LA PAROISSE DE SAINT-AUBIN (LANDES) |
Pages d'Histoire Locale d'après les Documents Officiels
R. LAMAIGNÈRE Curé de Saint-Aubin
1938
Permis d'imprimer : J. BORDES, vic. gén.
[texte de l'édition
de 1938, imprimerie Bonne Presse du Midi, Vaison-la-Romaine (Vaucluse),
augmentée de quelques notes manuscrites de l'auteur, portées sur un exemplaire
de cette édition.]
[Sommaire
Doazit] [Raphaël Lamaignère]
AVANT-PROPOS
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Heureux,
a-t-on dit, les peuples qui n'ont point d'annales. Plus heureux, croyons-nous,
ceux qui ont écrit à travers les siècles des pages à la fois glorieuses et
instructives, dont on peut aujourd'hui retirer un utile profit.
En ces temps où l'histoire locale rencontre partout la faveur du public, nous
voudrions sortir de l'oubli et faire revivre aux yeux de nos contemporains, les
événements du passé ; nous voudrions leur montrer le vrai visage de la
Paroisse, tel qu'il nous est apparu à nous-même, dans les Archives, la
tradition et les souvenirs. Pour imparfaite que soit cette étude, elle n'en
reste pas moins le fruit de longues et patientes recherches. Nous sommes
persuadés, que n'ayant rien sacrifié au souci de la vérité, ce modeste travail
satisfera la légitime curiosité de ceux pour qui la vie religieuse de
Saint-Aubin est demeurée jusqu'à l'heure un sanctuaire fermé ou imparfaitement
connu.
Daigne
le Ciel bénir cette entreprise et garder au cœur de la génération présente, le
culte de sa terre " mayrane " qui est aussi le nôtre, avec
l'amour persévérant de la petite patrie où vécurent nos ancêtres, où se
rencontrent aujourd'hui nos foyers et nos autels, où se débattent enfin, si péniblement
parfois, tant d'intérêts communs.
R. L.
RÉFÉRENCES : Archives de
la mairie. - Cahier paroissial de M. l'Abbé Moumiet. - Registres de l'ancienne
Fabrique. - Divers auteurs cités dans le cours de l'ouvrage. - Témoignages
oraux recueillis sur place.
PREMIÈRE PARTIE
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LA PAROISSE DE SAINT-AUBIN
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CHAPITRE I
Géographie.
- Fondation et formation de la paroisse. - Population. - Curés et Vicaires. -
Prêtres originaires de Saint-Aubin. - Maires de Saint-Aubin.
I.
- Le voyageur qui va de Mugron à Hagetmau rencontre sur sa route un village
dominé par la tour d'une vieille église romane, à l'ombre de laquelle s'abrite
une population aimable et laborieuse : c'est Saint-Aubin.
La
paroisse de même nom qui s'étend sur une superficie calculée de 970 hectares,
est située au cœur de cette Chalosse que certains se sont plu à appeler l'Eden
des Landes, et où le Ciel semble, en effet, avoir voulu dispenser avec
l'infinie variété de ses panoramas, la douceur de son climat et la fertilité de
son sol, le charme de ses dons les plus riches et les plus enchanteurs. Ses
points culminants sont : Pebos et Pouyo (83 m. ), Poyaler
(95 m. ) et Robert (107 m. ).
Du
haut de ces coteaux, l'œil ravi peut contempler ces beautés toujours anciennes
et toujours nouvelles, de champs, de vignes, de bosquets où jamais l'harmonie
des couleurs ne se heurte ; ces points blancs des maisons miroitant au
soleil et jetés pêle-mêle à travers les campagnes. Ici et là, pareils à des
cimes qui émergent au-dessus d'un océan tranquille, se détachent les clochers de
Montaut, Brocas, Horsarrieu, Doazit, Le Mus, Maylis, Maylis à qui la Vierge
semble avoir voulu donner pour mission de veiller sur les pays d'alentour, Larbey,
Montfort, Lourquen, et Poyanne. Et là-bas, comme toile de fond
mettant le point final à cette page de sublime poésie, se profilent les
horizons immenses où viennent se perdre dans le scintillement de leurs neiges
éternelles, les pics et les monts pyrénéens.
Saint-Aubin
est traversé dans toute sa longueur par un ruisseau aux hautes berges, que
connaissent bien pour son savoureux goujon les fervents de la gaule : La
Gouaougue. Celle-ci met en mouvement les meules sonores des moulins de Biéla
et de Poyaler.
Ce
dernier est tributaire des sources de Peyradère, une des plus
intéressantes curiosités naturelles de toute la région. Sortant, en effet,
comme un tourbillon d'un tunnel souterrain, les eaux dont le débit horaire
déroute tous les calculs, forment aussitôt un torrent large de 4 mètres,
toujours abondant même au plus fort des étés, et qui s'en va à travers un lit
de rochers grossir la petite rivière, quelques détours plus loin.
Le
15 mars 1791, en exécution du décret de l'Assemblée Nationale, la municipalité
fixa la confrontation des sections qui devaient composer la commune, et décida
qu'il y aurait désormais trois quartiers bien distincts : Saint-Aubin
proprement dit, Poyaler et Malabat (1). C'est en Malabat que se
trouve la magnifique forêt de chênes qui, non seulement fait l'orgueil du pays,
mais encore et surtout permet à l'administration communale de parer chaque
année aux dépenses de son budget ordinaire.
Saint-Aubin
compte deux routes de grande communication, les numéros 8 et 18. Ses chemins
vicinaux permettent d'arriver sans trop de peine jusqu'aux limites extrêmes de
la localité.
Une
cabine téléphonique reliée au central de Mugron est ouverte au public depuis
novembre1926.
(1) Malabat,
étymologiquement Mau-labat, région inondée par les eaux de la Gouaougue
et du Louts, (Meyranx).
II.
- La plupart des paroisses furent fondées entre les IVe et VIIIe siècles, en
ces époques de foi où les progrès constants du christianisme obligeaient les
évêques à multiplier autour d'eux les lieux de réunion pour leurs fidèles. Il
nous est donc permis de supposer qu'il y eut dès lors chez nous un centre
religieux, jusqu'au jour où la paroisse prit son véritable nom au VIIIe siècle,
après la mort de Saint-Aubin, évêque d'Angers, qu'elle constitua son gardien.
Dès
les guerres de Religion et jusqu'en 1789, notre communauté fit partie de
l'Archiprêtré de Chalosse ou de Doazit, qui comprenait 29 églises ou annexes.
Son curé était présenté à la nomination de l'évêque d'Aire par les Seigneurs de
Poyaler. Les conférences ecclésiastiques pour la région, se tenaient à
Saint-Sever.
Le
1er messidor an XII (1801), il fut question de confier au seul curé de
Saint-Aubin, la desserte de Brocas, Hauriet, Larbey, Bergouey, Marquebielle
(Saint-Cricq), Doazit et Maylis. Les raisons de cette détermination nous
paraissent aujourd'hui un peu simplistes : " Saint-Aubin possède
une belle église, un logement convenable servant de presbytère, et des routes
commodes... " Les populations sacrifiées ne tardèrent pas à faire entendre
leurs plaintes ; et M. Méchin, préfet des Landes, dut pour calmer
l'opinion rapporter immédiatement la mesure. D'ailleurs, sa décision n'était
que transitoire, puisque bien vite après, le Concordat devait refaire à travers
le pays le tracé des paroisses.
En
1808, une ordonnance Impériale détacha Malabat de la juridiction du curé de
Saint-Aubin, pour le donner au doyen de Mugron. Elle fut motivée par
l'impossibilité qu'eurent de tout temps les cortèges funèbres à traverser la
Gouaougue gonflée par les eaux et à conduire ainsi les morts à Saint-Aubin.
Enfin,
en 1843, les agglomérations de Thoumine, Saint-Germain et Teoulè,
furent enlevées à Saint-Aubin et cédées à Maylis qui venait d'être érigé en
succursale par le gouvernement de Louis-Philippe. Ce n'est pas sans
récriminations que les quartiers visés acceptèrent de changer de clocher ;
et devant l'effervescence générale, le maire crut bon d'avertir l'Evêché. Comme
compensation, Mgr Lannéluc confia au curé de Saint-Aubin le soin de Poyaler
qui, au spirituel, avait jusque-là dépendu presque exclusivement de Larbey.
III.
- Depuis longtemps, la France souffre d'un mal affreux qu'on ne saurait trop
flétrir : la dépopulation.
En
1790, Saint-Aubin, comptait 846 habitants et 172 foyers ; le recensement
de 1936 n'accuse plus que 612 âmes et 146 familles, Malabat compris.
L'enfant
est devenu aujourd'hui la chose gênante au foyer domestique. Si nos pères le
regardaient comme une bénédiction du ciel, un rayon de joie pour le présent et
un secours pour l'avenir, le ménage moderne ne cherche plus guère à
s'embarrasser de berceaux ; et de cette restriction volontaire des
naissances, le pays se meurt à petit feu. Sans doute, nos hommes politiques ont
préconisé des réformes sociales fort bonnes en elles-mêmes, mais dont le moins
qu'on puisse dire, c'est qu'elles demeureront inopérantes aussi longtemps
quelles n'auront pas restauré dans les cœurs la notion de l'idée religieuse, la
foi au devoir, l'espérance en Dieu et la crainte de sa justice. Notre pauvre
société humaine s'est, en effet, tristement imaginé qu'elle pouvait se passer
de ce que l'on est convenu d'appeler, les " Valeurs morales et
spirituelles ".
Et
voilà que par un brusque retour des choses, ces mêmes
" valeurs " ont fini par prendre une revanche terrible.
Tout-à-coup, la France s'aperçoit que non seulement elle dépérit et s'étiole,
mais encore qu'elle est en train de laisser effacer son nom des cartes
géographiques de l'Europe : son égoïsme a été pour elle le plus mauvais
calcul. Pendant ce temps, certaines nations voisines fières de leur prodigieux
accroissement et de leur force militaire, relèvent hardiment la tête et
redeviennent menaçantes...
Si,
à Saint-Aubin, le mal paraît moins grave qu'ailleurs, l'ange exterminateur de
la race y poursuit cependant ses ravages, et chaque année nos statistiques se
font de plus en plus douloureuses. D'autre part, la ville exerce sur la
campagne un attrait irrésistible, avec ses salaires faciles, son existence
aisée et ses plaisirs variés. Et c'est ainsi que, faute de bras, l'herbe a fini
par pousser là où jadis se creusaient les fertiles guérets. Qui donc entend
parler aujourd'hui des maisons détruites ou inhabitées de : Petit-Berdon,
Bouhebén, Brunat, Candau, Capdebos, Chambord, Chrestian, Coste-rouye Guillon,
Petit-Haurés, Laouzet, Lapacholle, Grand et Petit Lapalu, Lasserre, Manoun,
Petit-Maysouéou, Noguè, Palet, Passant, Péluzon, Piolle, Pouchiou, Priou,
Sioulét, Tèchoun, Ticoun, Toni, Yaoumes... Et j'en passe. (1)
Beaucoup
de nos contemporains comprennent peut-être que la vraie richesse, c'est la
vie ; mais beaucoup aussi ont peur de la vie. Or, le problème reste
entier : croître ou disparaître.
(1) Autres noms,
d'après les archives de la mairie (25 floréal an IX) 15 mai 1801 : Pt
Minjoulet, Salles, Mas, Pt Houchon, Campet, Pougnoun, Angoumaou, Blazi, Boudin,
Dulaou, Lous(... . ), Laurens, Pt Salles, Laloubère, Benedit, Latilloune,
Laporte, Lahoun, Fargatte, Machine, Nadon, L(... . ), Micoun, Toye, Pétarrade,
Saubadu, Fabian, Bignot, Landrè, Lamarque, Tricq, Pt Coumet, Y(... . ), Yaumet,
Sirbén.
IV
- Nous ne connaissons pas le nom des divers curés qui jusqu'au moment des
guerres de Religion desservirent Saint-Aubin. Mais, depuis 1571 jusqu'à la loi
du 20 septembre 1792 qui fit passer dans les mains du pouvoir civil les
registres de catholicité tenus par le clergé des paroisses, il nous a été
facile d'en fixer la liste officielle et complète qu'il nous plaît ici de
transcrire.
Les
archives de la mairie remontent à 1621. Toutes celles qui datent d'avant la
Révolution ont été déposées en 1936 à la préfecture des Landes. Les abbés de
Laborde et Delisle nous y ont laissé des modèles du genre, calligraphiés
avec un soin jaloux, et enrichis d'enluminures savantes, de citations tirées
des Saintes Ecritures, d'odes latines parfois originales, qui contrastent avec
la tenue hâtive et quelque peu négligée de certains livres municipaux actuels.
Voici
donc, d'après leur signature, le nom des anciens curés :
Jean
Duvignau, en 1571, maître ès-arts, premier titulaire de la paroisse après
les guerres de Religion. Il eut à relever les ruines de l'église et à lutter
contre l'erreur protestante qui, à cette époque, gagnait notre région.
Jean
Comet, date incertaine.
Saint-Genez,
en 1621.
Valentin
de Lestage, de 1621 à 1652. Il avait un frère, Vincent, qui fut curé de
Larbey de 1630 à 1657, et qui vint plus tard mourir à Saint-Aubin.
Cassarré
(1652-55) " fils de Bigourre ", docteur en théologie,
prébendier de N. -D. de Cauna, qui après trois ans de possession fut débouté
par l'Abbé Moncurcq, nommé à la demande de Mlle de Bénac, sœur du marquis de
Poyaler.
François
Moncurcq, 1655-77, ancien vicaire de Mont-de-Marsan.
De
Laborde, de 1677 à 1701.
Bernard
de Laborde, 1701-20, neveu du précédent, vicaire de Saint-Aubin, nommé sur
place curé de la paroisse.
Jean
Laloubère, de Doazit (1720-33). " Prestre d'un esprit et d'un
savoir supérieur. Directeur au Séminaire d'Aire, curé de Dume, puis de
Saint-Aubin, curé de Saint-Cric près Villeneuve où il devint un peu visionnaire
et très desrengé ".
Tauzin,
1733-55, qui permuta avec le précédent.
Victor
Delisle, 1755-78, chanoine d'Aire, docteur en théologie, venu de Lucbardez.
Il fut pendant son ministère, particulièrement intéressé à la restauration de
notre église.
Lafaurie,
pro-curé en 1778.
André
Fossats, de 1778 à 1789. Il mourut presque subitement à l'âge de 49 ans et
dut être enterré le jour même par ordre du médecin, " pour éviter des
accidents feunestes. "
Dominique
Dupérier, de Mugron, 1789-1842. Il sera plus spécialement question de lui,
dans la partie historique de ce travail.
¥
Les
Registres des délibérations de l'ancienne Fabrique consignent, depuis 1843, le
nom des autres curés :
Etienne
Faudouas, venu de Pey, (1843-75). Il se retira à Saint-Sever, où il mourut
chargé d'ans et de mérites.
Jean-Jacques
Passicos, de Mant. Missionnaire de Buglose en 1857, délégué à Maylis en
1864, curé de Saint-Aubin en 1875, nommé un an plus tard supérieur des
chapelains de Maylis.
Jean-Henri
Camicas, 1876-81, vicaire de Mugron, transféré à Benquet, après avoir remis
à neuf l'intérieur de notre église et s'être dépensé au bien des âmes, sans
souci de lui-même.
Antonin
Théron de Ladevèze, arrivé en novembre 1881, ancien curé d'Uza, retourné en
juin 1882 à Saint-Etienne de Souprosse, sa première paroisse.
Saint-Aubin
reste ensuite sans curé pendant onze mois, en raison de la décision prise par
la municipalité d'enlever aux dépendances du presbytère, le terrain destiné à
la construction des écoles. L'entente ayant fini par se faire entre la
préfecture et l'évêché, Mgr Delannoy envoie en juin 1883, le R. P. Pierre
Fescaux, de Maylis. Celui-ci revint dans sa famille en 1887.
Alphonse
Moumiet, 1887-1911, né à Saint-Sever. Ordonné prêtre en 1872, professeur au
collège de Dax (1872-76), vicaire de Miramont (1876), curé de Sarraziet
(1877-87). Prêtre zélé, renouvela la paroisse en y créant les œuvres demandées
par son temps. Emporté par une crise d'asthme, à l'âge de 65 ans.
¥
Depuis
la loi de Séparation et la mort de M. Moumiet, passent successivement :
Alexis
Darcet, de Saint-Cricq-Chalosse, 1911-18, Ancien missionnaire de Maylis.
Mobilisé pendant la grande guerre, d'abord dans les services sanitaires de
l'intérieur, puis sur le front d'Orient, fut rapatrié en France et alla mourir
à l'hôpital d'Arreau (Hautes-Pyrénées).
Joseph
Deyres de Saint-Sever, professeur au Petit-Séminaire d'Aire, 1903-19, curé
de Saint-Aubin, 1919-30, de Léon 1930-31 ; doyen d'Amou actuel.
Alban
Prat, de Tilh, ancien vicaire de Mugron, curé de Sarran-Parleboscq.
Installé à Saint-Aubin en janvier 1931, décédé trois semaines plus tard, des
suites d'une cruelle maladie qui le minait depuis longtemps.
Raphaël
Lamaignère, de Doazit, professeur au collège de Dax (1911-13), vicaire de
Peyrehorade (1913-21), curé de Peyre-Monget (1921-31), arrivé en avril 1931.
La
paroisse eut, jusqu'en 1842, des vicaires qui furent chargés en même temps de
Hauriet, annexe de Saint-Aubin.
Voici
leurs noms : M. M. Dumartin, de Candalle, Dutoya, Ponté, de Mont, Cazaous,
Laborde, Claverie, Lafargue, Deyres, Lacabe, Campet, Lasalle, Laborde, Labat,
Cabiro, Duplantier, de Lagrâce, Duvignau, Carenne, de Lamathe, Diris, Marsan,
Dussan, Farthouat, de Fornicard, Darcet, Puyo, Lafaurie, Dutoya, Domenger,
Darbo, Ricarrère (curé intrus de Caupenne), Dubasque (vicaire jureur de
Doazit), Croharé (curé constitutionnel de Larbey), Lacoste, et Montauzé.
V.
- La paroisse a donné le jour à treize prêtres : M. M. Domenger,
curé de Saint-Justin ; Campagne, curé de Samadet ; Bénétrix,
curé de Léon ; Laborde, curé d'Audignon ; Campagne,
curé-doyen d'Arjuzanx ; Laffitte, curé de Lucbardez ; Labat,
curé de Poyartin ; Loustau, curé d'Audon. ; Pouységur,
aumônier de l'hôpital de Saint-Sever ; Juzanx, curé de
Saint-Gor ; Saubadu, curé de Messanges ; Tapie, vicaire
à Mont-de-Marsan, curé de Bascons ; Ph. Tapie, son frère vicaire à
St-Sever, aumônier des Jeunes.
VI.
- Au point de vue administratif, 26 maires ont dirigé la commune depuis
1792 :
Ce
sont : M. M. Pémarque, 1793 ; Jean Dartiguelongue, nivôse an
II ; Jean de Comet, ventôse an III ; Julien Laborde, germinal an
III ; Jean Dubroca, floréal an III ; Jean Biella, germinal an IV, et
de brumaire an XII à décembre 1812 ; Bernard Dartiguelongue, ventôse an
VI, puis en messidor an VIII ; Bernard Lacouture, thermidor an XI ;
Raymond Campagne, 1813-21 ; Antoine Darrieutort, 1821-31, puis de 1843 à
1848 ; Jean Laborde, 1831-43, puis de 1845 à 1855 ; J. -Bte de
Lagarrigue, 1855-69 ; Pierre Soubaigné, 1869-70 ; Ulysse Dupoy,
1870-74, puis de 1877 à 1886 ; Grégoire Soubaigné, 1874-75 ; Louis de
Lagarrigue, 1875-78, puis de 1899 à 1902 ; Léopold Saint-Martin, 1886-99,
puis en l912 ; Pascal Duffourcq, 1899 ; André Lamolie, 1902-04 ;
Pierre Consirolles, 1904-12 ; Jean Fescaux, 1913-19 ; Austinde
Darricau, 1920-23 ; Jean Récurt, depuis 1923. . Joseph Garrin,
1945-46 ; Louis Saubusse, 1946.
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CHAPITRE II
Anciens
revenus paroissiaux. - Fondations et legs pieux. - Confréries et Œuvres
paroissiales. - Esprit religieux. - Piété populaire.
I.
- La question de la dîme, si longtemps exploitée par nos ennemis comme
le grand scandale de l'Église du Moyen-Age, mérite que nous remettions ici,
d'un mot, la vérité dans son sens historique. La dîme était le droit reconnu au
clergé séculier et régulier, de prélever un dixième sur les récoltes. Ce droit
lui était octroyé, parce qu'il avait SEUL à pourvoir alors aux frais du culte,
à l'entretien des écoles, des hôpitaux et des œuvres de charité. L'Etat ne lui
donnait rien. Quand l'année était mauvaise pour le paysan, celui-ci pouvait se
tenir quitte... Allez donc demander aujourd'hui au percepteur d'impôts, de se
montrer aussi bienveillant ! Combien de contribuables seraient heureux, en
ces temps de vie chère, de payer simplement la dîme de jadis, au lieu et place
des écrasantes sommes qu'on leur réclame tous les ans !...
Les
curés de Saint-Aubin recevaient donc en nature certaines redevances, qui les aidaient
à subvenir à leurs charges diverses. C'est ainsi qu'en 1755, l'abbé Delisle
touchait, conformément aux transactions de 1669, 25 pacs ainsi répartis :
20 dans la paroisse et 5 dans Hauriet. Chacun était composé de 18 gerbes. De
plus, 25 autres pacs de millocq lui étaient alloués, avec charge pour lui d'en
donner le tiers au scolain (1). L'Evêque d'Aire, pour sa part, prélevait 20
sols morlans.
Au
moment de la Révolution, M. Dupérier fit à la mairie la déclaration suivante de
ses revenus personnels : " Cure de Saint-Aubin et Hauriet :
200 mesures de froment, 180 de maïs, 3 d'avoine, 50 douzaines de lin, 16
barriques de vin, la moitié en piquepoult. Le quart de la Fabrique de Hauriet
est affermé 409 livres par le duré, plus 1.817 livres dont 700 pour le vicaire.
" (Légé.)
De
temps immémorial, les desservants de Saint-Aubin jouissaient d'une barthe
boisée près du moulin de Poyaler, que la commune leur abandonnait comme
indemnité de logement. En 1839, le maire demanda à M. Dupérier qui accepta, de
faire abandon de cette lande en faveur des pauvres de la paroisse.
(1) Le scolain
était un laïque qui enseignait à lire et à chanter aux enfants d'une paroisse,
vivait ordinairement avec le curé et lui servait de sacristain.
II.
- L'abbé Lubat-Dubedout, natif de Saint-Aubin, vicaire-royal de Saint-Esprit de
Bayonne, donna en 1548 par testament écrit en gascon, au " Purgatoire
de Saint-Aubin ", une terre et une vigne appelées de Campet,
pour en employer les revenus en messes et œuvres pies, à l'intention des morts
de sa famille.
En
1640, des obits furent laissés sur la métairie du Chrestian, ancien
presbytère ; et deux ans plus tard, l'abbé de Saubadu fit abandon de sa
vigne dite de Moïse, à l'église de Saint-Aubin.
Successivement,
dame Marie Darmagnac, en 1694 ; Jean de Berdon (2) en 1720 ; Jean de
Hitan en 1732 ; Etienne Campet, en 1737 ; Bertrand de Beyris,
seigneur de Hauriet, en 1742 ; Jean-Pierre de Saint-Germain, en 1743,
créent tour-à-tour des fondations pour leurs propres défunts. En 1850, Mme
Dangoumau, décédée à Larbey, donne à perpétuité le Petit-Peyradère à la
commune de Saint-Aubin, sous la réserve expresse que celle-ci en distribuera
les revenus aux pauvres de l'endroit, et fera chanter tous les ans un service
pour le repos de son âme. Par acte du 16 septembre 1856, M. Jean Campagne remet
sans autre obligation, 65 fr. au Conseil de Fabrique. En janvier 1858, l'abbé
Faudouas prend acte des dispositions de Mme Marie Saint-Martin, née
Saint-Genez, de Maylis, attribuant 200 fr. à la Fabrique et 50 fr. à chacune
des deux confréries paroissiales de Saint-Michel et du Très Saint Sacrement.
(2) Jusque
vers le milieu du XVIIIe siècle, tous les actes font mention de la particule
que bien à tort on nomme nobiliaire. Tous les habitants d'une même maison
portaient le nom de cette maison, et ne se distinguaient que par le prénom. Ces
particules, conservées longtemps soit par l'effet de l'habitude, soit aussi par
vanité des familles, disparurent peu à peu.
En
1888, M. Dupoy, notaire à Saint-Aubin, laisse 2.000 fr. pour la construction
d'une flèche au clocher de l'église. Cette somme fut versée par les héritiers
et perçue par la commune. Il est à regretter que le plan grandiose du donateur
n'ait jamais vu le jour. Sans vouloir aucunement rechercher ici les
responsabilités dans cette affaire qui en son temps passionna l'opinion, nous
pouvons dire que dans sa séance du 16 mai 1899, la majorité du Conseil
municipal vota au mépris de tout droit, l'aliénation du legs au profit de
l'école en construction de Poyaler.
En
1890, M. le chevalier de Lagarrigue versa à l'évêché un capital de 1000 fr.
destiné à assurer à la paroisse l'heureux bénéfice d'une mission décennale. En
1921, et pendant les années 1937 et 1938, de nouveaux versements ont largement
complété cette somme.
Enfin,
en 1930 et 1932, les abbés Saubadu et Labat, anciens curés de Messanges et de
Poyartin ont voulu que l'église de leur baptême bénéficiât à leur mort de leur
pieuse charité.
III.
- Nous possédons à Saint-Aubin la Confrérie de Saint-Michel, approuvée
par le pape Clément XI, le 9 janvier 1707. Le bref, découvert en 1880 par M.
Camicas dans une boîte en fer derrière les boiseries du chœur fut transcrit par
M. l'abbé Loustau, pour être conservé dans notre sacristie. En 1755, Mgr de
Gaujacq évêque d'Aire, contresigna les statuts, et le 1er septembre 1860, Mgr
Epivent donna son appui à M. Faudouas qui cherchait à en renouveler l'esprit.
Aux temps heureux de l'Association, les vêpres étaient chantées une fois par
mois dans la nef latérale, suivies immédiatement d'une procession au cimetière
pour les confrères défunts. Le culte à Saint Michel était alors si florissant,
qu'on venait à Saint-Aubin, chaque 29 septembre, de Sarraziet, de Coudures, de
Donzacq, de Pomarez. Aujourd'hui, ne figurent plus dans nos listes que 14
familles cotisantes, étrangères à la paroisse.
La
Confrérie du T. S. Sacrement, établie canoniquement par bref pontifical
de Pie IX donné à Rome le 22 juin 1860, compte actuellement 65 inscrits, tous
de Saint-Aubin. Les hommes y sont à peine représentés. Par contre, il est fort
regrettable que trop de ses membres oubliant le but qu'elle recherche,
considèrent cette confrérie comme un groupement mortuaire, et une sorte de
succursale des pompes funèbres destinée à leur procurer de plus belles
funérailles.
Jusqu'en
1910, nous possédions les Confréries du Rosaire et du Chemin de la
Croix. Celle du Scapulaire devait, à son tour, disparaître en 1913.
Comme
œuvres paroissiales, nous citerons ici le Denier du Culte qui ne
rencontre à Saint-Aubin que de rares oppositions, et l'Œuvre des Vocations soutenue
par presque tous les foyers, et qui nous permet de figurer au tout premier rang
du tableau d'honneur, dans le palmarès diocésain.
IV.
- Malheureusement, nous n'en sommes plus aujourd'hui en ces temps rêvés où
l'abbé Moumiet pouvait écrire, en 1900, que dix à douze hommes seulement
manquaient la messe du dimanche et ne faisaient pas leurs Pâques.
Sans
vouloir ici entrer dans le détail des comparaisons, il nous faut reconnaître
que l'indifférence religieuse a, depuis lors, profondément pénétré jusque dans
les familles où s'était toujours donné l'exemple des pratiques chrétiennes. Par
une déformation de l'intelligence qu'explique en grande partie l'air empesté du
laïcisme qu'on respire partout, beaucoup de nos contemporains se sont faits à
cette idée que la religion devait suivre les exigences du siècle et se plier
aux vues et au tempérament d'un chacun. D'où la cause de cette apathie
spirituelle qui désole aujourd'hui nos paroisses, et de ces secousses sociales
qui amènent des bouleversements de plus en plus déconcertants. Sans doute,
toute foi n'a pas encore sombré. Mais, que signifient les rares sorties d'un
peuple transfuge ordinaire du devoir, dans ces parades de commande qui
l'amènent à l'église dont il a en partie oublié le chemin ? Oui, je sais
bien que le prêtre garde toujours droit de cité au sein de sa paroisse, et
qu'on veut encore de lui, sinon pour vivre, du moins pour mourir. Mais il faut
avouer aussi, que nous sommes là bien loin du noble esprit de foi qui dirigeait
nos pères. D'autre part, on attendait beaucoup du temps de
l'après-guerre ; hélas ! les illusions ont succédé aux illusions, et
l'heure a sonné de dangers qui ne sont plus imaginaires. L'homme a prétendu
pouvoir se passer de Dieu ; et Dieu s'est déjà plu à nous donner de
nombreuses et sévères leçons. Dans le désarroi actuel, certains semblent
l'avoir compris ; à ce point, que nous avons vu des politiciens de renom
personnages représentatifs du régime, répudier le vieil anticléricalisme qui
fut leur raison d'être, et rendre publiquement hommage à ces " forces
spirituelles " dont ils attendent le salut du pays. Eux, ils ont
réfléchi. Mais à côté, la masse se refuse encore obstinément à regarder le
ciel. Lui faudra-t-il donc, pour reconnaître qu'elle a fait fausse route, de
nouveaux cataclysmes ou de plus sanglantes hécatombes ?
V.
- Ce point noir mis à part, la piété populaire n'a jamais rien perdu de sa
vitalité dans les manifestations extérieures, qu'amène tous les ans le cycle
liturgique. C'est ainsi que la fête du patron (premier dimanche de mars) est
religieusement suivie par la population. - C'est encore en rangs
pressés que Saint-Aubin se
rend, après la Fête-Dieu, au Sanctuaire de Maylis faire son pèlerinage à la
Vierge, en exécution du vœu de 1707 (1). - Les processions du T. S. Sacrement
se font en leur temps, aux trois reposoirs du bourg, avec toute la magnificence
qu'on sait habituellement donner aux cortèges eucharistiques. - A l'occasion de
la Saint-Michel (29 septembre), les petits enfants sont portés à l'église et
viennent recevoir la bénédiction du prêtre. - Les " Mois "
de Saint-Joseph, de la Sainte Vierge, du Sacré-Cœur et du Rosaire, sont en
honneur dans les foyers chrétiens de la paroisse.
Enfin,
dans un ordre différent, les familles ont pieusement conservé de génération en
génération, le culte des morts. - Il existe en effet à Saint-Aubin, comme dans
toute la région voisine, une tradition très ancienne et en tous points
respectable, dont déjà en 1645 nous trouvons trace dans les archives de la
mairie : c'est l'usage des Ramas. On appelle ainsi une collecte
d'argent faite sur le nom d'un défunt, pour assurer à l'âme du disparu des
services funèbres (cantages) et des messes (2).
(1) Un cyclone
affreux ravagea alors la Chalosse, portant partout la désolation et la terreur.
(2) Nous
pouvons lire dans les cahiers de l'époque : " 1645. Messes qui
ont été baillés pour faire prier pour lame de Gérautine de Comet : son
père, 1 cantage ; Martin, 1 ca... ; Jean de Mounicot, 3 m... ; lou
Peyroutoun dou Lanot, 1 m... "
---x---
CHAPITRE III
L'Eglise.
- Aménagements successifs. - Le Clocher. - Le Sanctuaire et sa colonnade. - La
Chapelle à Saint-Michel. - Mobilier cultuel.
I.
- L'église de Saint-Aubin est bâtie sur un terre-plein dominant hardiment le
village, à l'extrémité sud-est de la paroisse. Elle renferme deux nefs :
l'une, dont la longueur totale est de 25 m. sur une largeur de 8 m. ; l'autre,
dédiée à Saint-Michel, qui mesure 11 m. sur 6. L'abside est du XIIe siècle, et
remonte à cette époque où surgirent de terre, à travers le diocèse, les
magnifiques chefs-d'œuvre de l'art roman, dont témoignent autour de nous pour
n'en point citer d'autres, les églises de Larbey, Caupenne, Nerbis, Brocas,
Audignon, Aulès. Dans son " Histoire des Landes ",
M. Larroquette donne une liste de 31 communes où " les architectes du
XIIe siècle couvrirent le sol de la robe blanche des églises
neuves ". On y chercherait en vain le nom de Saint-Aubin.
Heureusement pour nous, cette fâcheuse lacune a été comblée en avril 1935 par
la Revue du Touring-Club de France qui, sous la signature de M. Laurent,
professeur au lycée de Montauban, a publié une étude très documentée sur
" Vieilles églises d'un pays perdu : la Chalosse "
où l'auteur souligne avec photographie à l'appui, les beautés de notre
sanctuaire.
L'édifice
proprement dit fut entièrement reconstruit après le passage des dangereuses
hordes protestantes qui, en 1569, dévastèrent la contrée. Son architecture
indique deux stades distincts, et garde un cachet voulu de sobriété où
s'harmonisent cependant très bien les styles du XIIe et du XVIe siècles. -
Jadis, non seulement les prêtres, les seigneurs et les nobles étaient de plein
droit enterrés dans les églises, mais encore les simples fidèles pouvaient
acheter dans le lieu saint, pour eux et pour leurs descendants, des concessions
particulières. A Saint-Aubin, ces places étaient vendues 60 fr. par le
marguillier paroissial (1). C'est ainsi que nos pères, au cœur si croyant et si
vibrant d'espérance chrétienne, étaient heureux de venir reposer sous les
dalles sacrées. Ils pensaient trouver là, près du prêtre montant chaque matin à
l'autel, une aide plus efficace et de la part des familles, un souvenir plus
attentif et plus affectueux. Cent-dix inhumations de ce genre furent faites
tant pour les gens de Saint-Aubin que de Hauriet, de 1728 à 1770. Cet usage fut
finalement aboli par l'évêque d'Aire en 1778, à la suite d'abus fâcheux et de
nombreuses récriminations.
(1) Celui-ci
était un véritable personnage dans la paroisse. On le nommait en assemblée
capitulaire, et ses fonctions devaient être reconnues par acte notarié.
Pendant
les années 1807 et 1810, la commune dépensa 920 francs pour la réparation
intérieure de l'édifice. La réfection de la toiture remonte à 1897.
Sous
M. Faudouas, il fut question devant le chiffre important de la population (815
âmes), et pour répondre au désir maintes fois exprimé par les Confrères du
Saint-Rosaire et du Scapulaire, de mettre en chantier une chapelle en l'honneur
de la Sainte Vierge, parallèle à celle déjà existante de Saint-Michel. Tout
semblait favoriser l'entreprise quand, pour des raisons administratives assez
mal définies d'ailleurs, les 2.000 fr. réclamés par l'architecte départemental
furent brutalement refusés. Cinq autres essais tentés de 1855 à 1872, n'eurent
pas davantage la chance d'aboutir.
L'église
possédait une tribune qui, en 1880, fut enlevée par M. Camicas pour le bon
ordre des offices. Le curé profita alors de certaines ressources pour faire
élargir les ouvertures de la nef principale et y placer les deux vitraux
actuels : l'un, dédié à Saint-Aubin, et l'autre qui rappelle le souvenir
touchant d'une scène de famille pleurant le départ pouf le ciel d'un ange de la
terre. La grisaille de la chaiserie date du ministère de M. Darcet. C'est
encore en 1912 que fut fait tout le dallage intérieur, en céramiques blanches
et noires.
Le
cimetière autrefois entourait notre église. De tout temps, nos ancêtres avaient
désiré dormir leur grand sommeil à l'ombre du clocher, comptant puiser là pour
leur âme avec la prière du peuple, un gage certain de résurrection glorieuse.
Aujourd'hui, les morts ne doivent plus inquiéter les vivants, et sous prétexte
d'hygiène, on a laïcisé leurs cendres en les reléguant bien loin de nos temples
sacrés. En 1856, à la suite de discussions parfois orageuses au sein de son
conseil, le maire décida de porter ailleurs le lieu des sépultures. Il fallait
empêcher les " bêtes immondes " de venir piétiner les
tombes, et faire ainsi respecter un arrêté de 1806 à peu près inexistant ;
il fallait surtout s'incliner devant l'injonction formelle de Mgr. Lannéluc
menaçant de jeter l'interdit sur le cimetière, si la clôture n'était pas
immédiatement relevée. Après avoir longuement mûri la question et fait taire
toute idée partisane, l'assemblée municipale se mit en demeure de chercher un
nouvel emplacement et acheta pour 800 fr. aux héritiers de l'abbé Dupérier la
vigne que celui-ci possédait et exploitait lui-même (49 ares et 34 centiares),
aux avancées du bourg sur la route de Mugron. Mue par un sentiment de piété
filiale à l'égard du prêtre qui passa plus d'un demi-siècle à Saint-Aubin, la
commune fit exhumer les restes de l'ancien curé pour les déposer devant la
croix centrale. On peut lire encore sur sa tombe l'inscription suivante :
" Ici repose l'abbé Dominique Dupérier, né à Mugron le 17 avril 1758,
décédé à Saint-Aubin le 18 octobre 1842. Il fut durant 54 ans curé de cette
localité, où son dévouement le retint même pendant la Terreur, pour refus de
serment. "
A
côté de ce vénérable octogénaire ont été inhumés depuis, les abbés Moumiet et
Darcet (1).
Sur
l'emplacement de l'ancien cimetière (2), face à l'église, a été érigé le 5
décembre 1920, le monument commémoratif de la Grande Guerre. L'orateur du jour
fut M. l'abbé Dicharry, professeur au collège de Dax, qui magnifia en termes
émouvants la mémoire des 25 enfants de Saint-Aubin tombés pour la France,
durant la sanglante tragédie de 1914 à 1918.
Voici
leurs noms : Robert Dupérier, Romain Saubusse, Jules Lafitte,
Lucien Fescaux, Jean-Baptiste Saubusse, Jean Bernos, Jean Saubusse,
Laurent Lasserre, Jean Ducasse, Jean Laborde,
Jean-Baptiste Lagraulet, Bernard Ducasse, Adrien Darrieutort,
Jean Dangoumau, J. -Bte Poivert, Jules Joie, Joseph Lafitte,
Joseph Haza, Mathieu Sourbé, Pierre Soubaigné, Abbé Alexis
Darcet, Pierre Lalanne, Léon Dangoumau, Michel Farthouat,
François Lespiaucq.
(1) L'Abbé
Prat fut exhumé en 1932 et transporté à Tilh.
(2) Les
platanes actuels furent plantés en 1856. - Les portails de fer du perron
principal et de l'escalier secondaire, datent de 1895 ; c'est la commune,
sous l'administration de M. Saint-Martin, qui en fit les frais.
II.
- Le clocher est une tour massive, accostée de deux puissants contreforts,
haute d'environ 20 m. avec une façade de 10 m. sur 6 m. 50 de côté. Ses murs
dont l'épaisseur à la base mesure 1 m. 10, et 0 m. 80 au palier supérieur, sont
percés de trois meurtrières ; seule celle de l'ouest a été aveuglée. Un
escalier tournant de 40 marches conduit à l'étage qui supporte l'horloge (Don
de l'ancienne famille Domenger, de Mugron). Au-dessus, se trouve la chambre des
cloches, à laquelle on accède par une seconde rampe de vingt marches.
Tout
nous permet de croire qu'il y eut jadis sur la première plate-forme, un poste
de veilleur destiné à donner l'alarme aux heures de danger. De même, la tour
dut servir non seulement de fort d'arrêt, mais encore de refuge pendant les
guerres si nombreuses qui désolèrent le pays. De par sa position, en effet, ce
bastion était presque inexpugnable ; et une poignée de soldats habiles au
maniement de l'arc, pouvait sans trop de peine en défendre l'accès en tenant
l'ennemi à distance.
Après
la Révolution et le retour à la paix religieuse, la commune décida l'achat de
deux cloches. Celles-ci fondues sur la place même de l'église par la maison
Monin et Pintandre coûtèrent 2.365 fr. Elles pèsent respectivement dix et sept
quintaux, et donnent le FA et le SOL. La grande cloche est sous
le vocable de Saint-Michel ; la petite est dédiée à Saint-Aubin. Leurs
parrains furent : M. M. Dominique Pémarque et Benoît Saint-Martin ;
les marraines, dames Dartiguelongue-Darrieutort et Jeanne Dubedout-Pémarque.
(Année 1819).
En
1853 et 1872, la Fabrique consacra 470 fr. aux réparations extérieures du
clocher et au crépissage des murs.
L'entrée
principale de l'église était précédée d'un porche qui s'écroula soudain le 2
avril 1901, au moment où trois personnes venaient de passer pour l'office des vêpres.
III.
- Voyons maintenant le sanctuaire. Un rapide coup d'œil permet de constater
qu'il s'infléchit légèrement sur la gauche. C'est là, disons-le, chose voulue
par les architectes d'alors qui entendaient ainsi rappeler aux fidèles le geste
du Christ expirant sur la croix.
A
l'égal d'autres églises fières encore de les conserver, Saint-Aubin possédait
jusqu'en 1879 de fort belles boiseries montant à niveau de la voûte, et
encadrant un autel du XVIIe siècle. En 1880, l'abbé Camicas dont le zèle pour
la Maison de Dieu était capable de toutes les hardiesses, entreprit à la
demande de son évêque, de grands travaux de réfection. Les ouvriers étaient
déjà à pied d'œuvre, quand une équipe de maçons mit inopinément à jour une
galerie circulaire derrière les lambris. La découverte fit aussitôt grand bruit
dans le monde des archéologues ; et Mgr Delannoy qui fut dans le diocèse
le magnifique bâtisseur d'églises que l'on sait, vint tout exprès admirer la
merveille.
Sept
colonnes et deux piliers de soutènement encadrent le sanctuaire. Ils sont
surmontés de plein-cintres reposant sur des chapiteaux massifs hauts de 0 m. 65
et couronnés d'un tailloir en relief ; le tout est dominé par une frise
d'entrelacs finement ciselés. Chaque colonne se compose d'une base de 0 m. 20
de haut et d'un fût de 1 m. 15 ; l'intervalle qui les sépare est d'environ
un mètre. N'était leur dégradation actuelle, quatre au moins des chapiteaux
pourraient être historiés ; on voit cependant, que l'artiste a voulu y faire
figurer des scènes bibliques, entre autres le sacrifice d'Abraham. Beaucoup, en
effet, se sont demandé d'où pouvaient venir les mutilations dont les murs
portent la trace. Certains les ont attribuées aux huguenots qui, au moment des
guerres de Religion en 1569, ravagèrent la Chalosse. D'autres, accusent les
novateurs de la Renaissance contempteurs farouches de tout passé artistique,
qui pour placer leurs autels firent sauter au marteau tous les obstacles
rencontrès. On prétend enfin que les plâtriers qui en l901 montèrent les étais,
ne seraient pas étrangers à ces déprédations. Quoi qu'il en soit, devant tant
de ruines accumulées, les pierres elles-mêmes semblent aujourd'hui pleurer leur
antique parure. Seuls, Les deux chapiteaux de l'arc triomphal sont à peu près
demeurés intacts.
M.
le Chanoine Besselère, mort à Maylis en 1913, en a fait une description
(Bulletin de la Société de Borda, 1890), que nous résumons dans ces lignes. -
Le chapiteau de gauche (sacristie) figure la Loi rappelée au monde par N. -S.
J. -C. Il présente un personnage assis, tenant sur ses genoux un livre ouvert.
Deux lions lui font cortège, la tête tournée vers le peuple, et ouvrant la
gueule d'où sort une langue menaçante. Dans, chaque coin, émergent deux têtes
humaines (l'une a été mutilée). Les animaux sont l'image du Christ faisant
entendre à l'univers l'enseignement de l'évangile ; les deux têtes
symbolisent l'ancien et le nouveau Testament, d'accord à nous montrer N. -S.
sous l'emblème du Lion de Juda. - Le second chapiteau où apparaît un personnage
pareillement assis et les mains sur les genoux, met sous nos yeux le jugement
que les hommes auront, un jour, à subir sur la Loi observée ou méconnue par
eux. De chaque côté, deux êtres humains semblent tenir un instrument de
musique. Deux pignes ou pommes de pin complètent les volutes. (Celles-ci ont
été rasées). Ici, le Christ nous apparaît comme le Juge suprême ; et les
deux musiciens, image des deux Testaments, proclament sans désaccord possible
les grandes assises qui suivront la destruction du monde.
D'autres
transformations heureuses furent faites encore par M. Camicas, en 1880. Le curé
qui ne trouvait pas le sanctuaire suffisamment éclairé, fit agrandir les cinq
ouvertures étroites et profondes qu'il dota de beaux vitraux en couleur,
représentant le Bon Pasteur et les évangélistes. Il commanda ensuite le
maître-autel en pierre avec ses anges, chez M. Colomies, à Toulouse, et confia
à M. Meyranx, de Mugron, le soin des peintures murales. Pour arriver à ses fins,
il dut faire appel au concours de l'Etat et demanda au notaire de Saint-Aubin
une avance importante ; mais son rêve était réalisé, et notre église
devenait un riche et magnifique joyau. A la mort de M. Dupoy, les héritiers
présentèrent leur créance ; la Fabrique n'ayant pas de quoi répondre, il
fut convenu entre les intéressés et l'évêque d'Aire que le curé dirait chaque
année pendant 8 ans, 25 messes pour le repos de l'âme du bienfaiteur. La dette
fut éteinte en décembre 1899.
En
1900, le chœur dont la voûte s'était sensiblement affaissée dut être fermé au
culte, et sa restauration ordonnée d'urgence par M. Cérons, agent-voyer de
Saint-Sever. Les travaux furent menés avec une si heureuse et intelligente
activité, qu'un an plus tard la paroisse se retrouvait dans un édifice neuf, en
la solennité de Noël. Mais restait toujours à faire aboutir le plan d'une
décoration nouvelle. En 1932, la Providence nous permit de trouver une famille
généreuse qui voulut combler cette lacune. Nous fîmes alors appel à la Maison
Leduc, de Bordeaux, qui nous envoya deux de ses meilleurs ouvriers, anciens
élèves de l'Ecole des Beaux-Arts. Fin septembre, le sanctuaire sortait tout
rajeuni du pinceau de nos jeunes artistes, et charmait tous les regards sous
l'heureux chatoiement de ses fraîches couleurs. Tôt après, la municipalité
amenait à l'église le courant électrique, nous permettant ainsi de rendre
désormais plus accueillante et plus belle la Maison du bon Dieu (1).
(1) La commune
fit placer 6 lampes. L'équipement des lustres, réflecteurs, appliques et
girandoles a été payé par M. le Curé aidé de la paroisse. L'éclairage actuel
totalise 1.350 bougies.
IV.
- La chapelle à Saint-Michel de style gothique, et dont la voûte et les arcades
de pierre constituent le plus bel ornement, date du XVIIe siècle. Elle est
éclairée par deux vitraux jumelés en couleur, donnés par Marguerite et Monsieur
Soubaigné, de Pémarque. La porte d'entrée fut percée en 1859 pour faciliter aux
fidèles leur accès dans l'église et leur permettre de gagner plus commodément
leur place. L'appartement qui fait suite à la nef et où sont renfermés les
fonts baptismaux, date de 1764. Il servit de lieu de réunion aux édiles
municipaux, quand en l'an II, la mairie fut transférée de Poyaler à Saint-Aubin.
L'oratoire
abrite les statues de la Sainte Vierge, de Saint joseph et de Sainte Thérèse de
l'Enfant-Jésus.
Dans
la soirée du 24 mars 1853, un incendie provoqué au reposoir du Jeudi-Saint par
la flamme d'un cierge, faillit amener un désastre complet. Au milieu de
l'affolement général, un homme présent à l'office s'avança résolument vers
l'autel, et se saisit du tabernacle qui contenait la Réserve. Cet homme était
M. Loustau, instituteur à Saint-Aubin. Sa bravoure signalée en haut lieu, lui
valut l'honneur d'être inscrit à l'ordre du jour de la préfecture des Landes.
Par bonheur, on retrouva l'Hostie intacte ; en revanche, le calice et la
patène restèrent hors d'usage. Les tentures, les bouquets, les nappes firent un
immense brasier, et les dégâts s'élevèrent à plus de 600 francs. Après de
laborieuses démarches, M. Faudouas finit par obtenir un secours officiel qui
lui permit, en 1857, de réparer une partie des dommages. Mais c'est à l'abbé
Camicas que devait revenir le mérite de restaurer la chapelle ; nous lui
devons l'autel ainsi que les peintures qui ornent l'édicule. Les dépenses
atteignirent 1.450 francs.
V.
- Avant de clore ce chapitre, faisons l'inventaire de notre mobilier d'église.
La
paroisse a l'insigne faveur de posséder, dans un reliquaire remis à neuf en
1937, une parcelle de la Vraie Croix. Son donateur, le R. P. Urbain, de
Mugron, custodial en Terre-Sainte, la confia lui-même à l'abbé Moumiet en 1897.
L'Ostensoir,
(0 m. 80 de haut) dont un ange en argent supporte le soleil, est un don fait à
Saint-Aubin en 1854, par S. M. Napoléon III, empereur des français. - Nos deux Croix
de Procession, hautes chacune de 1 m. et pesant ensemble 7 k. 700 sont en
argent massif contrôlé. Un nommé Ducasse, trésorier de la confrérie du T. S.
Sacrement, les commanda à un orfèvre de Bayonne, par l'entremise de M.
Sourigues, père de l'ancien député des Landes. Elles coûtèrent alors 1.500
francs. - Les cadres du Chemin de la Croix datent du temps de l'abbé Faudouas.
L'érection en fut faite le 29 juillet 1860, par M. Lagüe, curé-doyen de
Hagetmau (1). - Le Christ Mural, posé face à la chaire, a été acheté en
avril 1934 par vingt familles de l'endroit. - La Table Sainte nous vient
de l'abbé Théron de Ladevèze, qui voulut, en 1881, remplacer le balustre en
bois (1768) tombant de vétusté. Elle embrasse les deux nefs et mesure 14 m. de
long ; elle fut payée 400 francs. - Nous devons à M. Camicas, les Statues
du Sacré-Cœur, de Saint Joseph, et de Saint Michel ; à M. Moumiet, celles
de N. -D. de Lourdes et de Saint Antoine de Padoue. Nous avons, le 31 mai 1931,
solennellement béni la gracieuse statue de la petite sainte de Lisieux. - La Chaire
est en pierre et remonte à l'an 1764. - L'abbé Darcet nous a procuré en 1914
les deux confessionnaux (350 fr. ), cédés par Maylis qui renouvelait alors son
mobilier cultuel. La famille Soubaigné de Pémarque, fit don à l'église en 1891,
du Fauteuil et des Tabourets du sanctuaire. La même année,
trente-deux familles fournirent à M. Moumiet l'occasion d'acheter le Dais
et ses tentures. - Enfin, il nous faut signaler l'Harmonium et la Crèche,
dus à M. Deyres.
Les
ornements en drap d'or (chasuble, chape, voile huméral, étole pastorale), avec
médaillons sur velours grenat, ont été achetés par M. l'abbé Moumiet, sur le
produit du trieur de l'ancienne Caisse Rurale.
La
chasuble, les dalmatiques noires et la chape assortie datent du passage de M.
Deyres dans la paroisse.
De
1931, à 1938, nous avons procuré à l'église : 2 porte-missel, 4 gerbes de
fleurs, 2 jeux de canons d'autel, 1 missel, 2 tapis pour le sanctuaire et
l'autel latéral, des surplis d'enfant de chœur, deux surplis pour prêtre, 2
réflecteurs électriques, 1 custode pour le Saint Viatique, des chrémières en
argent pour les saintes-huiles, 1 carillon à 4 cloches, 1 croix de procession
en cuivre chromé, 1 pendule " Ave Maria ", le plateau de
communion, 12 chaises neuves, l'ornementation funèbre de l'autel, 6 chandeliers
en cuivre, des cordons d'aube, 1 pavillon de ciboire, l'ange quêteur de la
crèche, 1 étole satin et or, à double face, 1 coquille en argent pour baptêmes,
1 ornement blanc.
(1) Nouvelle érection le 16
novembre 1941 et bénédiction des deux statues de Ste Jeanne d'Arc et de Ste
Bernadette et du chemin de Croix. 29 décembre 1946, statue de Saint Aubin
(souvenir de mission).
---x---
CHAPITRE IV
Croix
et fontaines. - Le Presbytère. - La maison de Saint-Germain.
I.
- La paroisse compte cinq croix, situées dans un rayon voisin de l'église. -
Celle de l'ancien Cimetière, érigée le 28 juillet 1889, au jour-clôture
d'une retraite prêchée par un capucin, ancien officier de l'armée française,
fut donnée avec le Christ par les familles de Lagarrigue, Consirolles,
Saint-Martin, Darrieutort, Labastugue et Claverie-Perron. Relevée à la suite
d'un cyclone qui dévasta les alentours du village, elle servit de mémorial à la
mission de 1911 prêchée par M. M. Bordes et Darricau, de Buglose. Le tronc de
chêne actuel, orginal dans sa forme, mais très heureusement conçu par M.
Amarot, maître-maçon à Brassempouy, a été inauguré le soir de Pâques 1936. Le
monument sert de station aux processions du dimanche pour les fruits de la
terre. - A l'intersection des routes de Mugron et de Pomarez se dresse la croix
de Pierre, souvenir de la mission de 1879, qui eut pour prédicateurs les
pères Dupouy et Pédedieu. Nous la visitons pour St Marc, le soir de l'Ascension
et du 15 août. - On peut admirer au Marlat dans la propriété de M.
Darrieutort, une élégante croix en ciment armé, bénite le 1er janvier 1933,
remplaçant celle de la mission donnée en 1900 par les abbés Duvignau et Robert,
de Buglose. - La croix du Coum, placée en 1892 en contrebas de la route
(mission des P. P. Donatien et Sébastien d'Urt), et deux fois renversée par la
tempête, a été portée dans la lande voisine, en janvier 1936 (Mission des abbés
Gorce et Brèthes, de Maylis). Comme la croix du Marlat, cette dernière nous
sert pour la semaine des Rogations. - On voit encore dans l'enclos du Bourdiou
une petite croix, abandonnée depuis plus de quarante ans. - Enfin, au débouché
du chemin de Poyaler sur la route de Larbey, a pris place en 1925 la magnifique
statue du Sacré-Cœur (Mission des abbés Céby et Darricau, de Buglose).
Il
y avait jadis à Saint-Aubin au bois de Lauga, une source fameuse connue
sous le nom de Fontaine de Saint-Jean, dont la vertu curative était
recommandée aux personnes atteintes de rhumatismes. - On parle encore de la Fontaine
de Saint-Michel, sur l'emplacement de l'ancienne pépinière, près du champ
de Coum. - Enfin, on trouvait à Poyaler la Fontaine de Saint-Roch, qu'on
visitait le matin du 16 août et que fréquentaient les quartiers d'alentour.
II.
- Jusqu'en 1842, les curés de Saint-Aubin durent pourvoir eux-mêmes à leur
logement personnel. ainsi, en 1621, l'abbé Lestage et son frère Vincent ancien
curé de Larbey, habitaient au Chrestian, maison aujourd'hui disparue. En
1655, M. Moncurcq résidait à Man, à quelques pas de l'église. En 1701,
l'abbé Laborde vivait au Nougué, dont on peut voir encore les ruines sur le
coteau qui surplombe le bourg ; en 1733, M. Tauzin demeurait à Laborde,
au quartier d Pelin.
Le
24 février 1706, le conseil municipal fut convoqué pour traiter de l'achat
d'une maison curiale, mais la question lui parut alors si peu opportune, que
deux seulement de ses membres répondirent à l'appel de leur nom. En 1789,
l'affaire en était toujours au point mort... Revenant à la charge, le maire
Pémarque informa l'assemblée communale qu'il fallait en finir avec des
atermoiements qui n'avaient que trop duré ; et il proposa comme futur
presbytère la maison de Salles (Jeantet) occupée depuis cinquante ans
par les divers curés de l'endroit, M. M. Delisle, Lafaurie, Fossats et
Dupérier. L'accord se fit sans difficulté et la commune vota une coupe de
chênes en Malabat, dont les revenus devaient servir à couvrir les dépenses. Il
faut dire qu'en arrivant à Saint-Aubin, l'abbé Dupérier avait trouvé des
sympathies au sein de la municipalité, et que la solution du problème ne
faisait pour lui aucun doute. Malheureusement, les événements politiques
changèrent bientôt les dispositions du conseil, qui renonça à l'achat projeté.
Au lendemain de la Révolution, en 1807, le maire dut à nouveau allouer au
desservant une somme de 583 fr. et demander à ses administrés un supplément de
131 autres francs, " pour luy tenir lieu, tant de son logement, que
pour son cheval. " Enfin, en 1842, les pouvoirs civils las d'avoir déjà
donné aux curés de Saint-Aubin plus de 10.000 francs d'indemnités de résidence,
passèrent des paroles aux actes. Le maire jeta son dévolu sur l'immeuble
qu'avait acquis de ses deniers l'abbé Dupérier, à 300 m. de l'église, et qu'à
la mort de celui-ci, les héritiers venaient de mettre en vente. Les pourparlers
s'engagèrent sur la mise à prix de 3.300 francs. Le 21 novembre 1843, une
ordonnance royale autorisa l'acte d'achat et l'aliénation de 300 arbres dans le
fonds communal : le presbytère était enfin assuré, et l'angoissante
question à jamais résolue. Mais devant l'exiguïté de la demeure, et pour la
commodité de l'occupant, M. de Lagarrigue fit bâtir en 1858 une chambre à
coucher, la salle à manger et le grenier ; ces premiers travaux, y compris
ceux des charpentes qui nécessitèrent l'apport de vingt chênes, coûtèrent 2.500
fr. De nouveaux aménagements furent faits en 1886, 1894, 1899 et 1901. Depuis
lors, le presbytère a subi de nombreuses transformations nécessitées par les
circonstances : la maison est aujourd'hui suffisamment pourvue des choses
indispensables aux besoins d'un ménage. Il est seulement fâcheux que M. Moumiet
n'ait pas su profiter, en 1896, des données de l'abbé Hourcastagné le savant
hydrologue, d'Orthez, pour faire creuser sous le marronnier de la cour, un
puits qui eût alors fort peu coûté.
En
1886, 36 ares furent distraits des dépendances du presbytère, pour être
affectés à la construction du groupe scolaire communal. Comme compensation, il
fut stipulé entre le préfet et l'autorité diocésaine, que le curé de
Saint-Aubin recevrait la propriété du champ (22 ares) attenant au cimetière et
joui par l'instituteur, le jardin voisin et un lopin de terre confrontant au
midi. Seul le jardin fut refusé par la suite et vendu avec l'ancienne maison
d'école.
III.
- Le château de Saint-Germain sis aujourd'hui en Maylis, fit partie de notre
paroisse jusque vers le milieu du siècle dernier. - En 1612, nous y trouvons la
famille d'Abadie de Saint-Germain et Labeyrie, représentée par noble Jacques,
dont les ancêtres nés à Gamarde vécurent longtemps en Béarn. Ce nom disparaît
de nos registres avec l'inscription au baptême le 26 février 1789, d'une fille
Charlotte, née de Jean, officier au régiment de cavalerie royale de Navarre, et
de Marguerite de Cours.
Il
suffit de visiter en détail cet antique manoir pour se convaincre aisément que
les d'Abadie furent des maîtres puissants. Tout y respire l'aspect des maisons
d'autrefois, avec son escalier d'honneur, ses larges cheminées, ses fenêtres
spacieuses. On voit encore dans la cour intérieure l'appartement qui servit aux
seigneurs de chapelle domestique. Au premier étage, se trouve une cloison
cachette où se réfugiaient les réfractaires, au temps de la Terreur. On dit
même à ce sujet, qu'un jour les sans-culottes (1) de Saint-Sever se
présentèrent chez les dames de Saint-Germain pour inspecter le local. Celles-ci
ouvrirent sans méfiance, loin de supposer qu'elles se heurtaient à une troupe
commandée par un de leurs anciens valets passé au service de la révolution. Le
soldat eut tôt fait de monter à la chambre suspecte, frappa à la porte et vit
sortir un être tout tremblant qui, garrotté sur-le-champ, fut conduit sous
bonne escorte au tribunal du district. Il nous a été impossible de connaître le
nom de ce prêtre, si malencontreusement tombé entre les mains des patriotes.
Comme
tous les nobles en 1792, les d'Abadie de Saint-Germain. s'enfuirent à
l'étranger, après s'être vus déposséder par l'Etat, de leur domaine
familial ; celui-ci comprenait quatorze métairies. Au lendemain de la
grande tourmente, l'immeuble fut acheté par M. Jourdain, médecin principal des
armées impériales. On conserve encore dans la salle à manger du château, l'épée
à la garde de nacre que cet officier portait sur les champs de bataille. Plus
tard, la sœur de M. Jourdain légua par testament tous ses biens à M. Latappy,
instituteur à Garrosse. A son tour, Mlle Clotilde Latappy épousa, en 1884, M.
Martial Peyroux, de Doazit. De cette union naquit une fille, Hélène, mariée à
M. Récurt, propriétaire actuel de Saint-Germain.
(1) On
appelait ainsi les révolutionnaires qui, depuis 1789, avaient remplacé la
culotte par le pantalon.
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CHAPITRE V
Poyaler.
- Le tuc ; son château ; les Seigneurs de Poyaler ; vue
d'ensemble. - La Chapelle.
I.
- Le tuc de Poyaler (95 m. d'altitude) date, dit-on, des gaulois. En ces temps
reculés, les populations vivaient en petites tribus formant cité, et dans un
camp retranché fait de main d'homme qui leur servait d'asile au moment des
invasions. Dans ce camp, se trouvait la demeure du chef appelée dunum,
bâtie sur une motte élevée, utilisée surtout comme observatoire et tour à
signaux. Au-dessous, étaient creusées de vastes galeries presque toujours
pourvues de dortoirs, de salles, de magasins à vivre et d'étables ; on y
accédait par un puits. De ce puits on peut encore distinguer l'orifice écroulé,
à 20 mètres du château, au milieu des buissons et des ronces sauvages. Dans son
livre " Les Landes et les Landais ", M. Dufourcet
nous apprend qu'on ne connaît que deux cachettes de ce genre dans les
Landes : celle de Poyaler, et l'autre à Larbey au Bourg-Arman, près du
pont de Poulouaou sur le Louts. D'après cet historien, ces deux souterrains
auraient été creusés avec des haches en pierre polie, dans le calcaire nummulitique,
c'est-à-dire fait avec des coquilles pétrifiées.
Sur
les tucs en question s'allumaient de grands feux qui servirent aux peuples
primitifs et plus tard aux seigneurs du moyen-âge, à transmettre au loin
d'après des conventions reçues, les nouvelles importantes. Dans la suite, ces
mottes féodales appartinrent à des Caviers, ou maîtres préposés à la
garde d'une contrée et qui, en plus du droit de justice dont ils étaient
investis, avaient à l'égal des nobles la propriété de certains moulins. Or
toujours au dire de M. Dufourcet, le seul de ces moulins connus, est celui de
Poyaler, sis en Larbey, aux confins de Malabat. Sa construction remonte au XIIe
siècle. A cause de son importance exceptionnelle pendant les sécheresses et par
crainte d'attaques à main armée, les châtelains l'avaient puissamment fortifié,
en en protégeant l'entrée par une porte à glissières profondes, manœuvrée du
premier étage. L'histoire prétend que le souterrain dont nous parlons plus
haut, et qui partait de la tour sur l'escarpement sud-ouest pour déboucher près
des vannes, fut obstrué par les décombres qu'entassèrent en ces lieux, bien
inutilement d'ailleurs, les chercheurs de salpêtre en 1792. - En 1629, le
moulin seigneurial appartenait à Tabita de Bassillon ; il était à deux
claquets et s'affermait pour une charrette de froment, sept de seigle et cinq
de millet. Il fait aujourd'hui partie des propriétés de M. Cauna, de Pontonx.
Nombre de visiteurs viennent même de fort loin, pour en admirer la magnifique
ordonnance, et le site sans pareil où s'élève l'immeuble.
II.
- Le château proprement dit fut construit au XIIIe siècle par
les anglais qui, à cette époque, vinrent en conquérants occuper la
Gascogne ; il n'en reste plus guère aujourd'hui que des ruines grandioses.
De part sa position naturelle si merveilleusement choisie, dominant à la fois
les vallées du Louts et la Gouaougue, il demeura longtemps une forteresse de
premier ordre. Ce donjon carré, mesurant 6m. 80 de côté sur 1 m. 25
d'épaisseur, portait dans le haut de longues et étroites meurtrières ; il
était flanqué de créneaux avec des échauguettes découvertes et de mâchicoulis
par où les assiégés laissaient tomber sur l'assaillant le plomb fondu, l'huile
bouillante et les divers projectiles en usage dans les guerres d'alors.
Actuellement, ces vieilles et solides murailles disparaissent sous un
inextricable fourré de lierres et de lianes qui en masquent la vue. Sur le
rond-point qui supporte la tour, on aperçoit encore quelques matériaux
émergeant du sol, restes épars des locaux domestiques. En contrebas, se
dessinent les terrassements et l'emplacement des fossés qui avec le pont-levis,
protégeaient le château. Enfin, trois poternes ou portes de sortie secrètes,
dissimulées dans les remparts, ouvraient trois issues sur les côtés nord, ouest
et sud du mamelon.
Après
avoir longtemps appartenu à la commune, la Tour de Poyaler fut achetée et
détenue jusqu'en septembre 1937 par la famille des Cès-Caupenne ; Mlle
Gaillard, de Mugron, en est aujourd'hui propriétaire.
III.
- Poyaler était habité en 1364 par Arnaud III, baron de Cauna, seigneur de
Lourquen, Mugron, Montaut et Saint-Aubin. Son petit-fils Louis,
" moult et puissant seigneur de Chalosse " reçu du roi
Charles VII, le droit de mainmise générale ; et ses descendants régnèrent
en maître sur le pays près de 300 ans. En 1554, Jeanne de Cauna se maria avec
Jean-Antoine de Gabaston, seigneur de Bassillon, dont le frère Bertrand,
gouverneur de Navarrenx épousa en 1578, Marguerite de Cauna. Ces derniers
donnèrent le jour à Tabita (1) qui, plus tard, s'unit au baron de
Bénac-Navailles, sénéchal de Bigorre et maréchal de France. Le baron qui était
protestant, passa au catholicisme an 1621, et s'en fut guerroyer contre les
Turcs en Palestine. Pendant ce temps, la dame de Poyaler menait dans son
château une existence aisée, fastueuse même ; les juges de Malabat se
rendaient à jour fixe pour de plantureux festins, et les nobles du voisinage
n'avaient leurs pareils pour aider la marquise à mieux dilapider sa fortune.
Tant et si bien que même après le retour de M. de Bénac, et devant une
situation particulièrement obérée, n'ayant plus rien à attendre désormais de
leurs bailleurs de fonds habituels, (les Bénédictins de Saint-Sever et la
famille Castaignet de Laouzèt ), les seigneurs durent donner leurs terres à la
ferme pour une somme annuelle de 4.350 livres et, finalement vendre la baronnie
avec toutes ses dépendances (2). François de Gontaut-Biron, lieutenant des
camps du roi, s'en porta acquéreur en 1694. Ses successeurs devaient, cent ans
durant, étendre leur domination sur Poyaler et tous les alentours. Le dernier
seigneur connu est Charles de Gontaud-Biron qui, au moment des lois de 1792,
eut la chance d'échapper à l'échafaud en passant à l'étranger.
(1) Tabita est
l'héroïne d'une brochure publiée en 1907 par M. le Chanoine Daugé, intitulé La
tour de Pouyalé, où l'auteur raconte une légende avec sa verve toute gasconne
et un intérêt qui ne cessent de tenir le lecteur en éveil jusqu'au drame final.
(2) Mme de
Bénac passait pour avoir un caractère extrêmement irascible. On raconte à ce
propos, que pour punir le curé de Saint-Aubin qui, un dimanche, ne l'avait pas
autrement attendue pour commencer sa messe, elle remonta immédiatement au
château et décida avec l'intendant qu'elle consacrerait le tiers de la dîme de
l'année à la construction d'une chapelle à la Vierge à Larbey. Toujours est-il
qu'à la suite de ce geste d'humeur, les gens de Poyaler, abandonnant
Saint-Aubin, affectèrent très longtemps d'occuper les premières places et de se
considérer en terrain conquis, dans l'église voisine.
IV.
- Non seulement Poyaler s'acquit un nom dans le pays, mais c'est encore lui qui
pendant quatre siècles dicta la loi à Saint-Aubin, jusqu'au moment de la
parution des décrets fixant la constitution des communes. Déjà, en 1338, dans
un acte se rapportant à la chapelle de Maylis, il est parlé de " la
parropy de mons. Saint-Aubin-de-Poyaler " ; en 1548, un habitant
de Brocas, nommé Peyrot de Higue, laissait à " Sainct-Aubin de
Poyaler " une petite rente de " neuf liartz ".
Dans tous les procès-verbaux des délibérations antérieures à 1792, nous
relevons cette mention : " La Communauté de Poyaler et Saint-Aubin...
" Jadis, le quartier donnait asile au régent, au chirurgien et au notaire.
En 1643, D. Comet, notaire royal demeurait au Haza ; en 1656, Jean
de Laborde et Guillaume Dufraisse instrumentaient à la fois dans la localité.
En 1670, le médecin résidait au Grand-Ségas et s'appelait Bertrand
Larrey. Enfin, en 1694 habitaient dans le bourg de Poyaler, le greffier
(Dominique de Campet), le procureur d'office (Bernard de Laborde), le praticien
(Bernard de Gachard), et le sergent-royal (David Dartiguelongue). - Depuis
1643, les assemblées des jurats et des syndics se tenaient à Houndaniou ;
mais en 1727, la salle des séances fut provisoirement transférée à Peillot,
jusqu'au jour où pour la commodité des affaires, les élus communaux choisirent
pour leurs délibérations " la petite chambre de la cy-devant église à
côté du temple de l'Etre suprême. " (26 thermidor an II).
Dire
que Poyaler a accepté de bonne grâce d'être découronné de tous les titres qui
furent si longtemps l'orgueil de son histoire, serait peut-être exagéré. D'où
cet esprit très spécial qui le distingue du reste de Saint-Aubin et qui
imprègne encore tous les actes de sa vie familiale, politique et religieuse.
Grandeur et décadence, dira-t-on. Oui, sans doute ; mais il est des
souvenirs, il est des événements, que ni les individus ni les collectivités ne
peuvent oublier, et que le temps ne saurait prescrire.
V.
- La chapelle de Poyaler est, dit-on, bâtie à l'endroit même où Monsieur de
Bénac, à son retour de Terre Sainte, fut reconnu sous les haillons d'un
mendiant par le chien et la jument du château. Après avoir appartenu si
longtemps aux seigneurs de l'endroit, l'édifice passa sous séquestre pendant la
Révolution et devint bien communal. Il servit de sépulture aux diverses
familles qui tour-à-tour habitèrent la baronnie, mais rien n'indique
aujourd'hui l'emplacement des tombes occupées. En 1842 cependant, l'abbé
Montauzé, dernier vicaire sous M. Dupérier, fut amené à faire des fouilles dans
la nef ; il ne parvint à découvrir que quelques tissus de fil d'or et une
poignée de galons sans valeur appréciable.
Les
anciens curés de Saint-Aubin allaient dire la messe au quartier une fois par
quinzaine, de Quasimodo à Saint Roch. En 1888, M. Moumiet consulta l'évêché sur
l'opportunité de ce service. Il lui fut répondu qu'il ne lui appartenait pas
d'engager l'avenir en créant une annexe sur place, et qu'il n'était autorisé à
célébrer dans la chapelle que quatre fois par an : en semaine de Pâques et
d'Ascension, le 16 août et après la Toussaint. Ce règlement prévaut encore
aujourd'hui.
La
foudre tomba sur l'oratoire en 1892, et causa de si importants dégâts que,
durant des années, tout office religieux dut y être suspendu. Un jour vint
cependant où l'abbé Darcet, nouvellement installé (1912), se mit en devoir de
renouer la tradition chère au chœur des habitants : il ouvrit une
souscription qui non seulement lui valut la faveur de Poyaler, mais encore
celle de plusieurs foyers en Saint-Aubin, Larbey, Malabat et Mugron. Sa
collecte (350 fr. 50) lui permit de renouveler une grande partie du mobilier de
sacristie, et d'acheter 30 chaises, les stations du Chemin de la croix,
l'aspersoir et le lustre en cristal de la table sainte. Un peu plus tard, fut
procuré un bel ornement rouge qui manquait au vestiaire. Enfin, M. l'abbé
Deyres fit abandon à la chapelle qui n'en avait jamais possédé, de son calice
de guerre à coupe démontable. - La cloche date de 1629. Elle porte en
exergue : " Sancta Maria, ora pro nobis. Isabéline de Bénac ".
Il nous reste encore une clochette d'enfant de chœur, souvenir des seigneurs,
avec un monogramme surmonté de la couronne ducale.
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DEUXIÈME PARTIE
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CHAPITRE I
Des
Origines au Moyen-Age
Les
premiers habitants du pays furent successivement les Ibères, les Celtes, les
Ligures, et les Romains. Ces derniers marquèrent chez nous une empreinte
profonde, que nos populations portent encore, même dans leur genre de vie
actuel et dans leurs habitudes, un peu de ce qui les distingua si fort aux yeux
de l'univers. Après avoir longtemps vécu dans des cavernes, des grottes et des
huttes les peuples primitifs apprirent à construire des maisons en bois,
couvertes de chaume et de branchages. Grossièrement vêtus, se nourrissant du
produit de leur chasse et de leur pêche, ils passaient leur temps à guerroyer,
se servant d'abord d'armes en pierre taillée et polie, puis de poignards, de
haches, de javelots, en cuivre, en bronze et en fer. Les découvertes qu'on a
faites en maints endroits de nos Landes d'objets de cette espèce, sont
absolument remarquables. Quant aux Romains, ils apportèrent dans nos contrées
les mœurs de la mère-patrie, avec l'amour des arts, son génie militaire et son
merveilleux esprit d'adaptation. Avant d'employer le latin qui était la langue
officielle de l'empire, nos pères s'exprimèrent dans un idiome spécial qui,
certainement ne fut pas le basque, mais qui servit de base au gascon que nous
parlons aujourd'hui.
La
religion de ces peuples où seul était exalté le culte de faux dieux, finit par
tomber dans l'immoralité la lus révoltante ; les hommes après s'être
prosternés devant les forces brutales de la nature, en vinrent à proclamer le
triomphe du vice et de la débauche, avec les passions déchaînées et leurs plus
honteuses convoitises.
Les
légions de César s'emparèrent assez facilement de nos campagnes, et établirent
en plusieurs points ces magnifiques camps romains, qui représentent aujourd'hui
à nos yeux des travaux vraiment herculéens (1). Ainsi, purent-elles à peu
de frais étendre leur domination jusqu'aux plus lointaines limites.
(1) Autour de
nous à Nerbis, et au Mus en Doazit. Celui-ci couvrait une superficie de six
hectares et pouvait abriter dans ses souterrains plus de 4000 guerriers. Les
terrassements qui entourent l'église sont encore parfaitement conservés.
Bientôt,
se leva sur le mode la lumière de l'Evangile chassant bien loin derrière elle
les ténèbres du paganisme ; et l'on vit l'antique Rome si orgueilleuse de
sa science s'incliner devant la prédication des douze pêcheurs de Galilée
chargés d'annoncer la Rédemption à tous. La Chalosse, à son tour, bien que
façonnée depuis plus de deux cents ans par ses conquérants étrangers, se laissa
gagner aux idées nouvelles et se rallia généreusement à la cause du Christ. Dès
lors, ce furent pour elle les bienfaits inespérés de la véritable civilisation,
cadrant parfaitement avec les besoins de son cœur et de son intelligence.
L'histoire prétend que Saint-Paul se rendant en Espagne pour convertir le pays,
traversa nos régions landaises ; mais le fait n'a pu être prouvé. Ce qui
est hors de doute, c'est qu'au IVe siècle nos pères furent amenés au
christianisme par deux vaillants apôtres : Saint Sever et Saint Girons
qui, en récompense de leur foi, devaient être martyrisés l'un, dans la ville
qui depuis a pris son nom, et l'autre à Hagetmau. C'est à ce moment glorieux
entre tous où fut à jamais brisé le joug de l'oppresseur qu'apparurent les
premières chapelles (gleyzes), qui devaient un peu plus tard constituer le
noyau des nouvelles paroisses. Ces églises étaient bâties avec des matériaux
peu durables ; leur base reposait sur des fondements en pierre, mais le
reste des murs n'était composé que de blocs en terre appelés
" adoubes ", plus ou moins grossiers.
Nous
voici au Ve siècle. Les Germains déferlent sur la Gaule, et sous la conduite du
farouche Attila détruisent tout sur leur passage. Or, chose providentielle et à
tout le moins inattendue : beaucoup de ces soldats touchés subitement par
la grâce, demandèrent le baptême et se firent, dans la suite, les plus ardents
défenseurs de la doctrine qu'ils avaient jusque-là si âprement combattue. Une
fois convertis, ils essaimèrent à travers nos régions et vinrent se fixer
jusque dans le moindre de nos villages. Malgré leurs pratiques religieuses, nos
ancêtres regardèrent longtemps comme des suspects ces barbares
d'Outre-Rhin ; à cause de la lèpre dont ils avaient été ou étaient encore
infectés, ils leur avaient assigné une place à part dans l'église et un coin
spécial dans chaque cimetière.
On
les appelait gésitains, cagots ou chrestians, nom que nous avons retrouvé dans
nos archives, accolé à celui de certaines familles. C'est, par exemple,
" en avril 1668, le mariage de Bertrand de Gardères, de Saint-Aubin,
avec M. Daraignez, de Cazalis (époux chrestians). ". Puis, celui de
Bernard de Lauqué, de Doazit, avec Catherine de Gardères, de Saint-Aubin (époux
chrestians). Le livre ajoute : " Pierre Daraignez, autre cagot,
habitait au chrestian de Saint-Aubin ".
C'est
encore au VIe siècle que la ville d'Aire fut témoin du martyre d'une chrétienne
de noble origine, Quitterie, apparentée à la famille d'Attila. Une pieuse
légende nous la montre portant sa tête sanglante entre les mains, et se
dirigeant ainsi jusqu'à l'église du Mas, pour se laisser ensuite ensevelir par
les fidèles de l'endroit informés de sa mort.
Au
VIe siècle, c'est l'évêque Galactoire qui tombe pour son Dieu sur les dunes de
Mimizan.
Les
progrès de la foi s'affirmant chaque jour davantage, les chrétiens se portèrent
en foule vers les Lieux-Saints de Palestine, vers Rome, ou vers l'Espagne au
sanctuaire de Saint-Jacques de Compostelle. M. Dufourcet nous apprend que les
nombreuses caravanes se rendant dans la péninsule ibérique et venant de Bazas
pour atteindre à Estibeaux la voie romaine de Toulouse - lou camin roumiou -,
traversaient Mugron, puis Poyaler et Saint-Aubin, et allaient se reposer dans
l'hôtellerie de Larbey installée à Lestage. Ces voyageurs austères
faisaient figure de héros. Nos pères les accueillaient joyeusement et voyaient
en eux les vrais pauvres du Christ. Quelle belle et magnanime charité !Et
comme cela nous change avec l'égoïsme actuel qui empoisonne tout dans une
société si peu pitoyable aux misères d'autrui, et faisant si bon marché des
maximes de l'Evangile !
Jusqu'au
XIIe siècle, s'engagèrent des luttes incessantes qui désolèrent nos
régions : invasions des Vandales, guerres entre Francs et wisigoths,
batailles contre les Maures d'Espagne, campagnes contre les Normands et les
Anglais, chasse aux bandes organisées de pillards et de voleurs. Des ruines, du
sang. Partout la misère, l'épouvante et l'insécurité.
Il
nous est impossible faute de documents historiques intéressant la paroisse, de
dire ici ce que fut pour Saint-Aubin cette période qui du XIIe siècle nous mène
à la fin du Moyen-Age, en 1453. Nous voudrions simplement retenir ce fait, ne
fût-ce que pour venger le passé d'une accusation trop complaisamment répandue
aujourd'hui, à savoir : que notre Chalosse toute entière vécut alors sous
le règne de l'ignorance et de l'abêtissement.
De
ce que nos aïeux formaient sur les actes publics une croix " pour ne
savoir signer ", on s'est plus à dire et à redire qu'ils ne savaient
ni lire ni écrire. C'est là erreur grossière que nous allons dissiper. En
effet, venant après tant d'autres institutions de l'Eglise pour la tenue et le
gouvernement des écoles, le concile d'Aire en 1585 enjoignait à l'évêque, Mgr
François de Foix de Candale, d'établir dans les villes et les bourg de son
diocèse, des groupements pour instruire les enfants des deux sexes. Bien avant
cette décision, un Pouillé de 1335 nous apprend qu'il y avait déjà 28 scolanies
sous la seule juridiction de l'évêque d'Aire, et que Saint-Aubin comptait précisément
parmi les localités pourvues de cette bienfaisante institution. Les revenus de
cette scolanie étaient les suivants : "1 barrique de vin donnée par
le seigneur de Poyaler, 25 gerbes de froment, d'avoine et de seigle recueillies
dans la paroisse, plus 1 sac de maïs égrené et 9 pistoles (90 fr. ) de rente.
". L'école était gratuite pour les fils d'indigents. Ceux qui
appartenaient à des familles aisées, payaient 17 sous et demi par an pour
apprendre à lire, 32 et 37 pour apprendre à écrire et compter. En certains
endroits, on enseignait même le latin.
Non,
ce ne fut pas une époque de régression ce Moyen-Age, qui nous a donné de
splendides cathédrales aux dentelles de pierre, ces vitraux au coloris
inimitable ; où vécurent ces moines qui firent tant de découvertes et
conservèrent tant de manuscrits et de chefs-d'œuvre antiques. Ne soyons donc
pas si injustes pour une époque qui fut toute de transition ; et si
notre vingtième siècle s'honore à juste titre des ses savants et de leurs inventions,
sachons au moins rendre au temps passé le mérite d'avoir eu ses hommes de génie
qui, s'inspirant du christianisme, surent à la fois si bien servir les lettres,
les sciences et les arts.
---x---
CHAPITRE II
Des
guerres de Religion à la Révolution
L'année
1569 fut terrible pour nos Landes. Jeanne d'Albret ayant ouvert ses Etats aux
partisans de la Réforme, crut bon de s'arroger le droit de diriger les
consciences et de dicter à ses sujets sa despotique volonté. Ce fut l'occasion
de cette guerre barbare qui mit si cruellement aux prises, les protestants et
les catholiques de France. Les premiers conduits par le comte de Montgoméry
commencèrent par soumettre le Béarn ; puis après la défaite sous les murs
d'Orthez, de Terride et de Montluc, envahirent nos régions. Ce fut sous leurs
pas, le pillage, l'incendie et la mort. On parle pour le seul diocèse d'Aire,
de 226 églises et chapelles rasées de fond en comble et de 99 prêtres et
religieux, massacrés dans des conditions qui nous ramènent au temps des plus
sanglantes persécutions. A Saint-Sever, raconte du Buisson, plusieurs moines
furent noyés et arquebusés dans l'Adour ; d'autres furent pendus, et les
huguenots leur arrachèrent les oreilles pour s'en faire des colliers ;
enfin, un certain nombre durent, avant d'être massacrés, creuser leur propre
tombe.
La
paroisse de Saint-Aubin subit alors le sort commun, comme nous l'apprend le
Verbal de Charles IX rédigé en 1572 par André Bourgeois, prieur de
Sainte-Quitterie et vicaire général. Notre église et celle de Hauriet devinrent
la proie des flammes à la venue des vicomtes ; les capitaines Tauzin
frères, Langlade de Labat, Gabriel de Dimbidones, et de Poches commandèrent la
manœuvre, cependant que l'officier Castaignet tenant garnison au château de
Poyaler, présidait au pillage. Puis, les soldats du capitaine Solié prirent les
ornements sacrés, tandis que ceux de Montamat faisaient main basse sur les
revenus de la fabrique de Hauriet. A leur tour, les personnes furent
cruellement inquiétées, au point qu'un grand nombre de familles sous la peur
causée par leurs bourreaux, apostasièrent au grand jour. Mais si parfois le mal
et la violence ont ici-bas des triomphes insolents qui semblent tout vouloir
emporter après eux, l'heure de la Providence n'est pas loin non plus qui fait
lever l'aube radieuse des revanches du droit, de la justice et de la liberté.
Au lendemain de la paix qui suivit la tragédie huguenote, beaucoup de maisons
plantèrent un arbre pour sceller le souvenir de la tranquillité revenue ;
et c'est là probablement l'origine de ces troncs noueux que nous rencontrons
quelquefois au hasard des chemins et qui, malgré les ans, continuent toujours à
reverdir chaque printemps pour donner asile aux joyeuses nichées des oiseaux du
bon Dieu.
Les
" Mémoires " d'Henri de Laborde-Péboué (Doazit 1638-1670)
vont nous dire maintenant ce que fut chez nous la guerre de la Fronde, cette
lutte de cinq ans qui s'engagea entre la Cour et le Parlement sous la minorité
de Louis XIV, et pendant laquelle la Chalosse eut particulièrement à souffrir.
En 1650, les troupes du Prince tinrent quartier à Saint-Aubin pendant vingt
jours et rançonnèrent durement les habitants. Deux ans plus tard, le 2 février
1652, débouchant de Doazit elles venaient porter le siège devant Poyaler et se
mesurer avec les bataillons réguliers de M. de Poyanne. L'action y fut des plus
chaudes, et leur principal officier supérieur trouva la mort devant les fossés
du château. C'est alors qu'apparut à la tête des brigades rebelles, un capitaine
allemand du nom de Balthazar, qui fut, nous dit le chroniqueur, l'homme le plus
cruel que la terre ait porté. Cet étranger, terreur des populations, ne put
cependant dominer l'adversaire, et il dut battre en retraite sur Mugron,
laissant entre les mains du vainqueur 300 prisonniers et un important butin.
M.
le chevalier d'Aubeterre, lieutenant de M. de Poyanne, arrive en février 1653,
et avec ses 10.000 soldats vient attaquer l'ennemi renforcé de 800 irlandais.
Celui-ci lâche pied et reflue vers Montaut, sans avoir pu rallier les débris de
son armée. Malgré ses revers, Balthazar ne cesse de galvaniser ses
guerriers ; et il va farouche et sans pitié, n'épargnant personne à
travers nos villages. Il est déjà à cette époque, le triste précurseur de ces
germains qui, de 1914 à 1918, devaient mettre systématiquement en coupe réglée
dix de nos plus riches départements. L'histoire, on le voit ici, est un
perpétuel recommencement... Le 17 mars 1653, les belligérants se rencontrent à
nouveau sur les bords de l'Adour ; mais cette fois d'Aubeterre dois
reculer sur Saint-Aubin et Maylis. Poyaler est occupé et, écrit Péboué :
" ils n'y ont rien laissé de ce qu'ils ont trouvé de bon. Le monde est
perdu ! ". Les bataillons du roi reprenant l'avantage s'en vont
bientôt attaquer Tartas pus le château de Cauna où, le 12 juin, Balthazar
grièvement blessé dut déposer les armes. Ce fut la fin de la fronde landaise.
Inutile
de dire que les mœurs publiques n'eurent guère à se féliciter de ce contact
avec des combattants, la plupart venus du dehors, et que ce séjour à
Saint-Aubin ne fut pas non plus sans porter sérieusement atteinte à la vie
économique de nos campagnes. Résumant, pour sa part, les faits de ces années
sanglantes, notre annaliste ajoute : " Si je voulais consigner
tout ce qui s'est passé de ces ravages de guerre et d'autres bouleries qui fut
fait, je ne pense pas pouvoir trouver assez de papier. Les terres n'ont plus de
bras, l'herbe pousse dans les champs, c'est la désolation générale. La guerre a
tout mangé ! ". Puis ce furent les maladies, la famine et la
peste qui décimèrent à ce point nos régions, qu'en deux jours seulement on
compta 40 morts à Saint-Aubin, Poyaler et Montaut. La lutte terminée, on
apprenait - Ô ironie du sort ! - que d'Aubeterre et Balthazar rivaux
d'hier, venaient soudain de se réconcilier devant l'impôt de guerre de 4.000
écus levés à travers la Chalosse, et qu'il se partagèrent par moitié.
L'église
de Saint-Aubin fut fermé au culte à deux reprises différentes. Une première
fois en 1655, devant l'ingérence trop marquée des seigneurs de Poyaler qui
prétendaient exercer leur autorité jusque dans le sanctuaire. La marquise
tenait pour la nomination à la cure d'un certain abbé Moncurcq, le baron optait
pour l'abbé Cassaré. Des scènes regrettables se produisirent, qui eurent pour
épilogue l'interdit de la paroisse. Les deux compétiteurs se rencontrèrent avec
leurs partisans, un dimanche avant la messe ; et après une discussion
provoquée par Moncurcq, s'engagea une mêlée générale où le sang coula de toutes
parts. Immédiatement informé, l'évêque frappa de suspense les délinquants, et
nomma sur place un vicaire, M. Dumartin, de Montaut, à qui il confia en même
temps la desserte de Hauriet. Non content de faire poursuivre et emprisonner
Cassarré et deux de ses neveux, Moncurcq obligea encore le frère du détenu à
payer 32 écus pour frais judiciaires et à force d'intrigues parvint à se faire
nommer à Saint-Aubin, par arrêté royal de Louis XIV.
Le
2 juin 1670, de nouveaux désordres éclatèrent à l'église. C'était l'époque où
la Gabelle (impôt sur le sel), donnait lieu en Chalosse à de criants abus. M.
Moncurcq étant donc monté en chaire pour donner avis d'un mandement de son
évêque, un remous se produisit dans la foule, celle-ci s'imaginant qu'il allait
l'entretenir de l'irritante question. Soudain, les femmes envahirent le
cimetière ; puis rentrant à nouveau, s'avancèrent pour lapider le curé. Le
seigneur de Saint-Germain n'eut que le temps de quitter sa place, et de protéger
Moncurcq qui déjà courait se réfugier dans la sacristie. A la suite de cette
sacrilège incartade, le prévôt de Dax se rendit à Saint-Aubin pour fixer son
enquête, et envoya en prison huit agitateurs connus qui, cependant, furent plus
tard déclarés non coupables. A son retour, l'évêque crut devoir punir la
paroisse, et pendant dix-huit mois obligea les familles à transporter les morts
à Maylis, Hauriet et Larbey, selon la proximité des quartiers. Puis, dans un
bien de paix, Mgr de Sariac vint lui-même, le 4 novembre 1671, lever les
sanctions et dans un discours mesuré mais sévère, rappeler les habitants au
sens des plus paisibles réalités.
Le
2 février 1666, on distillait à Saint-Aubin de l'eau-de-vie dans six chaudières
qui brûlaient depuis plusieurs heures, quand le vin se mit tout à coup à
épaissir, obligeant les ouvriers à suspendre leur travail ; " et
ce dura trois jours ". On vint alors chercher le curé qui s'empressa
de bénir les alambics et d'exorciser la maison ; après quoi il monta à
l'autel pour dire sa messe, et " l'eau-de-vie devinct fort bonne et
firent autant de besogne comme de coustume, grâces à Dieu ". -
L'année 1697 une affreuse famine désola la Chalosse, laissant pour de longs
mois nos populations en proie à une grande misère. "il y périt de faim une
infinité de peuple". Les gens de nos campagnes furent contraints de manger
les herbes et les plantes que les bêtes ne voulaient pas, et de passer souvent
plusieurs jours sans pouvoir trouver la moindre nourriture. Il faut dire aussi
que nos régions landaises ont toujours été durement éprouvées par les calamités
publiques, et surtout par la grêle. C'est ainsi que le 28 août 1655, le 14 juin
1707, le 2 juin 1714, le jour de l'Ascension 1719, le 28 juin 1728, le 14
juillet 1731, le 26 août 1732, le 13 août 1762 et le 1er septembre 1771, de
terribles tornades ravagèrent Saint-Aubin, anéantissant tout sur leur passage.
D'autres fois, ce furent des hivers rigoureux, que la seule évocation de ces
sombres journées nous semble presque invraisemblable. Témoin, celui de 1658 où
le vin gela dans les barriques, et où les vignes, les figuiers et les lauriers
séchèrent sur pied. La neige couvrit le sol pendant près de deux mois, et le
froid fut si vif que la plupart des bêtes à cornes périrent dans les étables.
Citons encore en passant, ce mois de janvier 1709, où il neigea pendant trois
semaines, au point qu'il fallait chaque matin décharger le toit des maisons, se
servir de fers chauds pour faire fondre le vin dans les futailles et utiliser
des haches pour couper le pain. Et comme un malheur n'arrive, dit-on, jamais
seul, des tremblements de terre éprouvèrent nos campagnes, tandis qu'une bande
de loups sortant des bois de Malabat sema l'épouvante à Saint-Aubin et dans
tous les environs, dévorant sur son passage un nombre incalculable d'animaux et
d'oiseaux de basse-cour.
En
1739, les travaux des champs furent si longtemps retardés par les pluies, que
le froment ne put être coupé qu'à la mi-août. Puis des aurores boréales qui
apparurent dans le ciel à cinq ou six reprises différentes, effrayèrent les
populations qui crurent voir dans ces phénomènes extraordinaires l'annonce des
prochains malheurs.
L'année
suivante, des gelées ses succédèrent depuis le mois de septembre jusqu'aux
premiers jours de mai 1741 ; les vendanges ne purent avoir lieu qu'en
novembre, et les hommes tombaient de froid dans les pressoirs en foulant les
raisins. Ce n'est pas tout : du mois de janvier à celui de septembre, il
n'y eut qu'une seule pluie d'orage, et devant pareille sécheresse tous les maïs
disparurent sur place. Pareillement, beaucoup de familles périrent
" de plurésis et du flus de sang ".
Malgré
l'adversité, les âmes restaient sereines et s'inclinaient sans mot dire sous la
main de Dieu. C'était en effet le temps où nos paroisses voyaient fleurir
l'esprit chrétien sous toutes ses formes et aimaient fréquenter les églises
pour y entendre la parole sacrée. Nos archives racontent qu'en 1743 une mission
fut donnée à Saint-Aubin par l'évêque d'Aire lui-même, Mgr Sarret de Gaujacq,
ancien chapelain de N. -D. de Garaison. Heureux fidèles, qui eurent la joie
d'être pendant deux semaines évangélisés par le premier pasteur du
diocèse ! Quelque temps plus tard en 1766, l'abbé de Campet prêtre
habitué, légua 500 livres pour couvrir les frais des nouvelles prédications qui
durèrent un mois, avec le concours de religieux capucins. Un
mois...Actuellement, ces trente jours paraîtraient bien longs à nos
contemporains, et tant de sermons finiraient vite par avoir raison d'une piété
trop courte.
L'abbé
Delisle qui ne nous fait grâce, d'aucun de ces petits détails qui intéressent
la vie d'une localité, nous apprend qu'en 1774 une épidémie très dangereuse
pour les bestiaux désola la région. Un vétérinaire consulté découvrit le moyen
d'enrayer le mal. Nous dirions aujourd'hui qu'il ne dut pas fatiguer beaucoup
son imagination. Qu'on en juge plutôt : " On n'a pas trouvé de
remède plus assuré, que de les faire changer d'air en les envoyant dans des
paroisses un peu éloignées... ". Il est probable que nos paysans de
1938 exigeraient des mesures prophylactiques autrement efficaces, pour leurs
bêtes malades.
Notre
plume s'arrête maintenant sous les menaces grandissantes de la Révolution dont
les philosophes et les encyclopédistes du XVIIIe siècle porteront devant le
verdict de l'histoire les plus lourdes responsabilités. Malgré certaines
campagnes habilement menées pour troubler l'opinion, Saint-Aubin vivait alors
sa vie chrétienne, laborieuse et tranquille ; l'union régnait dans les
familles ; tout le monde ne demandait que la paix loin des agitations
politiques, satisfait de son sort, souhaitant seulement quelques modifications
intérieures, d'ailleurs faciles à réaliser. Nous allons voir qu'il allait en
être autrement.
---x---
CHAPITRE III
Saint-Aubin
et la Révolution
Le
16 février 1789, Jean Pémarque syndic de la communauté de Poyaler et de
Saint-Aubin (1), informa les habitants que les officiers municipaux de
Saint-Sever invitaient l'assemblée à appuyer les démarches du tiers-état, pour
présenter au roi le cahier des revendications, et obtenir de lui la
restauration de la sénéchaussée des Lannes. A l'unanimité des voix, Pémarque
fut choisi pour se rendre au chef-lieu et y parler au nom de Saint-Aubin. Le 5
Mai, les députés se proclamaient Assemblée nationale constituante ; deux
mois plus tard, surgissait l'émeute du 14 juillet durant laquelle le pouvoir
royal se trouva impuissant : la révolution était née. Depuis longtemps, en
effet, des idées nouvelles travaillaient les esprits et un souffle
d'indépendance secouait les masses populaires. Le Pays, à cette époque, nous
l'avons dit plus haut, soupirait après un ordre de choses fixe et
durable ; malheureusement, un cataclysme effroyable allait au contraire
inaugurer dans son sein, un régime de désolation et de sang.
(1) La commune
s'appelait alors Communauté ou Paroisse. Elle avait à sa tête un ou plusieurs jurats
élus par tous les citoyens, renouvelables tous les ans, parlant et agissant au
nom de la population. A côté, se trouvait le syndic, auxiliaire
nécessaire des jurats ; il n'y en avait qu'un par paroisse. C'est lui qui
veillait à l'ordre public et répondait devant les tribunaux, des litiges des
habitants.
Le 28 juin 1790, la commune
constitua sa garde nationale, chargée éventuellement de prendre les armes pour
la défense du bien public. Elle compta dès l'abord 75 citoyens actifs qui se
donnèrent comme Colonel Dominique Pémarque ; Jean Biella comme Capitaine-Commandant ;
Jean Larrède et Charles Candau comme Tambours ; comme Major,
enfin Bernard Dartiguelongue. La loi prévoyait pour eux une tenue réglementaire
dont ils devaient personnellement faire les frais ; toutefois, nous
pouvons supposer que les nationaux de Saint-Aubin plus habitués à tenir la
charrue que le mousqueton des soldats, ne durent guère s'embarrasser d'un
costume nouveau. Cela fait, la municipalité invita ses administrés, à s'unir
d'un même cœur au peuple de Paris qui devait, le 14 juillet suivant célébrer en
grande pompe la fête de la Fédération. A cet effet, l'abbé Dupérier chanta, la
veille au soir l'office des premières vêpres, après quoi, fut tiré sur la place
de l'église un brillant feu d'artifice. Le lendemain, le curé monta à l'autel
et devant les corps constitués présida un Te Deum auquel répondit l'assistance.
On crut un instant que des jours meilleurs allaient bientôt paraître ;
hélas ! une insurrection qui grondait en silence dans le peuple devait
déferler comme un torrent, et emporter dans la tourmente jusqu'aux institutions
mêmes de l'Etat.
Le
2 novembre, eurent lieu deux élections distinctes pour désigner le maire, les
officiers et les notables. Malgré les résultats acquis, il fallut en raison de
certaines illégalités procéder à un second tour et, le 12 décembre par 48 voix,
sur 72 votants, le curé de Saint-Aubin fut nommé président de l'assemblée
communale. Celle-ci eut aussitôt à intervenir à propos du transfert à
Toulouzette des assemblées primaires, dans des discussions véhémentes qui
n'aboutirent à rien d'autre qu'à échauffer un peu plus les esprits. Ni les
interventions près de M. de Caupenne procureur-royal, ni les démarches faites
en haut lieu par l'abbé Dupérier, ne purent faire revenir les hommes au pouvoir
sur leur décision ; et " Toulouzette, la plus chétive paroisse
de la région, où le vin est mauvais... " devait, tôt après, recevoir
dans ses murs les délégués cantonaux de Mugron (1).
(1) Divers
arrêtés municipaux ayant en vue l'ordre public, furent édictés à cette
époque : défense aux cabaretiers de garder leurs consommateurs (sauf les
étrangers) à l'heure des offices de L'église ; création d'une prison
communale ; révision des mesures de " pinton et de
pinte " pour les aubergistes, et des balances pour les boulangers ;
réintégration dans les caisses de Saint-Aubin de toutes les créances
particulières.
Nous
voici en 1791, l'année où parut la Constitution civile du clergé. Cette loi ne
tendait qu'à déposséder le pape et les évêques de leurs prérogatives, de leur
juridiction et de leur souveraineté. Gardien vigilant de la foi et des mœurs,
Pie VI condamna le décret (2), et défendit aux ecclésiastiques d'y souscrire.
Malgré cela, il y eut dans les Landes, au dire de l'abbé Légé, 193 jureurs tant
séculiers que réguliers. On les appela Assermentés, pour les distinguer
des Insermentés ou prêtres réfractaires (3). - Les évêques d'Aire et de
Dax ayant énergiquement repoussé le serment, un nommé Saurine, d'Oloron,
député à la Constituante et depuis longtemps inféodé aux partis du jour, fut
désigné pour occuper leur siège. Nous ne le suivrons pas dans le diocèse où sa
venue suscita des colères enflammées, où changeant neuf fois de
vicaires-généraux, il ordonna 22 prêtres qui tous passèrent dans le camp des
constitutionnels. Des Landes, il fut transféré à Strasbourg. Sa fin fut le
triste couronnement d'une vie d'aventures, et on le trouva mort dans son lit,
dans un couvent où il était de passage (4).
(2) Il était
ainsi conçu : " je jure d'être fidèle à la nation, à la loi
civile et politique et au roi. " Tout fut mis en œuvre dans chaque
commune, pour lui donner un éclat exceptionnel.
(3) Parmi les
prêtres réfractaires des Landes, 308 passèrent en Espagne, 79 restèrent cachés
dans le département, 70 furent emprisonnés à Sainte-Claire (Mont-de-Marsan), 19
furent ordonnés en Espagne par les évêques d'Aire et de Dax, 11 enfin en raison
de leur âge et de leurs infirmités purent rester dans leur domicile. - 161
prêtres jureurs vinrent, des diocèses voisins, s'implanter dans le nôtre.
(4) Une
pancarte longue de 1 m. 30 imprimée en 1794 et comprenant 95 noms de citoyens
capables d'exercer " dignement " les fonctions publiques,
le désigne ainsi : Prêtre, puis évêque, demeurant à Paris Actions
civiques : Mandement pour le fanatisme. Caractère moral :
Tartuffe. Physique : Hercule. Ouvrages : Discours
propre à établir une corporation dans son cy-devant diocèse. Bon pour la
guillotine.
Comme
Mgr de Caux, son évêque, le curé de Saint-Aubin n'accepta pas le décret ;
sachant, en effet, tout ce que la loi renfermait de contraire à la religion
catholique, il opposa un refus formel à la sommation que lui firent les
officiers municipaux. Lecture faite à l'église de l'instruction du gouvernement
exigeant des fonctionnaires publics la prestation du serment, il descendit de
chaire et continua sa messe (11 février 1791). Ce geste noble et courageux
allait désormais attirer sur sa tête toutes les foudres de la Révolution. -
L'abbé Dominique Dupérier arrivé en juillet 1789, venait du Bourdalat où il
avait été nommé curé, quatre ans plus tôt (5). Il ne devait plus quitter
Saint-Aubin où il mourut en 1842, après un long et fructueux apostolat.
(5) Il avait
alors 31 ans et mesurait 5 pieds et 3 pouces (1 m. 73).
Devant
cette attitude si nettement exprimée, le tribunal du district envoya dans la
commune, le 11 septembre 1791, un ancien barnabite de Nîmes, appelé Tauziet.
Celui-ci ne fit que passer et se " déprêtisa "avant d'aller
mourir à Gaujacq où il fit le tourment de tous les gens de bien. Dubasque,
vicaire de Doazit, le remplaça. Lui aussi se déprêtisa à l'âge de 28 ans, au
moment où une pension de 800 livres venait de lui être allouée (6). Enfin,
parut le curé jureur de Larbey, Croharé, à qui Saurine confia en juillet
1792 le service de Saint-Aubin. (Légé.)
(6) Il mourut
à Mant en 1843, après avoir été curé de Doazit de septembre 179l à 1803.
Cette
élection et cette venue des intrus dans les paroisses, ne furent pas sans
provoquer de violentes réactions ; et l'évêque de Dax dut, un jour,
demander d'urgence au département une colonne de cinquante volontaires pour
protéger certains de ses prêtres particulièrement menacés. Nous savons
aujourd'hui que beaucoup d'assermentés s'en allèrent sans mandat, occuper les
postes de leur choix, et qu'ils abandonnèrent avec une égale facilité ceux
qu'ils jugeaient trop au-dessous de leurs aptitudes personnelles ; mais
aucun ne se fit jamais le moindre scrupule de s'approprier d'avantageux
traitements payés d'avance par l'Etat. Et l'on vit bientôt ces pauvres égarés
qui ne se maintenaient qu'au prix d'avanies continuelles, obligés de quitter
leurs presbytères et sous la menace de la guillotine et la suppression de tout
subside officiel, s'en venir humblement solliciter la charité publique. Triste
retour des choses... Il faut dire aussi à la gloire du clergé landais, que tous
les jureurs sauf neuf, firent plus tard amende honorable de leur défection et
qu'ils demandèrent à reprendre place dans les rangs qu'ils avaient un moment
désertés.
Témoin
douloureux et muet de ce qui se passait autour de lui, l'abbé Dupérier restait
caché dans sa retraite préférée de Cournaou ; mais il sortait la
nuit pour se rendre encore utile au troupeau demeuré sans pasteur. Il savait
même si bien dérouter les patriotes, que les représentants du peuple à Saint-Sever
finirent par s'émouvoir et que Saurine lui-même fut obligé de rompre le
silence. Celui-ci fit savoir au Directoire que le curé de Saint-Aubin avait
continué son service, que les aristocrates reprenaient confiance et qu'un
attroupement de 4.000 gens armés, à travers la paroisse, avait fait perdre tout
courage au curé constitutionnel de Mugron. " Vous sentez, Messieurs
déclarait-il, combien il est important que Dupérier et Lacoste (de Larbey) (1),
les plus dangereux du canton, soient éloignés le plus tôt possible. "
Menace vaine et inutile, puisque l'abbé Dupérier n'abandonna jamais Saint-Aubin
et ne consentit pas davantage à fuir à l'étranger.
(1) Celui-ci,
était né à Brocas en 1743. Curé des Ostaux-Royaux de Larbey et de Maylis, passa
en Espagne.
Après
la guerre religieuse, vint l'invasion sur les frontière d'Espagne par les
nations coalisées. Immédiatement, Mugron demanda des hommes pour barrer la
route à l'ennemi devant les Pyrénées. D'un commun accord, tous nos gardes
nationaux se déclarèrent prêts à partir sur Bayonne et à donner leur vie pour
la patrie en danger. De son côté, on apprenait que la ville de Saint-Sever
était déjà épuisée par les frais de casernement, et qu'il lui fallait de toute
nécessité des articles de literie et de cuisine pour le repos et la subsistance
des soldats. L'heure donc paraissait grave ; malgré cela, les dirigeants
du pays bien que préoccupés de l'avenir, allaient encore marquer un pas en
avant dans la voie de la persécution déjà déchaînée sur la France.
---x---
CHAPITRE IV
La
Terreur. Quelques récits de ce temps
L'année
1792 finissait dans l'agitation et le bruit des batailles. A Saint-Aubin, les
séances communales s'étaient tenues presque en permanence, et les 91
délibérations inscrites dans nos archives reflètent toutes le souci de la
défense nationale, en proclamant bien haut que " la violation des
lois est un attentat à la Révolution ". D'autre part, le secrétaire
de l'époque ne perdait pas son temps, puisque il laisse notification de 1.333
décrets promulgués par le gouvernement, du 12 décembre 1790 à la fin de 1792.
Paris
craignant de voir fléchir en province les doctrines du jour, envoya en Chalosse
le procureur Dartigoeyte, de Lahosse. Ancien élève du collège d'Aire, le
futur jacobin avait reçu à la fois de ses parents et de ses maîtres une solide
éducation chrétienne. Mais d'un incommensurable, orgueil et d'une ambition sans
égale, il s'éprit des idées philosophiques du dix-huitième siècle et se jeta à
corps perdu dans le mouvement révolutionnaire. Il vota la mort du roi Louis
XVI, affirmant pour justifier sa conduite, qu'un bon républicain ne compose
jamais avec sa conscience, et que le remords n'est pas de mise chez le citoyen
dont le patriotisme, le salut du peuple et la justice dirigent les pensées. On
voit d'ici ce qu'allait être un jour notre conventionnel qui, à cette époque,
n'avait pas encore trente ans.
1793
fut l'année terrible entre toutes, celle où la Convention organisa en France LA
TERREUR, dans le but d'empêcher toute velléité de retour à la royauté et de
tuer la religion à travers le pays. Ce pouvoir dura 14 mois, du 13 mai 1793 au
27 juillet 1794. La plus redoutable de ses lois fut celle des
" Suspects ", qui ordonnait d'arrêter, de jeter en prison
et de condamner souvent sans l'apparence d'un jugement, ceux qui étaient
simplement soupçonnés d'être les ennemis de l'Etat. Que d'infortunés tombèrent
alors sous le couperet sanglant n'ayant même jamais su ce dont ils étaient
accusés ! (1).
(1) Il y avait
à Saint-Sever qu'on débaptisa bientôt pour l'appeler Mont-Adour quatre
maisons de réclusion pour les suspects du pays et des régions voisines. La
guillotine était dressée sur la Place du Tour-du-Sol, à l'endroit occupé
actuellement par la bascule publique. Les femmes et les enfants de la ville
assistaient amusés aux exécutions journalières. Le tribunal révolutionnaire
siégeait dans une salle appartenant à l'ancien couvent des Bénédictins devenu
la mairie.
Nous
pouvons aujourd'hui avec le recul du temps, comprendre la détresse morale de
nos populations qui, pour garder leur foi, durent s'incliner devant la volonté
de ces hommes dont on a pu dire qu'ils avaient une pierre à la place du cœur.
Mais nous savons aussi que du fond de leurs cachettes, les réfractaires
continuaient à soutenir le courage de leurs ouailles, tantôt par des prônes
écrits, tantôt par des messages qu'ils confiaient à des estafettes de leur
choix. L'abbé Dupérier à Saint-Aubin se distinguait entre tous par cette force
d'âme qui en ferait aujourd'hui un personnage de légende.
Le
10 novembre, l'abolition de la religion catholique fut décrétée sur tout
l'ensemble du territoire ; puis, un nouveau culte apparut, celui de la
déesse Raison. Un calendrier spécial vit le jour qui remplaça les noms des
saints par ceux d'outils, d'animaux et de légumes. Ainsi Noël était la fête du
chien. Les mois tirèrent leur appellation de mots grecs et latins ; ils
comprenaient trois décades ou séries de dix jours ; la décade remplaçait
le dimanche.
Nous
n'avons pu savoir si Saint-Aubin eut alors son autel à la divinité ; mais
ce que nous pouvons dire, c'est que la fête de la décade, dont les sonneries
furent réglementées par Dartigoeyte lui-même, eut lieu pour la première fois le
30 novembre, et que le procès-verbal qui en fut rédigé ne manque pas d'intérêt.
" Des étrangers passants se sont fait un devoir de se joindre à
l'assemblée, invités à participer à la réjouissance publique et se sont réjouis
avec elle en exaltant leur joye, et ont passé l'après-midi avec le peuple de
Saint-Aubin, en bénissant de concert les bienfaiteurs ou instituteurs de cette
auguste fête. " La cérémonie se tenait à l'église, avec ou sans le
curé assermenté (2) ; les patriotes qui avaient leur mot à dire sur les
événements ou qui, librement, désiraient manifester leur opinion en public,
montaient en chaire d'où il n'était pas rare de voir s'engager bien vite de
bruyantes polémiques ; avant de se séparer, l'assemblée entonnait la
" Marseillaise ", et fléchissait le genou à la strophe
" Amour sacré de la patrie " puis, on allait se grouper sur
la place, où chants et danses s'organisaient aussitôt autour de l'arbre de la
Liberté. Le reste du jour se passait à chanter, dans les auberges, les
bienfaits de la Révolution.
(2) L'assistance
choisissait trois jeunes filles qui, aussitôt quittaient leur place et allaient
s'asseoir sur l'autel. Elles étaient coiffées du bonnet rouge, et celle du
milieu tenait un sabre à la main. La réunion finie, les trois déesses étaient
l'objet de la vénération générale et demeuraient les reines du jour.
Et
puisque nous en sommes à décrire les mœurs qu'apportait avec lui le régime,
disons qu'à ce moment les mots de Monsieur et de Madame furent
remplacés par ceux de Citoyen et de Citoyenne ; le Tu
devint obligatoire dans la société ; le chapeau disparut pour céder le pas
au bonnet phrygien, et tous, même les enfants, durent arborer la cocarde
tricolore s'ils ne voulaient pas passer pour suspects. Dans les clubs
populaires, on se donnait l'accolade en criant : " Vivent les
sans-culottes ! A bas les aristocrates ! " Enfin, les repas
" républicains " se prenaient en famille et en plein air,
devant la porte des maisons ; ils n'étaient permis qu'à l'annonce de
quelque événement d'importance, et la table devait être frugale pour ne pas
insulter à la misère du peuple ; mais, pratiquement, les amis de la dive
bouteille trouvaient toujours des prétextes pour créer de nouvelles rencontres.
Le
24 mars, les 4 et 6 avril, les 11 et 13 octobre 1793, les officiers municipaux
de Saint-Aubin accompagnés de la garde nationale, parcoururent la commune en
tous sens, en quête de l'abbé Dupérier : celui-ci demeura introuvable.
Certes, ils eussent été bien surpris ces intrépides défenseurs du pays, si on les
avait aiguillés du côté du Teoulè ou vers les bois de Massey, à
Maylis. Ils y auraient découvert une pieuse communauté de prêtres réfractaires,
renouvelant en bien des points la vie des premiers ermites du désert, vivant du
pain de la charité et plus souvent de misère. De ces refuges insoupçonnés, le
curé de Saint-Aubin sortait pendant la nuit, affublé d'habits d'emprunt. Il
endossait la longue Chamarre bleue du paysan chalossais, coiffait le
béret à larges bords et chaussait de lourds sabots. Il venait ainsi jusqu'au Prince
où il donnait rendez-vous aux fidèles pour leurs confessions et le saint
Sacrifice. L'histoire rapporte qu'en cette année 1793, une gracieuse phalange
d'enfants s'approcha pour la première fois du banquet eucharistique dans un
coin retiré de la métairie. Ce dut être pour les assistants une cérémonie digne
du temps des catacombes, et dont ils ne perdirent certainement pas de si tôt
l'émouvant souvenir.
D'autres
fois, M. Dupérier s'en allait par les champs, menant son Bross le juron
à la bouche ; ou bien, se jouant de ses propres paroissiens devenus ses
persécuteurs, il conduisait les troupeaux afin de mieux se rendre compte de ce
qui se passait autour de lui, et de visiter au besoin les malades et les
agonisants. Mais un matin, poursuivi par les gendarmes et se sentant perdu, il
put à grand'peine dépister l'ennemi et gagner une maison voisine où
s'installant au Ristoun, il accueillit tranquillement les visiteurs, en
gorgeant l'un après l'autre deux grands bœufs tout étonnés de se voir servir un
déjeuner inattendu, par une main mal habile.
Le
curé de Saint-Aubin avait, nous dit l'abbé Légé, un frère nommé Raymond qui fut
ordonné prêtre en Espagne par l'évêque de Dax, Mgr de Laneufville. Rentré dans
le diocèse, il fut accusé d'avoir fait du ministère et brutalement appréhendé
par les sans-culottes. Comme on l'attachait à une chaise, l'un des soldats fit
le geste de lui trancher le cou. " - Eh bien, lui dit l'abbé,
soit ! mais elle n'est pas belle, ma tête ; mais si vous la voulez
comme ça, accommodez-vous-en ! " Le patriote n'insista pas et
remit son prisonnier en liberté.
Dominique
Dupérier et le P. de Caupenne, son compagnon d'infortune, ne durent tous deux
la vie sauve qu'à une ruse savante d'un brave homme de St-Aubin, habitant à Yaoumes,
et particulièrement dévoué à la cause des prêtres. Celui-ci s'appelait Dubroca,
surnommé Pouchon. Un jour donc qu'il hébergeait les deux insermentés, Dubroca
vit surgir tout-à-coup une troupe de révolutionnaires, en direction de sa
maison. Il eut tout juste le temps de rentrer chez lui, d'intimer l'ordre à ses
hôtes de courir se cacher, et de se jeter lui-même sur un lit où, simulant des
souffrances atroces, il se mit à pousser des cris à fendre l'âme. Bientôt, les
soldats frappent à la porte et entrent en coup de vent pour visiter la demeure.
Mais entendant gémir dans la chambre voisine, et apercevant toute en pleurs la
femme du logis, ils s'arrêtent, questionnent, puis en silence et l'arme à la
bretelle défilent vers le bourg. Alors, descendant du grenier où ils avaient
juré de vendre chèrement leur peau, comme aimait à le raconter plus tard le P.
de Caupenne, les deux amis se rendirent à la cuisine où les attendait déjà le
malade - subitement guéri - pour souper à la santé des sbires de Dartigoeyte.
Un
noble dont nous ignorons le nom et caché à Gaulin, fut signalé au
tribunal du district. Celui-ci envoya immédiatement un peloton de gens armés,
avec mission de s'emparer coûte que coûte du malheureux proscrit. Apercevant
les sans-culottes, l'infortuné chercha son salut dans la fuite en se jetant
dans le vide par une fenêtre ouverte. Mais la chute fut terrible ; et les
soldats n'eurent que la peine de cueillir leur victime expirante pour la
conduire à Mont-Adour, où l'exécuteur des hautes œuvres fit aussitôt le reste.
(Cité par M. Moumiet, après M. Pierre Soubaigné, vieillard de 87 ans, qui
tenait le fait de ses parents).
Voici,
enfin, un dernier trait non moins intéressant. L'abbé Jean Lamarque,
vicaire-général de l'évêque d'Aire, passa tout le temps de la Terreur à
Saint-Aubin, Larbey et Maylis, avec plusieurs de ses confrères dont il fut le
pieux et admirable soutien. Il faillit un jour tomber en embuscade en regagnant
son refuge de Saint-Germain. Les juges de Saint-Sever avaient, en effet, envoyé
à Saint-Aubin un groupe de policiers, pensant trouver à tort ou à raison le
prêtre réfractaire au chevet d'un malade qu'on leur avait indiqué. M. Lamarque
était de bonne prise. Sur les 3 heures du matin, les patriotes croisent une
ombre sur la route ; toute fuite est impossible. Le vicaire-général - car
c'était lui - tire sa montre et dit au chef de file : " - C'est
bien ! A 7 heures, nous partirons ; à 8 heures, nous serons arrivés ;
c'est l'heure où le tribunal tient séance ; à 9 heures, je serai
guillotiné. J'ai le temps de voir et d'administrer le moribond. Conduisez-moi
et gardez-moi ! " Il donne les derniers sacrements, puis se met
à genoux pour prier. Entre un sans-culotte qui lui dit : " - M.
l'abbé, je dois me marier demain, mais la jeune fille ne veut pas d'un prêtre
jureur. - " Soit, répond M. Lamarque ; mais alors faites moi
évader ! Et puis, il faut vous confesser... - " Mais, reprend le
soldat, comment faire avec ces hommes ? - " C'est bien simple,
monsieur ; amusez-les avec une bonne bouteille de vin blanc, et pendant ce
temps je m'échapperai. Demain matin, je serai à vous attendre dans la chapelle
de Saint-Germain. - Un moment après, le sous-officier revient :
" Vite, M. l'abbé ! Ils sont attablés ; fuyez par ici
! "
---x---
CHAPITRE V
Difficultés
communales. Derniers soubresauts et fin de la Révolution à Saint-Aubin. Temps
nouveaux.
Le
6 germinal an II (26 mars 1793), la municipalité se rendit à l'église (temple
de la Raison), y déplaça les deux autels et les lampes et en enleva pour les
envoyer à Mont-Adour, le balustre et la rampe en fer de la chaire, du poids de
3 quintaux et 80 livres (1). Puis, elle ordonna de jeter au feu tous les titres
féodaux déposés à la mairie, et mit sous séquestre les biens meubles et
immeubles du duc de Gontaut-Biron, seigneur de Poyaler.
(1) Beaucoup
de paroisses portant le nom d'un saint, avaient été débaptisées. Nous ne
pensons pas que la nôtre ait jamais perdu le sien, car nos archives ne
mentionnent nulle part un changement de ce genre. Il suit de là, ou bien que la
municipalité refusa pour Saint-Aubin une appellation nouvelle, ou bien ce qui
est plus probable, que la commune ne donna que peu d'affaires au tribunal du
district.
Pendant
ce temps, Dartigoeyte s'imposait aux révolutionnaires et, ajoutant la hardiesse
à l'omnipotence que lui donnaient ses fonctions, devenait bien vite en Chalosse
le maître du pays (2). Venu de Paris à Mugron, le 29 germinal il alerta toutes
les communes du canton, et Saint-Aubin courut lui apporter ses hommages et ses
félicitations, au lendemain d'un attentat criminel qui avait failli lui coûter
la vie. Son passage à travers nos régions porta d'ailleurs ses fruits ;
car le 27 frimaire suivant, un groupe de citoyens de Poyaler et de Larbey
demanda à prendre place dans " le comité des Montagnards de
Saint-Aubin ". - " Citoyens, disait la supplique, une
société populaire composée de vrays sans-culottes veut se former dans votre
sein. Vous ne devez pas ignorer que les sociétés populaires font les écoles
vertueuses où l'homme vient puiser la probité et toutes les qualités qu'il faut
à un républicain. Vous nous donnerez donc notre existence politique et le moyen
de nous rendre à la hauteur des circonstances. " L'on put ainsi, le
19 nivôse, célébrer en grande pompe la prise de Toulon (Port de la Montagne),
par les armées de la république. A 3 heures de l'après-midi, les patriotes
dressèrent un bûcher sur la place publique ; ils y fixèrent les tableaux
noircis des " traîtres malveillants toulonnais ", puis
firent un feu de joie dont ils ramassèrent les cendres " pour les
jetter au vent et au fleuve doubly ". La soirée se termina par un
repas " bien conserté " et une danse à la montagnarde dont
les échos se perdirent très tard dans la nuit.
(2) La
pancarte déjà citée, désigne ainsi Dartigoeyte : Avocat, puis administrateur et
procureur-syndic au district de Saint-Sever, et député. Résidant à Mugron.
Frondant toujours le préjugé et devançant la révolution par ses opinions
patriotiques. Sans-culotte. - Complexion délicate. - Peut exercer toutes
fonctions.
Ces
réjouissances locales cadraient mal avec la situation délicate où se trouvait
la France, menacée à la fois sur toutes ses frontières, et obligée de faire
face aux plus effroyables difficultés. Ce fut alors la levée en masse à travers
le pays, et le régime forcé dés réquisitions. Or, il arriva que les dix jeunes
gens recrutés par le sort à Saint-Aubin, refusèrent de rallier le 3ème
bataillon des Landes où ils avaient été affectés. Leurs remplaçants firent
mieux : après avoir tenu tête aux officiers publics, ils se rendirent dans
le bois de Malabat où, rageusement, ils coupèrent au pied les plus beaux chênes
qu'ils purent rencontrer. L'âme de la résistance, le notable Dartiguelongue,
dut comparaître devant le syndic. " Les agents municipaux,
s'écria-t-il, ne sont que de f... gus, incendiaires et fripons. Qu'on leur
coure sus et qu'on en purge la terre à coups de fusilhs, volants et fourches de
fer ! " - Puis, ce fut la pénurie des vivres dans les campagnes
et le manque de pain pour les soldats. Dans un magnifique élan patriotique,
Saint-Aubin vint au secours des armées combattantes, tandis que Mèricamp,
procureur de Mont-Adour, écrivait au maire : " Citoyen, le Canon
retentit ; nos frères d'armes nous appellent pour partager leurs périls et
la gloire de chasser les tirans. Relevez-vous donc ; assemblez vos
citoyens ! Il ne s'agit plus de délibérer sur la bataille, l'âge ou toute
autre particularité... " On croirait entendre ici le fameux ordre du
jour claironnant et sans réplique du maréchal Joffre, qui décida en 1914 du
sort de la victoire aux heures les plus tragiques des combats sur la Marne. A
son tour le recrutement de Bayonne réclamait des hommes mesurant 1 m. 90 (1),
du linge de corps et des équipements de toute nature. - Le 8 floréal, le
citoyen Sansoube fut chargé d'aller monter une fabrique de salpêtre dans
les dépendances du château de Poyaler (2), pendant que les cordonniers de la
localité, Campet et Bénétrix étaient invités à livrer cinq paires
de souliers par décade, aux régiments des Pyrénées. Ainsi donc, l'heure était
angoissante. Cependant, la Convention continuait à pourchasser les prêtres et
les aristocrates et ordonnait la destruction de tout ce qui pouvait encore avoir
l'ombre d'un droit féodal, seigneurial ou religieux. Et l'on vit alors Farthouat,
agent municipal, et Comet, adjoint de Saint-Aubin, s'en aller visiter
l'église paroissiale, la chapelle et le château de Poyaler. Ils en arrachèrent
toutes les fleurs de lis, blasons et couronnes ; revenant au bourg, ils se
rendirent au cimetière où ne respectant même pas le silence des tombes, ils
firent sauter au marteau toutes les inscriptions de noblesse de la famille
d'Abadie de Saint-Germain.
(1) On en
trouva 4 à Saint-Aubin et Poyaler.
(2) La
municipalité fit couper dans les barthes du château, tous les coudriers, les
bourdaines, " lous crabehus, lous berns, lous saous,
l'aouba ". Le 7 frimaire, c'est-à-dire six mois après l'ouverture de
son atelier, Sansoube trouvait que ses travaux marchaient au ralenti, et se
plaignit en haut lieu.
Comme
il arrive toujours dans les temps de troubles révolutionnaires, de graves
conflits sociaux surgirent entre patrons et ouvriers, maîtres et métayers. Le
maire dut intervenir, et pour pacifier les esprits, édicter certaines mesures
concernant l'alimentation journalière et le paiement des salaires : 1
livre de pain pour les travailleurs des champs, 1/2 livre pour les
autres : taxes, échelonnées de 18 sols à 5 livres, selon les diverses
catégories d'ouvriers. Malgré cela les rivalités ne firent que s'accroître
entre habitants de la commune ; le tribunal de Saint-Sever ordonna
l'épuration du Conseil dont le zèle humanitaire lui paraissait trop
agressif ; et deux individus, Pierre Sourigues et Jean Viella dénoncés
comme suspects et comme coupables d'avoir abattu l'arbre de la Liberté à
Saint-Aubin et à Larbey, furent mandés devant les juges pour y faire la preuve
de leur civisme. Par bonheur, une sentence de relaxe totale termina le procès,
et les deux accusés échappèrent ainsi à la peine de mort.
Entre
temps, se poursuivait la chasse aux déserteurs. Au Cournaou, les agents
nationaux furent assez mal reçus par la maîtresse de maison qui leur dit :
" Vous feriez mieux de vous retirer que non pas rechercher des gens
qui ne font pas de mal à personne ". Le piquet des 12 hommes conduit
par un nommé Clavé, s'en alla, en effet. Mais on apprenait, le lendemain,
qu'une magnifique dinde manquait à l'appel dans la basse-cour de la maison.
Obligé de s'expliquer, Clavé répliqua qu'il n'avait pas à juger son escorte,
mais qu'en tout cas, les bons républicains devaient se distinguer des
mauvais...
Depuis
longtemps, la Terreur avait partout instauré à travers le pays une situation de
fait vraiment intolérable. Bien des yeux avaient fini par s'ouvrir ; et
les moins avertis des français se rendaient parfaitement compte que le pouvoir
central était débordé par les événements. Déclencher une révolution, est
toujours chose facile ; mais en arrêter le cours, et surtout combler
l'abîme ainsi creusé par elle entre fils d'un même pays, est assurément moins
aisé. C'est ce qui arriva pour la Convention. Néanmoins, avant de disparaître,
ses dirigeants voulurent jusqu'au bout faire preuve du plus étroit et cruel
sectarisme. On vit alors passer sous séquestre les biens ayant appartenu aux
abbés Vidart et Fossats, qui constituaient les métairies actuelles de Gaulin
et du Sarthou, (1) ainsi que le champ de Dezest. On vit surtout
l'église soumise à un minutieux inventaire de ses vases sacrés, et à la
confiscation de tous les objets cultuels qui faisaient pour elle double emploi.
Ce fut enfin le départ pour l'Hôtel de la Monnaie à Bayonne, de notre grande
cloche. Et pendant tout ce temps, la Maison de Dieu demeurait fermée, sauf le
jour de la décade ; plus de lampe devant l'autel, plus de sonneries ;
de par la volonté des hommes, le Christ chez lui-même était mis en interdit.
Mais tout a une fin ici-bas... Une cabale se forma en plein Paris ; et le
9 thermidor 1794, Robespierre, le fameux agitateur qui avait conduit le pays à
la ruine, fut froidement assassiné. Il n'avait que 35 ans.
(1) Il y a
encore au Sarthou, " la marlère dou Bidart ".
Aussitôt,
les détenus sortirent de leurs geôles, les suspects furent relâchés, les
tribunaux supprimés. Les prêtres traqués jusque-là comme des malfaiteurs
publics quittèrent leurs cachettes, et les églises naguère encore converties en
temples profanes, s'ouvrirent toutes grandes pour le service divin. Ce fut le calme
après la tempête. Le 8 fructidor an III (Septembre 1795), l'Abbé Dupérier se
présenta à la mairie de Saint-Aubin pour prier les officiers municipaux,
conformément à la loi, de l'admettre à faire la preuve qu'il n'avait jamais
quitté le pays depuis mai 1792, et jouir ainsi paisiblement des droits concédés
à tout vrai citoyen français. Huit jours après, il se retrouvait dans la maison
commune, où il demanda à reprendre son ministère pastoral, déclarant d'autre
part que sans rien renier de ses croyances, il acceptait sans réserve les
institutions justement établies. Neuf témoins, dont un de Hauriet et un second
de Maylis, signèrent les procès-verbaux des séances. Enfin, deux mois après, il
venait une troisième fois prêter serment à la Constitution de l'an III, et
promettre obéissance aux représentants de l'Etat.
Malheureusement,
le Directoire qui, un instant avait fait oublier la tyrannie de la Convention,
rouvrit en 1797 la lutte religieuse, en exigeant du clergé un acte de haine à
la royauté. La barbarie apparut à nouveau, jusqu'au jour où Napoléon Bonaparte
que ses hardiesses militaires et ses aptitudes au pouvoir avaient signalé à
l'attention générale, vint renverser le régime par son coup d'Etat du 18
brumaire. - C'en fut assez pour voir fléchir aussitôt en Chalosse les idées de
la révolution. Dartigoeyte lui-même commença à trembler ; et l'on vit
alors ce potentat puissant devant lequel tant d'hommes avaient fléchi le genou,
descendre honteusement du faîte des honneurs et, poursuivi par ses pairs,
tomber bientôt sous le mépris public.
Le
22 messidor an VII (1798), eut lieu à Saint-Aubin une scène tragi-comique dans
laquelle le prestige du farouche jacobin fut ostensiblement bafoué :
" - Vous n'aurez pas mon fils, lui cria le citoyen Dartiguelongue,
et avant deux décades vous sortirez de place, ou j'y perdrai le
cou ! " Ces paroles prophétiques émurent l'assistance et
laissèrent sans réplique le tribun atterré. Pour refaire son étoile,
Dartigoeyte essaya alors dans nos murs d'une parade de gens armés, en compagnie
du curé-jureur Tauziet qui, en 1791 avait desservi la paroisse.
" - Soyons dignes, citoyens, criait-il, soyons dignes vraiment
d'être républicains ! " Mais son appel demeura sans écho, et ses
vieux partisans ne songèrent même pas à lui faire une escorte d'honneur.
Quelque temps après, le conventionnel de Lahosse succombait chez lui, à une
attaque d'apoplexie, à l'âge de 48 ans (1)
(1) le préfet
des Landes adressant au ministère de l'Intérieur l'état du département,
écrivait de Dartigoeyte : " Il y a chez nous des individus qui
vivent dans la plus parfaite sécurité. Il y en a un entre autres qui a fait
couler le sang de 17 pères de famille ". Une nuit, raconte l'abbé
Meyranx dans sa monographie de Mugron, Dartigoeyte eut peur d'être tué.
" Te tuer ? lui cria son adversaire ; n'en as-tu pas assez
tué toi-même ? Détale vite ou... " Et un coup, (****)
Les
prisons de Mont-de-Marsan sont maintenant ouvertes et les prêtres ont regagné
leurs anciennes paroisses, sous réserve qu'ils prêteront serment à la
constitution de l'an VIII. Après de longues tractations engagées entre les deux
évêques d'Aire et de Dax, les ecclésiastiques du diocèse furent autorisés à
accepter le décret. L'abbé Dupérier fit sa déclaration à la mairie le 16 fructidor,
et promit fidélité au gouvernement. Cependant, une partie du clergé landais
hésitait à se lancer dans une voie qui lui paraissait périlleuse. Relevant le
défi, le sous-préfet de Saint-Sever envoya aux maires un avis motivé où il leur
demandait de n'avoir aucun ménagement pour les récalcitrants, mais de les faire
saisir et de les remettre aux mains de la justice. Les esprits s'apaisèrent
enfin ; le préfet intervenant à son tour, crut bon de faire tomber toutes
les préventions ; ainsi la force publique n'eut pas à prendre parti, et
tout rentra dans l'ordre. Afin de mieux sceller la paix entre les citoyens,
Saint-Sever lança une proclamation dont le ton change étrangement avec tout ce
qu'on avait entendu depuis 1789 : " Que l'oubli le plus profond
couvre vos dissensions, vos malheurs et vos fautes. Que la Religion qui vous
unit, vous attache tous par des liens indissolubles aux intérêts de la patrie.
Que jamais des combats de doctrine n'altèrent les sentiments que la religion
inspire et commande ! " Le 25 messidor, Bonaparte adresse au
peuple l'appel suivant : " Français, que la paix s'embellisse
par l'union des vertus, des lumières et des arts. Que l'histoire de nos
malheurs la garantisse de nos erreurs passées. Secondez nos efforts, et la félicité
de la France sera immortelle comme sa gloire. " (Archives).
Des
temps meilleurs allaient donc se lever sur le pays et sur l'Eglise de France.
---x---
CHAPITRE VI
La
Paroisse depuis le Concordat. Temps actuels. - Conclusion.
Le
premier Consul savait par quelle crise morale venait de passer le pays, et
n'ignorait pas que malgré tant de pénibles incidents la majorité des Français
désirait voir la religion catholique redevenir religion officielle d'Etat.
C'est dans ces conditions qu'il signa avec le Pape le Concordat de1801, et que
fut ouverte pour longtemps une ère de paix et de tranquillité générale.
Le
9 vendémiaire an XII (2 octobre 1803), eut lieu la remise au maire de
Saint-Aubin de l'ordonnance épiscopale nommant M. Dupérier curé de la paroisse.
Celui-ci, on le sait, n'était un étranger pour personne. A cette occasion, Jean
Biella conduisit solennellement le cortège jusque devant l'église et,
s'adressant à la foule massée sur le parvis, demanda à ses administrés d'accueillir
avec bienveillance le nouveau desservant et de lui rendre le respect et les
égards dus à son caractère sacré. Puis eut lieu la remise des clés, suivie
d'une messe solennelle. Très ému, le curé prit la parole, décrivit l'état
déplorable du champ pastoral que lui léguait la révolution, et laissa son cœur
s'ouvrir à l'espérance en faisant appel au concours de tous pour relever les
ruines du passé. Et la vie redevint normale à Saint-Aubin.
Le
14 prairial an XII (3 juin 1804) eut lieu la fête de l'Empire. La population
invitée par la municipalité se rendit sur la place de l'église, et après une
harangue de M. Biella, acclama longuement Napoléon-Bonaparte. Le 15 août 1809,
le maire et son conseil vinrent assister " dans le temple du culte
catholique à la Saint Napoléon ". Devant tous les corps constitués,
l'abbé Dupérier rendit un long et vibrant hommage au grand empereur dont le
génie et les vertus guerrières avaient placé la France au premier rang des
nations de l'Europe. La cérémonie se clôtura par le chant du Te Deum et
la sonnerie des cloches lancées à la volée. Nouvelles fêtes, le 25 avril1811,
pour célébrer la naissance du roi de Rome, et le 6 décembre 1812, à l'occasion
de l'anniversaire du sacre impérial et de la bataille d'Austerlitz. Chaque
fois, le curé de Saint-Aubin dut payer de sa personne et célébrer en chaire la
gloire de la Maison régnante. - Hélas ! tous ces souvenirs si brillants
devaient avoir bientôt leur triste lendemain. En effet, les armées françaises
allaient connaître en 18l4 le vent de la défaite ; et comme dans un rêve
affreux, Saint-Aubin vit déferler les bataillons anglais " poussant
nos soldats l'épée dans les reins, jusqu'à Hagetmau, Mant et Samadet. Les
britanniques campèrent dans nos murs du 28 février au 13 mars ; ils furent
pour les habitants d'une bienveillante courtoisie et payèrent largement leurs
réquisitions. Quomodo Cecidisti ? Comment donc es-tu tombé, colosse
aux pieds d'argile, qui dans ton orgueil désordonné t'étais permis, un jour, de
porter une main sacrilège sur le chef de l'Eglise ? N'as-tu pas été
foudroyé par la vengeance divine ?
Depuis
lors, nos archives communales n'offrent plus pour notre histoire locale qu'un
intérêt purement secondaire. C'est ce qui nous amène à déplorer ici la réserve
de nos prédécesseurs qui tous, à l'exception de l'abbé Moumiet, pour des
raisons peut-être alors fort légitimes, mais que nous comprenons mal
aujourd'hui, nous privent de la saine et pieuse curiosité de connaître notre
passé religieux. Toutefois, nous en savons encore assez, pour faire auprès du
lecteur un travail bien objectif et digne d'attention.
L'hiver
de 1830-31 fut particulièrement rigoureux ; les chênes se fendirent
" avec un fracas épouvantable " et beaucoup de bêtes à
cornes périrent dans les étables. - Le 2 août 1834, une pluie torrentielle qui
tomba pendant près de vingt heures, emporta toutes les récoltes sur pied, et
détruisit les divers ponts sur la Gouaougue, d'Aulès à Poyaler.
La
fête de Louis-Philippe fut solennellement célébrée à Saint-Aubin, le 3 mai
1835. Il se forma alors un comité local où l'abbé Dupérier joua un rôle des
plus actifs, et qui n'oublia pas de venir en aide aux indigents de la paroisse.
Dans la soirée, eut lieu une grande course que couronna, un peu plus tard
l'illumination générale du village. Ce sport de la course landaise était depuis
longtemps en honneur dans la localité. Ainsi, le 3 août 1806, le quartier de
Poyaler invita toute la jeunesse à venir applaudir des écarteurs de renom,
devant un bétail de choix ; mais. le maire, craignant des désordres en
raison du rassemblement des communes voisines, refusa l'autorisation et fit
savoir que tout attroupement serait considéré comme troublant l'ordre public.
Dix jours plus tard, à Saint-Aubin même, il défendit aux organisateurs des
fêtes projetées pour le 15 août, de sortir le troupeau à l'heure des offices
sous peine de poursuites judiciaires. Mais une course originale fut celle qui,
en 1842, fut décidée un dimanche après vêpres, par deux femmes du bourg... Il avait
été, en effet, spécifié que seul le sexe faible aurait le droit d'assister à la
corrida et de descendre dans l'arène. Et durant deux longues heures d'horloge,
on vit nos tauromaches éparpillées sur la place, agiter leurs mouchoirs et
exciter les novillos qu'une de leurs compagnes au poignet plus solide retenait
par la corde. L'histoire cependant ne dit pas si nos villageoises tentèrent une
seconde fois l'aventure.
La
République de 1848, deuxième du nom, trouva Saint-Aubin disposé a accepter un
régime qui promettait à tous des jours de bonheur et de paix. Ses partisans y
plantèrent l'arbre symbolique de la Liberté, sans se douter que quatre ans plus
tard, Napoléon devait se faire plébisciter empereur des français. Mais le
changement politique se fit sans aucun heurt, et la fête de l'anniversaire du
prince fut célébrée le 26 septembre 1852, avec un élan patriotique et religieux
qui ne le céda en rien aux inoubliables journées de 1812. Les enfants de
l'école dirigés par leur instituteur M. Loustau, chantèrent une messe en
musique, et un chœur d'hommes créé pour la circonstance, exécuta un vibrant Domine
salvum fac, où il mit sinon l'expression exigée des nuances, du moins toute
l'ampleur de sa voix. - Le 2 décembre, nouvelle et grandiose cérémonie pour
commémorer la proclamation de l'Empire. Avant la messe, le maire Jean Laborde
lut à ses concitoyens le message adressé au pays par le chef de l'Etat ;
et l'abbé Faudouas trouva dans son allocution des accents qui remuèrent le cœur
des assistants. Les débuts de l'empereur avaient été heureux ; bientôt de
gros nuages s'amoncelèrent sur la France, et l'on apprit, un jour, que les
prussiens venaient de forcer la frontière. Nous n'avons pas à dire ici ce que
fut pour nous cette terrible campagne de 1870, à la suite de laquelle l'empire
sombra dans la débâcle et la honte de Sedan.
Il
est curieux de constater en parcourant les registres municipaux, quel esprit
particulier guidait la population de Saint-Aubin, en des temps où tout semblait
pourtant commander la tranquillité et la paix. Presque à chaque page, nous y
trouvons d'interminables procès-verbaux de scènes violentes entre voisins, de
recels de jambons, de barriques, d'instruments aratoires. D'autres fois, ce
sont des vengeances personnelles se traduisant par des incendies de maisons, de
landes, de récoltes ou de meules de paille. L'abbé Faudouas lui-même ne fut pas
épargné par les malandrins de l'endroit ; et, une nuit, on vint lui voler
jusque dans son écurie, le cheval et sa selle.
MM.
Passicos, Camicas, Théron de Ladevèze et Fescaux, vécurent à Saint-Aubin des
jours relativement calmes sous la 3ème république ; les pouvoirs religieux
et civil marchaient alors la main dans la main pour le plus grand profit de
l'intérêt général. Mais, dès 1875, l'entrée en masse au parlement français des
radicaux, changea soudain la tournure des choses ; en 188l, la guerre
était déclarée aux congrégations enseignantes, prélude de la persécution
autrement violente de 1906 où devait être officiellement proclamée la
laïcisation de toutes les écoles et la loi de séparation de l'Eglise et de
l'Etat. Ces événements qui, dans l'esprit des législateurs, n'avaient d'autre
but que de dissocier les forces catholiques, ne firent que rendre plus étroite
avec le pape cyniquement brimé, l'union des évêques, des prêtres et des pieux
fidèles. C'est M. Moumiet qui devait assister à la dénonciation du Concordat, à
la spoliation des biens d'église et aux scènes pénibles des inventaires (1). A
plus d'un siècle de distance, comme jadis M. Dupérier, le curé de Saint-Aubin
voyait l'abomination de la désolation qu'avaient vécue nos pères, au temps de
la Terreur.
(1) Ils eurent
lieu le 12 février 1906. Nous ne possédons pas le détail des biens de l'église
paroissiale, mais seulement ceux de la Chapelle de Poyaler. On y donne une
évaluation tellement fantaisiste de son mobilier cultuel, que nous nous
demandons comment avec onze objets (dont l'autel) on ne put arriver à dépasser
le total de 9 fr. 10...
En
arrivant dans sa nouvelle paroisse en 1911, l'abbé Darcet trouvait un champ
d'action admirablement préparé par son prédécesseur, où l'esprit chrétien des
familles guidé par une foi éclairée et profonde, était capable de tous les
dévouements et de tous les sacrifices. Tout, d'ailleurs, semblait fait pour
rendre plus aisée la tâche du pasteur et l'imposer sans effort à l'attention de
ses ouailles : son tempérament ardent d'ancien missionnaire, sa parole
chaude et convaincue, son caractère ouvert et jovial... Et voici que tout-à-coup
sonne l'appel aux armes de tous les français. M. Darcet doit rejoindre son
poste et passer la houlette au regretté chanoine Pouységur (2). On sait qu'à
cette époque, les luttes de classes et les dissensions politiques
bouleversaient le pays de fond en comble : les esprits réfléchis étaient
inquiets, l'insécurité devenait générale. Ce fut le moment choisi par une
nation, orgueilleuse de sa force et de sa culture, pour nous assaillir et
porter chez nous la guerre et la dévastation. Les armées allemandes et françaises
s'affrontent dans le plus formidable appareil de combat que le monde ait jamais
vu ; et la lutte commence, lutte de géants, qui durera quatre ans :
1914-1918... Punition du ciel pour les péchés des individus et des
nations ? Peut-être ; car tout se paie ici-bas, et le sang a toujours
été la Rédemption des peuples : sine effusione sanguinis non fit
remissio... L'abbé Darcet ne devait pas tomber sur les champs de
bataille ; mais une mort non moins glorieuse venait le ravir au chevet des
contagieux qu'il avait pour mission de soigner.
(2) Mobilisé
S. A. XVIIIe Sect. d'Infirm. militaires, le 4 août 1914. - Sousse (Tunisie) 29
décembre 19l5. - A. O. 26 août 1916 ; caporal-infirmier brancardier. -
Campagne d'Orient : Salonique, Monastir (26 août 19l6-juin 1918). -
Rapatrié pour paludisme en juin 19l8. Mort le 18 septembre 1918.
En
1919, l'évêché mit fin au veuvage de l'église en nommant à Saint-Aubin, M.
Deyres, de Saint-Sever. Le nouveau curé, mûri lui aussi aux leçons de la
guerre, insuffla aux œuvres déjà existantes une vigueur toute apostolique, et
avec un zèle ardent et discret à la fois se tourna plus hardiment vers les
hommes avec qui il fonda une chorale et un cercle d'études, dont les succès
s'affirmèrent longtemps. Faire du bien autour de lui fut toujours sa
préoccupation première, l'objet de ses aspirations et l'unique but de ses
efforts. La paroisse se ressent encore de cette heureuse impulsion, qui n'est
certainement pas étrangère au maintien du grand esprit de foi qui triomphe sur
celui du siècle. - En décembre 1930, M. Deyres était transféré à Léon sur un
théâtre d'action autrement important, et en 1932 à la tête de la cure et du
doyenné d'Amou.
Nous
ne parlerons ici que pour mémoire de l'abbé Prat qui ne fit que passer. Le 11 janvier
193I, la paroisse réservait à son pasteur qui venait d'évangéliser un coin
quelque peu ingrat de notre Gabardan, une réception magnifique comme savent en
faire des populations au cœur vibrant de foi et de généreux enthousiasme. Le 10
février, le curé tombait brusquement sur la brèche pour ne plus se relever.
Pendant la guerre, il fit modestement, mais héroïquement son devoir. Tour à
tour nommé caporal et sergent, l'abbé Prat obtint diverses citations qui disent
assez ce que fut sa conduite au feu et les beaux exemples qu'il donna à ses
hommes (3). Son extérieur qui, de prime abord pouvait parfois paraître rude, ne
trompait que ceux qui ne l'approchaient que de loin ; à vrai dire, c'était
plutôt un timide, mais dont le cœur n'était vraiment satisfait que lorsqu'il
avait pu donner toute la mesure du dévouement et de la bonté.
(3) Récupéré
Serv. auxil. 49e R. I., 9 mars 1915. - Combattant, l916. -Verdun (1916),
Craonne, Alsace (blessé, août 1917). Champagne, 1918, Asservillers, le
Ployron ; nommé sergent.
Ordre du
34e R. I.,
1916. - " Modèle de calme et de sang-froid. Au cours des journées du
22 au 26 mai 1916, s'est fait remarquer au poste de secours par son courage et
son dévouement, réconfortant les blessés et donnant, jour et nuit, malgré de
dures privations, un bel exemple de sentiment du devoir. "
Ordre de la
36e D. I. n° 200, 1918. - " Le 9 juin 1918, au signal de son chef de section,
s'est élancé sans hésiter sur un fort groupe ennemi qui abordait nos positions,
a contribué à capturer 23 prisonniers dont un officier et deux
mitrailleuses. "
1938.
- Il y a vingt ans, la victoire des armes venait inscrire sur nos drapeaux une
gloire nouvelle : le grand cauchemar qui depuis cinquante mois pesait sur
la France, s'évanouissait enfin... Dieu qui, à son heure, voulut être pour nous
libéral à l'excès, a-t-il trouvé depuis dans les cœurs toute la reconnaissance
qu'il était en droit d'en attendre ? Là est son secret. Au fait, où donc
est aujourd'hui cette splendide victoire ? Car il semble presque dérisoire
de parler d'un triomphe dont on n'a pas su profiter. Où est cette paix si
chèrement acquise ? Car de gros nuages s'amoncellent dans le ciel
international, et les peuples ne songent plus qu'à s'armer pour de nouveaux
conflits. Jamais, le monde ne s'est trouvé aux prises, comme en ce moment avec
des bouleversements, des angoisses, des haines, comparables à ceux que nous
vivons et dont nous sommes depuis si longtemps déjà les témoins effarés. Et
cependant, ce fut jadis l'union des tranchées devant l'ennemi commun qui nous
valut l'aube radieuse du 11 novembre 1918... Depuis, l'homme est reparti en
guerre contre l'homme, et les fils du même pays ont de nouveau offert à
l'étranger attentif, le triste spectacle de leurs luttes partisanes et de leurs
divisions. Les masses populaires ont aveuglément suivi les politiciens de bas
étage qui se sont fait un jeu d'exploiter leur crédulité, leurs convoitises et
leurs instincts grossiers. Jamais, on n'a tant parlé de justice sociale et de
liberté ; jamais non plus la liberté et la justice n'ont été tant bafouées
par ceux qui s'en prétendaient hautement les champions. Les " forces
spirituelles " auraient pu régénérer l'humanité pensante et
réfléchie, si ceux qui avaient en mains les destinées des peuples, leur avaient
donné une toute autre place dans l'économie des nations ; car c'est un
fait aujourd'hui, que les hommes sont submergés par l'irrésistible poussée des
événements ; et Dieu ne comptant plus, on voit tous les Etats s'en aller à
la dérive.
Au
point de vue religieux nous subissons les contrecoups d'une époque dont nous ne
songeons pas à dresser le procès, mais qui passe à bon droit, aux yeux même des
moins avertis, pour avoir accumulé bien des ruines dans les cœurs, et sapé
jusque dans leur base les fortes leçons de l'idéal chrétien.
L'heure
est à la fois trouble et décisive. Si nous voulons triompher des lendemains
menaçants, il faut que notre acte de foi en Dieu et notre charité pour nos
frères se montrent plus raisonnés et plus agissants ; il convient que dans
nos vies nous mettions un peu plus de générosité et un peu moins
d'égoïsme ; il faut enfin, nous surtout les survivants de la glorieuse
épopée qui rendit naguère si belle aux yeux de l'univers, l'image de la France,
il faut que nous transmettions aux générations qui montent, avec la grandeur de
leur exemple, le message immortel de nos Morts.
Et
alors, notre paroisse de Saint-Aubin, au souvenir de son passé, confiante en
l'avenir, poursuivra heureusement sa route. Guidée par la religion de ses pères
et son attachement aux vertus domestiques, il lui sera facile, malgré
l'inévitable conflit des idées qui se partagent le monde, de garder toujours au
cœur et de faire resplendir autour d'elle, le gage de son invincible espérance.
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LISTE PAR QUARTIERS DES MAISONS HABITEES EN AOUT 1938
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Quartier
du Bourg. - Maisonnave,
Jeantet, Ancienne Mairie, Loustaou, Moïse, Lafitte, Claverie, Hazères, Man,
Forgeron, Lamoile, Biella, Laborde, Pelin, Chenou, Presbytère, Cinq-Cantons, Beaulieu,
Ecole. (19).
Quartier
de Berdon. - Châlet,
Cassarrè, Bourdiou, Berdon, Lagouarrigue, Mouta, Bernet, Jeanlaouillé, Robert,
Tarrès, Moulin. (11).
Quartier
de Pébos. - Laprade,
Marlat, Pouyo, Parron, Pébos, Bedout, Brayon, Labay, Burguerieu, Jeanhaou, Coum
de haut, Coum de bas. (12).
Quartier
de Toumiou. - Comet,
Lauga, Larroustit, Grand-Haza, Petit-Haza, Bel-Air, Lesplantes, Latarrère,
Toumiou, Sarrat, Cabalè, Haurès, Perron, Micot, Claverie du Pin. (15).
Quartier
de Pémarque. -. Prince,
Lamaysouette, Gaulin, Sarthou, Lagorce, Lataste, Stanislas, Berduc, Tet, Franc,
Lagouneyre de devant, Lagouneyre de derrière, Cournaou, Paticon, Houchon,
Menotte, Locante, Pouyet, Pémarque, Pouchon, Lapeyrère, Long. (22).
Quartier
de Poyaler. - Moulin,
Pellegaries, Peyron, Castet, Barrot, Dartiguelongue, Lalaude, Lagrange, Ecole,
Biban, Grand-Ségas, Petit-Ségas, Bilhomme, Lamoure, Capdebos, Courtés,
Maysouéou, Sirben, Naoulèbes, Grand-Peyradère, Petit-Peyradère, Joannas,
Couraou, Brot, Lannes, Pintons, Platon, Peillot, Balette, Minjoulet,
Lesmarlères, Lamouraque, Grand-Hondaniou, Petit-Houndaniou. (34).
Le
quartier de MALABAT, desservi au religieux par Mugron, compte 21 maisons
et 99 habitants.
R. LAMAIGNÈRE,
Curé de Saint-Aubin.