalier |
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Rapelé't !... L'Isidòr,
lo Simeon e los Barbes,*170 |
Rappelle-toi ! Isidore, Siméon et les
Barbe, |
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Hala au jun, com nosauts ! Maugrè
lo vent qui conha |
Tire sous le joug, comme nous ! Malgré
le vent qui cogne et qui entraîne tout, lève les
bras au ciel ; et tout ce qui était embourbé |
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Deus òmis en·holiats
hora aus pès la maliça, |
Foule au pied la malice des hommes rendus
fous, et tant pis pour la croix... Le Maître le veut
ainsi. |
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Diu que't hèci la graça
a l'aujor de l'ostia, |
Que Dieu te fasse la grâce au rayonnement de l'hostie, de porter haut et longtemps le flambeau de son nom ; alors, avec "vaillance" tu pourras te reposer... plus beau sera ton ciel |
170- Nos parents prêtres et missionnaires.
171- La
fondrière.