LA PAROISSE DE SAINT-AUBIN (LANDES)

Pages d'Histoire Locale d'après les Documents Officiels
R. LAMAIGNÈRE Curé de Saint-Aubin
1938

Permis d'imprimer : J. BORDES, vic. gén.

[texte de l'édition de 1938, imprimerie Bonne Presse du Midi, Vaison-la-Romaine (Vaucluse), augmentée de quelques notes manuscrites de l'auteur, portées sur un exemplaire de cette édition.]

[Sommaire Doazit] [Raphaël Lamaignère]

 

AVANT-PROPOS

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        Heureux, a-t-on dit, les peuples qui n'ont point d'annales. Plus heureux, croyons-nous, ceux qui ont écrit à travers les siècles des pages à la fois glorieuses et instructives, dont on peut aujourd'hui retirer un utile profit.

         En ces temps où l'histoire locale rencontre partout la faveur du public, nous voudrions sortir de l'oubli et faire revivre aux yeux de nos contemporains, les événements du passé ; nous voudrions leur montrer le vrai visage de la Paroisse, tel qu'il nous est apparu à nous-même, dans les Archives, la tradition et les souvenirs. Pour imparfaite que soit cette étude, elle n'en reste pas moins le fruit de longues et patientes recherches. Nous sommes persuadés, que n'ayant rien sacrifié au souci de la vérité, ce modeste travail satisfera la légitime curiosité de ceux pour qui la vie religieuse de Saint-Aubin est demeurée jusqu'à l'heure un sanctuaire fermé ou imparfaitement connu.

        Daigne le Ciel bénir cette entreprise et garder au cœur de la génération présente, le culte de sa terre " mayrane " qui est aussi le nôtre, avec l'amour persévérant de la petite patrie où vécurent nos ancêtres, où se rencontrent aujourd'hui nos foyers et nos autels, où se débattent enfin, si péniblement parfois, tant d'intérêts communs.

R. L.

RÉFÉRENCES : Archives de la mairie. - Cahier paroissial de M. l'Abbé Moumiet. - Registres de l'ancienne Fabrique. - Divers auteurs cités dans le cours de l'ouvrage. - Témoignages oraux recueillis sur place.

 

PREMIÈRE PARTIE

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LA PAROISSE DE SAINT-AUBIN

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CHAPITRE I

        Géographie. - Fondation et formation de la paroisse. - Population. - Curés et Vicaires. - Prêtres originaires de Saint-Aubin. - Maires de Saint-Aubin.

        I. - Le voyageur qui va de Mugron à Hagetmau rencontre sur sa route un village dominé par la tour d'une vieille église romane, à l'ombre de laquelle s'abrite une population aimable et laborieuse : c'est Saint-Aubin.

        La paroisse de même nom qui s'étend sur une superficie calculée de 970 hectares, est située au cœur de cette Chalosse que certains se sont plu à appeler l'Eden des Landes, et où le Ciel semble, en effet, avoir voulu dispenser avec l'infinie variété de ses panoramas, la douceur de son climat et la fertilité de son sol, le charme de ses dons les plus riches et les plus enchanteurs. Ses points culminants sont : Pebos et Pouyo (83 m. ), Poyaler (95 m. ) et Robert (107 m. ).

        Du haut de ces coteaux, l'œil ravi peut contempler ces beautés toujours anciennes et toujours nouvelles, de champs, de vignes, de bosquets où jamais l'harmonie des couleurs ne se heurte ; ces points blancs des maisons miroitant au soleil et jetés pêle-mêle à travers les campagnes. Ici et là, pareils à des cimes qui émergent au-dessus d'un océan tranquille, se détachent les clochers de Montaut, Brocas, Horsarrieu, Doazit, Le Mus, Maylis, Maylis à qui la Vierge semble avoir voulu donner pour mission de veiller sur les pays d'alentour, Larbey, Montfort, Lourquen, et Poyanne. Et là-bas, comme toile de fond mettant le point final à cette page de sublime poésie, se profilent les horizons immenses où viennent se perdre dans le scintillement de leurs neiges éternelles, les pics et les monts pyrénéens.

        Saint-Aubin est traversé dans toute sa longueur par un ruisseau aux hautes berges, que connaissent bien pour son savoureux goujon les fervents de la gaule : La Gouaougue. Celle-ci met en mouvement les meules sonores des moulins de Biéla et de Poyaler.

        Ce dernier est tributaire des sources de Peyradère, une des plus intéressantes curiosités naturelles de toute la région. Sortant, en effet, comme un tourbillon d'un tunnel souterrain, les eaux dont le débit horaire déroute tous les calculs, forment aussitôt un torrent large de 4 mètres, toujours abondant même au plus fort des étés, et qui s'en va à travers un lit de rochers grossir la petite rivière, quelques détours plus loin.

        Le 15 mars 1791, en exécution du décret de l'Assemblée Nationale, la municipalité fixa la confrontation des sections qui devaient composer la commune, et décida qu'il y aurait désormais trois quartiers bien distincts : Saint-Aubin proprement dit, Poyaler et Malabat (1). C'est en Malabat que se trouve la magnifique forêt de chênes qui, non seulement fait l'orgueil du pays, mais encore et surtout permet à l'administration communale de parer chaque année aux dépenses de son budget ordinaire.

        Saint-Aubin compte deux routes de grande communication, les numéros 8 et 18. Ses chemins vicinaux permettent d'arriver sans trop de peine jusqu'aux limites extrêmes de la localité.

        Une cabine téléphonique reliée au central de Mugron est ouverte au public depuis novembre1926.

(1) Malabat, étymologiquement Mau-labat, région inondée par les eaux de la Gouaougue et du Louts, (Meyranx).

 

        II. - La plupart des paroisses furent fondées entre les IVe et VIIIe siècles, en ces époques de foi où les progrès constants du christianisme obligeaient les évêques à multiplier autour d'eux les lieux de réunion pour leurs fidèles. Il nous est donc permis de supposer qu'il y eut dès lors chez nous un centre religieux, jusqu'au jour où la paroisse prit son véritable nom au VIIIe siècle, après la mort de Saint-Aubin, évêque d'Angers, qu'elle constitua son gardien.

        Dès les guerres de Religion et jusqu'en 1789, notre communauté fit partie de l'Archiprêtré de Chalosse ou de Doazit, qui comprenait 29 églises ou annexes. Son curé était présenté à la nomination de l'évêque d'Aire par les Seigneurs de Poyaler. Les conférences ecclésiastiques pour la région, se tenaient à Saint-Sever.

        Le 1er messidor an XII (1801), il fut question de confier au seul curé de Saint-Aubin, la desserte de Brocas, Hauriet, Larbey, Bergouey, Marquebielle (Saint-Cricq), Doazit et Maylis. Les raisons de cette détermination nous paraissent aujourd'hui un peu simplistes : " Saint-Aubin possède une belle église, un logement convenable servant de presbytère, et des routes commodes... " Les populations sacrifiées ne tardèrent pas à faire entendre leurs plaintes ; et M. Méchin, préfet des Landes, dut pour calmer l'opinion rapporter immédiatement la mesure. D'ailleurs, sa décision n'était que transitoire, puisque bien vite après, le Concordat devait refaire à travers le pays le tracé des paroisses.

        En 1808, une ordonnance Impériale détacha Malabat de la juridiction du curé de Saint-Aubin, pour le donner au doyen de Mugron. Elle fut motivée par l'impossibilité qu'eurent de tout temps les cortèges funèbres à traverser la Gouaougue gonflée par les eaux et à conduire ainsi les morts à Saint-Aubin.

        Enfin, en 1843, les agglomérations de Thoumine, Saint-Germain et Teoulè, furent enlevées à Saint-Aubin et cédées à Maylis qui venait d'être érigé en succursale par le gouvernement de Louis-Philippe. Ce n'est pas sans récriminations que les quartiers visés acceptèrent de changer de clocher ; et devant l'effervescence générale, le maire crut bon d'avertir l'Evêché. Comme compensation, Mgr Lannéluc confia au curé de Saint-Aubin le soin de Poyaler qui, au spirituel, avait jusque-là dépendu presque exclusivement de Larbey.

 

        III. - Depuis longtemps, la France souffre d'un mal affreux qu'on ne saurait trop flétrir : la dépopulation.

        En 1790, Saint-Aubin, comptait 846 habitants et 172 foyers ; le recensement de 1936 n'accuse plus que 612 âmes et 146 familles, Malabat compris.

        L'enfant est devenu aujourd'hui la chose gênante au foyer domestique. Si nos pères le regardaient comme une bénédiction du ciel, un rayon de joie pour le présent et un secours pour l'avenir, le ménage moderne ne cherche plus guère à s'embarrasser de berceaux ; et de cette restriction volontaire des naissances, le pays se meurt à petit feu. Sans doute, nos hommes politiques ont préconisé des réformes sociales fort bonnes en elles-mêmes, mais dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles demeureront inopérantes aussi longtemps quelles n'auront pas restauré dans les cœurs la notion de l'idée religieuse, la foi au devoir, l'espérance en Dieu et la crainte de sa justice. Notre pauvre société humaine s'est, en effet, tristement imaginé qu'elle pouvait se passer de ce que l'on est convenu d'appeler, les " Valeurs morales et spirituelles ".

        Et voilà que par un brusque retour des choses, ces mêmes " valeurs " ont fini par prendre une revanche terrible. Tout-à-coup, la France s'aperçoit que non seulement elle dépérit et s'étiole, mais encore qu'elle est en train de laisser effacer son nom des cartes géographiques de l'Europe : son égoïsme a été pour elle le plus mauvais calcul. Pendant ce temps, certaines nations voisines fières de leur prodigieux accroissement et de leur force militaire, relèvent hardiment la tête et redeviennent menaçantes...

        Si, à Saint-Aubin, le mal paraît moins grave qu'ailleurs, l'ange exterminateur de la race y poursuit cependant ses ravages, et chaque année nos statistiques se font de plus en plus douloureuses. D'autre part, la ville exerce sur la campagne un attrait irrésistible, avec ses salaires faciles, son existence aisée et ses plaisirs variés. Et c'est ainsi que, faute de bras, l'herbe a fini par pousser là où jadis se creusaient les fertiles guérets. Qui donc entend parler aujourd'hui des maisons détruites ou inhabitées de : Petit-Berdon, Bouhebén, Brunat, Candau, Capdebos, Chambord, Chrestian, Coste-rouye Guillon, Petit-Haurés, Laouzet, Lapacholle, Grand et Petit Lapalu, Lasserre, Manoun, Petit-Maysouéou, Noguè, Palet, Passant, Péluzon, Piolle, Pouchiou, Priou, Sioulét, Tèchoun, Ticoun, Toni, Yaoumes... Et j'en passe. (1)

        Beaucoup de nos contemporains comprennent peut-être que la vraie richesse, c'est la vie ; mais beaucoup aussi ont peur de la vie. Or, le problème reste entier : croître ou disparaître.

(1) Autres noms, d'après les archives de la mairie (25 floréal an IX) 15 mai 1801 : Pt Minjoulet, Salles, Mas, Pt Houchon, Campet, Pougnoun, Angoumaou, Blazi, Boudin, Dulaou, Lous(... . ), Laurens, Pt Salles, Laloubère, Benedit, Latilloune, Laporte, Lahoun, Fargatte, Machine, Nadon, L(... . ), Micoun, Toye, Pétarrade, Saubadu, Fabian, Bignot, Landrè, Lamarque, Tricq, Pt Coumet, Y(... . ), Yaumet, Sirbén.

 

        IV - Nous ne connaissons pas le nom des divers curés qui jusqu'au moment des guerres de Religion desservirent Saint-Aubin. Mais, depuis 1571 jusqu'à la loi du 20 septembre 1792 qui fit passer dans les mains du pouvoir civil les registres de catholicité tenus par le clergé des paroisses, il nous a été facile d'en fixer la liste officielle et complète qu'il nous plaît ici de transcrire.

        Les archives de la mairie remontent à 1621. Toutes celles qui datent d'avant la Révolution ont été déposées en 1936 à la préfecture des Landes. Les abbés de Laborde et Delisle nous y ont laissé des modèles du genre, calligraphiés avec un soin jaloux, et enrichis d'enluminures savantes, de citations tirées des Saintes Ecritures, d'odes latines parfois originales, qui contrastent avec la tenue hâtive et quelque peu négligée de certains livres municipaux actuels.

        Voici donc, d'après leur signature, le nom des anciens curés :

        Jean Duvignau, en 1571, maître ès-arts, premier titulaire de la paroisse après les guerres de Religion. Il eut à relever les ruines de l'église et à lutter contre l'erreur protestante qui, à cette époque, gagnait notre région.

        Jean Comet, date incertaine.

        Saint-Genez, en 1621.

        Valentin de Lestage, de 1621 à 1652. Il avait un frère, Vincent, qui fut curé de Larbey de 1630 à 1657, et qui vint plus tard mourir à Saint-Aubin.

        Cassarré (1652-55) " fils de Bigourre ", docteur en théologie, prébendier de N. -D. de Cauna, qui après trois ans de possession fut débouté par l'Abbé Moncurcq, nommé à la demande de Mlle de Bénac, sœur du marquis de Poyaler.

        François Moncurcq, 1655-77, ancien vicaire de Mont-de-Marsan.

        De Laborde, de 1677 à 1701.

        Bernard de Laborde, 1701-20, neveu du précédent, vicaire de Saint-Aubin, nommé sur place curé de la paroisse.

        Jean Laloubère, de Doazit (1720-33). " Prestre d'un esprit et d'un savoir supérieur. Directeur au Séminaire d'Aire, curé de Dume, puis de Saint-Aubin, curé de Saint-Cric près Villeneuve où il devint un peu visionnaire et très desrengé ".

        Tauzin, 1733-55, qui permuta avec le précédent.

        Victor Delisle, 1755-78, chanoine d'Aire, docteur en théologie, venu de Lucbardez. Il fut pendant son ministère, particulièrement intéressé à la restauration de notre église.

        Lafaurie, pro-curé en 1778.

        André Fossats, de 1778 à 1789. Il mourut presque subitement à l'âge de 49 ans et dut être enterré le jour même par ordre du médecin, " pour éviter des accidents feunestes. "

        Dominique Dupérier, de Mugron, 1789-1842. Il sera plus spécialement question de lui, dans la partie historique de ce travail.

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        Les Registres des délibérations de l'ancienne Fabrique consignent, depuis 1843, le nom des autres curés :

        Etienne Faudouas, venu de Pey, (1843-75). Il se retira à Saint-Sever, où il mourut chargé d'ans et de mérites.

        Jean-Jacques Passicos, de Mant. Missionnaire de Buglose en 1857, délégué à Maylis en 1864, curé de Saint-Aubin en 1875, nommé un an plus tard supérieur des chapelains de Maylis.

        Jean-Henri Camicas, 1876-81, vicaire de Mugron, transféré à Benquet, après avoir remis à neuf l'intérieur de notre église et s'être dépensé au bien des âmes, sans souci de lui-même.

        Antonin Théron de Ladevèze, arrivé en novembre 1881, ancien curé d'Uza, retourné en juin 1882 à Saint-Etienne de Souprosse, sa première paroisse.

        Saint-Aubin reste ensuite sans curé pendant onze mois, en raison de la décision prise par la municipalité d'enlever aux dépendances du presbytère, le terrain destiné à la construction des écoles. L'entente ayant fini par se faire entre la préfecture et l'évêché, Mgr Delannoy envoie en juin 1883, le R. P. Pierre Fescaux, de Maylis. Celui-ci revint dans sa famille en 1887.

        Alphonse Moumiet, 1887-1911, né à Saint-Sever. Ordonné prêtre en 1872, professeur au collège de Dax (1872-76), vicaire de Miramont (1876), curé de Sarraziet (1877-87). Prêtre zélé, renouvela la paroisse en y créant les œuvres demandées par son temps. Emporté par une crise d'asthme, à l'âge de 65 ans.

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        Depuis la loi de Séparation et la mort de M. Moumiet, passent successivement :

        Alexis Darcet, de Saint-Cricq-Chalosse, 1911-18, Ancien missionnaire de Maylis. Mobilisé pendant la grande guerre, d'abord dans les services sanitaires de l'intérieur, puis sur le front d'Orient, fut rapatrié en France et alla mourir à l'hôpital d'Arreau (Hautes-Pyrénées).

        Joseph Deyres de Saint-Sever, professeur au Petit-Séminaire d'Aire, 1903-19, curé de Saint-Aubin, 1919-30, de Léon 1930-31 ; doyen d'Amou actuel.

        Alban Prat, de Tilh, ancien vicaire de Mugron, curé de Sarran-Parleboscq. Installé à Saint-Aubin en janvier 1931, décédé trois semaines plus tard, des suites d'une cruelle maladie qui le minait depuis longtemps.

        Raphaël Lamaignère, de Doazit, professeur au collège de Dax (1911-13), vicaire de Peyrehorade (1913-21), curé de Peyre-Monget (1921-31), arrivé en avril 1931.

        La paroisse eut, jusqu'en 1842, des vicaires qui furent chargés en même temps de Hauriet, annexe de Saint-Aubin.

        Voici leurs noms : M. M. Dumartin, de Candalle, Dutoya, Ponté, de Mont, Cazaous, Laborde, Claverie, Lafargue, Deyres, Lacabe, Campet, Lasalle, Laborde, Labat, Cabiro, Duplantier, de Lagrâce, Duvignau, Carenne, de Lamathe, Diris, Marsan, Dussan, Farthouat, de Fornicard, Darcet, Puyo, Lafaurie, Dutoya, Domenger, Darbo, Ricarrère (curé intrus de Caupenne), Dubasque (vicaire jureur de Doazit), Croharé (curé constitutionnel de Larbey), Lacoste, et Montauzé.

 

        V. - La paroisse a donné le jour à treize prêtres : M. M. Domenger, curé de Saint-Justin ; Campagne, curé de Samadet ; Bénétrix, curé de Léon ; Laborde, curé d'Audignon ; Campagne, curé-doyen d'Arjuzanx ; Laffitte, curé de Lucbardez ; Labat, curé de Poyartin ; Loustau, curé d'Audon. ; Pouységur, aumônier de l'hôpital de Saint-Sever ; Juzanx, curé de Saint-Gor ; Saubadu, curé de Messanges ; Tapie, vicaire à Mont-de-Marsan, curé de Bascons ; Ph. Tapie, son frère vicaire à St-Sever, aumônier des Jeunes.

 

        VI. - Au point de vue administratif, 26 maires ont dirigé la commune depuis 1792 :

        Ce sont : M. M. Pémarque, 1793 ; Jean Dartiguelongue, nivôse an II ; Jean de Comet, ventôse an III ; Julien Laborde, germinal an III ; Jean Dubroca, floréal an III ; Jean Biella, germinal an IV, et de brumaire an XII à décembre 1812 ; Bernard Dartiguelongue, ventôse an VI, puis en messidor an VIII ; Bernard Lacouture, thermidor an XI ; Raymond Campagne, 1813-21 ; Antoine Darrieutort, 1821-31, puis de 1843 à 1848 ; Jean Laborde, 1831-43, puis de 1845 à 1855 ; J. -Bte de Lagarrigue, 1855-69 ; Pierre Soubaigné, 1869-70 ; Ulysse Dupoy, 1870-74, puis de 1877 à 1886 ; Grégoire Soubaigné, 1874-75 ; Louis de Lagarrigue, 1875-78, puis de 1899 à 1902 ; Léopold Saint-Martin, 1886-99, puis en l912 ; Pascal Duffourcq, 1899 ; André Lamolie, 1902-04 ; Pierre Consirolles, 1904-12 ; Jean Fescaux, 1913-19 ; Austinde Darricau, 1920-23 ; Jean Récurt, depuis 1923. . Joseph Garrin, 1945-46 ; Louis Saubusse, 1946.

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CHAPITRE II

        Anciens revenus paroissiaux. - Fondations et legs pieux. - Confréries et Œuvres paroissiales. - Esprit religieux. - Piété populaire.

        I. - La question de la dîme, si longtemps exploitée par nos ennemis comme le grand scandale de l'Église du Moyen-Age, mérite que nous remettions ici, d'un mot, la vérité dans son sens historique. La dîme était le droit reconnu au clergé séculier et régulier, de prélever un dixième sur les récoltes. Ce droit lui était octroyé, parce qu'il avait SEUL à pourvoir alors aux frais du culte, à l'entretien des écoles, des hôpitaux et des œuvres de charité. L'Etat ne lui donnait rien. Quand l'année était mauvaise pour le paysan, celui-ci pouvait se tenir quitte... Allez donc demander aujourd'hui au percepteur d'impôts, de se montrer aussi bienveillant ! Combien de contribuables seraient heureux, en ces temps de vie chère, de payer simplement la dîme de jadis, au lieu et place des écrasantes sommes qu'on leur réclame tous les ans !...

        Les curés de Saint-Aubin recevaient donc en nature certaines redevances, qui les aidaient à subvenir à leurs charges diverses. C'est ainsi qu'en 1755, l'abbé Delisle touchait, conformément aux transactions de 1669, 25 pacs ainsi répartis : 20 dans la paroisse et 5 dans Hauriet. Chacun était composé de 18 gerbes. De plus, 25 autres pacs de millocq lui étaient alloués, avec charge pour lui d'en donner le tiers au scolain (1). L'Evêque d'Aire, pour sa part, prélevait 20 sols morlans.

        Au moment de la Révolution, M. Dupérier fit à la mairie la déclaration suivante de ses revenus personnels : " Cure de Saint-Aubin et Hauriet : 200 mesures de froment, 180 de maïs, 3 d'avoine, 50 douzaines de lin, 16 barriques de vin, la moitié en piquepoult. Le quart de la Fabrique de Hauriet est affermé 409 livres par le duré, plus 1.817 livres dont 700 pour le vicaire. " (Légé.)

        De temps immémorial, les desservants de Saint-Aubin jouissaient d'une barthe boisée près du moulin de Poyaler, que la commune leur abandonnait comme indemnité de logement. En 1839, le maire demanda à M. Dupérier qui accepta, de faire abandon de cette lande en faveur des pauvres de la paroisse.

(1) Le scolain était un laïque qui enseignait à lire et à chanter aux enfants d'une paroisse, vivait ordinairement avec le curé et lui servait de sacristain.

 

        II. - L'abbé Lubat-Dubedout, natif de Saint-Aubin, vicaire-royal de Saint-Esprit de Bayonne, donna en 1548 par testament écrit en gascon, au " Purgatoire de Saint-Aubin ", une terre et une vigne appelées de Campet, pour en employer les revenus en messes et œuvres pies, à l'intention des morts de sa famille.

        En 1640, des obits furent laissés sur la métairie du Chrestian, ancien presbytère ; et deux ans plus tard, l'abbé de Saubadu fit abandon de sa vigne dite de Moïse, à l'église de Saint-Aubin.

        Successivement, dame Marie Darmagnac, en 1694 ; Jean de Berdon (2) en 1720 ; Jean de Hitan en 1732 ; Etienne Campet, en 1737 ; Bertrand de Beyris, seigneur de Hauriet, en 1742 ; Jean-Pierre de Saint-Germain, en 1743, créent tour-à-tour des fondations pour leurs propres défunts. En 1850, Mme Dangoumau, décédée à Larbey, donne à perpétuité le Petit-Peyradère à la commune de Saint-Aubin, sous la réserve expresse que celle-ci en distribuera les revenus aux pauvres de l'endroit, et fera chanter tous les ans un service pour le repos de son âme. Par acte du 16 septembre 1856, M. Jean Campagne remet sans autre obligation, 65 fr. au Conseil de Fabrique. En janvier 1858, l'abbé Faudouas prend acte des dispositions de Mme Marie Saint-Martin, née Saint-Genez, de Maylis, attribuant 200 fr. à la Fabrique et 50 fr. à chacune des deux confréries paroissiales de Saint-Michel et du Très Saint Sacrement.

(2) Jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, tous les actes font mention de la particule que bien à tort on nomme nobiliaire. Tous les habitants d'une même maison portaient le nom de cette maison, et ne se distinguaient que par le prénom. Ces particules, conservées longtemps soit par l'effet de l'habitude, soit aussi par vanité des familles, disparurent peu à peu.

        En 1888, M. Dupoy, notaire à Saint-Aubin, laisse 2.000 fr. pour la construction d'une flèche au clocher de l'église. Cette somme fut versée par les héritiers et perçue par la commune. Il est à regretter que le plan grandiose du donateur n'ait jamais vu le jour. Sans vouloir aucunement rechercher ici les responsabilités dans cette affaire qui en son temps passionna l'opinion, nous pouvons dire que dans sa séance du 16 mai 1899, la majorité du Conseil municipal vota au mépris de tout droit, l'aliénation du legs au profit de l'école en construction de Poyaler.

        En 1890, M. le chevalier de Lagarrigue versa à l'évêché un capital de 1000 fr. destiné à assurer à la paroisse l'heureux bénéfice d'une mission décennale. En 1921, et pendant les années 1937 et 1938, de nouveaux versements ont largement complété cette somme.

        Enfin, en 1930 et 1932, les abbés Saubadu et Labat, anciens curés de Messanges et de Poyartin ont voulu que l'église de leur baptême bénéficiât à leur mort de leur pieuse charité.

 

        III. - Nous possédons à Saint-Aubin la Confrérie de Saint-Michel, approuvée par le pape Clément XI, le 9 janvier 1707. Le bref, découvert en 1880 par M. Camicas dans une boîte en fer derrière les boiseries du chœur fut transcrit par M. l'abbé Loustau, pour être conservé dans notre sacristie. En 1755, Mgr de Gaujacq évêque d'Aire, contresigna les statuts, et le 1er septembre 1860, Mgr Epivent donna son appui à M. Faudouas qui cherchait à en renouveler l'esprit. Aux temps heureux de l'Association, les vêpres étaient chantées une fois par mois dans la nef latérale, suivies immédiatement d'une procession au cimetière pour les confrères défunts. Le culte à Saint Michel était alors si florissant, qu'on venait à Saint-Aubin, chaque 29 septembre, de Sarraziet, de Coudures, de Donzacq, de Pomarez. Aujourd'hui, ne figurent plus dans nos listes que 14 familles cotisantes, étrangères à la paroisse.

        La Confrérie du T. S. Sacrement, établie canoniquement par bref pontifical de Pie IX donné à Rome le 22 juin 1860, compte actuellement 65 inscrits, tous de Saint-Aubin. Les hommes y sont à peine représentés. Par contre, il est fort regrettable que trop de ses membres oubliant le but qu'elle recherche, considèrent cette confrérie comme un groupement mortuaire, et une sorte de succursale des pompes funèbres destinée à leur procurer de plus belles funérailles.

        Jusqu'en 1910, nous possédions les Confréries du Rosaire et du Chemin de la Croix. Celle du Scapulaire devait, à son tour, disparaître en 1913.

        Comme œuvres paroissiales, nous citerons ici le Denier du Culte qui ne rencontre à Saint-Aubin que de rares oppositions, et l'Œuvre des Vocations soutenue par presque tous les foyers, et qui nous permet de figurer au tout premier rang du tableau d'honneur, dans le palmarès diocésain.

 

        IV. - Malheureusement, nous n'en sommes plus aujourd'hui en ces temps rêvés où l'abbé Moumiet pouvait écrire, en 1900, que dix à douze hommes seulement manquaient la messe du dimanche et ne faisaient pas leurs Pâques.

        Sans vouloir ici entrer dans le détail des comparaisons, il nous faut reconnaître que l'indifférence religieuse a, depuis lors, profondément pénétré jusque dans les familles où s'était toujours donné l'exemple des pratiques chrétiennes. Par une déformation de l'intelligence qu'explique en grande partie l'air empesté du laïcisme qu'on respire partout, beaucoup de nos contemporains se sont faits à cette idée que la religion devait suivre les exigences du siècle et se plier aux vues et au tempérament d'un chacun. D'où la cause de cette apathie spirituelle qui désole aujourd'hui nos paroisses, et de ces secousses sociales qui amènent des bouleversements de plus en plus déconcertants. Sans doute, toute foi n'a pas encore sombré. Mais, que signifient les rares sorties d'un peuple transfuge ordinaire du devoir, dans ces parades de commande qui l'amènent à l'église dont il a en partie oublié le chemin ? Oui, je sais bien que le prêtre garde toujours droit de cité au sein de sa paroisse, et qu'on veut encore de lui, sinon pour vivre, du moins pour mourir. Mais il faut avouer aussi, que nous sommes là bien loin du noble esprit de foi qui dirigeait nos pères. D'autre part, on attendait beaucoup du temps de l'après-guerre ; hélas ! les illusions ont succédé aux illusions, et l'heure a sonné de dangers qui ne sont plus imaginaires. L'homme a prétendu pouvoir se passer de Dieu ; et Dieu s'est déjà plu à nous donner de nombreuses et sévères leçons. Dans le désarroi actuel, certains semblent l'avoir compris ; à ce point, que nous avons vu des politiciens de renom personnages représentatifs du régime, répudier le vieil anticléricalisme qui fut leur raison d'être, et rendre publiquement hommage à ces " forces spirituelles " dont ils attendent le salut du pays. Eux, ils ont réfléchi. Mais à côté, la masse se refuse encore obstinément à regarder le ciel. Lui faudra-t-il donc, pour reconnaître qu'elle a fait fausse route, de nouveaux cataclysmes ou de plus sanglantes hécatombes ?

 

        V. - Ce point noir mis à part, la piété populaire n'a jamais rien perdu de sa vitalité dans les manifestations extérieures, qu'amène tous les ans le cycle liturgique. C'est ainsi que la fête du patron (premier dimanche de mars) est religieusement suivie par la population. - C'est encore en rangs         pressés que Saint-Aubin se rend, après la Fête-Dieu, au Sanctuaire de Maylis faire son pèlerinage à la Vierge, en exécution du vœu de 1707 (1). - Les processions du T. S. Sacrement se font en leur temps, aux trois reposoirs du bourg, avec toute la magnificence qu'on sait habituellement donner aux cortèges eucharistiques. - A l'occasion de la Saint-Michel (29 septembre), les petits enfants sont portés à l'église et viennent recevoir la bénédiction du prêtre. - Les " Mois " de Saint-Joseph, de la Sainte Vierge, du Sacré-Cœur et du Rosaire, sont en honneur dans les foyers chrétiens de la paroisse.

        Enfin, dans un ordre différent, les familles ont pieusement conservé de génération en génération, le culte des morts. - Il existe en effet à Saint-Aubin, comme dans toute la région voisine, une tradition très ancienne et en tous points respectable, dont déjà en 1645 nous trouvons trace dans les archives de la mairie : c'est l'usage des Ramas. On appelle ainsi une collecte d'argent faite sur le nom d'un défunt, pour assurer à l'âme du disparu des services funèbres (cantages) et des messes (2).

(1) Un cyclone affreux ravagea alors la Chalosse, portant partout la désolation et la terreur.

(2) Nous pouvons lire dans les cahiers de l'époque : " 1645. Messes qui ont été baillés pour faire prier pour lame de Gérautine de Comet : son père, 1 cantage ; Martin, 1 ca... ; Jean de Mounicot, 3 m... ; lou Peyroutoun dou Lanot, 1 m... "

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CHAPITRE III

 

        L'Eglise. - Aménagements successifs. - Le Clocher. - Le Sanctuaire et sa colonnade. - La Chapelle à Saint-Michel. - Mobilier cultuel.

        I. - L'église de Saint-Aubin est bâtie sur un terre-plein dominant hardiment le village, à l'extrémité sud-est de la paroisse. Elle renferme deux nefs : l'une, dont la longueur totale est de 25 m. sur une largeur de 8 m. ; l'autre, dédiée à Saint-Michel, qui mesure 11 m. sur 6. L'abside est du XIIe siècle, et remonte à cette époque où surgirent de terre, à travers le diocèse, les magnifiques chefs-d'œuvre de l'art roman, dont témoignent autour de nous pour n'en point citer d'autres, les églises de Larbey, Caupenne, Nerbis, Brocas, Audignon, Aulès. Dans son " Histoire des Landes ", M. Larroquette donne une liste de 31 communes où " les architectes du XIIe siècle couvrirent le sol de la robe blanche des églises neuves ". On y chercherait en vain le nom de Saint-Aubin. Heureusement pour nous, cette fâcheuse lacune a été comblée en avril 1935 par la Revue du Touring-Club de France qui, sous la signature de M. Laurent, professeur au lycée de Montauban, a publié une étude très documentée sur " Vieilles églises d'un pays perdu : la Chalosse " où l'auteur souligne avec photographie à l'appui, les beautés de notre sanctuaire.

        L'édifice proprement dit fut entièrement reconstruit après le passage des dangereuses hordes protestantes qui, en 1569, dévastèrent la contrée. Son architecture indique deux stades distincts, et garde un cachet voulu de sobriété où s'harmonisent cependant très bien les styles du XIIe et du XVIe siècles. - Jadis, non seulement les prêtres, les seigneurs et les nobles étaient de plein droit enterrés dans les églises, mais encore les simples fidèles pouvaient acheter dans le lieu saint, pour eux et pour leurs descendants, des concessions particulières. A Saint-Aubin, ces places étaient vendues 60 fr. par le marguillier paroissial (1). C'est ainsi que nos pères, au cœur si croyant et si vibrant d'espérance chrétienne, étaient heureux de venir reposer sous les dalles sacrées. Ils pensaient trouver là, près du prêtre montant chaque matin à l'autel, une aide plus efficace et de la part des familles, un souvenir plus attentif et plus affectueux. Cent-dix inhumations de ce genre furent faites tant pour les gens de Saint-Aubin que de Hauriet, de 1728 à 1770. Cet usage fut finalement aboli par l'évêque d'Aire en 1778, à la suite d'abus fâcheux et de nombreuses récriminations.

(1) Celui-ci était un véritable personnage dans la paroisse. On le nommait en assemblée capitulaire, et ses fonctions devaient être reconnues par acte notarié.

        Pendant les années 1807 et 1810, la commune dépensa 920 francs pour la réparation intérieure de l'édifice. La réfection de la toiture remonte à 1897.

        Sous M. Faudouas, il fut question devant le chiffre important de la population (815 âmes), et pour répondre au désir maintes fois exprimé par les Confrères du Saint-Rosaire et du Scapulaire, de mettre en chantier une chapelle en l'honneur de la Sainte Vierge, parallèle à celle déjà existante de Saint-Michel. Tout semblait favoriser l'entreprise quand, pour des raisons administratives assez mal définies d'ailleurs, les 2.000 fr. réclamés par l'architecte départemental furent brutalement refusés. Cinq autres essais tentés de 1855 à 1872, n'eurent pas davantage la chance d'aboutir.

        L'église possédait une tribune qui, en 1880, fut enlevée par M. Camicas pour le bon ordre des offices. Le curé profita alors de certaines ressources pour faire élargir les ouvertures de la nef principale et y placer les deux vitraux actuels : l'un, dédié à Saint-Aubin, et l'autre qui rappelle le souvenir touchant d'une scène de famille pleurant le départ pouf le ciel d'un ange de la terre. La grisaille de la chaiserie date du ministère de M. Darcet. C'est encore en 1912 que fut fait tout le dallage intérieur, en céramiques blanches et noires.

        Le cimetière autrefois entourait notre église. De tout temps, nos ancêtres avaient désiré dormir leur grand sommeil à l'ombre du clocher, comptant puiser là pour leur âme avec la prière du peuple, un gage certain de résurrection glorieuse. Aujourd'hui, les morts ne doivent plus inquiéter les vivants, et sous prétexte d'hygiène, on a laïcisé leurs cendres en les reléguant bien loin de nos temples sacrés. En 1856, à la suite de discussions parfois orageuses au sein de son conseil, le maire décida de porter ailleurs le lieu des sépultures. Il fallait empêcher les " bêtes immondes " de venir piétiner les tombes, et faire ainsi respecter un arrêté de 1806 à peu près inexistant ; il fallait surtout s'incliner devant l'injonction formelle de Mgr. Lannéluc menaçant de jeter l'interdit sur le cimetière, si la clôture n'était pas immédiatement relevée. Après avoir longuement mûri la question et fait taire toute idée partisane, l'assemblée municipale se mit en demeure de chercher un nouvel emplacement et acheta pour 800 fr. aux héritiers de l'abbé Dupérier la vigne que celui-ci possédait et exploitait lui-même (49 ares et 34 centiares), aux avancées du bourg sur la route de Mugron. Mue par un sentiment de piété filiale à l'égard du prêtre qui passa plus d'un demi-siècle à Saint-Aubin, la commune fit exhumer les restes de l'ancien curé pour les déposer devant la croix centrale. On peut lire encore sur sa tombe l'inscription suivante : " Ici repose l'abbé Dominique Dupérier, né à Mugron le 17 avril 1758, décédé à Saint-Aubin le 18 octobre 1842. Il fut durant 54 ans curé de cette localité, où son dévouement le retint même pendant la Terreur, pour refus de serment. "

        A côté de ce vénérable octogénaire ont été inhumés depuis, les abbés Moumiet et Darcet (1).

        Sur l'emplacement de l'ancien cimetière (2), face à l'église, a été érigé le 5 décembre 1920, le monument commémoratif de la Grande Guerre. L'orateur du jour fut M. l'abbé Dicharry, professeur au collège de Dax, qui magnifia en termes émouvants la mémoire des 25 enfants de Saint-Aubin tombés pour la France, durant la sanglante tragédie de 1914 à 1918.

        Voici leurs noms : Robert Dupérier, Romain Saubusse, Jules Lafitte, Lucien Fescaux, Jean-Baptiste Saubusse, Jean Bernos, Jean Saubusse, Laurent Lasserre, Jean Ducasse, Jean Laborde, Jean-Baptiste Lagraulet, Bernard Ducasse, Adrien Darrieutort, Jean Dangoumau, J. -Bte Poivert, Jules Joie, Joseph Lafitte, Joseph Haza, Mathieu Sourbé, Pierre Soubaigné, Abbé Alexis Darcet, Pierre Lalanne, Léon Dangoumau, Michel Farthouat, François Lespiaucq.

(1) L'Abbé Prat fut exhumé en 1932 et transporté à Tilh.

(2) Les platanes actuels furent plantés en 1856. - Les portails de fer du perron principal et de l'escalier secondaire, datent de 1895 ; c'est la commune, sous l'administration de M. Saint-Martin, qui en fit les frais.

 

        II. - Le clocher est une tour massive, accostée de deux puissants contreforts, haute d'environ 20 m. avec une façade de 10 m. sur 6 m. 50 de côté. Ses murs dont l'épaisseur à la base mesure 1 m. 10, et 0 m. 80 au palier supérieur, sont percés de trois meurtrières ; seule celle de l'ouest a été aveuglée. Un escalier tournant de 40 marches conduit à l'étage qui supporte l'horloge (Don de l'ancienne famille Domenger, de Mugron). Au-dessus, se trouve la chambre des cloches, à laquelle on accède par une seconde rampe de vingt marches.

        Tout nous permet de croire qu'il y eut jadis sur la première plate-forme, un poste de veilleur destiné à donner l'alarme aux heures de danger. De même, la tour dut servir non seulement de fort d'arrêt, mais encore de refuge pendant les guerres si nombreuses qui désolèrent le pays. De par sa position, en effet, ce bastion était presque inexpugnable ; et une poignée de soldats habiles au maniement de l'arc, pouvait sans trop de peine en défendre l'accès en tenant l'ennemi à distance.

        Après la Révolution et le retour à la paix religieuse, la commune décida l'achat de deux cloches. Celles-ci fondues sur la place même de l'église par la maison Monin et Pintandre coûtèrent 2.365 fr. Elles pèsent respectivement dix et sept quintaux, et donnent le FA et le SOL. La grande cloche est sous le vocable de Saint-Michel ; la petite est dédiée à Saint-Aubin. Leurs parrains furent : M. M. Dominique Pémarque et Benoît Saint-Martin ; les marraines, dames Dartiguelongue-Darrieutort et Jeanne Dubedout-Pémarque. (Année 1819).

        En 1853 et 1872, la Fabrique consacra 470 fr. aux réparations extérieures du clocher et au crépissage des murs.

        L'entrée principale de l'église était précédée d'un porche qui s'écroula soudain le 2 avril 1901, au moment où trois personnes venaient de passer pour l'office des vêpres.

 

        III. - Voyons maintenant le sanctuaire. Un rapide coup d'œil permet de constater qu'il s'infléchit légèrement sur la gauche. C'est là, disons-le, chose voulue par les architectes d'alors qui entendaient ainsi rappeler aux fidèles le geste du Christ expirant sur la croix.

        A l'égal d'autres églises fières encore de les conserver, Saint-Aubin possédait jusqu'en 1879 de fort belles boiseries montant à niveau de la voûte, et encadrant un autel du XVIIe siècle. En 1880, l'abbé Camicas dont le zèle pour la Maison de Dieu était capable de toutes les hardiesses, entreprit à la demande de son évêque, de grands travaux de réfection. Les ouvriers étaient déjà à pied d'œuvre, quand une équipe de maçons mit inopinément à jour une galerie circulaire derrière les lambris. La découverte fit aussitôt grand bruit dans le monde des archéologues ; et Mgr Delannoy qui fut dans le diocèse le magnifique bâtisseur d'églises que l'on sait, vint tout exprès admirer la merveille.

        Sept colonnes et deux piliers de soutènement encadrent le sanctuaire. Ils sont surmontés de plein-cintres reposant sur des chapiteaux massifs hauts de 0 m. 65 et couronnés d'un tailloir en relief ; le tout est dominé par une frise d'entrelacs finement ciselés. Chaque colonne se compose d'une base de 0 m. 20 de haut et d'un fût de 1 m. 15 ; l'intervalle qui les sépare est d'environ un mètre. N'était leur dégradation actuelle, quatre au moins des chapiteaux pourraient être historiés ; on voit cependant, que l'artiste a voulu y faire figurer des scènes bibliques, entre autres le sacrifice d'Abraham. Beaucoup, en effet, se sont demandé d'où pouvaient venir les mutilations dont les murs portent la trace. Certains les ont attribuées aux huguenots qui, au moment des guerres de Religion en 1569, ravagèrent la Chalosse. D'autres, accusent les novateurs de la Renaissance contempteurs farouches de tout passé artistique, qui pour placer leurs autels firent sauter au marteau tous les obstacles rencontrès. On prétend enfin que les plâtriers qui en l901 montèrent les étais, ne seraient pas étrangers à ces déprédations. Quoi qu'il en soit, devant tant de ruines accumulées, les pierres elles-mêmes semblent aujourd'hui pleurer leur antique parure. Seuls, Les deux chapiteaux de l'arc triomphal sont à peu près demeurés intacts.

        M. le Chanoine Besselère, mort à Maylis en 1913, en a fait une description (Bulletin de la Société de Borda, 1890), que nous résumons dans ces lignes. - Le chapiteau de gauche (sacristie) figure la Loi rappelée au monde par N. -S. J. -C. Il présente un personnage assis, tenant sur ses genoux un livre ouvert. Deux lions lui font cortège, la tête tournée vers le peuple, et ouvrant la gueule d'où sort une langue menaçante. Dans, chaque coin, émergent deux têtes humaines (l'une a été mutilée). Les animaux sont l'image du Christ faisant entendre à l'univers l'enseignement de l'évangile ; les deux têtes symbolisent l'ancien et le nouveau Testament, d'accord à nous montrer N. -S. sous l'emblème du Lion de Juda. - Le second chapiteau où apparaît un personnage pareillement assis et les mains sur les genoux, met sous nos yeux le jugement que les hommes auront, un jour, à subir sur la Loi observée ou méconnue par eux. De chaque côté, deux êtres humains semblent tenir un instrument de musique. Deux pignes ou pommes de pin complètent les volutes. (Celles-ci ont été rasées). Ici, le Christ nous apparaît comme le Juge suprême ; et les deux musiciens, image des deux Testaments, proclament sans désaccord possible les grandes assises qui suivront la destruction du monde.

        D'autres transformations heureuses furent faites encore par M. Camicas, en 1880. Le curé qui ne trouvait pas le sanctuaire suffisamment éclairé, fit agrandir les cinq ouvertures étroites et profondes qu'il dota de beaux vitraux en couleur, représentant le Bon Pasteur et les évangélistes. Il commanda ensuite le maître-autel en pierre avec ses anges, chez M. Colomies, à Toulouse, et confia à M. Meyranx, de Mugron, le soin des peintures murales. Pour arriver à ses fins, il dut faire appel au concours de l'Etat et demanda au notaire de Saint-Aubin une avance importante ; mais son rêve était réalisé, et notre église devenait un riche et magnifique joyau. A la mort de M. Dupoy, les héritiers présentèrent leur créance ; la Fabrique n'ayant pas de quoi répondre, il fut convenu entre les intéressés et l'évêque d'Aire que le curé dirait chaque année pendant 8 ans, 25 messes pour le repos de l'âme du bienfaiteur. La dette fut éteinte en décembre 1899.

        En 1900, le chœur dont la voûte s'était sensiblement affaissée dut être fermé au culte, et sa restauration ordonnée d'urgence par M. Cérons, agent-voyer de Saint-Sever. Les travaux furent menés avec une si heureuse et intelligente activité, qu'un an plus tard la paroisse se retrouvait dans un édifice neuf, en la solennité de Noël. Mais restait toujours à faire aboutir le plan d'une décoration nouvelle. En 1932, la Providence nous permit de trouver une famille généreuse qui voulut combler cette lacune. Nous fîmes alors appel à la Maison Leduc, de Bordeaux, qui nous envoya deux de ses meilleurs ouvriers, anciens élèves de l'Ecole des Beaux-Arts. Fin septembre, le sanctuaire sortait tout rajeuni du pinceau de nos jeunes artistes, et charmait tous les regards sous l'heureux chatoiement de ses fraîches couleurs. Tôt après, la municipalité amenait à l'église le courant électrique, nous permettant ainsi de rendre désormais plus accueillante et plus belle la Maison du bon Dieu (1).

(1) La commune fit placer 6 lampes. L'équipement des lustres, réflecteurs, appliques et girandoles a été payé par M. le Curé aidé de la paroisse. L'éclairage actuel totalise 1.350 bougies.

 

        IV. - La chapelle à Saint-Michel de style gothique, et dont la voûte et les arcades de pierre constituent le plus bel ornement, date du XVIIe siècle. Elle est éclairée par deux vitraux jumelés en couleur, donnés par Marguerite et Monsieur Soubaigné, de Pémarque. La porte d'entrée fut percée en 1859 pour faciliter aux fidèles leur accès dans l'église et leur permettre de gagner plus commodément leur place. L'appartement qui fait suite à la nef et où sont renfermés les fonts baptismaux, date de 1764. Il servit de lieu de réunion aux édiles municipaux, quand en l'an II, la mairie fut transférée de Poyaler à Saint-Aubin.

        L'oratoire abrite les statues de la Sainte Vierge, de Saint joseph et de Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.

        Dans la soirée du 24 mars 1853, un incendie provoqué au reposoir du Jeudi-Saint par la flamme d'un cierge, faillit amener un désastre complet. Au milieu de l'affolement général, un homme présent à l'office s'avança résolument vers l'autel, et se saisit du tabernacle qui contenait la Réserve. Cet homme était M. Loustau, instituteur à Saint-Aubin. Sa bravoure signalée en haut lieu, lui valut l'honneur d'être inscrit à l'ordre du jour de la préfecture des Landes. Par bonheur, on retrouva l'Hostie intacte ; en revanche, le calice et la patène restèrent hors d'usage. Les tentures, les bouquets, les nappes firent un immense brasier, et les dégâts s'élevèrent à plus de 600 francs. Après de laborieuses démarches, M. Faudouas finit par obtenir un secours officiel qui lui permit, en 1857, de réparer une partie des dommages. Mais c'est à l'abbé Camicas que devait revenir le mérite de restaurer la chapelle ; nous lui devons l'autel ainsi que les peintures qui ornent l'édicule. Les dépenses atteignirent 1.450 francs.

 

        V. - Avant de clore ce chapitre, faisons l'inventaire de notre mobilier d'église.

        La paroisse a l'insigne faveur de posséder, dans un reliquaire remis à neuf en 1937, une parcelle de la Vraie Croix. Son donateur, le R. P. Urbain, de Mugron, custodial en Terre-Sainte, la confia lui-même à l'abbé Moumiet en 1897.

        L'Ostensoir, (0 m. 80 de haut) dont un ange en argent supporte le soleil, est un don fait à Saint-Aubin en 1854, par S. M. Napoléon III, empereur des français. - Nos deux Croix de Procession, hautes chacune de 1 m. et pesant ensemble 7 k. 700 sont en argent massif contrôlé. Un nommé Ducasse, trésorier de la confrérie du T. S. Sacrement, les commanda à un orfèvre de Bayonne, par l'entremise de M. Sourigues, père de l'ancien député des Landes. Elles coûtèrent alors 1.500 francs. - Les cadres du Chemin de la Croix datent du temps de l'abbé Faudouas. L'érection en fut faite le 29 juillet 1860, par M. Lagüe, curé-doyen de Hagetmau (1). - Le Christ Mural, posé face à la chaire, a été acheté en avril 1934 par vingt familles de l'endroit. - La Table Sainte nous vient de l'abbé Théron de Ladevèze, qui voulut, en 1881, remplacer le balustre en bois (1768) tombant de vétusté. Elle embrasse les deux nefs et mesure 14 m. de long ; elle fut payée 400 francs. - Nous devons à M. Camicas, les Statues du Sacré-Cœur, de Saint Joseph, et de Saint Michel ; à M. Moumiet, celles de N. -D. de Lourdes et de Saint Antoine de Padoue. Nous avons, le 31 mai 1931, solennellement béni la gracieuse statue de la petite sainte de Lisieux. - La Chaire est en pierre et remonte à l'an 1764. - L'abbé Darcet nous a procuré en 1914 les deux confessionnaux (350 fr. ), cédés par Maylis qui renouvelait alors son mobilier cultuel. La famille Soubaigné de Pémarque, fit don à l'église en 1891, du Fauteuil et des Tabourets du sanctuaire. La même année, trente-deux familles fournirent à M. Moumiet l'occasion d'acheter le Dais et ses tentures. - Enfin, il nous faut signaler l'Harmonium et la Crèche, dus à M. Deyres.

        Les ornements en drap d'or (chasuble, chape, voile huméral, étole pastorale), avec médaillons sur velours grenat, ont été achetés par M. l'abbé Moumiet, sur le produit du trieur de l'ancienne Caisse Rurale.

        La chasuble, les dalmatiques noires et la chape assortie datent du passage de M. Deyres dans la paroisse.

        De 1931, à 1938, nous avons procuré à l'église : 2 porte-missel, 4 gerbes de fleurs, 2 jeux de canons d'autel, 1 missel, 2 tapis pour le sanctuaire et l'autel latéral, des surplis d'enfant de chœur, deux surplis pour prêtre, 2 réflecteurs électriques, 1 custode pour le Saint Viatique, des chrémières en argent pour les saintes-huiles, 1 carillon à 4 cloches, 1 croix de procession en cuivre chromé, 1 pendule " Ave Maria ", le plateau de communion, 12 chaises neuves, l'ornementation funèbre de l'autel, 6 chandeliers en cuivre, des cordons d'aube, 1 pavillon de ciboire, l'ange quêteur de la crèche, 1 étole satin et or, à double face, 1 coquille en argent pour baptêmes, 1 ornement blanc.

(1) Nouvelle érection le 16 novembre 1941 et bénédiction des deux statues de Ste Jeanne d'Arc et de Ste Bernadette et du chemin de Croix. 29 décembre 1946, statue de Saint Aubin (souvenir de mission).

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CHAPITRE IV

        Croix et fontaines. - Le Presbytère. - La maison de Saint-Germain.

        I. - La paroisse compte cinq croix, situées dans un rayon voisin de l'église. - Celle de l'ancien Cimetière, érigée le 28 juillet 1889, au jour-clôture d'une retraite prêchée par un capucin, ancien officier de l'armée française, fut donnée avec le Christ par les familles de Lagarrigue, Consirolles, Saint-Martin, Darrieutort, Labastugue et Claverie-Perron. Relevée à la suite d'un cyclone qui dévasta les alentours du village, elle servit de mémorial à la mission de 1911 prêchée par M. M. Bordes et Darricau, de Buglose. Le tronc de chêne actuel, orginal dans sa forme, mais très heureusement conçu par M. Amarot, maître-maçon à Brassempouy, a été inauguré le soir de Pâques 1936. Le monument sert de station aux processions du dimanche pour les fruits de la terre. - A l'intersection des routes de Mugron et de Pomarez se dresse la croix de Pierre, souvenir de la mission de 1879, qui eut pour prédicateurs les pères Dupouy et Pédedieu. Nous la visitons pour St Marc, le soir de l'Ascension et du 15 août. - On peut admirer au Marlat dans la propriété de M. Darrieutort, une élégante croix en ciment armé, bénite le 1er janvier 1933, remplaçant celle de la mission donnée en 1900 par les abbés Duvignau et Robert, de Buglose. - La croix du Coum, placée en 1892 en contrebas de la route (mission des P. P. Donatien et Sébastien d'Urt), et deux fois renversée par la tempête, a été portée dans la lande voisine, en janvier 1936 (Mission des abbés Gorce et Brèthes, de Maylis). Comme la croix du Marlat, cette dernière nous sert pour la semaine des Rogations. - On voit encore dans l'enclos du Bourdiou une petite croix, abandonnée depuis plus de quarante ans. - Enfin, au débouché du chemin de Poyaler sur la route de Larbey, a pris place en 1925 la magnifique statue du Sacré-Cœur (Mission des abbés Céby et Darricau, de Buglose).

        Il y avait jadis à Saint-Aubin au bois de Lauga, une source fameuse connue sous le nom de Fontaine de Saint-Jean, dont la vertu curative était recommandée aux personnes atteintes de rhumatismes. - On parle encore de la Fontaine de Saint-Michel, sur l'emplacement de l'ancienne pépinière, près du champ de Coum. - Enfin, on trouvait à Poyaler la Fontaine de Saint-Roch, qu'on visitait le matin du 16 août et que fréquentaient les quartiers d'alentour.

 

        II. - Jusqu'en 1842, les curés de Saint-Aubin durent pourvoir eux-mêmes à leur logement personnel. ainsi, en 1621, l'abbé Lestage et son frère Vincent ancien curé de Larbey, habitaient au Chrestian, maison aujourd'hui disparue. En 1655, M. Moncurcq résidait à Man, à quelques pas de l'église. En 1701, l'abbé Laborde vivait au Nougué, dont on peut voir encore les ruines sur le coteau qui surplombe le bourg ; en 1733, M. Tauzin demeurait à Laborde, au quartier d Pelin.

        Le 24 février 1706, le conseil municipal fut convoqué pour traiter de l'achat d'une maison curiale, mais la question lui parut alors si peu opportune, que deux seulement de ses membres répondirent à l'appel de leur nom. En 1789, l'affaire en était toujours au point mort... Revenant à la charge, le maire Pémarque informa l'assemblée communale qu'il fallait en finir avec des atermoiements qui n'avaient que trop duré ; et il proposa comme futur presbytère la maison de Salles (Jeantet) occupée depuis cinquante ans par les divers curés de l'endroit, M. M. Delisle, Lafaurie, Fossats et Dupérier. L'accord se fit sans difficulté et la commune vota une coupe de chênes en Malabat, dont les revenus devaient servir à couvrir les dépenses. Il faut dire qu'en arrivant à Saint-Aubin, l'abbé Dupérier avait trouvé des sympathies au sein de la municipalité, et que la solution du problème ne faisait pour lui aucun doute. Malheureusement, les événements politiques changèrent bientôt les dispositions du conseil, qui renonça à l'achat projeté. Au lendemain de la Révolution, en 1807, le maire dut à nouveau allouer au desservant une somme de 583 fr. et demander à ses administrés un supplément de 131 autres francs, " pour luy tenir lieu, tant de son logement, que pour son cheval. " Enfin, en 1842, les pouvoirs civils las d'avoir déjà donné aux curés de Saint-Aubin plus de 10.000 francs d'indemnités de résidence, passèrent des paroles aux actes. Le maire jeta son dévolu sur l'immeuble qu'avait acquis de ses deniers l'abbé Dupérier, à 300 m. de l'église, et qu'à la mort de celui-ci, les héritiers venaient de mettre en vente. Les pourparlers s'engagèrent sur la mise à prix de 3.300 francs. Le 21 novembre 1843, une ordonnance royale autorisa l'acte d'achat et l'aliénation de 300 arbres dans le fonds communal : le presbytère était enfin assuré, et l'angoissante question à jamais résolue. Mais devant l'exiguïté de la demeure, et pour la commodité de l'occupant, M. de Lagarrigue fit bâtir en 1858 une chambre à coucher, la salle à manger et le grenier ; ces premiers travaux, y compris ceux des charpentes qui nécessitèrent l'apport de vingt chênes, coûtèrent 2.500 fr. De nouveaux aménagements furent faits en 1886, 1894, 1899 et 1901. Depuis lors, le presbytère a subi de nombreuses transformations nécessitées par les circonstances : la maison est aujourd'hui suffisamment pourvue des choses indispensables aux besoins d'un ménage. Il est seulement fâcheux que M. Moumiet n'ait pas su profiter, en 1896, des données de l'abbé Hourcastagné le savant hydrologue, d'Orthez, pour faire creuser sous le marronnier de la cour, un puits qui eût alors fort peu coûté.

        En 1886, 36 ares furent distraits des dépendances du presbytère, pour être affectés à la construction du groupe scolaire communal. Comme compensation, il fut stipulé entre le préfet et l'autorité diocésaine, que le curé de Saint-Aubin recevrait la propriété du champ (22 ares) attenant au cimetière et joui par l'instituteur, le jardin voisin et un lopin de terre confrontant au midi. Seul le jardin fut refusé par la suite et vendu avec l'ancienne maison d'école.

 

        III. - Le château de Saint-Germain sis aujourd'hui en Maylis, fit partie de notre paroisse jusque vers le milieu du siècle dernier. - En 1612, nous y trouvons la famille d'Abadie de Saint-Germain et Labeyrie, représentée par noble Jacques, dont les ancêtres nés à Gamarde vécurent longtemps en Béarn. Ce nom disparaît de nos registres avec l'inscription au baptême le 26 février 1789, d'une fille Charlotte, née de Jean, officier au régiment de cavalerie royale de Navarre, et de Marguerite de Cours.

        Il suffit de visiter en détail cet antique manoir pour se convaincre aisément que les d'Abadie furent des maîtres puissants. Tout y respire l'aspect des maisons d'autrefois, avec son escalier d'honneur, ses larges cheminées, ses fenêtres spacieuses. On voit encore dans la cour intérieure l'appartement qui servit aux seigneurs de chapelle domestique. Au premier étage, se trouve une cloison cachette où se réfugiaient les réfractaires, au temps de la Terreur. On dit même à ce sujet, qu'un jour les sans-culottes (1) de Saint-Sever se présentèrent chez les dames de Saint-Germain pour inspecter le local. Celles-ci ouvrirent sans méfiance, loin de supposer qu'elles se heurtaient à une troupe commandée par un de leurs anciens valets passé au service de la révolution. Le soldat eut tôt fait de monter à la chambre suspecte, frappa à la porte et vit sortir un être tout tremblant qui, garrotté sur-le-champ, fut conduit sous bonne escorte au tribunal du district. Il nous a été impossible de connaître le nom de ce prêtre, si malencontreusement tombé entre les mains des patriotes.

        Comme tous les nobles en 1792, les d'Abadie de Saint-Germain. s'enfuirent à l'étranger, après s'être vus déposséder par l'Etat, de leur domaine familial ; celui-ci comprenait quatorze métairies. Au lendemain de la grande tourmente, l'immeuble fut acheté par M. Jourdain, médecin principal des armées impériales. On conserve encore dans la salle à manger du château, l'épée à la garde de nacre que cet officier portait sur les champs de bataille. Plus tard, la sœur de M. Jourdain légua par testament tous ses biens à M. Latappy, instituteur à Garrosse. A son tour, Mlle Clotilde Latappy épousa, en 1884, M. Martial Peyroux, de Doazit. De cette union naquit une fille, Hélène, mariée à M. Récurt, propriétaire actuel de Saint-Germain.

(1) On appelait ainsi les révolutionnaires qui, depuis 1789, avaient remplacé la culotte par le pantalon.

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CHAPITRE V

        Poyaler. - Le tuc ; son château ; les Seigneurs de Poyaler ; vue d'ensemble. - La Chapelle.

        I. - Le tuc de Poyaler (95 m. d'altitude) date, dit-on, des gaulois. En ces temps reculés, les populations vivaient en petites tribus formant cité, et dans un camp retranché fait de main d'homme qui leur servait d'asile au moment des invasions. Dans ce camp, se trouvait la demeure du chef appelée dunum, bâtie sur une motte élevée, utilisée surtout comme observatoire et tour à signaux. Au-dessous, étaient creusées de vastes galeries presque toujours pourvues de dortoirs, de salles, de magasins à vivre et d'étables ; on y accédait par un puits. De ce puits on peut encore distinguer l'orifice écroulé, à 20 mètres du château, au milieu des buissons et des ronces sauvages. Dans son livre " Les Landes et les Landais ", M. Dufourcet nous apprend qu'on ne connaît que deux cachettes de ce genre dans les Landes : celle de Poyaler, et l'autre à Larbey au Bourg-Arman, près du pont de Poulouaou sur le Louts. D'après cet historien, ces deux souterrains auraient été creusés avec des haches en pierre polie, dans le calcaire nummulitique, c'est-à-dire fait avec des coquilles pétrifiées.

        Sur les tucs en question s'allumaient de grands feux qui servirent aux peuples primitifs et plus tard aux seigneurs du moyen-âge, à transmettre au loin d'après des conventions reçues, les nouvelles importantes. Dans la suite, ces mottes féodales appartinrent à des Caviers, ou maîtres préposés à la garde d'une contrée et qui, en plus du droit de justice dont ils étaient investis, avaient à l'égal des nobles la propriété de certains moulins. Or toujours au dire de M. Dufourcet, le seul de ces moulins connus, est celui de Poyaler, sis en Larbey, aux confins de Malabat. Sa construction remonte au XIIe siècle. A cause de son importance exceptionnelle pendant les sécheresses et par crainte d'attaques à main armée, les châtelains l'avaient puissamment fortifié, en en protégeant l'entrée par une porte à glissières profondes, manœuvrée du premier étage. L'histoire prétend que le souterrain dont nous parlons plus haut, et qui partait de la tour sur l'escarpement sud-ouest pour déboucher près des vannes, fut obstrué par les décombres qu'entassèrent en ces lieux, bien inutilement d'ailleurs, les chercheurs de salpêtre en 1792. - En 1629, le moulin seigneurial appartenait à Tabita de Bassillon ; il était à deux claquets et s'affermait pour une charrette de froment, sept de seigle et cinq de millet. Il fait aujourd'hui partie des propriétés de M. Cauna, de Pontonx. Nombre de visiteurs viennent même de fort loin, pour en admirer la magnifique ordonnance, et le site sans pareil où s'élève l'immeuble.

 

        II. - Le château proprement dit fut construit au XIIIe siècle par les anglais qui, à cette époque, vinrent en conquérants occuper la Gascogne ; il n'en reste plus guère aujourd'hui que des ruines grandioses. De part sa position naturelle si merveilleusement choisie, dominant à la fois les vallées du Louts et la Gouaougue, il demeura longtemps une forteresse de premier ordre. Ce donjon carré, mesurant 6m. 80 de côté sur 1 m. 25 d'épaisseur, portait dans le haut de longues et étroites meurtrières ; il était flanqué de créneaux avec des échauguettes découvertes et de mâchicoulis par où les assiégés laissaient tomber sur l'assaillant le plomb fondu, l'huile bouillante et les divers projectiles en usage dans les guerres d'alors. Actuellement, ces vieilles et solides murailles disparaissent sous un inextricable fourré de lierres et de lianes qui en masquent la vue. Sur le rond-point qui supporte la tour, on aperçoit encore quelques matériaux émergeant du sol, restes épars des locaux domestiques. En contrebas, se dessinent les terrassements et l'emplacement des fossés qui avec le pont-levis, protégeaient le château. Enfin, trois poternes ou portes de sortie secrètes, dissimulées dans les remparts, ouvraient trois issues sur les côtés nord, ouest et sud du mamelon.

        Après avoir longtemps appartenu à la commune, la Tour de Poyaler fut achetée et détenue jusqu'en septembre 1937 par la famille des Cès-Caupenne ; Mlle Gaillard, de Mugron, en est aujourd'hui propriétaire.

 

        III. - Poyaler était habité en 1364 par Arnaud III, baron de Cauna, seigneur de Lourquen, Mugron, Montaut et Saint-Aubin. Son petit-fils Louis, " moult et puissant seigneur de Chalosse " reçu du roi Charles VII, le droit de mainmise générale ; et ses descendants régnèrent en maître sur le pays près de 300 ans. En 1554, Jeanne de Cauna se maria avec Jean-Antoine de Gabaston, seigneur de Bassillon, dont le frère Bertrand, gouverneur de Navarrenx épousa en 1578, Marguerite de Cauna. Ces derniers donnèrent le jour à Tabita (1) qui, plus tard, s'unit au baron de Bénac-Navailles, sénéchal de Bigorre et maréchal de France. Le baron qui était protestant, passa au catholicisme an 1621, et s'en fut guerroyer contre les Turcs en Palestine. Pendant ce temps, la dame de Poyaler menait dans son château une existence aisée, fastueuse même ; les juges de Malabat se rendaient à jour fixe pour de plantureux festins, et les nobles du voisinage n'avaient leurs pareils pour aider la marquise à mieux dilapider sa fortune. Tant et si bien que même après le retour de M. de Bénac, et devant une situation particulièrement obérée, n'ayant plus rien à attendre désormais de leurs bailleurs de fonds habituels, (les Bénédictins de Saint-Sever et la famille Castaignet de Laouzèt ), les seigneurs durent donner leurs terres à la ferme pour une somme annuelle de 4.350 livres et, finalement vendre la baronnie avec toutes ses dépendances (2). François de Gontaut-Biron, lieutenant des camps du roi, s'en porta acquéreur en 1694. Ses successeurs devaient, cent ans durant, étendre leur domination sur Poyaler et tous les alentours. Le dernier seigneur connu est Charles de Gontaud-Biron qui, au moment des lois de 1792, eut la chance d'échapper à l'échafaud en passant à l'étranger.

(1) Tabita est l'héroïne d'une brochure publiée en 1907 par M. le Chanoine Daugé, intitulé La tour de Pouyalé, où l'auteur raconte une légende avec sa verve toute gasconne et un intérêt qui ne cessent de tenir le lecteur en éveil jusqu'au drame final.

(2) Mme de Bénac passait pour avoir un caractère extrêmement irascible. On raconte à ce propos, que pour punir le curé de Saint-Aubin qui, un dimanche, ne l'avait pas autrement attendue pour commencer sa messe, elle remonta immédiatement au château et décida avec l'intendant qu'elle consacrerait le tiers de la dîme de l'année à la construction d'une chapelle à la Vierge à Larbey. Toujours est-il qu'à la suite de ce geste d'humeur, les gens de Poyaler, abandonnant Saint-Aubin, affectèrent très longtemps d'occuper les premières places et de se considérer en terrain conquis, dans l'église voisine.

 

        IV. - Non seulement Poyaler s'acquit un nom dans le pays, mais c'est encore lui qui pendant quatre siècles dicta la loi à Saint-Aubin, jusqu'au moment de la parution des décrets fixant la constitution des communes. Déjà, en 1338, dans un acte se rapportant à la chapelle de Maylis, il est parlé de " la parropy de mons. Saint-Aubin-de-Poyaler " ; en 1548, un habitant de Brocas, nommé Peyrot de Higue, laissait à " Sainct-Aubin de Poyaler " une petite rente de " neuf liartz ". Dans tous les procès-verbaux des délibérations antérieures à 1792, nous relevons cette mention : " La Communauté de Poyaler et Saint-Aubin... " Jadis, le quartier donnait asile au régent, au chirurgien et au notaire. En 1643, D. Comet, notaire royal demeurait au Haza ; en 1656, Jean de Laborde et Guillaume Dufraisse instrumentaient à la fois dans la localité. En 1670, le médecin résidait au Grand-Ségas et s'appelait Bertrand Larrey. Enfin, en 1694 habitaient dans le bourg de Poyaler, le greffier (Dominique de Campet), le procureur d'office (Bernard de Laborde), le praticien (Bernard de Gachard), et le sergent-royal (David Dartiguelongue). - Depuis 1643, les assemblées des jurats et des syndics se tenaient à Houndaniou ; mais en 1727, la salle des séances fut provisoirement transférée à Peillot, jusqu'au jour où pour la commodité des affaires, les élus communaux choisirent pour leurs délibérations " la petite chambre de la cy-devant église à côté du temple de l'Etre suprême. " (26 thermidor an II).

        Dire que Poyaler a accepté de bonne grâce d'être découronné de tous les titres qui furent si longtemps l'orgueil de son histoire, serait peut-être exagéré. D'où cet esprit très spécial qui le distingue du reste de Saint-Aubin et qui imprègne encore tous les actes de sa vie familiale, politique et religieuse. Grandeur et décadence, dira-t-on. Oui, sans doute ; mais il est des souvenirs, il est des événements, que ni les individus ni les collectivités ne peuvent oublier, et que le temps ne saurait prescrire.

 

        V. - La chapelle de Poyaler est, dit-on, bâtie à l'endroit même où Monsieur de Bénac, à son retour de Terre Sainte, fut reconnu sous les haillons d'un mendiant par le chien et la jument du château. Après avoir appartenu si longtemps aux seigneurs de l'endroit, l'édifice passa sous séquestre pendant la Révolution et devint bien communal. Il servit de sépulture aux diverses familles qui tour-à-tour habitèrent la baronnie, mais rien n'indique aujourd'hui l'emplacement des tombes occupées. En 1842 cependant, l'abbé Montauzé, dernier vicaire sous M. Dupérier, fut amené à faire des fouilles dans la nef ; il ne parvint à découvrir que quelques tissus de fil d'or et une poignée de galons sans valeur appréciable.

        Les anciens curés de Saint-Aubin allaient dire la messe au quartier une fois par quinzaine, de Quasimodo à Saint Roch. En 1888, M. Moumiet consulta l'évêché sur l'opportunité de ce service. Il lui fut répondu qu'il ne lui appartenait pas d'engager l'avenir en créant une annexe sur place, et qu'il n'était autorisé à célébrer dans la chapelle que quatre fois par an : en semaine de Pâques et d'Ascension, le 16 août et après la Toussaint. Ce règlement prévaut encore aujourd'hui.

        La foudre tomba sur l'oratoire en 1892, et causa de si importants dégâts que, durant des années, tout office religieux dut y être suspendu. Un jour vint cependant où l'abbé Darcet, nouvellement installé (1912), se mit en devoir de renouer la tradition chère au chœur des habitants : il ouvrit une souscription qui non seulement lui valut la faveur de Poyaler, mais encore celle de plusieurs foyers en Saint-Aubin, Larbey, Malabat et Mugron. Sa collecte (350 fr. 50) lui permit de renouveler une grande partie du mobilier de sacristie, et d'acheter 30 chaises, les stations du Chemin de la croix, l'aspersoir et le lustre en cristal de la table sainte. Un peu plus tard, fut procuré un bel ornement rouge qui manquait au vestiaire. Enfin, M. l'abbé Deyres fit abandon à la chapelle qui n'en avait jamais possédé, de son calice de guerre à coupe démontable. - La cloche date de 1629. Elle porte en exergue : " Sancta Maria, ora pro nobis. Isabéline de Bénac ". Il nous reste encore une clochette d'enfant de chœur, souvenir des seigneurs, avec un monogramme surmonté de la couronne ducale.

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DEUXIÈME PARTIE

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CHAPITRE I

        Des Origines au Moyen-Age

        Les premiers habitants du pays furent successivement les Ibères, les Celtes, les Ligures, et les Romains. Ces derniers marquèrent chez nous une empreinte profonde, que nos populations portent encore, même dans leur genre de vie actuel et dans leurs habitudes, un peu de ce qui les distingua si fort aux yeux de l'univers. Après avoir longtemps vécu dans des cavernes, des grottes et des huttes les peuples primitifs apprirent à construire des maisons en bois, couvertes de chaume et de branchages. Grossièrement vêtus, se nourrissant du produit de leur chasse et de leur pêche, ils passaient leur temps à guerroyer, se servant d'abord d'armes en pierre taillée et polie, puis de poignards, de haches, de javelots, en cuivre, en bronze et en fer. Les découvertes qu'on a faites en maints endroits de nos Landes d'objets de cette espèce, sont absolument remarquables. Quant aux Romains, ils apportèrent dans nos contrées les mœurs de la mère-patrie, avec l'amour des arts, son génie militaire et son merveilleux esprit d'adaptation. Avant d'employer le latin qui était la langue officielle de l'empire, nos pères s'exprimèrent dans un idiome spécial qui, certainement ne fut pas le basque, mais qui servit de base au gascon que nous parlons aujourd'hui.

        La religion de ces peuples où seul était exalté le culte de faux dieux, finit par tomber dans l'immoralité la lus révoltante ; les hommes après s'être prosternés devant les forces brutales de la nature, en vinrent à proclamer le triomphe du vice et de la débauche, avec les passions déchaînées et leurs plus honteuses convoitises.

        Les légions de César s'emparèrent assez facilement de nos campagnes, et établirent en plusieurs points ces magnifiques camps romains, qui représentent aujourd'hui à  nos yeux des travaux vraiment herculéens (1). Ainsi, purent-elles à peu de frais étendre leur domination jusqu'aux plus lointaines limites.

(1) Autour de nous à Nerbis, et au Mus en Doazit. Celui-ci couvrait une superficie de six hectares et pouvait abriter dans ses souterrains plus de 4000 guerriers. Les terrassements qui entourent l'église sont encore parfaitement conservés.

        Bientôt, se leva sur le mode la lumière de l'Evangile chassant bien loin derrière elle les ténèbres du paganisme ; et l'on vit l'antique Rome si orgueilleuse de sa science s'incliner devant la prédication des douze pêcheurs de Galilée chargés d'annoncer la Rédemption à tous. La Chalosse, à son tour, bien que façonnée depuis plus de deux cents ans par ses conquérants étrangers, se laissa gagner aux idées nouvelles et se rallia généreusement à la cause du Christ. Dès lors, ce furent pour elle les bienfaits inespérés de la véritable civilisation, cadrant parfaitement avec les besoins de son cœur et de son intelligence. L'histoire prétend que Saint-Paul se rendant en Espagne pour convertir le pays, traversa nos régions landaises ; mais le fait n'a pu être prouvé. Ce qui est hors de doute, c'est qu'au IVe siècle nos pères furent amenés au christianisme par deux vaillants apôtres : Saint Sever et Saint Girons qui, en récompense de leur foi, devaient être martyrisés l'un, dans la ville qui depuis a pris son nom, et l'autre à Hagetmau. C'est à ce moment glorieux entre tous où fut à jamais brisé le joug de l'oppresseur qu'apparurent les premières chapelles (gleyzes), qui devaient un peu plus tard constituer le noyau des nouvelles paroisses. Ces églises étaient bâties avec des matériaux peu durables ; leur base reposait sur des fondements en pierre, mais le reste des murs n'était composé que de blocs en terre appelés " adoubes ", plus ou moins grossiers.

        Nous voici au Ve siècle. Les Germains déferlent sur la Gaule, et sous la conduite du farouche Attila détruisent tout sur leur passage. Or, chose providentielle et à tout le moins inattendue : beaucoup de ces soldats touchés subitement par la grâce, demandèrent le baptême et se firent, dans la suite, les plus ardents défenseurs de la doctrine qu'ils avaient jusque-là si âprement combattue. Une fois convertis, ils essaimèrent à travers nos régions et vinrent se fixer jusque dans le moindre de nos villages. Malgré leurs pratiques religieuses, nos ancêtres regardèrent longtemps comme des suspects ces barbares d'Outre-Rhin ; à cause de la lèpre dont ils avaient été ou étaient encore infectés, ils leur avaient assigné une place à part dans l'église et un coin spécial dans chaque cimetière.

        On les appelait gésitains, cagots ou chrestians, nom que nous avons retrouvé dans nos archives, accolé à celui de certaines familles. C'est, par exemple, " en avril 1668, le mariage de Bertrand de Gardères, de Saint-Aubin, avec M. Daraignez, de Cazalis (époux chrestians). ". Puis, celui de Bernard de Lauqué, de Doazit, avec Catherine de Gardères, de Saint-Aubin (époux chrestians). Le livre ajoute : " Pierre Daraignez, autre cagot, habitait au chrestian de Saint-Aubin ".

        C'est encore au VIe siècle que la ville d'Aire fut témoin du martyre d'une chrétienne de noble origine, Quitterie, apparentée à la famille d'Attila. Une pieuse légende nous la montre portant sa tête sanglante entre les mains, et se dirigeant ainsi jusqu'à l'église du Mas, pour se laisser ensuite ensevelir par les fidèles de l'endroit informés de sa mort.

        Au VIe siècle, c'est l'évêque Galactoire qui tombe pour son Dieu sur les dunes de Mimizan.

        Les progrès de la foi s'affirmant chaque jour davantage, les chrétiens se portèrent en foule vers les Lieux-Saints de Palestine, vers Rome, ou vers l'Espagne au sanctuaire de Saint-Jacques de Compostelle. M. Dufourcet nous apprend que les nombreuses caravanes se rendant dans la péninsule ibérique et venant de Bazas pour atteindre à Estibeaux la voie romaine de Toulouse - lou camin roumiou -, traversaient Mugron, puis Poyaler et Saint-Aubin, et allaient se reposer dans l'hôtellerie de Larbey installée à Lestage. Ces voyageurs austères faisaient figure de héros. Nos pères les accueillaient joyeusement et voyaient en eux les vrais pauvres du Christ. Quelle belle et magnanime charité !Et comme cela nous change avec l'égoïsme actuel qui empoisonne tout dans une société si peu pitoyable aux misères d'autrui, et faisant si bon marché des maximes de l'Evangile !

        Jusqu'au XIIe siècle, s'engagèrent des luttes incessantes qui désolèrent nos régions : invasions des Vandales, guerres entre Francs et wisigoths, batailles contre les Maures d'Espagne, campagnes contre les Normands et les Anglais, chasse aux bandes organisées de pillards et de voleurs. Des ruines, du sang. Partout la misère, l'épouvante et l'insécurité.

        Il nous est impossible faute de documents historiques intéressant la paroisse, de dire ici ce que fut pour Saint-Aubin cette période qui du XIIe siècle nous mène à la fin du Moyen-Age, en 1453. Nous voudrions simplement retenir ce fait, ne fût-ce que pour venger le passé d'une accusation trop complaisamment répandue aujourd'hui, à savoir : que notre Chalosse toute entière vécut alors sous le règne de l'ignorance et de l'abêtissement.

        De ce que nos aïeux formaient sur les actes publics une croix " pour ne savoir signer ", on s'est plus à dire et à redire qu'ils ne savaient ni lire ni écrire. C'est là erreur grossière que nous allons dissiper. En effet, venant après tant d'autres institutions de l'Eglise pour la tenue et le gouvernement des écoles, le concile d'Aire en 1585 enjoignait à l'évêque, Mgr François de Foix de Candale, d'établir dans les villes et les bourg de son diocèse, des groupements pour instruire les enfants des deux sexes. Bien avant cette décision, un Pouillé de 1335 nous apprend qu'il y avait déjà 28 scolanies sous la seule juridiction de l'évêque d'Aire, et que Saint-Aubin comptait précisément parmi les localités pourvues de cette bienfaisante institution. Les revenus de cette scolanie étaient les suivants : "1 barrique de vin donnée par le seigneur de Poyaler, 25 gerbes de froment, d'avoine et de seigle recueillies dans la paroisse, plus 1 sac de maïs égrené et 9 pistoles (90 fr. ) de rente. ". L'école était gratuite pour les fils d'indigents. Ceux qui appartenaient à des familles aisées, payaient 17 sous et demi par an pour apprendre à lire, 32 et 37 pour apprendre à écrire et compter. En certains endroits, on enseignait même le latin.

        Non, ce ne fut pas une époque de régression ce Moyen-Age, qui nous a donné de splendides cathédrales aux dentelles de pierre, ces vitraux au coloris inimitable ; où vécurent ces moines qui firent tant de découvertes et conservèrent tant de manuscrits et de chefs-d'œuvre antiques. Ne soyons donc pas si injustes pour une époque qui fut toute de transition ; et si  notre vingtième siècle s'honore à juste titre des ses savants et de leurs inventions, sachons au moins rendre au temps passé le mérite d'avoir eu ses hommes de génie qui, s'inspirant du christianisme, surent à la fois si bien servir les lettres, les sciences et les arts.

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CHAPITRE II

        Des guerres de Religion à la Révolution

        L'année 1569 fut terrible pour nos Landes. Jeanne d'Albret ayant ouvert ses Etats aux partisans de la Réforme, crut bon de s'arroger le droit de diriger les consciences et de dicter à ses sujets sa despotique volonté. Ce fut l'occasion de cette guerre barbare qui mit si cruellement aux prises, les protestants et les catholiques de France. Les premiers conduits par le comte de Montgoméry commencèrent par soumettre le Béarn ; puis après la défaite sous les murs d'Orthez, de Terride et de Montluc, envahirent nos régions. Ce fut sous leurs pas, le pillage, l'incendie et la mort. On parle pour le seul diocèse d'Aire, de 226 églises et chapelles rasées de fond en comble et de 99 prêtres et religieux, massacrés dans des conditions qui nous ramènent au temps des plus sanglantes persécutions. A Saint-Sever, raconte du Buisson, plusieurs moines furent noyés et arquebusés dans l'Adour ; d'autres furent pendus, et les huguenots leur arrachèrent les oreilles pour s'en faire des colliers ; enfin, un certain nombre durent, avant d'être massacrés, creuser leur propre tombe.

        La paroisse de Saint-Aubin subit alors le sort commun, comme nous l'apprend le Verbal de Charles IX rédigé en 1572 par André Bourgeois, prieur de Sainte-Quitterie et vicaire général. Notre église et celle de Hauriet devinrent la proie des flammes à la venue des vicomtes ; les capitaines Tauzin frères, Langlade de Labat, Gabriel de Dimbidones, et de Poches commandèrent la manœuvre, cependant que l'officier Castaignet tenant garnison au château de Poyaler, présidait au pillage. Puis, les soldats du capitaine Solié prirent les ornements sacrés, tandis que ceux de Montamat faisaient main basse sur les revenus de la fabrique de Hauriet. A leur tour, les personnes furent cruellement inquiétées, au point qu'un grand nombre de familles sous la peur causée par leurs bourreaux, apostasièrent au grand jour. Mais si parfois le mal et la violence ont ici-bas des triomphes insolents qui semblent tout vouloir emporter après eux, l'heure de la Providence n'est pas loin non plus qui fait lever l'aube radieuse des revanches du droit, de la justice et de la liberté. Au lendemain de la paix qui suivit la tragédie huguenote, beaucoup de maisons plantèrent un arbre pour sceller le souvenir de la tranquillité revenue ; et c'est là probablement l'origine de ces troncs noueux que nous rencontrons quelquefois au hasard des chemins et qui, malgré les ans, continuent toujours à reverdir chaque printemps pour donner asile aux joyeuses nichées des oiseaux du bon Dieu.

        Les " Mémoires " d'Henri de Laborde-Péboué (Doazit 1638-1670) vont nous dire maintenant ce que fut chez nous la guerre de la Fronde, cette lutte de cinq ans qui s'engagea entre la Cour et le Parlement sous la minorité de Louis XIV, et pendant laquelle la Chalosse eut particulièrement à souffrir. En 1650, les troupes du Prince tinrent quartier à Saint-Aubin pendant vingt jours et rançonnèrent durement les habitants. Deux ans plus tard, le 2 février 1652, débouchant de Doazit elles venaient porter le siège devant Poyaler et se mesurer avec les bataillons réguliers de M. de Poyanne. L'action y fut des plus chaudes, et leur principal officier supérieur trouva la mort devant les fossés du château. C'est alors qu'apparut à la tête des brigades rebelles, un capitaine allemand du nom de Balthazar, qui fut, nous dit le chroniqueur, l'homme le plus cruel que la terre ait porté. Cet étranger, terreur des populations, ne put cependant dominer l'adversaire, et il dut battre en retraite sur Mugron, laissant entre les mains du vainqueur 300 prisonniers et un important butin.

        M. le chevalier d'Aubeterre, lieutenant de M. de Poyanne, arrive en février 1653, et avec ses 10.000 soldats vient attaquer l'ennemi renforcé de 800 irlandais. Celui-ci lâche pied et reflue vers Montaut, sans avoir pu rallier les débris de son armée. Malgré ses revers, Balthazar ne cesse de galvaniser ses guerriers ; et il va farouche et sans pitié, n'épargnant personne à travers nos villages. Il est déjà à cette époque, le triste précurseur de ces germains qui, de 1914 à 1918, devaient mettre systématiquement en coupe réglée dix de nos plus riches départements. L'histoire, on le voit ici, est un perpétuel recommencement... Le 17 mars 1653, les belligérants se rencontrent à nouveau sur les bords de l'Adour ; mais cette fois d'Aubeterre dois reculer sur Saint-Aubin et Maylis. Poyaler est occupé et, écrit Péboué : " ils n'y ont rien laissé de ce qu'ils ont trouvé de bon. Le monde est perdu ! ". Les bataillons du roi reprenant l'avantage s'en vont bientôt attaquer Tartas pus le château de Cauna où, le 12 juin, Balthazar grièvement blessé dut déposer les armes. Ce fut la fin de la fronde landaise.

        Inutile de dire que les mœurs publiques n'eurent guère à se féliciter de ce contact avec des combattants, la plupart venus du dehors, et que ce séjour à Saint-Aubin ne fut pas non plus sans porter sérieusement atteinte à la vie économique de nos campagnes. Résumant, pour sa part, les faits de ces années sanglantes, notre annaliste ajoute : " Si je voulais consigner tout ce qui s'est passé de ces ravages de guerre et d'autres bouleries qui fut fait, je ne pense pas pouvoir trouver assez de papier. Les terres n'ont plus de bras, l'herbe pousse dans les champs, c'est la désolation générale. La guerre a tout mangé ! ". Puis ce furent les maladies, la famine et la peste qui décimèrent à ce point nos régions, qu'en deux jours seulement on compta 40 morts à Saint-Aubin, Poyaler et Montaut. La lutte terminée, on apprenait - Ô ironie du sort ! - que d'Aubeterre et Balthazar rivaux d'hier, venaient soudain de se réconcilier devant l'impôt de guerre de 4.000 écus levés à travers la Chalosse, et qu'il se partagèrent par moitié.

        L'église de Saint-Aubin fut fermé au culte à deux reprises différentes. Une première fois en 1655, devant l'ingérence trop marquée des seigneurs de Poyaler qui prétendaient exercer leur autorité jusque dans le sanctuaire. La marquise tenait pour la nomination à la cure d'un certain abbé Moncurcq, le baron optait pour l'abbé Cassaré. Des scènes regrettables se produisirent, qui eurent pour épilogue l'interdit de la paroisse. Les deux compétiteurs se rencontrèrent avec leurs partisans, un dimanche avant la messe ; et après une discussion provoquée par Moncurcq, s'engagea une mêlée générale où le sang coula de toutes parts. Immédiatement informé, l'évêque frappa de suspense les délinquants, et nomma sur place un vicaire, M. Dumartin, de Montaut, à qui il confia en même temps la desserte de Hauriet. Non content de faire poursuivre et emprisonner Cassarré et deux de ses neveux, Moncurcq obligea encore le frère du détenu à payer 32 écus pour frais judiciaires et à force d'intrigues parvint à se faire nommer à Saint-Aubin, par arrêté royal de Louis XIV.

        Le 2 juin 1670, de nouveaux désordres éclatèrent à l'église. C'était l'époque où la Gabelle (impôt sur le sel), donnait lieu en Chalosse à de criants abus. M. Moncurcq étant donc monté en chaire pour donner avis d'un mandement de son évêque, un remous se produisit dans la foule, celle-ci s'imaginant qu'il allait l'entretenir de l'irritante question. Soudain, les femmes envahirent le cimetière ; puis rentrant à nouveau, s'avancèrent pour lapider le curé. Le seigneur de Saint-Germain n'eut que le temps de quitter sa place, et de protéger Moncurcq qui déjà courait se réfugier dans la sacristie. A la suite de cette sacrilège incartade, le prévôt de Dax se rendit à Saint-Aubin pour fixer son enquête, et envoya en prison huit agitateurs connus qui, cependant, furent plus tard déclarés non coupables. A son retour, l'évêque crut devoir punir la paroisse, et pendant dix-huit mois obligea les familles à transporter les morts à Maylis, Hauriet et Larbey, selon la proximité des quartiers. Puis, dans un bien de paix, Mgr de Sariac vint lui-même, le 4 novembre 1671, lever les sanctions et dans un discours mesuré mais sévère, rappeler les habitants au sens des plus paisibles réalités.

        Le 2 février 1666, on distillait à Saint-Aubin de l'eau-de-vie dans six chaudières qui brûlaient depuis plusieurs heures, quand le vin se mit tout à coup à épaissir, obligeant les ouvriers à suspendre leur travail ; " et ce dura trois jours ". On vint alors chercher le curé qui s'empressa de bénir les alambics et d'exorciser la maison ; après quoi il monta à l'autel pour dire sa messe, et " l'eau-de-vie devinct fort bonne et firent autant de besogne comme de coustume, grâces à Dieu ". - L'année 1697 une affreuse famine désola la Chalosse, laissant pour de longs mois nos populations en proie à une grande misère. "il y périt de faim une infinité de peuple". Les gens de nos campagnes furent contraints de manger les herbes et les plantes que les bêtes ne voulaient pas, et de passer souvent plusieurs jours sans pouvoir trouver la moindre nourriture. Il faut dire aussi que nos régions landaises ont toujours été durement éprouvées par les calamités publiques, et surtout par la grêle. C'est ainsi que le 28 août 1655, le 14 juin 1707, le 2 juin 1714, le jour de l'Ascension 1719, le 28 juin 1728, le 14 juillet 1731, le 26 août 1732, le 13 août 1762 et le 1er septembre 1771, de terribles tornades ravagèrent Saint-Aubin, anéantissant tout sur leur passage. D'autres fois, ce furent des hivers rigoureux, que la seule évocation de ces sombres journées nous semble presque invraisemblable. Témoin, celui de 1658 où le vin gela dans les barriques, et où les vignes, les figuiers et les lauriers séchèrent sur pied. La neige couvrit le sol pendant près de deux mois, et le froid fut si vif que la plupart des bêtes à cornes périrent dans les étables. Citons encore en passant, ce mois de janvier 1709, où il neigea pendant trois semaines, au point qu'il fallait chaque matin décharger le toit des maisons, se servir de fers chauds pour faire fondre le vin dans les futailles et utiliser des haches pour couper le pain. Et comme un malheur n'arrive, dit-on, jamais seul, des tremblements de terre éprouvèrent nos campagnes, tandis qu'une bande de loups sortant des bois de Malabat sema l'épouvante à Saint-Aubin et dans tous les environs, dévorant sur son passage un nombre incalculable d'animaux et d'oiseaux de basse-cour.

        En 1739, les travaux des champs furent si longtemps retardés par les pluies, que le froment ne put être coupé qu'à la mi-août. Puis des aurores boréales qui apparurent dans le ciel à cinq ou six reprises différentes, effrayèrent les populations qui crurent voir dans ces phénomènes extraordinaires l'annonce des prochains malheurs.

        L'année suivante, des gelées ses succédèrent depuis le mois de septembre jusqu'aux premiers jours de mai 1741 ; les vendanges ne purent avoir lieu qu'en novembre, et les hommes tombaient de froid dans les pressoirs en foulant les raisins. Ce n'est pas tout : du mois de janvier à celui de septembre, il n'y eut qu'une seule pluie d'orage, et devant pareille sécheresse tous les maïs disparurent sur place. Pareillement, beaucoup de familles périrent " de plurésis et du flus de sang ".

        Malgré l'adversité, les âmes restaient sereines et s'inclinaient sans mot dire sous la main de Dieu. C'était en effet le temps où nos paroisses voyaient fleurir l'esprit chrétien sous toutes ses formes et aimaient fréquenter les églises pour y entendre la parole sacrée. Nos archives racontent qu'en 1743 une mission fut donnée à Saint-Aubin par l'évêque d'Aire lui-même, Mgr Sarret de Gaujacq, ancien chapelain de N. -D. de Garaison. Heureux fidèles, qui eurent la joie d'être pendant deux semaines évangélisés par le premier pasteur du diocèse ! Quelque temps plus tard en 1766, l'abbé de Campet prêtre habitué, légua 500 livres pour couvrir les frais des nouvelles prédications qui durèrent un mois, avec le concours de religieux capucins. Un mois...Actuellement, ces trente jours paraîtraient bien longs à nos contemporains, et tant de sermons finiraient vite par avoir raison d'une piété trop courte.

        L'abbé Delisle qui ne nous fait grâce, d'aucun de ces petits détails qui intéressent la vie d'une localité, nous apprend qu'en 1774 une épidémie très dangereuse pour les bestiaux désola la région. Un vétérinaire consulté découvrit le moyen d'enrayer le mal. Nous dirions aujourd'hui qu'il ne dut pas fatiguer beaucoup son imagination. Qu'on en juge plutôt : " On n'a pas trouvé de remède plus assuré, que de les faire changer d'air en les envoyant dans des paroisses un peu éloignées... ". Il est probable que nos paysans de 1938 exigeraient des mesures prophylactiques autrement efficaces, pour leurs bêtes malades.

        Notre plume s'arrête maintenant sous les menaces grandissantes de la Révolution dont les philosophes et les encyclopédistes du XVIIIe siècle porteront devant le verdict de l'histoire les plus lourdes responsabilités. Malgré certaines campagnes habilement menées pour troubler l'opinion, Saint-Aubin vivait alors sa vie chrétienne, laborieuse et tranquille ; l'union régnait dans les familles ; tout le monde ne demandait que la paix loin des agitations politiques, satisfait de son sort, souhaitant seulement quelques modifications intérieures, d'ailleurs faciles à réaliser. Nous allons voir qu'il allait en être autrement.

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CHAPITRE III

        Saint-Aubin et la Révolution

        Le 16 février 1789, Jean Pémarque syndic de la communauté de Poyaler et de Saint-Aubin (1), informa les habitants que les officiers municipaux de Saint-Sever invitaient l'assemblée à appuyer les démarches du tiers-état, pour présenter au roi le cahier des revendications, et obtenir de lui la restauration de la sénéchaussée des Lannes. A l'unanimité des voix, Pémarque fut choisi pour se rendre au chef-lieu et y parler au nom de Saint-Aubin. Le 5 Mai, les députés se proclamaient Assemblée nationale constituante ; deux mois plus tard, surgissait l'émeute du 14 juillet durant laquelle le pouvoir royal se trouva impuissant : la révolution était née. Depuis longtemps, en effet, des idées nouvelles travaillaient les esprits et un souffle d'indépendance secouait les masses populaires. Le Pays, à cette époque, nous l'avons dit plus haut, soupirait après un ordre de choses fixe et durable ; malheureusement, un cataclysme effroyable allait au contraire inaugurer dans son sein, un régime de désolation et de sang.

(1) La commune s'appelait alors Communauté ou Paroisse. Elle avait à sa tête un ou plusieurs jurats élus par tous les citoyens, renouvelables tous les ans, parlant et agissant au nom de la population. A côté, se trouvait le syndic, auxiliaire nécessaire des jurats ; il n'y en avait qu'un par paroisse. C'est lui qui veillait à l'ordre public et répondait devant les tribunaux, des litiges des habitants.

Le 28 juin 1790, la commune constitua sa garde nationale, chargée éventuellement de prendre les armes pour la défense du bien public. Elle compta dès l'abord 75 citoyens actifs qui se donnèrent comme Colonel Dominique Pémarque ; Jean Biella comme Capitaine-Commandant ; Jean Larrède et Charles Candau comme Tambours ; comme Major, enfin Bernard Dartiguelongue. La loi prévoyait pour eux une tenue réglementaire dont ils devaient personnellement faire les frais ; toutefois, nous pouvons supposer que les nationaux de Saint-Aubin plus habitués à tenir la charrue que le mousqueton des soldats, ne durent guère s'embarrasser d'un costume nouveau. Cela fait, la municipalité invita ses administrés, à s'unir d'un même cœur au peuple de Paris qui devait, le 14 juillet suivant célébrer en grande pompe la fête de la Fédération. A cet effet, l'abbé Dupérier chanta, la veille au soir l'office des premières vêpres, après quoi, fut tiré sur la place de l'église un brillant feu d'artifice. Le lendemain, le curé monta à l'autel et devant les corps constitués présida un Te Deum auquel répondit l'assistance. On crut un instant que des jours meilleurs allaient bientôt paraître ; hélas ! une insurrection qui grondait en silence dans le peuple devait déferler comme un torrent, et emporter dans la tourmente jusqu'aux institutions mêmes de l'Etat.

        Le 2 novembre, eurent lieu deux élections distinctes pour désigner le maire, les officiers et les notables. Malgré les résultats acquis, il fallut en raison de certaines illégalités procéder à un second tour et, le 12 décembre par 48 voix, sur 72 votants, le curé de Saint-Aubin fut nommé président de l'assemblée communale. Celle-ci eut aussitôt à intervenir à propos du transfert à Toulouzette des assemblées primaires, dans des discussions véhémentes qui n'aboutirent à rien d'autre qu'à échauffer un peu plus les esprits. Ni les interventions près de M. de Caupenne procureur-royal, ni les démarches faites en haut lieu par l'abbé Dupérier, ne purent faire revenir les hommes au pouvoir sur leur décision ; et " Toulouzette, la plus chétive paroisse de la région, où le vin est mauvais... " devait, tôt après, recevoir dans ses murs les délégués cantonaux de Mugron (1).

(1) Divers arrêtés municipaux ayant en vue l'ordre public, furent édictés à cette époque : défense aux cabaretiers de garder leurs consommateurs (sauf les étrangers) à l'heure des offices de L'église ; création d'une prison communale ; révision des mesures de " pinton et de pinte " pour les aubergistes, et des balances pour les boulangers ; réintégration dans les caisses de Saint-Aubin de toutes les créances particulières.

        Nous voici en 1791, l'année où parut la Constitution civile du clergé. Cette loi ne tendait qu'à déposséder le pape et les évêques de leurs prérogatives, de leur juridiction et de leur souveraineté. Gardien vigilant de la foi et des mœurs, Pie VI condamna le décret (2), et défendit aux ecclésiastiques d'y souscrire. Malgré cela, il y eut dans les Landes, au dire de l'abbé Légé, 193 jureurs tant séculiers que réguliers. On les appela Assermentés, pour les distinguer des Insermentés ou prêtres réfractaires (3). - Les évêques d'Aire et de Dax ayant énergiquement repoussé le serment, un nommé Saurine, d'Oloron, député à la Constituante et depuis longtemps inféodé aux partis du jour, fut désigné pour occuper leur siège. Nous ne le suivrons pas dans le diocèse où sa venue suscita des colères enflammées, où changeant neuf fois de vicaires-généraux, il ordonna 22 prêtres qui tous passèrent dans le camp des constitutionnels. Des Landes, il fut transféré à Strasbourg. Sa fin fut le triste couronnement d'une vie d'aventures, et on le trouva mort dans son lit, dans un couvent où il était de passage (4).

(2) Il était ainsi conçu : " je jure d'être fidèle à la nation, à la loi civile et politique et au roi. " Tout fut mis en œuvre dans chaque commune, pour lui donner un éclat exceptionnel.

(3) Parmi les prêtres réfractaires des Landes, 308 passèrent en Espagne, 79 restèrent cachés dans le département, 70 furent emprisonnés à Sainte-Claire (Mont-de-Marsan), 19 furent ordonnés en Espagne par les évêques d'Aire et de Dax, 11 enfin en raison de leur âge et de leurs infirmités purent rester dans leur domicile. - 161 prêtres jureurs vinrent, des diocèses voisins, s'implanter dans le nôtre.

(4) Une pancarte longue de 1 m. 30 imprimée en 1794 et comprenant 95 noms de citoyens capables d'exercer " dignement " les fonctions publiques, le désigne ainsi : Prêtre, puis évêque, demeurant à Paris Actions civiques : Mandement pour le fanatisme. Caractère moral : Tartuffe. Physique : Hercule. Ouvrages : Discours propre à établir une corporation dans son cy-devant diocèse. Bon pour la guillotine.

        Comme Mgr de Caux, son évêque, le curé de Saint-Aubin n'accepta pas le décret ; sachant, en effet, tout ce que la loi renfermait de contraire à la religion catholique, il opposa un refus formel à la sommation que lui firent les officiers municipaux. Lecture faite à l'église de l'instruction du gouvernement exigeant des fonctionnaires publics la prestation du serment, il descendit de chaire et continua sa messe (11 février 1791). Ce geste noble et courageux allait désormais attirer sur sa tête toutes les foudres de la Révolution. - L'abbé Dominique Dupérier arrivé en juillet 1789, venait du Bourdalat où il avait été nommé curé, quatre ans plus tôt (5). Il ne devait plus quitter Saint-Aubin où il mourut en 1842, après un long et fructueux apostolat.

(5) Il avait alors 31 ans et mesurait 5 pieds et 3 pouces (1 m. 73).

        Devant cette attitude si nettement exprimée, le tribunal du district envoya dans la commune, le 11 septembre 1791, un ancien barnabite de Nîmes, appelé Tauziet. Celui-ci ne fit que passer et se " déprêtisa "avant d'aller mourir à Gaujacq où il fit le tourment de tous les gens de bien. Dubasque, vicaire de Doazit, le remplaça. Lui aussi se déprêtisa à l'âge de 28 ans, au moment où une pension de 800 livres venait de lui être allouée (6). Enfin, parut le curé jureur de Larbey, Croharé, à qui Saurine confia en juillet 1792 le service de Saint-Aubin. (Légé.)

(6) Il mourut à Mant en 1843, après avoir été curé de Doazit de septembre 179l à 1803.

        Cette élection et cette venue des intrus dans les paroisses, ne furent pas sans provoquer de violentes réactions ; et l'évêque de Dax dut, un jour, demander d'urgence au département une colonne de cinquante volontaires pour protéger certains de ses prêtres particulièrement menacés. Nous savons aujourd'hui que beaucoup d'assermentés s'en allèrent sans mandat, occuper les postes de leur choix, et qu'ils abandonnèrent avec une égale facilité ceux qu'ils jugeaient trop au-dessous de leurs aptitudes personnelles ; mais aucun ne se fit jamais le moindre scrupule de s'approprier d'avantageux traitements payés d'avance par l'Etat. Et l'on vit bientôt ces pauvres égarés qui ne se maintenaient qu'au prix d'avanies continuelles, obligés de quitter leurs presbytères et sous la menace de la guillotine et la suppression de tout subside officiel, s'en venir humblement solliciter la charité publique. Triste retour des choses... Il faut dire aussi à la gloire du clergé landais, que tous les jureurs sauf neuf, firent plus tard amende honorable de leur défection et qu'ils demandèrent à reprendre place dans les rangs qu'ils avaient un moment désertés.

        Témoin douloureux et muet de ce qui se passait autour de lui, l'abbé Dupérier restait caché dans sa retraite préférée de Cournaou ; mais il sortait la nuit pour se rendre encore utile au troupeau demeuré sans pasteur. Il savait même si bien dérouter les patriotes, que les représentants du peuple à Saint-Sever finirent par s'émouvoir et que Saurine lui-même fut obligé de rompre le silence. Celui-ci fit savoir au Directoire que le curé de Saint-Aubin avait continué son service, que les aristocrates reprenaient confiance et qu'un attroupement de 4.000 gens armés, à travers la paroisse, avait fait perdre tout courage au curé constitutionnel de Mugron. " Vous sentez, Messieurs déclarait-il, combien il est important que Dupérier et Lacoste (de Larbey) (1), les plus dangereux du canton, soient éloignés le plus tôt possible. " Menace vaine et inutile, puisque l'abbé Dupérier n'abandonna jamais Saint-Aubin et ne consentit pas davantage à fuir à l'étranger.

(1) Celui-ci, était né à Brocas en 1743. Curé des Ostaux-Royaux de Larbey et de Maylis, passa en Espagne.

        Après la guerre religieuse, vint l'invasion sur les frontière d'Espagne par les nations coalisées. Immédiatement, Mugron demanda des hommes pour barrer la route à l'ennemi devant les Pyrénées. D'un commun accord, tous nos gardes nationaux se déclarèrent prêts à partir sur Bayonne et à donner leur vie pour la patrie en danger. De son côté, on apprenait que la ville de Saint-Sever était déjà épuisée par les frais de casernement, et qu'il lui fallait de toute nécessité des articles de literie et de cuisine pour le repos et la subsistance des soldats. L'heure donc paraissait grave ; malgré cela, les dirigeants du pays bien que préoccupés de l'avenir, allaient encore marquer un pas en avant dans la voie de la persécution déjà déchaînée sur la France.

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CHAPITRE IV

        La Terreur. Quelques récits de ce temps

        L'année 1792 finissait dans l'agitation et le bruit des batailles. A Saint-Aubin, les séances communales s'étaient tenues presque en permanence, et les 91 délibérations inscrites dans nos archives reflètent toutes le souci de la défense nationale, en proclamant bien haut que " la violation des lois est un attentat à la Révolution ". D'autre part, le secrétaire de l'époque ne perdait pas son temps, puisque il laisse notification de 1.333 décrets promulgués par le gouvernement, du 12 décembre 1790 à la fin de 1792.

        Paris craignant de voir fléchir en province les doctrines du jour, envoya en Chalosse le procureur Dartigoeyte, de Lahosse. Ancien élève du collège d'Aire, le futur jacobin avait reçu à la fois de ses parents et de ses maîtres une solide éducation chrétienne. Mais d'un incommensurable, orgueil et d'une ambition sans égale, il s'éprit des idées philosophiques du dix-huitième siècle et se jeta à corps perdu dans le mouvement révolutionnaire. Il vota la mort du roi Louis XVI, affirmant pour justifier sa conduite, qu'un bon républicain ne compose jamais avec sa conscience, et que le remords n'est pas de mise chez le citoyen dont le patriotisme, le salut du peuple et la justice dirigent les pensées. On voit d'ici ce qu'allait être un jour notre conventionnel qui, à cette époque, n'avait pas encore trente ans.

        1793 fut l'année terrible entre toutes, celle où la Convention organisa en France LA TERREUR, dans le but d'empêcher toute velléité de retour à la royauté et de tuer la religion à travers le pays. Ce pouvoir dura 14 mois, du 13 mai 1793 au 27 juillet 1794. La plus redoutable de ses lois fut celle des " Suspects ", qui ordonnait d'arrêter, de jeter en prison et de condamner souvent sans l'apparence d'un jugement, ceux qui étaient simplement soupçonnés d'être les ennemis de l'Etat. Que d'infortunés tombèrent alors sous le couperet sanglant n'ayant même jamais su ce dont ils étaient accusés ! (1).

(1) Il y avait à Saint-Sever qu'on débaptisa bientôt pour l'appeler Mont-Adour quatre maisons de réclusion pour les suspects du pays et des régions voisines. La guillotine était dressée sur la Place du Tour-du-Sol, à l'endroit occupé actuellement par la bascule publique. Les femmes et les enfants de la ville assistaient amusés aux exécutions journalières. Le tribunal révolutionnaire siégeait dans une salle appartenant à l'ancien couvent des Bénédictins devenu la mairie.

        Nous pouvons aujourd'hui avec le recul du temps, comprendre la détresse morale de nos populations qui, pour garder leur foi, durent s'incliner devant la volonté de ces hommes dont on a pu dire qu'ils avaient une pierre à la place du cœur. Mais nous savons aussi que du fond de leurs cachettes, les réfractaires continuaient à soutenir le courage de leurs ouailles, tantôt par des prônes écrits, tantôt par des messages qu'ils confiaient à des estafettes de leur choix. L'abbé Dupérier à Saint-Aubin se distinguait entre tous par cette force d'âme qui en ferait aujourd'hui un personnage de légende.

        Le 10 novembre, l'abolition de la religion catholique fut décrétée sur tout l'ensemble du territoire ; puis, un nouveau culte apparut, celui de la déesse Raison. Un calendrier spécial vit le jour qui remplaça les noms des saints par ceux d'outils, d'animaux et de légumes. Ainsi Noël était la fête du chien. Les mois tirèrent leur appellation de mots grecs et latins ; ils comprenaient trois décades ou séries de dix jours ; la décade remplaçait le dimanche.

        Nous n'avons pu savoir si Saint-Aubin eut alors son autel à la divinité ; mais ce que nous pouvons dire, c'est que la fête de la décade, dont les sonneries furent réglementées par Dartigoeyte lui-même, eut lieu pour la première fois le 30 novembre, et que le procès-verbal qui en fut rédigé ne manque pas d'intérêt. " Des étrangers passants se sont fait un devoir de se joindre à l'assemblée, invités à participer à la réjouissance publique et se sont réjouis avec elle en exaltant leur joye, et ont passé l'après-midi avec le peuple de Saint-Aubin, en bénissant de concert les bienfaiteurs ou instituteurs de cette auguste fête. " La cérémonie se tenait à l'église, avec ou sans le curé assermenté (2) ; les patriotes qui avaient leur mot à dire sur les événements ou qui, librement, désiraient manifester leur opinion en public, montaient en chaire d'où il n'était pas rare de voir s'engager bien vite de bruyantes polémiques ; avant de se séparer, l'assemblée entonnait la " Marseillaise ", et fléchissait le genou à la strophe " Amour sacré de la patrie " puis, on allait se grouper sur la place, où chants et danses s'organisaient aussitôt autour de l'arbre de la Liberté. Le reste du jour se passait à chanter, dans les auberges, les bienfaits de la Révolution.

(2) L'assistance choisissait trois jeunes filles qui, aussitôt quittaient leur place et allaient s'asseoir sur l'autel. Elles étaient coiffées du bonnet rouge, et celle du milieu tenait un sabre à la main. La réunion finie, les trois déesses étaient l'objet de la vénération générale et demeuraient les reines du jour.

        Et puisque nous en sommes à décrire les mœurs qu'apportait avec lui le régime, disons qu'à ce moment les mots de Monsieur et de Madame furent remplacés par ceux de Citoyen et de Citoyenne ; le Tu devint obligatoire dans la société ; le chapeau disparut pour céder le pas au bonnet phrygien, et tous, même les enfants, durent arborer la cocarde tricolore s'ils ne voulaient pas passer pour suspects. Dans les clubs populaires, on se donnait l'accolade en criant : " Vivent les sans-culottes ! A bas les aristocrates ! " Enfin, les repas " républicains " se prenaient en famille et en plein air, devant la porte des maisons ; ils n'étaient permis qu'à l'annonce de quelque événement d'importance, et la table devait être frugale pour ne pas insulter à la misère du peuple ; mais, pratiquement, les amis de la dive bouteille trouvaient toujours des prétextes pour créer de nouvelles rencontres.

        Le 24 mars, les 4 et 6 avril, les 11 et 13 octobre 1793, les officiers municipaux de Saint-Aubin accompagnés de la garde nationale, parcoururent la commune en tous sens, en quête de l'abbé Dupérier : celui-ci demeura introuvable. Certes, ils eussent été bien surpris ces intrépides défenseurs du pays, si on les avait aiguillés du côté du Teoulè ou vers les bois de Massey, à Maylis. Ils y auraient découvert une pieuse communauté de prêtres réfractaires, renouvelant en bien des points la vie des premiers ermites du désert, vivant du pain de la charité et plus souvent de misère. De ces refuges insoupçonnés, le curé de Saint-Aubin sortait pendant la nuit, affublé d'habits d'emprunt. Il endossait la longue Chamarre bleue du paysan chalossais, coiffait le béret à larges bords et chaussait de lourds sabots. Il venait ainsi jusqu'au Prince où il donnait rendez-vous aux fidèles pour leurs confessions et le saint Sacrifice. L'histoire rapporte qu'en cette année 1793, une gracieuse phalange d'enfants s'approcha pour la première fois du banquet eucharistique dans un coin retiré de la métairie. Ce dut être pour les assistants une cérémonie digne du temps des catacombes, et dont ils ne perdirent certainement pas de si tôt l'émouvant souvenir.

        D'autres fois, M. Dupérier s'en allait par les champs, menant son Bross le juron à la bouche ; ou bien, se jouant de ses propres paroissiens devenus ses persécuteurs, il conduisait les troupeaux afin de mieux se rendre compte de ce qui se passait autour de lui, et de visiter au besoin les malades et les agonisants. Mais un matin, poursuivi par les gendarmes et se sentant perdu, il put à grand'peine dépister l'ennemi et gagner une maison voisine où s'installant au Ristoun, il accueillit tranquillement les visiteurs, en gorgeant l'un après l'autre deux grands bœufs tout étonnés de se voir servir un déjeuner inattendu, par une main mal habile.

        Le curé de Saint-Aubin avait, nous dit l'abbé Légé, un frère nommé Raymond qui fut ordonné prêtre en Espagne par l'évêque de Dax, Mgr de Laneufville. Rentré dans le diocèse, il fut accusé d'avoir fait du ministère et brutalement appréhendé par les sans-culottes. Comme on l'attachait à une chaise, l'un des soldats fit le geste de lui trancher le cou. " - Eh bien, lui dit l'abbé, soit ! mais elle n'est pas belle, ma tête ; mais si vous la voulez comme ça, accommodez-vous-en ! " Le patriote n'insista pas et remit son prisonnier en liberté.

        Dominique Dupérier et le P. de Caupenne, son compagnon d'infortune, ne durent tous deux la vie sauve qu'à une ruse savante d'un brave homme de St-Aubin, habitant à Yaoumes, et particulièrement dévoué à la cause des prêtres. Celui-ci s'appelait Dubroca, surnommé Pouchon. Un jour donc qu'il hébergeait les deux insermentés, Dubroca vit surgir tout-à-coup une troupe de révolutionnaires, en direction de sa maison. Il eut tout juste le temps de rentrer chez lui, d'intimer l'ordre à ses hôtes de courir se cacher, et de se jeter lui-même sur un lit où, simulant des souffrances atroces, il se mit à pousser des cris à fendre l'âme. Bientôt, les soldats frappent à la porte et entrent en coup de vent pour visiter la demeure. Mais entendant gémir dans la chambre voisine, et apercevant toute en pleurs la femme du logis, ils s'arrêtent, questionnent, puis en silence et l'arme à la bretelle défilent vers le bourg. Alors, descendant du grenier où ils avaient juré de vendre chèrement leur peau, comme aimait à le raconter plus tard le P. de Caupenne, les deux amis se rendirent à la cuisine où les attendait déjà le malade - subitement guéri - pour souper à la santé des sbires de Dartigoeyte.

        Un noble dont nous ignorons le nom et caché à Gaulin, fut signalé au tribunal du district. Celui-ci envoya immédiatement un peloton de gens armés, avec mission de s'emparer coûte que coûte du malheureux proscrit. Apercevant les sans-culottes, l'infortuné chercha son salut dans la fuite en se jetant dans le vide par une fenêtre ouverte. Mais la chute fut terrible ; et les soldats n'eurent que la peine de cueillir leur victime expirante pour la conduire à Mont-Adour, où l'exécuteur des hautes œuvres fit aussitôt le reste. (Cité par M. Moumiet, après M. Pierre Soubaigné, vieillard de 87 ans, qui tenait le fait de ses parents).

        Voici, enfin, un dernier trait non moins intéressant. L'abbé Jean Lamarque, vicaire-général de l'évêque d'Aire, passa tout le temps de la Terreur à Saint-Aubin, Larbey et Maylis, avec plusieurs de ses confrères dont il fut le pieux et admirable soutien. Il faillit un jour tomber en embuscade en regagnant son refuge de Saint-Germain. Les juges de Saint-Sever avaient, en effet, envoyé à Saint-Aubin un groupe de policiers, pensant trouver à tort ou à raison le prêtre réfractaire au chevet d'un malade qu'on leur avait indiqué. M. Lamarque était de bonne prise. Sur les 3 heures du matin, les patriotes croisent une ombre sur la route ; toute fuite est impossible. Le vicaire-général - car c'était lui - tire sa montre et dit au chef de file : "  - C'est bien ! A 7 heures, nous partirons ; à 8 heures, nous serons arrivés ; c'est l'heure où le tribunal tient séance ; à 9 heures, je serai guillotiné. J'ai le temps de voir et d'administrer le moribond. Conduisez-moi et gardez-moi ! " Il donne les derniers sacrements, puis se met à genoux pour prier. Entre un sans-culotte qui lui dit : " - M. l'abbé, je dois me marier demain, mais la jeune fille ne veut pas d'un prêtre jureur. - " Soit, répond M. Lamarque ; mais alors faites moi évader ! Et puis, il faut vous confesser... - " Mais, reprend le soldat, comment faire avec ces hommes ? - " C'est bien simple, monsieur ; amusez-les avec une bonne bouteille de vin blanc, et pendant ce temps je m'échapperai. Demain matin, je serai à vous attendre dans la chapelle de Saint-Germain. - Un moment après, le sous-officier revient : " Vite, M. l'abbé ! Ils sont attablés ; fuyez par ici ! "

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CHAPITRE V

        Difficultés communales. Derniers soubresauts et fin de la Révolution à Saint-Aubin. Temps nouveaux.

        Le 6 germinal an II (26 mars 1793), la municipalité se rendit à l'église (temple de la Raison), y déplaça les deux autels et les lampes et en enleva pour les envoyer à Mont-Adour, le balustre et la rampe en fer de la chaire, du poids de 3 quintaux et 80 livres (1). Puis, elle ordonna de jeter au feu tous les titres féodaux déposés à la mairie, et mit sous séquestre les biens meubles et immeubles du duc de Gontaut-Biron, seigneur de Poyaler.

(1) Beaucoup de paroisses portant le nom d'un saint, avaient été débaptisées. Nous ne pensons pas que la nôtre ait jamais perdu le sien, car nos archives ne mentionnent nulle part un changement de ce genre. Il suit de là, ou bien que la municipalité refusa pour Saint-Aubin une appellation nouvelle, ou bien ce qui est plus probable, que la commune ne donna que peu d'affaires au tribunal du district.

        Pendant ce temps, Dartigoeyte s'imposait aux révolutionnaires et, ajoutant la hardiesse à l'omnipotence que lui donnaient ses fonctions, devenait bien vite en Chalosse le maître du pays (2). Venu de Paris à Mugron, le 29 germinal il alerta toutes les communes du canton, et Saint-Aubin courut lui apporter ses hommages et ses félicitations, au lendemain d'un attentat criminel qui avait failli lui coûter la vie. Son passage à travers nos régions porta d'ailleurs ses fruits ; car le 27 frimaire suivant, un groupe de citoyens de Poyaler et de Larbey demanda à prendre place dans " le comité des Montagnards de Saint-Aubin ". - " Citoyens, disait la supplique, une société populaire composée de vrays sans-culottes veut se former dans votre sein. Vous ne devez pas ignorer que les sociétés populaires font les écoles vertueuses où l'homme vient puiser la probité et toutes les qualités qu'il faut à un républicain. Vous nous donnerez donc notre existence politique et le moyen de nous rendre à la hauteur des circonstances. " L'on put ainsi, le 19 nivôse, célébrer en grande pompe la prise de Toulon (Port de la Montagne), par les armées de la république. A 3 heures de l'après-midi, les patriotes dressèrent un bûcher sur la place publique ; ils y fixèrent les tableaux noircis des " traîtres malveillants toulonnais ", puis firent un feu de joie dont ils ramassèrent les cendres " pour les jetter au vent et au fleuve doubly ". La soirée se termina par un repas " bien conserté " et une danse à la montagnarde dont les échos se perdirent très tard dans la nuit.

(2) La pancarte déjà citée, désigne ainsi Dartigoeyte : Avocat, puis administrateur et procureur-syndic au district de Saint-Sever, et député. Résidant à Mugron. Frondant toujours le préjugé et devançant la révolution par ses opinions patriotiques. Sans-culotte. - Complexion délicate. - Peut exercer toutes fonctions.

        Ces réjouissances locales cadraient mal avec la situation délicate où se trouvait la France, menacée à la fois sur toutes ses frontières, et obligée de faire face aux plus effroyables difficultés. Ce fut alors la levée en masse à travers le pays, et le régime forcé dés réquisitions. Or, il arriva que les dix jeunes gens recrutés par le sort à Saint-Aubin, refusèrent de rallier le 3ème bataillon des Landes où ils avaient été affectés. Leurs remplaçants firent mieux : après avoir tenu tête aux officiers publics, ils se rendirent dans le bois de Malabat où, rageusement, ils coupèrent au pied les plus beaux chênes qu'ils purent rencontrer. L'âme de la résistance, le notable Dartiguelongue, dut comparaître devant le syndic. " Les agents municipaux, s'écria-t-il, ne sont que de f... gus, incendiaires et fripons. Qu'on leur coure sus et qu'on en purge la terre à coups de fusilhs, volants et fourches de fer ! " - Puis, ce fut la pénurie des vivres dans les campagnes et le manque de pain pour les soldats. Dans un magnifique élan patriotique, Saint-Aubin vint au secours des armées combattantes, tandis que Mèricamp, procureur de Mont-Adour, écrivait au maire : " Citoyen, le Canon retentit ; nos frères d'armes nous appellent pour partager leurs périls et la gloire de chasser les tirans. Relevez-vous donc ; assemblez vos citoyens ! Il ne s'agit plus de délibérer sur la bataille, l'âge ou toute autre particularité... " On croirait entendre ici le fameux ordre du jour claironnant et sans réplique du maréchal Joffre, qui décida en 1914 du sort de la victoire aux heures les plus tragiques des combats sur la Marne. A son tour le recrutement de Bayonne réclamait des hommes mesurant 1 m. 90 (1), du linge de corps et des équipements de toute nature. - Le 8 floréal, le citoyen Sansoube fut chargé d'aller monter une fabrique de salpêtre dans les dépendances du château de Poyaler (2), pendant que les cordonniers de la localité, Campet et Bénétrix étaient invités à livrer cinq paires de souliers par décade, aux régiments des Pyrénées. Ainsi donc, l'heure était angoissante. Cependant, la Convention continuait à pourchasser les prêtres et les aristocrates et ordonnait la destruction de tout ce qui pouvait encore avoir l'ombre d'un droit féodal, seigneurial ou religieux. Et l'on vit alors Farthouat, agent municipal, et Comet, adjoint de Saint-Aubin, s'en aller visiter l'église paroissiale, la chapelle et le château de Poyaler. Ils en arrachèrent toutes les fleurs de lis, blasons et couronnes ; revenant au bourg, ils se rendirent au cimetière où ne respectant même pas le silence des tombes, ils firent sauter au marteau toutes les inscriptions de noblesse de la famille d'Abadie de Saint-Germain.

(1) On en trouva 4 à Saint-Aubin et Poyaler.

(2) La municipalité fit couper dans les barthes du château, tous les coudriers, les bourdaines, " lous crabehus, lous berns, lous saous, l'aouba ". Le 7 frimaire, c'est-à-dire six mois après l'ouverture de son atelier, Sansoube trouvait que ses travaux marchaient au ralenti, et se plaignit en haut lieu.

        Comme il arrive toujours dans les temps de troubles révolutionnaires, de graves conflits sociaux surgirent entre patrons et ouvriers, maîtres et métayers. Le maire dut intervenir, et pour pacifier les esprits, édicter certaines mesures concernant l'alimentation journalière et le paiement des salaires : 1 livre de pain pour les travailleurs des champs, 1/2 livre pour les autres : taxes, échelonnées de 18 sols à 5 livres, selon les diverses catégories d'ouvriers. Malgré cela les rivalités ne firent que s'accroître entre habitants de la commune ; le tribunal de Saint-Sever ordonna l'épuration du Conseil dont le zèle humanitaire lui paraissait trop agressif ; et deux individus, Pierre Sourigues et Jean Viella dénoncés comme suspects et comme coupables d'avoir abattu l'arbre de la Liberté à Saint-Aubin et à Larbey, furent mandés devant les juges pour y faire la preuve de leur civisme. Par bonheur, une sentence de relaxe totale termina le procès, et les deux accusés échappèrent ainsi à la peine de mort.

        Entre temps, se poursuivait la chasse aux déserteurs. Au Cournaou, les agents nationaux furent assez mal reçus par la maîtresse de maison qui leur dit : " Vous feriez mieux de vous retirer que non pas rechercher des gens qui ne font pas de mal à personne ". Le piquet des 12 hommes conduit par un nommé Clavé, s'en alla, en effet. Mais on apprenait, le lendemain, qu'une magnifique dinde manquait à l'appel dans la basse-cour de la maison. Obligé de s'expliquer, Clavé répliqua qu'il n'avait pas à juger son escorte, mais qu'en tout cas, les bons républicains devaient se distinguer des mauvais...

        Depuis longtemps, la Terreur avait partout instauré à travers le pays une situation de fait vraiment intolérable. Bien des yeux avaient fini par s'ouvrir ; et les moins avertis des français se rendaient parfaitement compte que le pouvoir central était débordé par les événements. Déclencher une révolution, est toujours chose facile ; mais en arrêter le cours, et surtout combler l'abîme ainsi creusé par elle entre fils d'un même pays, est assurément moins aisé. C'est ce qui arriva pour la Convention. Néanmoins, avant de disparaître, ses dirigeants voulurent jusqu'au bout faire preuve du plus étroit et cruel sectarisme. On vit alors passer sous séquestre les biens ayant appartenu aux abbés Vidart et Fossats, qui constituaient les métairies actuelles de Gaulin et du Sarthou, (1) ainsi que le champ de Dezest. On vit surtout l'église soumise à un minutieux inventaire de ses vases sacrés, et à la confiscation de tous les objets cultuels qui faisaient pour elle double emploi. Ce fut enfin le départ pour l'Hôtel de la Monnaie à Bayonne, de notre grande cloche. Et pendant tout ce temps, la Maison de Dieu demeurait fermée, sauf le jour de la décade ; plus de lampe devant l'autel, plus de sonneries ; de par la volonté des hommes, le Christ chez lui-même était mis en interdit. Mais tout a une fin ici-bas... Une cabale se forma en plein Paris ; et le 9 thermidor 1794, Robespierre, le fameux agitateur qui avait conduit le pays à la ruine, fut froidement assassiné. Il n'avait que 35 ans.

(1) Il y a encore au Sarthou, " la marlère dou Bidart ".

        Aussitôt, les détenus sortirent de leurs geôles, les suspects furent relâchés, les tribunaux supprimés. Les prêtres traqués jusque-là comme des malfaiteurs publics quittèrent leurs cachettes, et les églises naguère encore converties en temples profanes, s'ouvrirent toutes grandes pour le service divin. Ce fut le calme après la tempête. Le 8 fructidor an III (Septembre 1795), l'Abbé Dupérier se présenta à la mairie de Saint-Aubin pour prier les officiers municipaux, conformément à la loi, de l'admettre à faire la preuve qu'il n'avait jamais quitté le pays depuis mai 1792, et jouir ainsi paisiblement des droits concédés à tout vrai citoyen français. Huit jours après, il se retrouvait dans la maison commune, où il demanda à reprendre son ministère pastoral, déclarant d'autre part que sans rien renier de ses croyances, il acceptait sans réserve les institutions justement établies. Neuf témoins, dont un de Hauriet et un second de Maylis, signèrent les procès-verbaux des séances. Enfin, deux mois après, il venait une troisième fois prêter serment à la Constitution de l'an III, et promettre obéissance aux représentants de l'Etat.

        Malheureusement, le Directoire qui, un instant avait fait oublier la tyrannie de la Convention, rouvrit en 1797 la lutte religieuse, en exigeant du clergé un acte de haine à la royauté. La barbarie apparut à nouveau, jusqu'au jour où Napoléon Bonaparte que ses hardiesses militaires et ses aptitudes au pouvoir avaient signalé à l'attention générale, vint renverser le régime par son coup d'Etat du 18 brumaire. - C'en fut assez pour voir fléchir aussitôt en Chalosse les idées de la révolution. Dartigoeyte lui-même commença à trembler ; et l'on vit alors ce potentat puissant devant lequel tant d'hommes avaient fléchi le genou, descendre honteusement du faîte des honneurs et, poursuivi par ses pairs, tomber bientôt sous le mépris public.

        Le 22 messidor an VII (1798), eut lieu à Saint-Aubin une scène tragi-comique dans laquelle le prestige du farouche jacobin fut ostensiblement bafoué : " - Vous n'aurez pas mon fils, lui cria le citoyen Dartiguelongue, et avant deux décades vous sortirez de place, ou j'y perdrai le cou ! " Ces paroles prophétiques émurent l'assistance et laissèrent sans réplique le tribun atterré. Pour refaire son étoile, Dartigoeyte essaya alors dans nos murs d'une parade de gens armés, en compagnie du curé-jureur Tauziet qui, en 1791 avait desservi la paroisse. " - Soyons dignes, citoyens, criait-il, soyons dignes vraiment d'être républicains ! " Mais son appel demeura sans écho, et ses vieux partisans ne songèrent même pas à lui faire une escorte d'honneur. Quelque temps après, le conventionnel de Lahosse succombait chez lui, à une attaque d'apoplexie, à l'âge de 48 ans (1)

(1) le préfet des Landes adressant au ministère de l'Intérieur l'état du département, écrivait de Dartigoeyte : " Il y a chez nous des individus qui vivent dans la plus parfaite sécurité. Il y en a un entre autres qui a fait couler le sang de 17 pères de famille ". Une nuit, raconte l'abbé Meyranx dans sa monographie de Mugron, Dartigoeyte eut peur d'être tué. " Te tuer ? lui cria son adversaire ; n'en as-tu pas assez tué toi-même ? Détale vite ou... " Et un coup, (****)

        Les prisons de Mont-de-Marsan sont maintenant ouvertes et les prêtres ont regagné leurs anciennes paroisses, sous réserve qu'ils prêteront serment à la constitution de l'an VIII. Après de longues tractations engagées entre les deux évêques d'Aire et de Dax, les ecclésiastiques du diocèse furent autorisés à accepter le décret. L'abbé Dupérier fit sa déclaration à la mairie le 16 fructidor, et promit fidélité au gouvernement. Cependant, une partie du clergé landais hésitait à se lancer dans une voie qui lui paraissait périlleuse. Relevant le défi, le sous-préfet de Saint-Sever envoya aux maires un avis motivé où il leur demandait de n'avoir aucun ménagement pour les récalcitrants, mais de les faire saisir et de les remettre aux mains de la justice. Les esprits s'apaisèrent enfin ; le préfet intervenant à son tour, crut bon de faire tomber toutes les préventions ; ainsi la force publique n'eut pas à prendre parti, et tout rentra dans l'ordre. Afin de mieux sceller la paix entre les citoyens, Saint-Sever lança une proclamation dont le ton change étrangement avec tout ce qu'on avait entendu depuis 1789 : " Que l'oubli le plus profond couvre vos dissensions, vos malheurs et vos fautes. Que la Religion qui vous unit, vous attache tous par des liens indissolubles aux intérêts de la patrie. Que jamais des combats de doctrine n'altèrent les sentiments que la religion inspire et commande ! " Le 25 messidor, Bonaparte adresse au peuple l'appel suivant : " Français, que la paix s'embellisse par l'union des vertus, des lumières et des arts. Que l'histoire de nos malheurs la garantisse de nos erreurs passées. Secondez nos efforts, et la félicité de la France sera immortelle comme sa gloire. " (Archives).

        Des temps meilleurs allaient donc se lever sur le pays et sur l'Eglise de France.

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CHAPITRE VI

        La Paroisse depuis le Concordat. Temps actuels. - Conclusion.

        Le premier Consul savait par quelle crise morale venait de passer le pays, et n'ignorait pas que malgré tant de pénibles incidents la majorité des Français désirait voir la religion catholique redevenir religion officielle d'Etat. C'est dans ces conditions qu'il signa avec le Pape le Concordat de1801, et que fut ouverte pour longtemps une ère de paix et de tranquillité générale.

        Le 9 vendémiaire an XII (2 octobre 1803), eut lieu la remise au maire de Saint-Aubin de l'ordonnance épiscopale nommant M. Dupérier curé de la paroisse. Celui-ci, on le sait, n'était un étranger pour personne. A cette occasion, Jean Biella conduisit solennellement le cortège jusque devant l'église et, s'adressant à la foule massée sur le parvis, demanda à ses administrés d'accueillir avec bienveillance le nouveau desservant et de lui rendre le respect et les égards dus à son caractère sacré. Puis eut lieu la remise des clés, suivie d'une messe solennelle. Très ému, le curé prit la parole, décrivit l'état déplorable du champ pastoral que lui léguait la révolution, et laissa son cœur s'ouvrir à l'espérance en faisant appel au concours de tous pour relever les ruines du passé. Et la vie redevint normale à Saint-Aubin.

        Le 14 prairial an XII (3 juin 1804) eut lieu la fête de l'Empire. La population invitée par la municipalité se rendit sur la place de l'église, et après une harangue de M. Biella, acclama longuement Napoléon-Bonaparte. Le 15 août 1809, le maire et son conseil vinrent assister " dans le temple du culte catholique à la Saint Napoléon ". Devant tous les corps constitués, l'abbé Dupérier rendit un long et vibrant hommage au grand empereur dont le génie et les vertus guerrières avaient placé la France au premier rang des nations de l'Europe. La cérémonie se clôtura par le chant du Te Deum et la sonnerie des cloches lancées à la volée. Nouvelles fêtes, le 25 avril1811, pour célébrer la naissance du roi de Rome, et le 6 décembre 1812, à l'occasion de l'anniversaire du sacre impérial et de la bataille d'Austerlitz. Chaque fois, le curé de Saint-Aubin dut payer de sa personne et célébrer en chaire la gloire de la Maison régnante. - Hélas ! tous ces souvenirs si brillants devaient avoir bientôt leur triste lendemain. En effet, les armées françaises allaient connaître en 18l4 le vent de la défaite ; et comme dans un rêve affreux, Saint-Aubin vit déferler les bataillons anglais " poussant nos soldats l'épée dans les reins, jusqu'à Hagetmau, Mant et Samadet. Les britanniques campèrent dans nos murs du 28 février au 13 mars ; ils furent pour les habitants d'une bienveillante courtoisie et payèrent largement leurs réquisitions. Quomodo Cecidisti ? Comment donc es-tu tombé, colosse aux pieds d'argile, qui dans ton orgueil désordonné t'étais permis, un jour, de porter une main sacrilège sur le chef de l'Eglise ? N'as-tu pas été foudroyé par la vengeance divine ?

        Depuis lors, nos archives communales n'offrent plus pour notre histoire locale qu'un intérêt purement secondaire. C'est ce qui nous amène à déplorer ici la réserve de nos prédécesseurs qui tous, à l'exception de l'abbé Moumiet, pour des raisons peut-être alors fort légitimes, mais que nous comprenons mal aujourd'hui, nous privent de la saine et pieuse curiosité de connaître notre passé religieux. Toutefois, nous en savons encore assez, pour faire auprès du lecteur un travail bien objectif et digne d'attention.

        L'hiver de 1830-31 fut particulièrement rigoureux ; les chênes se fendirent " avec un fracas épouvantable " et beaucoup de bêtes à cornes périrent dans les étables. - Le 2 août 1834, une pluie torrentielle qui tomba pendant près de vingt heures, emporta toutes les récoltes sur pied, et détruisit les divers ponts sur la Gouaougue, d'Aulès à Poyaler.

        La fête de Louis-Philippe fut solennellement célébrée à Saint-Aubin, le 3 mai 1835. Il se forma alors un comité local où l'abbé Dupérier joua un rôle des plus actifs, et qui n'oublia pas de venir en aide aux indigents de la paroisse. Dans la soirée, eut lieu une grande course que couronna, un peu plus tard l'illumination générale du village. Ce sport de la course landaise était depuis longtemps en honneur dans la localité. Ainsi, le 3 août 1806, le quartier de Poyaler invita toute la jeunesse à venir applaudir des écarteurs de renom, devant un bétail de choix ; mais. le maire, craignant des désordres en raison du rassemblement des communes voisines, refusa l'autorisation et fit savoir que tout attroupement serait considéré comme troublant l'ordre public. Dix jours plus tard, à Saint-Aubin même, il défendit aux organisateurs des fêtes projetées pour le 15 août, de sortir le troupeau à l'heure des offices sous peine de poursuites judiciaires. Mais une course originale fut celle qui, en 1842, fut décidée un dimanche après vêpres, par deux femmes du bourg... Il avait été, en effet, spécifié que seul le sexe faible aurait le droit d'assister à la corrida et de descendre dans l'arène. Et durant deux longues heures d'horloge, on vit nos tauromaches éparpillées sur la place, agiter leurs mouchoirs et exciter les novillos qu'une de leurs compagnes au poignet plus solide retenait par la corde. L'histoire cependant ne dit pas si nos villageoises tentèrent une seconde fois l'aventure.

        La République de 1848, deuxième du nom, trouva Saint-Aubin disposé a accepter un régime qui promettait à tous des jours de bonheur et de paix. Ses partisans y plantèrent l'arbre symbolique de la Liberté, sans se douter que quatre ans plus tard, Napoléon devait se faire plébisciter empereur des français. Mais le changement politique se fit sans aucun heurt, et la fête de l'anniversaire du prince fut célébrée le 26 septembre 1852, avec un élan patriotique et religieux qui ne le céda en rien aux inoubliables journées de 1812. Les enfants de l'école dirigés par leur instituteur M. Loustau, chantèrent une messe en musique, et un chœur d'hommes créé pour la circonstance, exécuta un vibrant Domine salvum fac, où il mit sinon l'expression exigée des nuances, du moins toute l'ampleur de sa voix. - Le 2 décembre, nouvelle et grandiose cérémonie pour commémorer la proclamation de l'Empire. Avant la messe, le maire Jean Laborde lut à ses concitoyens le message adressé au pays par le chef de l'Etat ; et l'abbé Faudouas trouva dans son allocution des accents qui remuèrent le cœur des assistants. Les débuts de l'empereur avaient été heureux ; bientôt de gros nuages s'amoncelèrent sur la France, et l'on apprit, un jour, que les prussiens venaient de forcer la frontière. Nous n'avons pas à dire ici ce que fut pour nous cette terrible campagne de 1870, à la suite de laquelle l'empire sombra dans la débâcle et la honte de Sedan.

        Il est curieux de constater en parcourant les registres municipaux, quel esprit particulier guidait la population de Saint-Aubin, en des temps où tout semblait pourtant commander la tranquillité et la paix. Presque à chaque page, nous y trouvons d'interminables procès-verbaux de scènes violentes entre voisins, de recels de jambons, de barriques, d'instruments aratoires. D'autres fois, ce sont des vengeances personnelles se traduisant par des incendies de maisons, de landes, de récoltes ou de meules de paille. L'abbé Faudouas lui-même ne fut pas épargné par les malandrins de l'endroit ; et, une nuit, on vint lui voler jusque dans son écurie, le cheval et sa selle.

        MM. Passicos, Camicas, Théron de Ladevèze et Fescaux, vécurent à Saint-Aubin des jours relativement calmes sous la 3ème république ; les pouvoirs religieux et civil marchaient alors la main dans la main pour le plus grand profit de l'intérêt général. Mais, dès 1875, l'entrée en masse au parlement français des radicaux, changea soudain la tournure des choses ; en 188l, la guerre était déclarée aux congrégations enseignantes, prélude de la persécution autrement violente de 1906 où devait être officiellement proclamée la laïcisation de toutes les écoles et la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Ces événements qui, dans l'esprit des législateurs, n'avaient d'autre but que de dissocier les forces catholiques, ne firent que rendre plus étroite avec le pape cyniquement brimé, l'union des évêques, des prêtres et des pieux fidèles. C'est M. Moumiet qui devait assister à la dénonciation du Concordat, à la spoliation des biens d'église et aux scènes pénibles des inventaires (1). A plus d'un siècle de distance, comme jadis M. Dupérier, le curé de Saint-Aubin voyait l'abomination de la désolation qu'avaient vécue nos pères, au temps de la Terreur.

(1) Ils eurent lieu le 12 février 1906. Nous ne possédons pas le détail des biens de l'église paroissiale, mais seulement ceux de la Chapelle de Poyaler. On y donne une évaluation tellement fantaisiste de son mobilier cultuel, que nous nous demandons comment avec onze objets (dont l'autel) on ne put arriver à dépasser le total de 9 fr. 10...

        En arrivant dans sa nouvelle paroisse en 1911, l'abbé Darcet trouvait un champ d'action admirablement préparé par son prédécesseur, où l'esprit chrétien des familles guidé par une foi éclairée et profonde, était capable de tous les dévouements et de tous les sacrifices. Tout, d'ailleurs, semblait fait pour rendre plus aisée la tâche du pasteur et l'imposer sans effort à l'attention de ses ouailles : son tempérament ardent d'ancien missionnaire, sa parole chaude et convaincue, son caractère ouvert et jovial... Et voici que tout-à-coup sonne l'appel aux armes de tous les français. M. Darcet doit rejoindre son poste et passer la houlette au regretté chanoine Pouységur (2). On sait qu'à cette époque, les luttes de classes et les dissensions politiques bouleversaient le pays de fond en comble : les esprits réfléchis étaient inquiets, l'insécurité devenait générale. Ce fut le moment choisi par une nation, orgueilleuse de sa force et de sa culture, pour nous assaillir et porter chez nous la guerre et la dévastation. Les armées allemandes et françaises s'affrontent dans le plus formidable appareil de combat que le monde ait jamais vu ; et la lutte commence, lutte de géants, qui durera quatre ans : 1914-1918... Punition du ciel pour les péchés des individus et des nations ? Peut-être ; car tout se paie ici-bas, et le sang a toujours été la Rédemption des peuples : sine effusione sanguinis non fit remissio... L'abbé Darcet ne devait pas tomber sur les champs de bataille ; mais une mort non moins glorieuse venait le ravir au chevet des contagieux qu'il avait pour mission de soigner.

(2) Mobilisé S. A. XVIIIe Sect. d'Infirm. militaires, le 4 août 1914. - Sousse (Tunisie) 29 décembre 19l5. - A. O. 26 août 1916 ; caporal-infirmier brancardier. - Campagne d'Orient : Salonique, Monastir (26 août 19l6-juin 1918). - Rapatrié pour paludisme en juin 19l8. Mort le 18 septembre 1918.

        En 1919, l'évêché mit fin au veuvage de l'église en nommant à Saint-Aubin, M. Deyres, de Saint-Sever. Le nouveau curé, mûri lui aussi aux leçons de la guerre, insuffla aux œuvres déjà existantes une vigueur toute apostolique, et avec un zèle ardent et discret à la fois se tourna plus hardiment vers les hommes avec qui il fonda une chorale et un cercle d'études, dont les succès s'affirmèrent longtemps. Faire du bien autour de lui fut toujours sa préoccupation première, l'objet de ses aspirations et l'unique but de ses efforts. La paroisse se ressent encore de cette heureuse impulsion, qui n'est certainement pas étrangère au maintien du grand esprit de foi qui triomphe sur celui du siècle. - En décembre 1930, M. Deyres était transféré à Léon sur un théâtre d'action autrement important, et en 1932 à la tête de la cure et du doyenné d'Amou.

        Nous ne parlerons ici que pour mémoire de l'abbé Prat qui ne fit que passer. Le 11 janvier 193I, la paroisse réservait à son pasteur qui venait d'évangéliser un coin quelque peu ingrat de notre Gabardan, une réception magnifique comme savent en faire des populations au cœur vibrant de foi et de généreux enthousiasme. Le 10 février, le curé tombait brusquement sur la brèche pour ne plus se relever. Pendant la guerre, il fit modestement, mais héroïquement son devoir. Tour à tour nommé caporal et sergent, l'abbé Prat obtint diverses citations qui disent assez ce que fut sa conduite au feu et les beaux exemples qu'il donna à ses hommes (3). Son extérieur qui, de prime abord pouvait parfois paraître rude, ne trompait que ceux qui ne l'approchaient que de loin ; à vrai dire, c'était plutôt un timide, mais dont le cœur n'était vraiment satisfait que lorsqu'il avait pu donner toute la mesure du dévouement et de la bonté.

(3) Récupéré Serv. auxil. 49e R. I., 9 mars 1915. - Combattant, l916. -Verdun (1916), Craonne, Alsace (blessé, août 1917). Champagne, 1918, Asservillers, le Ployron ; nommé sergent.

Ordre du 34e R. I., 1916. - " Modèle de calme et de sang-froid. Au cours des journées du 22 au 26 mai 1916, s'est fait remarquer au poste de secours par son courage et son dévouement, réconfortant les blessés et donnant, jour et nuit, malgré de dures privations, un bel exemple de sentiment du devoir. "

Ordre de la 36e D. I. n° 200, 1918. - " Le 9 juin 1918, au signal de son chef de section, s'est élancé sans hésiter sur un fort groupe ennemi qui abordait nos positions, a contribué à capturer 23 prisonniers dont un officier et deux mitrailleuses. "

        1938. - Il y a vingt ans, la victoire des armes venait inscrire sur nos drapeaux une gloire nouvelle : le grand cauchemar qui depuis cinquante mois pesait sur la France, s'évanouissait enfin... Dieu qui, à son heure, voulut être pour nous libéral à l'excès, a-t-il trouvé depuis dans les cœurs toute la reconnaissance qu'il était en droit d'en attendre ? Là est son secret. Au fait, où donc est aujourd'hui cette splendide victoire ? Car il semble presque dérisoire de parler d'un triomphe dont on n'a pas su profiter. Où est cette paix si chèrement acquise ? Car de gros nuages s'amoncellent dans le ciel international, et les peuples ne songent plus qu'à s'armer pour de nouveaux conflits. Jamais, le monde ne s'est trouvé aux prises, comme en ce moment avec des bouleversements, des angoisses, des haines, comparables à ceux que nous vivons et dont nous sommes depuis si longtemps déjà les témoins effarés. Et cependant, ce fut jadis l'union des tranchées devant l'ennemi commun qui nous valut l'aube radieuse du 11 novembre 1918... Depuis, l'homme est reparti en guerre contre l'homme, et les fils du même pays ont de nouveau offert à l'étranger attentif, le triste spectacle de leurs luttes partisanes et de leurs divisions. Les masses populaires ont aveuglément suivi les politiciens de bas étage qui se sont fait un jeu d'exploiter leur crédulité, leurs convoitises et leurs instincts grossiers. Jamais, on n'a tant parlé de justice sociale et de liberté ; jamais non plus la liberté et la justice n'ont été tant bafouées par ceux qui s'en prétendaient hautement les champions. Les " forces spirituelles " auraient pu régénérer l'humanité pensante et réfléchie, si ceux qui avaient en mains les destinées des peuples, leur avaient donné une toute autre place dans l'économie des nations ; car c'est un fait aujourd'hui, que les hommes sont submergés par l'irrésistible poussée des événements ; et Dieu ne comptant plus, on voit tous les Etats s'en aller à la dérive.

        Au point de vue religieux nous subissons les contrecoups d'une époque dont nous ne songeons pas à dresser le procès, mais qui passe à bon droit, aux yeux même des moins avertis, pour avoir accumulé bien des ruines dans les cœurs, et sapé jusque dans leur base les fortes leçons de l'idéal chrétien.

        L'heure est à la fois trouble et décisive. Si nous voulons triompher des lendemains menaçants, il faut que notre acte de foi en Dieu et notre charité pour nos frères se montrent plus raisonnés et plus agissants ; il convient que dans nos vies nous mettions un peu plus de générosité et un peu moins d'égoïsme ; il faut enfin, nous surtout les survivants de la glorieuse épopée qui rendit naguère si belle aux yeux de l'univers, l'image de la France, il faut que nous transmettions aux générations qui montent, avec la grandeur de leur exemple, le message immortel de nos Morts.

        Et alors, notre paroisse de Saint-Aubin, au souvenir de son passé, confiante en l'avenir, poursuivra heureusement sa route. Guidée par la religion de ses pères et son attachement aux vertus domestiques, il lui sera facile, malgré l'inévitable conflit des idées qui se partagent le monde, de garder toujours au cœur et de faire resplendir autour d'elle, le gage de son invincible espérance.

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LISTE PAR QUARTIERS DES MAISONS HABITEES EN AOUT 1938

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        Quartier du Bourg. - Maisonnave, Jeantet, Ancienne Mairie, Loustaou, Moïse, Lafitte, Claverie, Hazères, Man, Forgeron, Lamoile, Biella, Laborde, Pelin, Chenou, Presbytère, Cinq-Cantons, Beaulieu, Ecole. (19).

        Quartier de Berdon. - Châlet, Cassarrè, Bourdiou, Berdon, Lagouarrigue, Mouta, Bernet, Jeanlaouillé, Robert, Tarrès, Moulin. (11).

        Quartier de Pébos. - Laprade, Marlat, Pouyo, Parron, Pébos, Bedout, Brayon, Labay, Burguerieu, Jeanhaou, Coum de haut, Coum de bas. (12).

        Quartier de Toumiou. - Comet, Lauga, Larroustit, Grand-Haza, Petit-Haza, Bel-Air, Lesplantes, Latarrère, Toumiou, Sarrat, Cabalè, Haurès, Perron, Micot, Claverie du Pin. (15).

        Quartier de Pémarque. -. Prince, Lamaysouette, Gaulin, Sarthou, Lagorce, Lataste, Stanislas, Berduc, Tet, Franc, Lagouneyre de devant, Lagouneyre de derrière, Cournaou, Paticon, Houchon, Menotte, Locante, Pouyet, Pémarque, Pouchon, Lapeyrère, Long. (22).

        Quartier de Poyaler. - Moulin, Pellegaries, Peyron, Castet, Barrot, Dartiguelongue, Lalaude, Lagrange, Ecole, Biban, Grand-Ségas, Petit-Ségas, Bilhomme, Lamoure, Capdebos, Courtés, Maysouéou, Sirben, Naoulèbes, Grand-Peyradère, Petit-Peyradère, Joannas, Couraou, Brot, Lannes, Pintons, Platon, Peillot, Balette, Minjoulet, Lesmarlères, Lamouraque, Grand-Hondaniou, Petit-Houndaniou. (34).

        Le quartier de MALABAT, desservi au religieux par Mugron, compte 21 maisons et 99 habitants.

R. LAMAIGNÈRE,
Curé de Saint-Aubin.