La
Paroisse
et
l'Eglise de Peyre
(Landes)
Leur
Histoire sous la Révolution
et
pendant la Terreur
R. LAMAIGNERE
Curé de Peyre
[« La paroisse et l'église de Peyre » en version .pdf]
[Sommaire Doazit]
[Raphaël Lamaignère]
Recopié par Philippe Dubedout, d'après le livret imprimé par la "Société de la Bonne Presse du Midi - Vaison".
AVANT-PROPOS
-------:-------
Il
est regrettable pour l'histoire du passé, que nos
Registres paroissiaux ne soient point à jour. Seuls, en effet, les
Abbés
Dantxoréna (1846-1869), Fouriscot (1872-1880) et Darribère (1880-1886)
nous ont
laissé des relations écrites qui, pour être malheureusement
incomplètes, n'en
gardent pas moins le plus vif intérêt. — Il y a là une lacune que nous
voudrions essayer de combler. Aussi, sans prétention d'aucune sorte,
mais avec
un agrément personnel que double la perspective de l'avantage qu'en
pourront
retirer nos paroissiens, avons-nous entrepris ce modeste travail. Son
seul
mérite sera d'être avant tout l'écho fidèle des évènements religieux
dont le
souvenir est resté sous la plume de nos prédécesseurs ; ce sera,
en second
lieu, de tirer de l'oubli des pages très précieuses renfermées dans nos
Annales, écrites sous le contrôle des curés de Peyre, par un ancien
président
de fabrique, M. Pierre Ducos, du Moulié, mort en 1907. Enfin, et ce ne
sera pas
le côté le moins digne d'attirer l'attention, nous chercherons à faire
revivre
et passer sous les yeux, les jours déjà lointains de la Révolution et
de la
Terreur dans notre chère paroisse. M. le Maire de Peyre ne nous en
voudra
sûrement pas d'avoir pris dans les Archives Municipales, des détails et
des
faits inconnus du grand public, et que nous devons à sa très aimable
complaisance.
Ainsi
présentée, notre étude trouvera plus
facilement crédit près des familles qu'elle ira visiter ; et notre
but
sera devant Dieu pleinement atteint, si nous pouvons autour de nous
faire mieux
connaître, faire mieux aimer la petite patrie, la terre des ancêtres
qui, hier,
porta nos berceaux et demain creusera notre tombe.
PAROISSE
DE PEYRE
(LANDES)
-------:--::--:-------
PAGES
D'HISTOIRE
LOCALE
------------:--::--:------------
PREMIÈRE
PARTIE
C
H A P I T R E P R E M I E R
________
HISTORIQUE
1°
Géographie
C'est, à n'en pas douter, à la configuration
générale de son sol que Peyre doit son nom : Peyre, pays
de la pierre. En effet, si nous parcourons la paroisse, nous y
trouvons un peu sur tous les points, des lits profonds de galets, de
graviers,
souvent même de véritables couches de blocs granitiques appelés par nos
gens : pierre de fer. Jadis, d'importantes
carrières y étaient en pleine exploitation et suffisaient amplement aux
besoins
de la région et de tout le bas-Béarn ; aujourd'hui, on n'y voit
plus que
celle de Pondarré, à quelques
centaines de mètres du Luy, mais dont le rendement peut encore
satisfaire les
exigences des contrées circonvoisines.
Le
nom de certaines maisons semble aussi vouloir
confirmer l'appellation donnée jadis à la paroisse : Laspeyres,
Peyrot, Peyrou, Peyroune, Pierris.
Peyre possède une superficie calculée de 1.052
hectares. Ses limites sont : au Nord, Monségur ;
à l'Est, Mant et Monget ; au
Sud, Saint-Médard
(B. P.) ; à l'Ouest, Castelner
et Poudenx. Son altitude est de 140
mètres au-dessus du niveau de la mer.
C'est
ce qui explique la beauté de nos sites et le
charme de nos panoramas. D'un côté, le ciel de Chalosse avec son bleu
limpide,
qui s'estompe et va comme à regret se perdre au loin dans la ligne
sombre des
pins ; de l'autre, les contreforts et la chaîne des Pyrénées qui
étalent
leur masse avec le blanc tapis de leurs neiges éternelles. D'un côté,
les
plaines du Luy et la large vallée de la
Rance ; de l'autre, l'ondulation
harmonieuse des côteaux du Béarn. Partout, des campagnes riantes,
parsemées de
champs, de prairies et de bois ; et pour compléter cet ensemble
enchanteur, vingt villages jettent pêle-mêle dans ce cirque sans fin,
un nouvel
air de vie et de pittoresque idéal.
Voilà
pourquoi, on vous dira ici avec une fierté
quelque peu chauvine, qu'en distribuant ses dons à la terre, Dieu
laissa tomber
jadis de son manteau, sur Peyre, un peu des richesses du ciel.
Le 29 mars 1791, en exécution du Décret
de
l'Assemblée Nationale des 20, 22 et 23 Novembre 1790, le maire et les
officiers
municipaux de la commune : Gaxie, Carrère procureur, Carrère
officier
public, Hourquet, Costedoat, Dagest et Lalanne, signèrent une
délibération
partageant le territoire en trois sections : 1° le Biellé
de Haut, confinant à Monget, au Quartier de Jurent (B. P.)
et à Castelner, limité par le Cès ; 2° le Quartier de
Chicourrin et Couralet, tirant sur Poudenx, Monségur et
le Luy ; 3° le Biellé-Juzan et
partie du Bourg.
Seul,
le Quartier de Chicourrin et de Couralet a
aujourd'hui perdu son nom : on l'appelle le Biellé de
Bas.
2° Le vieux Peyre.
Peyre
eut jadis son château seigneurial.
Nous
y voyons encore parfaitement conservée et
entourant le camp retranché qui lui servit de défense, une ligne
quadrangulaire
de remparts faits de main d'homme, d'une hauteur moyenne de 5 mètres,
larges de
3, échelonnée sur une longueur de 100 mètres et une largeur de 45. On y
retrouve aussi les fossés circulaires, la plupart remplis d'eau, et qui
servirent à mettre le château à l'abri des incursions des seigneurs et
paysans
d'alentour. — A l'entrée du bourg, reste toujours debout le pavillon de
garde,
véritable bastion aux murs percés de meurtrières, qui servit longtemps
à
commander la route du Béarn et qui devint par la suite la prison de
l'endroit.
Plus
loin, à l'extrémité nord-ouest de la paroisse,
attenant à la maison Péré, se voit un
tumulus, appelé lou castra, qui domine
une grande partie de la vallée du Luy. Ce
castra ou camp romain, s'étend sur une longueur de 60 mètres, et
surplombe des
gorges, profondes de 15 à 25 mètres.
Il
y a à peine quelques années, on y a découvert,
entre autres choses : un escalier de pierre, aujourd'hui disparu,
qui
conduisait au haut du mamelon ; une meule à broyer le
froment ; un
dépôt de charbon de bois admirablement conservé ; on y a découvert
surtout, au milieu de bris d'armes diverses, une grande médaille en
cuivre,
rongée par l'humidité et portant encore des inscriptions de l'époque
gallo-romaine.
Ce
castra est actuellement parsemé de pins
maritimes ; il n'en reste pas moins un but de promenade pour
maints
touristes ou archéologues, de passage dans notre région.
*
* *
Les
Seigneurs de Peyre appartenaient à la famille de
Navailles-Méritens.
Leur
blason porte : d'azur au lévrier d'argent,
arrêté contre un arbre de sinople (vert).
(Armorial des Landes du Baron de Cauna, II, pag. 318.)
Pour la première fois, nous les voyons
apparaître en
1294, en la personne de Arnaud-Guillaume
de Navailles, baron de Navailles et vicomte de Sault. Celui-ci
assista en
1309 au mariage de son frère aîné Garsie
Arnaud IV lequel eut deux fils : Bernard
de Navailles, seigneur de Peyre et sénéchal de Béarn, et Marguerite, dame de Peyre, mariée à Raymond
de Méritens, baron de Gayrosse
(Garos) et de Lago (Lagor, B. Pyr.). De cette union naquirent : Jacques, Bernard, Françoise de Méritens
de Lago.
En 1611, Bertrand épousa Eléonore de
Candale, fille
du baron de Doazit. La même année, Jacques de Méritens épousa Odette de
Candale, sœur d'Eléonore. Bertrand mourut en 1633, laissant pour
héritier son
fils Jacques, baron de Lago, écuyer, capitaine et seigneur de Peyre.
Trois ans
plus tard, le 12 avril 1636, Jacques de Lago épousa Louise de Peyre,
fille de
Jean de Peyre, sieur de Trois-Villes, et de Marie d'Aramits.
En
1653, eut lieu le mariage de Jean-Jacques de
Montréal, chevalier, baron de Monein, seigneur de Beyrie, et de
plusieurs
localités en Béarn, avec Marie Madeleine de Méritens de Lago, fille de
Jacques
de Lago et de Louise de Peyre, précédemment nommés. — Louise était
fille unique
et héritière du comte de Peyre de Trois-Villes, qui fut gouverneur du
comté de
Foix et capitaine commandant les mousquetaires du roi sous
Louis XIII et
Louis XIV. — Tôt après, les titres et les armes du comte de Peyre
passèrent à la famille de Montréal, et Jean-Jacques les remit à l'aîné
de ses
fils, Jean, marquis de Monein (B. P.) et baron de Beyrie. Celui-ci,
s'étant
engagé dans la carrière des armes, devint maréchal de camp, et, lors
des Etats
Généraux, vota avec la noblesse de Dax, en 1789.
La
famille de Méritens se divisa en plusieurs
branches et alla se fixer en Saintonge, dans le comté de Foix, et en
Armagnac ; nous la retrouvons, sous la Révolution, prenant part
aux
assemblées de la noblesse et du clergé des Landes. De nos jours, elle
se
continue dans de nobles descendants, qui restent l'honneur de notre
pays et
maintiennent en Béarn les traditions ancestrales.
On
peut voir, dans notre église de Peyre, la pierre
tombale de la famille de Méritens, avec les armes seigneuriales ;
mais
l'endroit précis des sépultures n'est pas devant la table sainte où
cette dalle
fut portée en 1891 pour dégager le sanctuaire alors en
réparation ; — c'est à droite du
maître-autel, côté de
l'épître, que reposent, en attendant la résurrection glorieuse, ceux
qui furent
jadis, dans notre chère paroisse, les nobles gardiens de la foi et les
défenseurs de toutes les grandes causes.
3° Population.
Sans
remonter plus haut, Peyre était en 1774
chef-lieu de canton de justice dans la sénéchaussée de
Saint-Sever : le
seigneur justicier se nommait le comte de Tréville (Abbé Légé, Tome II,
pag.
278.)
C'était
aussi, vu sa population, un centre de
marchés importants fréquentés par toute la contrée ; et en 1817,
il y
avait encore un octroi chargé de percevoir des taxes spéciales sur les
vins,
sur les bestiaux, au profit de la commune.
Mais
les temps ont changé depuis 1817, et aujourd'hui Peyre n'occupe plus
que le 9e rang
parmi les paroisses du doyenné de Hagetmau.
On
ne compte bientôt plus les familles qui se sont éteintes ou qui ont
pris le
chemin de l'étranger ; on reste stupéfait devant le nombre des
maisons
tombées en ruines, ou simplement inhabitées. Certes, nous pourrions
rechercher
et approfondir ici les causes de cette dégénérescence locale ;
contentons-nous de dire qu'emportés depuis longtemps par le vent de
l'indépendance
et le goût de la nouveauté, nos terriens ont délaissé le sol qui avait
nourri
leurs ancêtres, et sont allés demander à la ville, avec d'autres
occupations,
de plus faciles salaires. D'autre part, l'atrophie du sentiment
religieux et
moral a invinciblement porté ses fruits : et nous en sommes à
Peyre, comme
hélas un peu partout, à subir l'étreinte mortelle d'un mal qui ne
manque pas
d'inquiéter, jusque dans les milieux les plus divers, tous ceux qui ont
au cœur
l'amour de la famille et la sauvegarde des traditions du passé. Que
sortira-t-il, un jour, de cette lutte inégale et cruelle, qui a pour
enjeu la
vie ou la fin de la race ?
En
1795, Peyre comptait 618 âmes.(1)
Il fallait pour la consommation des
habitants 14.000 (quatorze mille) mesures de grain, tant en millocq que
froment
(Archives municipales).
Et
aujourd'hui, d'après les recensements tombés de 551 à 536 et de 460 à
411, nous
arrivons, sauf erreur très négligeable, à 366 (Août 1927).
Enfin,
pour compléter ces données, disons qu'en moins de 50 ans,
76 maisons
ont été démolies, ou restent encore sans occupants ; nous nous
dispenserons du plus petit commentaire, laissant au lecteur le soin
d'apprécier
lui-même cet ensemble.
52
Maisons n'existent plus.
Trouilh
— Galan — Magret — Charman
— Loustalot (2
maisons) — Peyrot — Sarrailhot — Pouchiou —
—
Candaous —
Bellerose — Lamulère — Lahitte — Petit — Yugla — Latéoulère (2 maisons)
—
Pouchan — Lahargouette — Lasbarrères — Pavillon — Cazenave — Bidaou de
devant —
Pélane — Lescoumes — Antounet — Gouadet — Guiraoutou — Bourgou de Haut
—
Lafitte — Bigan — Jeamboulin — Mountagne — Pétepoou — Montichaut —
Bachouè —
Laspeyres — Candaou — Taouguè — Haou du Pouy — Pierris (3 maisons) —
Clap —
Antounet de Lestellou — Ménicoun — Hountagniou — Lançalou — Paran —
Cayan
(2 maisons) — Bidou.
24
Maisons restent inhabitées.
Laplace
— Estèben (2 maisons) —
Micou — Poücht — Bordenave — Massetat Pouloun — Beck — Crabos — Massip
—
Nassiet — Harpillaout — Yugla — Lacoste — Larrère — Balentin — Boyer —
Pistolle
— Peyroune de haut — Mulè — Pouy — Peyroune de bas — Tisnè — Hartanè.
CHAPITRE II
LA
PAROISSE
1°
Sa fondation.
Il
nous parait assez difficile d'établir la date de
l'érection canonique de notre paroisse. Cependant à bien considérer les
choses,
le seul emplacement du cimetière nous permet déjà de la faire remonter
au XIe
siècle ; car c'est de ce temps que naît l'usage de situer le champ
des
morts à l'entour des églises ; c'est ainsi que nos pères
désiraient
reposer près des lieux sanctifiés par l'Eucharistie, les reliques et la
prière,
et comptaient trouver là, un gage d'espérance et de résurrection
glorieuse.
A
défaut d'autres titres, nous avons pour indiquer
une seconde époque qui ne doit pas dépasser le XVe siècle, 5
pierres
funéraires encore debout, grossièrement taillées dans le bloc, avec
croix en
relief, que les archéologues regardent comme la caractéristique des
temps qui
nous occupent. Quoi qu'il en soit, au XVIIe siècle, les
documents se
précisent. Désormais, et jusqu'à la loi du 20 septembre 1792 qui fera
passer
entre les mains du pouvoir civil la tenue des Registres publics, les
prêtres,
dans leurs paroisses, rédigeront tous les actes officiels de
catholicité, et
pourront, de ce fait, nous transmettre leurs noms.
2°
Ses Curés.
Nous
ne saurions mieux faire que de donner ici la
liste complète des curés de Peyre, connus de 1689 à la Révolution, et
du
Concordat de 1801 à nos jours.
1°
Jean DE LACOSTE, curé, de 1689 à 1699. Il eut
pour vicaire P. LOUSTAU.
2°
L'abbé CAYAN,
vicaire, de mai à septembre 1699.
3°
L'abbé MOMAS, curé, de novembre 1699 à l'année
1708.
4°
L'abbé DENOGUIER, curé, de 1709 à 1714.
5°
L'abbé BOURDENX, curé, de 1714 à mars 1740.
Il
eut trois vicaires : Dambielle (1733) ; Tapie
(1737) ; Carthé (mai 1738-avril
1739).
6°
L'abbé Joandet Saubat, vicaire, de mars à septembre
1740.
7°
L'abbé DAGEST, curé, de février 1742 à octobre
1761.
Il
eut quatre vicaires : Ducosso-Dargelez (novembre
1742) ; J. Salles (novembre 1743 à septembre
1744) ; Guichamens (octobre 1744 à juin
1746) ; B. Costedoat (mars 1747
à octobre 1748).
8°
DUMAS, prieur des Augustins
d'Orthez, vicaire-régent de Peyre (décembre 1761, à mars 1762).
9°
L'abbé CASASLUS, curé, (mars 1762-décembre 1788).
10°
L'abbé DUCOURNAU, prêtre, (janvier 1789).
11°
L'abbé JEAN MONGE, curé, (mars 1789-septembre
1791).
Il
eut deux vicaires : Bellaucq, né à Bruges en
1749, vicaire à Louvigny, directeur en
1791 du Séminaire de Dax, puis curé constitutionnel d'Argelos ; Joffrion, (août 1789) qui prêta serment
à la Constitution.
12°
L'abbé LANNUX (2 octobre 1791 à
février 1792) curé jureur de Peyre. — Après son départ pour la cure
d'Uzan (B.
Pyr.) la paroisse fut desservie (de juillet 1792 à novembre 1793) par
TABOUET
et PORTE curés constitutionnels de Poudenx et de Bassercles.
13°
LASSALLE, natif de Lescar, curé
de Peyre, jureur.
Curés de Peyre depuis 1801 à
1927.
1°
J. Bte DASTUGUES, né en 1745,
vicaire de Lons, de Caubios, (doyenné de Lescar) de Pau ; curé
pendant 4
ans aux environs d'Orthez ; passé en Espagne pendant la
Terreur ;
revient dans son pays et est nommé curé de Peyre, Monget et Burgaux.
Mort en 1829. Son corps repose devant la porte d'entrée de l'église.
2°
L'abbé LAMBERT, curé de Peyre en
1829 ; transféré à Orx, en 1843.
—
La paroisse reste 10 mois sans
curé.
3°
L'abbé Pierre-Marcellin SEBIE,
installé à Peyre par M. le chanoine de Ladoue, en août 1844 ; curé
de
Saint-Martin-de-Hinx, en novembre.
4°
L'abbé Pierre-Denis LORMAND,
installé par M. Morlaës, curé de Poudenx, en juin 1845 ; — parti
pour
Hontanx, dès le début de 1846.
5° L'abbé
DANTXORENA (Bernard), né à Saint-Sever ; entré tard dans les
Ordres,
ancien curé de Maillas, curé de Peyre le 28 février 1846. — Mort dans
cette
paroisse le 1er Décembre 1869, à l'âge de 68 ans ;
inhumé en
bordure du sanctuaire de l'église.
6° L'abbé CAPBERN
(Jean), (avril 1870), démissionnaire en mars 1872 pour raison de santé.
Décédé
deux mois plus tard dans sa famille, à Coudures.
7° L'abbé
Pascal-Thomas FOURISCOT, originaire du diocèse de Tarbes, curé de
Callen de
1867 à 1869 ; — curé de Peyre en
septembre
1872 ; rentré dans son pays le 1er Juillet 1880.
8° L'abbé
DARRIBÈRE, ancien vicaire de Montaut, arrivé à Peyre en juillet 1880.
Transféré
à Mées en 1886, curé de Campagne en 1898 ; mort à Bayonne en 1922,
à l'âge
de 72 ans.
9° L'abbé Blaise
ABBADIE, natif des Hautes-Pyrénées, paroisse d'Azet. Ancien précepteur
des
enfants du baron de Cardenau de Borda, à Tilh ; curé de Monget en
1876,
envoyé à Luglon en 1878 ; curé de Peyre en 1886 ; nommé à
Castelnau-Tursan en 1898 ; mort dans cette paroisse en 1904, à
l'âge de 61
ans. —
Eut un frère curé dans le
diocèse.
10°
L'abbé J. LAMEIGNERE, de
Samadet. Ancien vicaire de Dax, curé de Peyre en août 1898 ;
d'Uza, en mai
1900. Curé du Mas d'Aire, mort pour la France, pendant la guerre
1914-18.
11°
L'abbé G. CAZAUMAYOU, né à Urt
(B. Pyr.) Ancien vicaire de Roquefort, nommé à Monget en août
1897 ; passé
à Peyre en 1900 ; curé de Meilhan en octobre 1906 ;
actuellement curé
de Pontonx-sur-Adour, depuis 1909.
12°
L'abbé S. LAFITTE, de
Cauna-Lagastet, frère d'un prêtre, mort curé de Saint-Yaguen, en mai
1927.
Vicaire de Miramont-Sensacq ; curé de Monget, en août 1901 ;
de
Peyre, en mars 1907 ; transféré à Haut-Mauco, en novembre 1921.
13°
L'abbé R. LAMAIGNERE, natif de
Doazit, d'une famille qui a donné 12 prêtres à l'Eglise, dont un évêque
lazariste Mgr Sarthou, et un missionnaire, jésuite, le P. Barbe, mort
en 1883,
à Madagascar. Vicaire de Peyrehorade en août 1913 ; curé de Peyre
et de
Monget, en décembre 1921.
3°
Les revenus paroissiaux de Peyre sous la Révolution.
Venaient
encore d'autres biens privilégiés, une
prébende et une fabrique, dont voici le détail :
Le
curé jouissait d'une maison contigüe à l'église,
qui avait jadis servi de presbytère, mais inlogeable et menaçant
ruine ; —
d'un jardin dépendant de l'ancienne cure, d'une contenance de 4 lattes
ou
environ, d'un revenu de 10 livres. Il percevait en outre une dîme d'un
revenu
de 1.800 livres.
La
prébende de Noguès dont l'abbé Ducournau, de
Monségur, était titulaire, rapportait 40 livres. — Enfin, la fabrique
faisait
rentrer chaque année, une valeur moyenne de 200 autres livres.
Il
existait, en 1790, une hérédité vacante, appelée
« de Peyran » portant 3 arpents de terre, avec maison, jardin
labourable
et « touya », héritage refusé par tous les ayant-droit, à
cause des
dettes dont ce fonds se trouvait obéré.
4°
Le Presbytère.
Nous
venons de dire que l'ancien presbytère
confinait à l'église ; — il n'en reste plus trace aujourd'hui.
La
cure actuelle, dont une pierre scellée au-dessus
de la porte, garde encore la date de construction (1670), fut achetée
le 20
juillet 1766, par devant Me Gaxie, notaire à Peyre, aux
parents d'un
prêtre nommé Dagest, par les familles Lalanne-Doussine,
Carrère-Hartanè, et par
les propriétaires de l'endroit ; elle fut payée 1.200 francs. La
maison ne
comportait alors qu'un simple rez-de-chaussée, et était bâtie en
crochet et à
canal, suivant l'usage du pays. — En 1817, la commune utilisa une
partie des
matériaux de l'ancien presbytère pour parer aux premières
réparations ;
et, après M. Dastugues, M. Lambert
dut se contenter, faute de mieux, d'appartements qu'il eût jugés, en
d'autres
temps, indignes de son caractère et de ses fonctions. M. Sébie,
trouvant la maison inhabitable fut contraint pendant deux
mois, de se mettre en pension dans une famille du village. Il avait été
envoyé
à Peyre, avec cette condition formelle posée par l'Evêché, que la
commune
amènerait dans les deux mois à pied d'œuvre, le matériel de bâtisse
jugé
indispensable ; mais les pouvoirs publics firent la sourde
oreille, et à
l'échéance des deux mois, Mgr Lannéluc, retira le curé. — En 1845,
arrive
l'abbé Lormand ; la question du
presbytère restant toujours pendante et risquant de devenir
préjudiciable au
bien de la paroisse, le Dr Naury et M. Camescasse-Tisnère s'efforcèrent
d'assurer au desservant un local plus convenable ; et lorsque huit
mois
après M. Dantxoréna fut nommé à
Peyre, il trouva comme il l'écrit lui-même, un presbytère « assez
logeable ». De ce temps, peu ou pas de commodités dans la
maison ; le
curé s'en ouvrit aux autorités locales, et put voir bientôt aboutir
tout un
plan de travaux : entr'autres la pose des planchers dans deux
salles, et
la construction d'une seconde cheminée.
Les
frais s'élevèrent à près de 360 francs.
A
cette même époque, le presbytère fut doté de
dépendances, grange, écurie et remise, jugées indispensables pour le
service du
curé. Comme jadis pour la réfection de l'église, les familles prirent
bénévolement à leur charge le transport des matériaux, et donnèrent une
partie
du bois de construction.
*
* *
CHAPITRE III
L'ÉGLISE
1° L'Edifice.
L'église
de Peyre est sous le vocable de N.-D. de
l'Assomption. — Son style et sa disposition générale nous laissent
entendre
qu'elle est au moins du 15e siècle ; le soubassement
des
piliers de la nef et du sanctuaire, la régularité structurale et les
nervures
de ses ogives, la coupe de ses voûtes, sont là pour l'attester.
Elle
servit jadis de sépulture aux seigneurs de
l'endroit ; ce qui le prouve c'est une bande de maçonnerie en
relief,
large de 30 centimètres, et qu'on peut voir encore à
2 m 50 du
sol, sur le pourtour extérieur de l'abside et de la chapelle à la
Vierge :
c'est là que se posaient, en signe de deuil, les tentures funèbres
annonçant la
mort de l'un quelconque des châtelains.
L'édifice
actuel, successivement remanié et agrandi,
de proportions très heureuses, est de style gothique. Il s'oriente
d'est à
ouest, et mesure intérieurement 25 mètres, sur 7 m. 30
de large
et une hauteur de voûte de 8 m. 40.
Huit
contreforts extérieurs le soutiennent,
obligatoirement construits pour la plupart à cause de la déclivité du
terrain
qui supporte l'église.
2° Le Clocher.
C'est
une tour, hexagonale dans sa base et sa
moyenne partie, carrée depuis la cage des cloches jusqu'à la
flèche ; elle
mesure 20 mètres de haut.
Le
beffroi renferme 3 cloches dont la plus petite
est depuis longtemps muette et tout-à-fait hors d'usage ; elle
s'harmonisait très bien avec ses autres sœurs et composait jadis un
carillon,
regardé comme un des plus beaux de la contrée.
La
grande cloche
donne le sol ;
elle est de date relativement récente, et nous y lisons cet exergue :
C'est
le 30 avril 1868 qu'eut lieu le baptême de
cette cloche. M. le Doyen de Hagetmau, les curés de Mant, de Monségur,
de
Monget, de Poudenx, de Morganx et de Dumes vinrent alors à Peyre, et
l'on vit
se dérouler dans notre église une cérémonie magnifique, qui amena de
partout un
grand concours de peuple.
La
petite cloche
donne le si
naturel, et fut fondue en 1817. Elle porte l'inscription
suivante :
« A fulgure et tempestate, libera
nos, Domine. Sancta Maria, ora pro nobis. — J. Bte Dastugues,
desservant.
M. R. D. de Mimbiolle, maire, parrain. M. R. Jh de Gaxie, ancien maire.
Marraine, dame Quitterie Dunoguier, épouse de M. le maire actuel. —
L'an de
grâce MDCCCXVII. — Delestan, fondeur. »
3° Le Porche.
Avant
1820, Peyre n'avait pas de salle d'école. Les
enfants se rendaient sous le porche aménagé pour eux à cet effet ;
et nous
imaginons sans peine ce qu'ils avaient à y souffrir, ou des intempéries
de la
froide saison, ou des incommodités des mois trop chauds de l'année.
En
1817, 72 enfants dont 24 indigents étaient
inscrits sur les listes et contrôles officiels ; mais les esprits
ne
s'entendant pas sur le choix de l'instituteur, l'abbé Dastugues et M.
Mibiolle,
maire, firent des démarches près du préfet des Landes, pour avoir sur
place «
un homme suffisamment principié, de bonne et édifiante conduite,
s'abstenant de la fréquentation des cabarets. » (Archives)
Le
choix se porta sur M. Bernard Baratte, à qui
furent assurées une quête annuelle de froment et de maïs pour ses
services au
lutrin de l'église, et une somme de 150 frs pour le soin des enfants.
Vers
1830, l'école fut transférée dans une salle de
l'ancien presbytère, désaffecté. En 1844, le préfet vint à Peyre à
l'occasion
du tracé de la route de Hagetmau et ne fut pas peu surpris de trouver
un local,
plein de danger pour les enfants : séance tenante, il ordonna la
fermeture
des classes, et en fit ouvrir de nouvelles dans la maison qui sert
actuellement
de mairie ; moins de deux ans après, l'ancienne école s'écroulait
lourdement.
*
* *
En
1843, mourut à Audignon, M. Joseph Castéra,
architecte, greffier de la justice de paix à Saint-Sever. Pour des
raisons
particulières, son corps fut transporté à Peyre et enterré dans le
tombeau de
famille. Homme droit, foncièrement chrétien, généreux par dessus tout,
il avait
de son vivant laissé 150 frs à la Fabrique pour aménager le porche, en
souvenir
de sa femme, morte deux ans plus tôt, et qu'on y avait inhumée.
Après
de longues et pénibles tergiversations, les
héritiers, M. M. Victor, Armand et Gustave Castéra donnèrent, 18 ans
plus tard
à l'abbé Dantxoréna tous les fonds nécessaires pour la restauration du
petit
édifice. En reconnaissance, le curé y fit transporter les restes du
défunt, et
chanta une messe où toutes les familles de la paroisse eurent à cœur
d'assister.
Le
porche de l'église, qui mesure 4 m. 80
sur 4 m. 40, ne sert plus que de plein-pied à la nef, et le
logement
pour le corbillard paroissial. — Une dalle, usée par les passants, y
rappelle
aux fidèles la sépulture de l'abbé Dastugues, premier curé de Peyre
après la
Révolution.
4° La Nef principale.
L'église
n'eut primitivement qu'une seule nef. A
maintes reprises, en 1825, en 1840, 1844, 1850, 1870, le conseil
municipal et
la Fabrique, inscrivirent à leur budget un chapitre spécial pour les
frais
d'entretien ; mais lorsqu'en 1872, l'abbé Fouriscot arriva dans la
paroisse, la situation était des plus précaires, et il fallut de toute
nécessité songer à rebâtir la voûte. Le curé entreprit donc ce
laborieux
travail, et sur la mise à prix de 5225 frs 72 établie par M.
Ozanne
architecte, il demanda à la préfecture d'agréer la régie plutôt que
l'adjudication ; mais sa voix ne fut point entendue, et la
malveillance
ayant fini par prendre pied, M. Fouriscot laissa tomber l'affaire,
confiant à
des temps meilleurs le succès de sa première entreprise.
A
tort ou à raison, on a pu reprocher à M. Fouriscot
d'avoir été trop entier dans ses idées et de s'être fait le trop ardent
défenseur de sa propre cause ; nous ne pouvons cependant pas, en
toute
honnêteté, lui faire supporter tout le poids de cruels incidents qui, à
certaines heures désolèrent la paroisse. Sans doute, le curé n'avait
pas
abdiqué le tempérament montagnard, avec ses nobles mais parfois
fâcheuses
hardiesses, ses décisions tranchantes, son autocratie absolue ;
mais cela
ne l'empêcha jamais d'être un prêtre, un vrai prêtre selon le cœur de
Dieu, et
un pasteur d'âmes foncièrement dévoué au bien de son troupeau : il
fut
trop méconnu.
C'est
à l'abbé Darribère que revint, en 1882, le
soin de reprendre en mains la marche des travaux. Après plusieurs
tâtonnements,
et un voyage à Mont-de-Marsan où il eût toutes les peines du monde à se
concilier l'appui de l'administration, il décida avec le maire de Peyre
de
faire appel à l'architecte départemental pour savoir ce que coûterait
un devis,
sans pour cela engager l'avenir. Entre temps, les paroissiens fatigués
de
l'irrégularité du service religieux qui leur était assuré de Monget,
lancèrent
une souscription dont le résultat dépassa toutes les espérances ;
bientôt,
avec l'autorisation de son évêque et du préfet des Landes, M. Darribère
manda
ses ouvrier et les travaux commencèrent. On refit d'abord toutes les
toitures
de l'église, on remplaça les arbalétriers jusque-là insuffisants, et on
fixa
solidement l'ensemble avec des contre-fiches boulonnées. De son côté,
M.
Jambon, de Hagetmau prit la voûte à l'entreprise, avec arcs-doubleaux
en pierre,
crépissage des murs, pour la somme de 3.200 frs, si bien qu'en 1883,
l'édifice
fut de nouveau livré au culte, à la grande joie des fidèles.
En
1890, l'abbé Abbadie fit carreler de céramiques
le sanctuaire et les deux petites chapelles, et grâce à un secours
d'argent
alloué par l'Etat put confier à des spécialistes le dallage de la nef,
avec
revêtement des murs intérieurs, à hauteur de 80 centimètres du sol,
d'une
couche de ciment Portland qui se paya 2 frs le mètre carré.
Et aujourd'hui cette église, dont les proportions sont par tous reconnues harmonieuses, reste le glorieux monument du passé, et l'asile ouvert à toutes les manifestations de la conscience chrétienne et de la foi, toujours vivante dans le cœur des familles de Peyre.
— Le Chemin de Croix.
Le
premier en date, fut érigé par M. Dantxoréna, le 26 septembre 1848. Il
fut
donné par un prêtre du diocèse, l'abbé Lalaude, vicaire à Montaut, dont
les libéralités
vinrent en aide à un grand nombre de paroisses, et qui eut à cœur de
consacrer
ses épargnes à la propagation des cadres du chemin de la Croix. —
L'abbé Laban,
curé de Larbey, fut le prédicateur de la fête.
Le
11 Mai 1902, M. Cazaumayou érigea les magnifiques tableaux en carton
romain
polychrômé, qu'achetèrent, à 40 frs l'un, les familles de la
paroisse. Il
bénit aussi la statue de Saint Antoine de Padoue.
— Le cadre de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus
solennellement érigé le 27 mars 1927 dans une pieuse et touchante
cérémonie où
M. l'abbé Ducastaing, de Mant, voulut bien prendre la parole, a été
donné par
une personne anonyme, désireuse de promouvoir dans la paroisse, la
dévotion à
l'aimable carmélite de Lisieux.
— Jadis,
l'église possédait une tribune qui disparut sous M. Fouriscot. Comme
son accès
troublait les fidèles, Mgr Lannéluc en 1840 et la Fabrique en 1853
décidèrent
l'ouverture d'une porte au fond de la nef « pour ne pas donner
lieu à des
distractions qui empêchaient le recueillement et la décence dans les
cérémonies. » (Archives). Malheureusement, la commune ne voulut
point
entrer dans ces vues, alla même jusqu'à inquiéter les ouvriers qui plus
tard
furent mandés par M. Fouriscot ; et la porte ne fut jamais
construite.
5°
Le Sanctuaire.
Le
sanctuaire possédait primitivement une voûte fort belle, en boiseries,
soutenue
par des arcs-doubleaux très légers, pareillement en bois. Trois
fenêtres,
percées à hauteur de 2 m. lui donnaient le jour, et étaient de pur
style
ogival. De grandes dépenses y avaient été engagées une première fois,
en 1770. —
Une deuxième transformation eut lieu sous l'abbé Fouriscot en 1878.
Celui-ci
fit alors percer trois nouvelles ouvertures à 4 m. du sol, hautes
de
2 m. 70 ; et tandis que commençaient les travaux, les
ouvriers
mirent à découvert, tout-à-fait par hasard, deux autres fenêtres murées
depuis
longtemps, et dont rien ne laissait supposer l'existence. Pour des
raisons
d'argent, toutes ces baies demeurèrent inachevées. — En 1884, M.
Darribère fit
appel à la charité de ses paroissiens ; et bientôt après furent
achetées
les belles verrières de l'Assomption (Famille Lalanne-Doussine), de
Saint
Joachim (Famille Camescasse-Tisnère), de Sainte Anne (Famille
Camescasse-Bruchon). Les deux grisailles surplombant la table sainte,
furent
payées par les jeunes filles, et celle qui confine à la chaire par la
famille
Lalanne-Mireloup.
— A
l'égal d'autres églises de la région, fières encore de les posséder,
notre
sanctuaire était entouré de boiseries antiques, contre lesquelles
étaient
ménagés les sièges des notables de l'endroit ; mais comme la
présence de
certains « individus » n'allait pas quelquefois sans gêner le
curé,
M. Dantxoréna fit enlever les banquettes, les lambris circulaires, et
porter en
même temps la chaire à l'endroit qu'elle occupe aujourd'hui ; il
faut dire
que ces deux changements provoquèrent un peu partout de chaleureuses
oppositions.
En
1925, deux lustres d'ornement ont été placés par M. Lamaignère sous les
arcades
de l'autel, pour servir aux jours de grandes fêtes ; et en 1926,
le
sanctuaire et la voûte, ont été peints à neuf par M. Dupac, de Hagetmau.
La
lampe du Saint Sacrement,
et les 2 couronnes de lumières en bronze doré dans la grande nef;
furent
achetées par les familles, à la demande de M. l'abbé Lafitte, et grâce
aux
soins de Mme Laurente Nougué, native de Peyre habitant Oloron.
Le
fauteuil du célébrant
et les quatre tabourets qui l'accompagnent ont été offerts en 1922, par
une
personne charitable de Paris, originaire de Peyre.
Ils
sortent des ateliers de M. Guigue, ébéniste à Peyrehorade.
L'AUTEL
L'ancien
maître-autel, en bois sculpté doré comme la croix et les six
chandeliers, était
adossé au mur, surmonté de la couronne royale, dite couronne de
Charlemagne, et
dominé par un magnifique tableau de N.-D. de l'Assomption. Cette
peinture,
devant laquelle le sous-préfet de Saint-Sever, venu, un jour, à Peyre,
ne put
retenir son admiration portait cette inscription : « Ex dono Joannis Naury, dicti du Chicoy, qui
obiit die 28 Martii 1771. Orate pro eo. » (Don de Jean Naury,
dit du
Chicoy, décédé le 28 mars 1771. Priez pour lui.)
En
1878, la Fabrique presque à court de ressources s'en remit à la
bienveillance
de Mgr Delannoy, Evêque d'Aire, pour vendre cette toile à des églises
plus
fortunées et désireuses d'enrichir leur mobilier.
Quant
à l'autel, il fut brûlé par les ouvriers... Les gradins et le tombeau
étaient
en marbre gris ; la table, taillée dans le bloc, sortait des
carrières de
Peyre ; malgré les protestations des curés, elle fut plus tard
débitée
pour la construction des fenêtres du presbytère ; et c'est ainsi
que
disparut à jamais un meuble sacré par destination et un souvenir
précieux des
époques lointaines.
— En
novembre 1858, mourut dans la paroisse, à Peyroune de Haut, une femme
de bien
qui pendant sa dernière maladie avait laissé 1.000 francs pour la
restauration
du maître-autel. Mais, les héritiers prétendirent qu'un délai de dix
ans leur
avait été départi ; et M. Dantxoréna qui, à maintes reprises avait
essayé
de libérer les consciences mourut en 1869, sans avoir vu sa diplomatie
triompher des dernières entraves. Son successeur, l'abbé Fouriscot, put
heureusement faire signer par les intéressés une promesse de 1.000
francs, qui fut
enfin payée en 1884 et que M. Darribère réalisa en achetant un autel en
pierre
de Poitiers, dû au ciseau de M. Sérignan, de Bayonne, et qui complète
si bien
le sanctuaire.
Le 17 octobre 1867, M. Dantxoréna écrivit à Sa Majesté l'Impératrice pour lui demander six chandeliers d'autel. Deux mois plus tard, M. l'abbé Laine, chapelain de la grande Aumônerie, informait le curé de Peyre que sa lettre avait été prise en considération, et qu'une croix était, en plus, attribuée à la paroisse. — Cette garniture que l'on voit à l'église, est en cuivre doré et d'une facture irréprochable.
6°
L'appui de communion.
Il
était jadis en bois, et monté sur gros balcons carrés. La Fabrique y
posa en
1866, un agenouilloir en pierre, pour remplacer celui de bois qui s'en
allait
de vétusté. — En 1885, la jeunesse de Peyre acheta seule la table de
communion
actuelle, sortie comme l'autel, des ateliers de M. Sérignan ; la
liste de
souscription dressée par M. Darribère et que nous avons encore sous les
yeux,
porte un total de 60 francs, pour 36 jeunes gens. Par un geste vraiment
délicat, les abbés Mignou et Lacerenne, missionnaires de Buglose, en
prédication dans la paroisse, eurent à cœur de donner leur obole.
7°
La chapelle de droite.
C'est
la partie la plus ancienne de l'église. Elle fut bâtie par une famille
de la
localité, appelée Nouguès, et dès
l'origine placée sous le vocable de Saint Blaise. Un tableau y
encadrait
l'autel, mais fut interdit par Mgr Lannéluc, à la suite de sa visite
pastorale
dans la paroisse, le 14 septembre 1849.
Quand
M. Dantxoréna devint curé de Peyre, en 1846, cette chapelle était,
comme il
l'écrit lui-même, « dans la misère pure ». Un autel fixe,
composé
d'une seule pierre, attirait l'attention ; mais comme sa surface
était mal
polie, le curé la fit entourer d'un tombeau de bois et relever de
quelques
peintures. — Il trouva en cette circonstance en M. J. Bte Gaxie, maire
de
Peyre, un concours aussi dévoué que généreux.
Cet
autel fut enlevé plus tard par l'abbé Cazaumayou et remplacé par un
autre de
beau marbre blanc, avec filigranes variés ; il coûta 500 francs.
La croix
et les six chandeliers furent achetés en même temps, pour la somme de
100
francs.
La
chapelle de droite est actuellement dédiée à N.-D. de Lourdes, dont la
statue
domine l'autel ; — elle sert aussi d'oratoire pour les défunts des
familles et les morts de la guerre.
8°
La chapelle de gauche.
L'autel
de Saint Blaise était à peine remis à neuf, que se fit jour un projet
de bâtir,
à gauche, un second bas-côté. Il devait être fait au moyen d'une
souscription
paroissiale et d'une somme de 200 frs promise à cette fin par M. Naury,
médecin
du lieu. Celui-ci était honorablement connu, on le savait toujours bien
intentionné et l'on vantait la beauté de ses gestes. Mais comme il
était aussi
sans enfants, M. Dantxoréna eut l'idée de lui persuader de faire seul
construire la chapelle et d'acheter un autel. La proposition que le
curé
entoura de multiples convenances fut sans peine acceptée, et les
travaux
commencèrent. Les murs sortaient déjà du sol, quand M. Naury succomba
soudain à
une attaque d'apoplexie, le 9 septembre 1863, à Hagetmau.
M.
Dantxoréna demanda et obtint l'autorisation de transporter le corps à
Peyre, et
de l'enterrer dans la chapelle en construction : il repose
exactement sous
les fonts baptismaux.
Madame
Naury dont les sentiments chrétiens étaient à la hauteur de sa grande
charité
reprit à son compte les intentions de son mari, et fit poursuivre les
travaux.
Mais les ouvriers, abusant de la situation, montèrent tant bien que mal
une
voûte que l'on dût refaire 30 ans plus tard, lorsqu'on restaura
l'église. —
L'autel, confié à un ébéniste de Hagetmau, fut placé dans la chapelle,
à la fin
de l'entreprise.
— L'autel
de la chapelle demeure encore digne
d'attirer les regards, malgré l'effritement continuel des moulures de
plâtre
qui ornaient jadis son rétable et couraient finement sur la surface du
tombeau.
Un nouveau pallier et une pierre sacrée mise en place en 1926,
permettent
heureusement d'y célébrer les saints Mystères.
— La
statue du Sacré-Cœur fut donnée à la
paroisse par Mlle Pauline Camescasse, décédée à Peyre en 1919.
Il
est regrettable que la chapelle ait été mal prise
dans son plan de construction : pour gagner du terrain, on commit
la
grande faute et l'impardonnable imprudence de démolir en partie le
contre-fort
extérieur, ce qui fit porter sur un côté la clé de voûte et
l'emplacement du
vitrail. Et c'est peut-être ce qui occasionne aujourd'hui de profondes
lézardes
un peu sur tous les murs.
*
* *
CHAPITRE IV
LA
CHAPELLE DE SENDETS — LE
MONUMENT AUX MORTS
DE LA GUERRE — VIE PAROISSIALE — MOBILIER D'EGLISE.
1° La Chapelle de Sendets.
Elle
est située dans un endroit charmant, à environ
1.500 mètres du bourg, dans la plaine du Luy. Elle mesure
intérieurement 13
mètres de long sur 6 de large. Nous en savons fort peu de chose, étant
donné
que les documents font défaut, et que les traditions se sont peu à peu
effacées
dans l'esprit des familles.
Mais
il n'est pas téméraire d'affirmer que cette
chapelle est fort ancienne tout comme l'emplacement d'un petit
cimetière qui
l'entoure, nivelé par le temps, et que trahissent de çi de là quelques
pierres
vétustes dont il paraît malaisé de connaître l'époque. — Ce cimetière
était
encore entretenu par la commune en 1825.
Nous
laissons ici la plume à M. Dantxoréna (Cahier
paroissial de 1849). « On dit que cette chapelle était autrefois
l'église
paroissiale et, comme tant d'autres dans la contrée elle était devenue
le... de
la reine Jeanne. Rien n'atteste cependant cette croyance. On aime à la
conserver, en raison des pieux pèlerinages qu'on a coutume d'y faire le
mois de
juin, et de la confiance qu'on a aux prières faites dans cette
chapelle, durant
le temps des orages. »
2° Le Monument aux Morts de
la Guerre.
Il
a été érigé par la commune et bénit en 1921 par
M. l'abbé Lafitte, entouré de M. M.
Dupouy et Laborde, missionnaires de Maylis.
Il
est en pierre d'Arudy ; le piédestal porte
en lettres d'or le nom des 14 enfants de Peyre tombés à l'ennemi ;
au-dessus, s'élève une colonne sur laquelle se détachent en relief, une
palme,
une croix de guerre et le millésime 1914-1918.
Par
un sentiment très noble que d'autres ont loué
avant nous, le Conseil Municipal a voulu que ce monument, dans le
cimetière
même, rappelle à tous les passants, l'héroïque sacrifice et le souvenir
des
Grands Morts de la Guerre.
*
* *
Vincent
LESCOUTE, tué à Oulches, le 27 septembre 1914.
Marcellin
CAMESCASSE, décédé le 14 Novembre 1914, à
l'Hôpital de Nevers. suite de blessures.
Eugène
MASSETAT, tué à Craonne, le 27 janvier 1915.
Jean
St CRICQ, blessé aux Dardanelles, décédé le 14
juillet 1915, sur le navire-hôpital « Canada ».
Célestin
MARCASSOULE, tué à Estrées-Canchy
(Pas-de-Calais), le 10 octobre 1915.
Paul
LAFOURCADE, tué au bois de la Caillette, le 8
mai 1916.
J.
Bte LAFOURCADE, tué dans les combats de la Somme
en juillet 1916.
Ferdinand
DUPERE, tué sous Verdun, le 20 février
1917.
J.
Bte FEUGAS, tué à Bixchootte (Belgique), le 31
juillet 1917.
Victor
St CRICQ, tué à Chevillon (Aisne), le 1er
juin 1918.
Joseph
MARCASSOULE, disparu près de Reims, le 29 mai
1918.
Prosper
MIMBIELLE, mortellement blessé à Pierrenfon,
le 5 août 1918.
Léon
FORTE, tué à la Ferme Navarin, le 26 septembre
1918.
Georges
DUCERE, tué à Somme-Py, le 28 septembre
1918.
3° Vie Paroissiale.
Nous
n'avons pas entrepris de parcourir ici toutes
les étapes de la vie paroissiale, dans les années passées ; une
simple vue
d'ensemble suffira à situer la question dans les temps où nous sommes.
Ces
constatations ne sauraient, malgré tout, nous
faire mal juger la paroisse ; et nous aimons mieux lui faire
confiance en
ce qu'elle a de bon et de foncièrement chrétien : un peuple qui
fait
montre de sa foi, qui aime son église, qui souscrit sans réserve aux
appels de
charité qu'on lui adresse, un peuple, qui en un mot porte haut la
délicatesse du
cœur et la saine énergie des sentiments qui l'animent, peut aller de
l'avant
dans le chemin de ses destinées : Dieu demeure avec lui.
— Il
nous plaît ici de rendre hommage au
concours précieux que veut bien nous prêter un groupe d'hommes et de
jeunes gens,
et qui nous permet, à certains jours, de constituer un chœur paroissial
à voix
mixtes, dont tous admirent l'ordonnance et encouragent les succès. En
soutenant
les bonnes volontés et les dévouements qui nous entourent, nous n'avons
eu
qu'un but : celui de répondre au désir de l'Eglise, qui nous
demande de
faire apprécier le véritable chant liturgique et de populariser les
mélodies
qui doivent — selon le mot de Pie X — « maintenir et promouvoir la
dignité
de la Maison de Dieu ».
L'Œuvre
du
Denier du Culte
est en progrès
constant dans la paroisse. Sauf de négligeables exceptions, toutes les
familles
ont à cœur d'accomplir un devoir essentiel et de travailler au bien
général du
clergé.
— La
Confrérie du T. S. Sacrement érigée dans la paroisse par Ordonnance
de Mgr
Epivent, le 23 mars 1863, en sommeil depuis 1886, a été reconstituée
sur des
bases nouvelles, en février 1922. Elle compte actuellement 33 membres
actifs.
Des honneurs spéciaux sont réservés aux confrères défunts.
— Le
culte des Morts est religieusement conservé dans les familles. —
Toute
personne a droit à son décès, à trois messes chantées, et un antique
usage veut
que le prêtre revienne au cimetière, après le Libera
des 3e et 7e jours, comme aussi au
jour anniversaire.
Le
soir de la Toussaint, avant et après les Vêpres,
M. le Curé passe devant les tombes, et s'associe aux prières des
familles.
Pendant
deux ans, chaque dimanche à l'heure de la
messe paroissiale, les perdants entretiennent un cierge à l'autel de la
Sainte
Vierge, et avant de quitter l'église, vont se recueillir un instant
dans la
Chapelle funéraire.
— La
paroisse possède sept croix, disséminées dans les
divers quartiers. On les visite, soit
pour la fête de Saint Marc, soit aux jours des Rogations : croix
de Doussine, — de Ménicoun,
— de Lestellou, — du Château, — de Bitaubè, —
de Fréricq, — de Poublanc.
— Trois
fois par semaine en Mai, et deux fois
en Juin et en Octobre, on se réunit à l'église pour les Exercices
du Mois de Marie, du Sacré-Cœur, et du Saint Rosaire.
— Le
dimanche après Noël dans une cérémonie des plus gracieuses, M. le
Curé
consacre tous les enfants de la paroisse, au petit Jésus de la crèche.
— Depuis
Juillet 1927, 15 familles offrent
généreusement et chacune à leur tour, le
vin de messe à l'église de Peyre.
4° Mobilier d'église.
Nous
serions mal venus de chercher ici, à diminuer
le zèle et les nombreux mérites de nos prédécesseurs : l'histoire
du passé
est là pour rendre hommage à chacun d'eux. Mais, il ne nous déplaît pas
de dire
que, depuis les six années que nous sommes à Peyre, la générosité des
fidèles
n'a jamais été prise en défaut, mais au contraire, qu'elle nous a
conduit à
travailler sur un très large plan dans la maison de Dieu, et à tout ce
qui
touche à sa cause. On a, du moins, compris que s'il est bon parfois de
recevoir, il est toujours meilleur de donner, et qu'une certaine
noblesse de
geste s'impose à tous les cœurs bien nés.
Il
est évident que nous ne pouvons prétendre au luxe
des grandes églises. Toutefois, il faut savoir reconnaître que notre
mobilier
cultuel répond aux nécessités du moment et qu'à peu de choses près nous
n'avons
rien à envier à d'autres centres plus importants que le nôtre. Grâce
aux
libéralités de nos paroissiens, grâce à certaines largesses dont la
provenance
importe peu et dont nous n'allons pas clamer le mérite, nous avons
successivement procuré ou offert à notre église : des
tapis-passage pour
les 3 autels ; 8 gerbes de fleurs en paillon rouge, vert et
or ; une
bannière à la Vierge (335 fr.) ; un missel Mame ; le fauteuil
et les
4 tabourets du sanctuaire ; 5 soutanes bleues et 5 surplis pour
les
enfants de chœur (385 fr.) ; 1 jeu de burettes en cristal et
cuivre doré
avec plateau assorti ; une écharpe blanche de bénédiction ;
un
catafalque complet avec tentures et lambrequin funèbre ; la
civière pour
les morts ; un fond d'autel noir de 3 mètres avec lettres et
motifs blancs
cousus ; des canons d'autel pour les messes de morts ; une
armoire à
linge ; le corbillard paroissial (souscription : 2.149
fr.) ;
ses draperies (435 fr.) ; les peintures du sanctuaire ; un
brûle-cierges.
Nous
avions déjà, entre autres choses : un dais
avec sa garniture en étoffe d'or ; un beau tapis rouge pour
l'autel et le
chœur ; un jeu de bouquets dorés ; une statue de la Vierge de
l'Assomption sur brancard, les personnages de la crêche.
*
* *
La
page que nous venons d'écrire sans orgueil de
commande, est tout à l'honneur de nos chers paroissiens. Et nous sommes
convaincus qu'ils sauront encore travailler au bien de la Religion et
continuer
à faire la part de Dieu sur les dons que le Ciel leur a si
magnifiquement
dispensés jusqu'à l'heure. Ils auront ainsi prêté à la plus belle des
causes
qu'il soit possible de servir ici-bas, et semé là-haut pour l'éternelle
récompense.
============
DEUXIÈME
PARTIE
______________
PEYRE
SOUS LA REVOLUTION
ET LA TERREUR
------------:--::--:------------
L'Année 1789,
trouva l'Abbé Jean Monge, curé de Peyre. Lorsque vint en Janvier
l'ordre du Roi
de convoquer les Etats Généraux de Versailles, M. Monge fut invité à
prendre
part à l'Assemblée de Dax, avec Messire François
d'Abbadie d'Arboucave, chevalier de St Louis, baron, haut justicier
de la
terre de Peyre et de Maslacq (B. P.), pour apporter sa voix à la
rédaction des
cahiers de doléances, demandés par Louis XVI. Après de nombreux et
parfois très
longs travaux d'approche, les séances s'ouvrirent à Dax dans la salle
du
Palais, le 16 mars, pour se continuer jusqu'au 24, devant 282 délégués
du
clergé, de la noblesse et du tiers-état. Malheureusement, M. Monge ne
put
répondre à l'appel de son nom et donna mandat à Jean Messin, curé de
Castelnau-Chalosse, chargé lui-même de remplacer Vincent de Laragnet,
curé de Lacadée
et Labeyrie (B. P.) (Armorial du Baron de Cauna).
On
sait qu'à cette époque tout le monde souhaitait
un ordre fixe et durable de choses ; mais hélas, une tourmente
effroyable
depuis longtemps préparée et voulue par les passions politiques et les
idées
philosophiques du 18e siècle, allait bientôt inaugurer pour
la
France une ère de désolation et de sang, et emporter après elle
jusqu'aux
institutions mêmes du pays.
En
1790,
l'Assemblée Nationale mit au nombre de ses
réformes la création des municipalités, grâce à un mode de scrutin
accordant
droit de vote aux seuls fonciers et propriétaires payant l'impôt.
Peyre
se donna alors pour maire, M. Joseph Gaxie, notaire
royal, et pour officiers publics, Bernard Costedoat de
Cournet, Jean Dufourquet de
Hourquet, Arnaud Lalanne de Hountagniou, Hyacinthe Canguilhem de
Bruchon,
Daubagnan du Sallet. Fut nommé procureur
de la commune, Bernard Gaxie de Gentilhomme, remplacé le 19
novembre,
suivant par Pierre Carrère, de Bitaubé.
Heureuse
époque où les habitués et
fidèles clients de Bigan, de Garos et de Grabette savaient hautement
résister
aux attraits du bon piquepoult du pays !
*
* *
Conformément
au décret de
l'Assemblée Nationale demandant aux curés l'état de leurs revenus
paroissiaux,
M. Monge vint à la mairie de Peyre déclarer tous ses biens. Ce n'était
là qu'un
prélude ; car, vers la fin de cette même année 1790, apparaissait
la
fameuse Constitution civile du Clergé qui allait jeter de si profondes
perturbations au sein de l'Eglise de France et déclarer en faillite la
souveraineté du Pontife de Rome.
Pour
rester fidèle à sa foi, M.
Monge refusa le serment.
Nous
aimons transcrire ici avec une religieuse
émotion, ces lignes qui diront toute la beauté de caractère et la
grandeur
d'âme de ce soldat du Christ dont nous entreprenons de raconter
l'histoire.
« L'an
1791 et le 6e
jour du mois de février, nous, maire et officiers municipaux de la
commune de
Peyre, assemblés dans l'église parroissialle(2) à lissue de la messe,
aux fins
d'assister à l'exécution du Décret de l'Assemblée Nationnalle en date
du 27 novembre
1790 et sanctionné par le Roy le 26 décembre de la même année, lequel
décret a
été affiché et publié dans la présente parroisse le 30 janvier dernier.
Le
Sieur Monge, curé de la présente parroisse a déclaré ne pouvoir faire
le
serment ordonné par le Décret à tous les eclésiastiques fonctionnaires
publicqs, par la raison qu'il était disposé à
rendre à Cézar ce qui appartient à Cézar et à Dieu ce qui appartient à
Dieu.
En
foy de quoy nous avons signé
avec Sieur Monge.
Monge,
curé de Peyre.
Gaxie,
maire — Costedoat, offic. — Hourquet, off. — Lalanne, off. — Lafitte,
secrétaire-greffier. »
*
* *
La
Constitution Civile du Clergé,
attentatoire aux droits de l'Eglise, ne tendait à rien moins qu'à la
priver de
son indépendance, de sa hiérarchie, de sa juridiction et de sa
discipline.
Gardien de la foi et de la morale, le Pape Pie VI condamna le décret et
défendit aux ecclésiastiques de prêter le serment qu'on exigeait
d'eux ;
mais, imbus d'un esprit nouveau et travaillés depuis longtemps par de
perfides
doctrines, des milliers de prêtres et de religieux se déclarèrent
aussitôt en
révolte ouverte avec Rome : on les flétrit du nom de prêtres assermentés ou constitutionnels ;
ceux qui refusèrent le serment, furent appelés insermentés
ou réfractaires.
Nous
eûmes dans nos Landes, au dire
de M. Légé, de janvier 1791 à octobre 1792, 191 jureurs tant séculiers
que
réguliers parmi lesquels, en ce qui concerne notre région :
Bon, curé de Castaignos, Casassus,
curé de Beyries, Crabos, curé d'Argelos(3), Dufourc-Salinis, vicaire
de
Nassiet, Lacampagne, curé de Bonnegarde, Porte, curé de Bassercles,
Miquel et
Tabouet, moines de Pontaut, avec leur prieur Péraud.
De
1791 à 1800, 161 prêtres constitutionnels
vinrent, des diocèses voisins, s'implanter dans les Landes.
Leur
évêque s'appelait Jean-Pierre Saurine. Celui-ci usurpa
le siège de
Dax, au moment où le vénérable Mgr de Laneufville partit en exil pour
défendre
ses droits. — Saurine, né le 10 mai 1733 à Saint Pierre d'Eysus,
diocèse
d'Oloron, fut d'abord vicaire à la cathédrale de cette ville. Mais,
interdit
par la suite par Mgr de Révol, il se retira à Paris ; là,
professant au
grand jour les idées de la Révolution, il essaya de gagner à sa cause
les curés
du Béarn et, à force d'intrigues, se fit nommer évêque des Landes. Son
sacre
eut lieu à Paris le 5 mars 1791 ; le 5 avril suivant il était à
Roquefort,
le 9 à Saint-Sever, et le 10 il fit son entrée à Dax, entouré de
baïonnettes et
des gardes du Corps. — Nous n'avons pas à le suivre pendant les dix
années
qu'il passa dans les Landes, et durant lesquelles, il ordonna 22
prêtres qui
jurèrent bientôt fidélité à la Constitution. — Saurine fut ensuite
nommé évêque
d'Oloron, et en dernier lieu, transféré à Strasbourg. Le 8 mai 1813,
étant en
tournée pastorale, on le trouva mort dans son lit, à l'ancien couvent
des
capucins de South.
*
* *
Ces
prêtres constitutionnels, particulièrement dans
nos régions, eurent grand'peine à trouver crédit auprès des populations
attachées à leur foi. Ce ne fut que lorsque Pie VI eut solennellement
cassé et
annulé toutes leurs fonctions, que les yeux finirent par s'ouvrir et
que furent
enregistrés de nombreux et consolants retours. Disons à la gloire du
clergé
landais que sur les 191 jureurs déclarés, 7 seulement furent infidèles
à leur
vocation, et que tous les autres, à de rares exceptions, reprirent
place dans les
rangs du diocèse : disons aussi, et celà diminuera d'autant la
portée
significative de la statistique, que les moines étrangers et indigènes,
firent
plus encore que les prêtres, le serment demandé par la Constitution.
*
* *
Le
8 mai 1791,
les officiers publics vinrent présenter à M. Monge
une « Lettre pastoralle de Monsieur Saurine, Evêque des
Landes »(4)
avec obligation d'en donner lecture aux fidèles. Le curé fit aussitôt
savoir
qu'il avait eu une matinée particulièrement fatigante, que son
ministère
l'avait retenu de 6 h. à 10 h. à l'église, et qu'au moment où
il
allait monter à l'autel, il avait dû partir administrer une malade. Il
ajouta
qu' « il se sentoit sy épuisé qu'il ne pouvoit faire ny son
instruction au
peuple ny la lecture de la lettre pastoralle jusqu'à dimanche
prochain ».
Devant les ordres formels du procureur syndicq du district, et à défaut
du
curé, le greffier dut donner lui-même communication du document, à
l'issue de
la messe.
*
* *
La
persécution commençait à peine à sévir dans le
pays, qu'il se trouva à Peyre des hommes haut placés qui, reniant leurs
convictions religieuses, se prêtèrent au désordre et, par tous les
moyens,
s'arrangèrent pour implanter dans la paroisse des prêtres
constitutionnels
recrutés un peu partout.
M.
Monge continuait depuis huit mois à assurer son
service, quand, le 2 octobre 1791, un
évènement depuis longtemps prévu vint se produire, comme un coup de
théâtre,
dans notre église même. Vers les 11 heures du matin, deux officiers
municipaux,
s'assemblèrent sous le porche, en exécution d'une lettre de
Dartigoeyte,
procureur-syndicq du Directoire de Saint-Sever en date du 27 septembre,
et de
la demande à eux faite par le sieur Jean Lannux
né à Piets, vicaire de Saint Médard. Tôt après, le prêtre arriva et
remit un
extrait du procès-verbal de l'Assemblée électorale de Saint-Sever, daté
du 11
septembre, signé du secrétaire Darnaud, qui le nommait curé de Peyre.
Puis,
présentant son institution canonique signée par Jacques Gros, vicaire
général
de Saurine, Lannux se fit introduire dans l'église dont il demanda les
clés,
ainsi que celle de la sacristie. Avant de commencer ses fonctions
curiales, le
nouvel élu monta en chaire et, après un discours relatif au serment
prescrit
par la constitution civile du clergé, il promit et jura solennellement
devant
le peuple réuni, d'être fidèle à la Nation, au Roi, de maintenir de
tout son
pouvoir le décret de l'Assemblée Constituante, et de veiller avec un
soin
jaloux sur le troupeau paroissial désormais confié à ses soins. Après
quoi, il
commença l'office...
*
* *
Cette
intrusion de Lannux à Peyre n'avait pas été
sans surprendre les gens, ceux surtout qui vivaient à l'écart des
passions
politiques. De par ailleurs, M. Monge s'était assez vite efforcé de
faire
comprendre à ceux de ses amis qui l'approchaient encore, que le prêtre
jureur
n'avait aucune juridiction et que ses offices à l'église, étaient tous
entâchés
de nullité. Dès lors, il paraissait assez difficile au curé
constitutionnel de
réussir au sein d'une population fortement prévenue contre lui, plus
difficile
surtout de battre en brèche l'autorité et la personne de M. Monge,
toujours
reconnues dans l'endroit.
L'ex-vicaire
de Saint Médard était à peine installé
à Peyre, qu'un curieux incident fit ouvrir tous les yeux sur les
intentions
jusque-là déguisées de l'intrus.
Le
13 novembre
1791,
le procureur de la
commune, à la demande d'Arnaud Campaigne, dit Jeanmolin, désigné pour
être
parrain d'un enfant de Jean Pergé, dit Bigan, et de Marie Campaigne, sa
nièce,
se rendit chez M. Lannux, vers les 4 heures de l'après-midi. Il frappa
à la
porte, et on lui apprit que le prêtre était parti pour Pau, et avait
pour
quelques jours quitté la paroisse. Assez embarrassé devant la carence
de tout
fonctionnaire public, Campaigne pria le procureur d'aller sans plus
attendre
quérir un autre prêtre pour baptiser l'enfant en grand danger de mort.
Les
choses en étaient là, quand Jean Pergé vint, en hâte, annoncer que sa
femme, à
son tour, était à toute extrémité. D'un geste impératif que seul
pouvaient
autoriser et son affolement et ses plus chères affections, il exigea la
convocation immédiate du corps municipal, pour qu'il lui plût de
prendre une
décision : celle de faire administrer la mère et baptiser
l'enfant. Les
autorités communales s'étant donc réunies, il fut décidé qu'on irait
chez M.
Monge, non assermenté, et toujours à Peyre.
Forte
de son droit, mais désireuse avant tout de
sauver M. Monge, l'autorité locale informa le District qu'elle prenait
sur
elles toutes les responsabilités relativement au service demandé, à sa
prière
et par son ordre. « Ceci, tant pour notre propre tranquilité que
pour
celle du Sieur Monge qui se conduit jusques à présent dans la plus
parfaitte
obéissance à la Loy, et pour que le Religion des administrateurs ne
soit point
surprise dans le cas présent. »
Mais,
de jour en jour, l'abîme se creusait entre la
paroisse et le curé constitutionnel. Celui-ci, à son retour de Pau, put
déjà se
rendre compte que le mécontentement grondait un peu partout ; en
tout cas,
ce n'étaient point ses sentiments d'attache à la Constitution qui
allaient lui
gagner les sympathies et lui ouvrir le cœur des habitants, restés
fidèles à
leur foi et partisans de M. Monge.
Sous
des apparences résignées, il était facile de
découvrir en Lannux une idée de derrière la tête, une idée qu'il se
réservait
de faire connaître au moment opportun, dût la confusion sur son nom se
faire un
peu plus grande, et sa décision jeter dans l'embarras les dirigeants
municipaux.
Fallait-il
voir dans son absence du 13 novembre un
prétexte pour couvrir un mécontentement personnel, ou donner le change
à une
situation qui humiliait profondément son orgueil d'arriviste ?
Toujours
est-il, que le 11 février 1792, il
écrivit de sa propre main et envoya à M. Monge, ce billet étonnant, qui
laisse
supposer bien des luttes intimes, et que seules pouvaient alors lui
dicter de
cuisantes défaites.
« Je
permets et consens que M. Monge, ancien
curé de la paroisse de Peyre, publie
« les bans de mariage de Jean Campagne, dit Grabette, et de Jeanne
Costedoat,
dite du
« Galant ; — de même que ceux de Jean Condom, dit Bidet, et
Laurentia
Destaillats, et
« desserve en outre la paroisse en qualité de pasteur. »
En
foy de quoy j'ay signé le 11 février 1792.
Lannux.
Cette
démission ne trompa personne, sauf peut-être
le parti du jour désireux d'appuyer à Peyre et par tous les moyens, les
créatures de son choix. — M. Lannux, plus circonspect, et ayant gardé
jusque
dans sa soutane le caractère énigmatique des béarnais, pensait qu'il
serait
plus à son aise dans son pays d'origine ; voilà pourquoi, sans
crier gare,
et à quatre mois de ses belles protestations de fidélité à la Nation,
au Roi et
à la Loi, il quittait la paroisse, et rompait brutalement avec les
défenseurs
locaux de la Révolution. Enfin, il allait être libre...
*
* *
Cette
fois, l'incident fut retenu, et l'ambassadeur
revint à Peyre, heureux de s'être fait entendre.
*
* *
Cinq
jours ne s'étaient pas écoulés, que les
délégués du peuple à peine remis de leurs émotions, durent s'adresser
aux
administrateurs du Directoire et au Procureur général syndicq de
Saint-Sever,
pour savoir ce qu'il y avait de vrai, dans un bruit répandu en plein
marché de
Hagetmau, et d'après lequel les troupes nationales devaient venir faire
une
enquête à Peyre.
La
lettre de la municipalité, ne feignait de voir à
toutes ces menaces que le contre-coup de la démission de Lannux. La
vérité,
c'est que celui-ci avait accusé la paroisse de lui avoir réservé un
accueil peu
favorable, le 2 octobre précédent, et de s'être montrée depuis lors
d'une
humeur si belliqueuse, qu'il ne se croyait plus en sûreté parmi ses
habitants.
« Quelle erreur disait le mémoire, puisque la municipalité luy à
toujours
demandé de luy faire part du plus petit affront qui luy seroit fait par
parole,
grimasse ou autrement ; et jamais il ne s'est plaint de rien.
» Et
plus bas : « La paroisse ne se croit en rien répréhensible et
jouit
d'une paix inaltérable. »
De
fait, Lannux avait affirmé qu'il aurait vite
quitté Peyre si ses démarches l'amenaient à la cure d'Uzan ; par
là,
s'expliquaient ses voyages à Orthez, à Pau, et son absence prolongée de
la
paroisse. Et c'est enfin lorsqu'il eut en mains son bénéfice, qu'il
partit pour
Saint-Sever chercher son traitement... avec une avance de 3 mois.
Revenu à
Peyre, il porta bien haut la nouvelle de sa démission, et fit, sans
plus
tarder, tenir à M. Monge la délégation de pouvoirs précitée.
Lannux
s'en alla donc en Béarn, dans le poste si
ardemment convoité. — Depuis lors, dans nos Livres, c'est le silence
sur son
nom. Mais nous savons qu'il reconnut plus tard ses erreurs, en demanda
pardon
et mourut selon le cœur de Dieu, dans sa famille, à Piets. (B.-Pyr.)
Son
corps repose dans le sanctuaire de son église
natale devant le maître-autel.
*
* *
Devant
cette situation tour à fait anormale, et
« pour la desserte du culte », le maire et les officiers
publics
prièrent de nouveau M. Monge de reprendre provisoirement ses fonctions,
et ce,
au refus de tous les autres prêtres qui n'avaient pu ou voulu rendre
aux
habitants le plus petit service. Car, il fallait sur place un curé qui
ralliât
tous les suffrages et capable de s'imposer à la population.
« Est-ce donc,
écrivaient les délégués, est-ce une entreprise trop ozée de notre
part ?
Messieurs, nous avons cru le contraire... Vos sentiments d'amours pour
la
constitution nous sont déjà connus, et nous en espérons de nouvelles
preuves,
en nous rendant justice sur les faits pour lesquels nous sommes
instruits, et
en nous accordant préalablement la justification d'yceux... car le dit
Monge a
resté et habitte dans la Parroisse d'une manière et conduite
irrépréhensible... »
*
* *
— En
même temps qu'elle marquait un pas décisif
dans l'ère violente de la persécution, l'année 1791 fut désastreuse
pour
l'agriculture du pays.
Or,
il arriva que de tristes individus profitèrent
des circonstances, en organisant partout le vol et la rapine de façon
si
savante qu'il n'y eut bientôt plus à Peyre de sécurité pour personne.
En
veut-on des exemples ?
Ici,
c'est l'abbé Monge qui voit disparaître des
greniers du château où il mettait son grain « une pille
considérable de
millocq ». Considérable, en effet : 13 mesures et 8
poignères. Là,
c'est Jean Dagest de Jeantoire, c'est Jean Carrère de Hartanè, c'est
Jean du
Séré de Ménutte qui déclarent à la mairie des vols de 600, 700 et 1568
épis de
maïs. Une autre fois, Marie Mimbiolle de Laouillon « perd »
poules et
poulets, 2 paniers d'oignons, une pelle en fer, un dessus de marmite,
l'Imitation de J. C., 17 grandes barres de chênes « blancqs
écorchés », plus 2 charrettes décorses de chênes blancqs ».
Plus
loin, ce sont des canards, des poules, du lin, des échalas, des fruits,
des
légumes, dont on ne trouve plus trace chez Jean Monségur du Haou de
Nougué,
chez les demoiselles Destaillats, chez Jacques Dunoguier, officier de
santé à
Larcoutè.
Enfin,
comme bouquet, ce vol monstrueux commis au
préjudice de Pierre Ducos, du Moulié : « 37 livres de lin
peigné, 6
linceuls, 1 pièce ½ de drap détoupe, 3 "tabailles" détoupe, 1 peigne
de fer, 2 jambons du poids de 22 livres, 2 pièces de lard, 1 couston, 2
pots de
grèce, 7 cuillères, 4 mesures de millocq, 2 chemises d'homme, 1 tablier
de
capit, 3 râteaux, 3 bâches, une grande chaudière, 10 pointes de herce,
une
barre de fer pour le feu, 1 terrine ½ de méture, 4 plats, 22 assiettes,
5
poules, 1 voland pour coupper le foin, 1 bidon... et autres choses que
je ne
connois pas ».
Après
visite domiciliaire en cinq endroits
différents, on trouva à P... dans un tas de feuilles de châtaignier, 1
pot de
graisse, et dans un second tas 4 plats, 22 assiettes, et une poule
recouverte
d'une terrine, Or la mère « a surtout recommandé de ne pas coupper
la
terrine qui couvrait ladite poule ».
Que
dites-vous de ces regrets ?... Ils sont
tout simplement admirables...
*
* *
Nous
voici à l'année 1792. La guerre religieuse va
revêtir une forme nouvelle et s'étendre dans la France entière ;
au nom de
la liberté, au nom du peuple souverain, elle dirigera ses coups contre
ce
qu'elle va appeler les préjugés et les vestiges du passé.
— On
vit alors en maints endroits s'élever l'arbre de la Liberté.
Nous savons qu'à
Peyre celui-ci fut planté dans la cour du presbytère et que là, se
donnaient
les avis intéressant les citoyens, que se tenaient les fêtes civiques
le jour
de la décade et que se chantaient les airs révolutionnaires du
« Ça
ira » et de « la Carmagnole ». Nous verrons plus loin
comment,
autour de cet arbre symbolique, le curé-jureur Lassalle devait plus
tard se
montrer tristement célèbre.
— Enfin,
eut lieu le 8 juin 1792, dans un ordre
d'idées tout à fait différent, l'inscription aux patentes, demandée par
le
District au nom du Gouvernement.
Peyre
comptait à cette date : 2 chirurgiens, 2
débitants de tabac, 1 quincaillier, 3 aubergistes, 1 négociant
d'œufs, 1
forgeron, 1 charron, 1 maçon, 1
charpentier, 2 négociants à cheval, 3 tailleurs, 7 tisserands, 6
sabotiers.
*
* *
Regardons
maintenant de plus près les cruelles
exactions auxquelles va être soumise l'Eglise de France.
Le
23 juin,
le Directoire du District de Saint-Sever ayant
appris qu'un certain nombre de prêtres réfractaires continuaient à
rester à
Morganx, Monségur, Peyre et autres paroisses, avec l'intention d'y
faire leurs
fonctions curiales, lança l'interdiction contre « ces
rebelles » avec
obligation pour les municipalités, de faire exécuter la loi. Voici
quelques
considérants du tribunal :
« Considérant
que tous les maux et les troubles
viennent des insinuations de ces prêtres malveillants, et que par de
faux
bruits les citoyens des campagnes se persuadent que la Constitution
doit être
renversée et les curés constitutionnels chassés ;
« Qu'il
est du plus grand intérêt pour le bien
public et le maintien de l'ordre social, de détruire toutes ces
chimères qui ne
tendent à rien moins qu'à allumer le feu de la guerre civille et que
l'Administration serait grandement répréhensible s'y elle ne réprimait
d'une
manière efficace les menées de ces agitateurs publics,
« Enjoint
aux municipalités de Lacrabe et
Morganx, Monségur et Peyre, et Labastide-la-Reine, de veiller à ce
qu'aucun
office public ne soit célébré par les prêtres insermentés et notamment
par : Falcou ci-devant, curé de
Morganx et Lacrabe, du Cournau
frères, curés de Monségur et Mant, le vicaire de Labastide, Monge
curé de Peyre, les tous interdits
par l'Evêque des Landes ; — Ordonne que toutes les églises où les
prêtres
constitutionnels ne célèbrent pas, soient et demeurent fermées ; —
défend
aux prêtres insermentés de rester sur leur territoire au lieu de se
rendre au
cy-devant séminaire d'Ayre ; — donne la faculté de requérir la
gendarmerie
nationnalle à la caserne de Samadet, aux fins arrêter tous les prêtres
de la
région et les traduire au grand séminaire du Mas d'Ayre, lieu désigné
par
l'arrêté du 7 mai dernier. »
Les
choses s'annonçant comme devant se passer sans
trop de risques, ceux-ci s'adressèrent à un nommé Tabouet,
curé jureur de Poudenx, moine cistercien de Pontaut. Les
débuts furent heureux... Or, un mois à peine s'était écoulé depuis sa
nomination à la cure de Peyre, que Tabouet envoya au maire du lieu, la
lettre
suivante :
« M.
M. Maire et Officiers Municipaux.
« Au
retour de dire ma messe dans votre
parroisse, j'ay été insulté par un jeune homme à coup de caillou dans
le fond
de la grande... (illisible), et j'ay été obligé de crier à l'assassin.
Je me
suis sauvé comme j'ay pu. En conséquence, comme mes jours sont plus
précieux
que votre parroisse, je suis déterminé à ne plus y aller pour votre
tranquilité. Je vais en conséquence porter ma plainte au District et,
de là, au
Département, pour ma sûreté.
J'ay
l'honneur d'être, Messieurs, avec tous les
sentiments civiques et de fraternité,
Tabouet,
desservant jadis la cure de Peyre. »
Il
est facile d'imaginer l'effet produit sur
l'esprit des conseillers, par la plainte du curé de Poudenx. Séance
tenante,
ceux-ci envoyèrent leurs excuses à la victime, et lui signifièrent que
son
agression ne resterait pas impunie ; à cet effet, ils priaient le
curé de
se rendre à Peyre, pour faire connaître le signalement du coupable pour
le
livrer ensuite à la rigueur des lois, « et le plutôt ne sera que
le
meilleur, demain même après midy. » — Mais Tabouet ne répondit pas
à
l'invitation qui lui fut adressée, aimant sans doute mieux s'en tenir
au silence,
et ne point froisser de nouveau les sentiments de ses inciviques
voisins.
*
* *
M.
Monge ne revint pas à son poste, comme l'abbé
Dastugues, (plus tard curé de Peyre), après l'accalmie qui suivit les
temps
troublés de la Terreur ; il y a donc lieu de croire qu'il trouva
dans
l'exil la récompense de sa fidélité à la cause de l'Eglise Romaine.
*
* *
Qu'on
nous permette de donner ici pour mémoire
quelques chiffres sur les prêtres du diocèse, qui souffrirent alors
persécution
pour le Christ.
6
furent guillotinés et moururent pour leur foi.
Citons leurs noms qui méritent de passer à la postérité. Les abbés Cabiro de Hauriet, vicaire à
Samadet ; Nautery, d'Aire, curé
de Castandet ; Damborgez, né à
Salies, vicaire à Labatut ; Dubayle,
né à Castelnau-Tursan, vicaire à Saint-Loubouer ; Labbée,
chanoine de Saint-Loubouer ; Lannelongue, curé de
Gaube.
308
prêtres, tant séculiers que réguliers, passèrent
en Espagne pendant l'année 1792. Près de nous : les abbés Bernède, de Poudenx, Dastugues, de
Monget, Falcou, de Morganx, Lacoste,
de Mant (mort curé de Sainte-Colombe), Viella, prieur
de Pontaut.
78
réfractaires, échappant aux poursuites, purent se
cacher dans nos Landes, de mai 1792 à septembre 1795. On cite les quatre frères Ducournau du Placiat
de Monségur, respectivement curés de Mant, et de Monségur, ou vicaires
à
Labastide-la-Reine et dans le diocèse de Lescar.
9
furent condamnés à la déportation sur les pontons
de Rochefort ou sur les côtes insalubres de la Guyane.
70
furent emprisonnés au Couvent Sainte Claire de Mont-de-Marsan,
et 27 à Aire, parmi lesquels Falcou, curé de Morganx qui, ne voulant
plus de la
cellule demanda bientôt au Département ses papiers pour l'étranger.
Enfin,
17 jeunes gens engagés déjà dans la milice
sainte, furent ordonnés en Espagne par les Evêques d'Aire et de Dax, en
1791,
92 et 96. (Légé).
*
* *
Malgré
la surveillance extrême dont ils étaient
l'objet, certains prêtres trouvaient encore le moyen de tromper les
agents de
la force publique. Ainsi, on cite le cas du curé de Saint-Médard (B.
Pyr.) qui
se glissa plusieurs fois jusqu'à Peyre pour y exercer son ministère. On
se
réunissait à Magret, à Charman, au Poucht, à Gentilhomme, à Poublanc ;
et là, dans un coin de
grenier ou de grange, sous un dessous d'escalier, à la faveur de la
nuit, le
prêtre célébrait les saints Mystères, et de sa parole réconfortait les
âmes,
souffrant dans leur foi ou visitées par l'épreuve. Il est facile
d'imaginer ce
que devaient avoir de touchant aux heures pénibles que l'on vivait
alors, ces
rares rendez-vous où pour pratiquer sa religion il fallait se cacher,
et cela,
au nom de la Liberté dont les principes étaient clamés par ceux-là
mêmes qui
s'en faisaient les bourreaux.
*
* *
Nous
voici arrivés en un temps où les difficultés se
multiplient comme à plaisir sous les pas des officiers publics. On sent
qu'à
Peyre la population n'a que faire d'un régime qui violente les
consciences et
jette partout le désarroi ; bientôt, le mécontentement devient si
fort,
que les autorités sont obligées d'avertir le District qu'il faut une
bonne fois
parer à la situation créée dans la paroisse par le double départ de
Lannux et
de M. Monge.
C'était,
en effet, l'époque où les familles
exigeaient un curé à demeure, en raison de la maladie et de la grande
mortalité
qui désolaient le pays. De guerre lasse, et non moins désireux de
rétablir leur
prestige que de pacifier les esprits, les conseillers municipaux firent
appel
pour le service religieux à un nommé Porte,
curé jureur de Bassercles.
Le
bruit des affaires de Peyre et des aventures
arrivées à Tabouet, n'avaient fait qu'un tour de région, et Porte n'en
ignorait
rien. Mais pour ne point désobliger son monde, il s'empressa de
répondre à
l'invite qui lui était adressée, et, muni des lettres de crédit venues
de
Saint-Sever, prit possession de son office « pour assurer à Peyre
la
visite des malades, les cérémonies d'enterrement, et ce, pour le bien
des âmes,
le maintien de la paix et la tranquillité de tous. »
Malheureusement, une
cruelle jalousie de métier avait surgi entre les curés de Poudenx et de
Bassercles ; et l'on raconte que Tabouet était venu dire la messe
à Peyre
trois dimanches durant, dans le but de narguer son confrère voisin.
Celui-ci,
d'ailleurs, n'avait jamais joué franc jeu, et il démasqua un jour ses
batteries, d'une façon aussi inattendue que grotesque.
Le
20 novembre
1792
mourut à Peyre, une
femme nommée Jeanne, du Lucq. Le jour même, la famille envoya un exprès
à
Bassercles, prier le curé de venir procéder aux obsèques. Mais
celui-ci,
profitant d'une occasion qui lui était si opportunément offerte,
répondit au
courrier qu'il ne pouvait se déplacer, et qu'il avait même besoin des
deux
jours suivants pour traîter affaires aux marchés d'Orthez et de
Sault-de-Navailles. Ce ne fut à Peyre, qu'un long cri de surprise. La
municipalité se faisant alors le porte-parole autorisé de la famille en
deuil,
écrivit au curé de Bassercles pour lui montrer l'effet désastreux
produit sur
la population par ses prétextes d'absence que seul son devoir
professionnel
l'empêchait d'invoquer. Mais la lettre manqua son destinataire parti,
comme il
l'avait annoncé, pour la foire voisine. Et alors, en désespoir de
cause, devant
l'état de décomposition du cadavre, le maire dut présider l'enterrement.
*
* *
Le
29 mars 1793,
les Tribunaux du District demandèrent aux communes
de dresser l'inventaire des biens d'église, et d'apporter dans les
caisses de
la Nation, les richesses de tout genre ayant appartenu jusque-là aux
paroisses : c'était, mais un peu tardivement exécuté, le décret de
l'Assemblée Constituante du 21 décembre 1791, portant confiscation des
biens du
clergé, et les mettant en vente sous le nom de biens nationaux.
*
* *
Des
jours mauvais vont se lever maintenant pour les
armées françaises. Attaquée au nord et à l'est par les Anglais, les
Autrichiens
et les Prussiens, au sud par les Espagnols, la Convention décrètera la
levée en
masse des jeunes gens et hommes capables de servir, de 16 à 45 ans.
Hélas, les
munitions, les vivres, manqueront partout ; et les troupes
commandées par
des chefs incapables, seront envoyées à la mort avec une prodigalité et
une
cruauté sans exemple.
Le
25 avril 1793,
Jean-Pierre Labat, adjudant-major de la
Garde-Nationale du canton de Hagetmau monta à Peyre requérir une force
armée,
pour courir au devant des Espagnols qui venaient, l'avant-veille,
d'envahir la
frontière et d'emporter la redoute du parc de Béhobie, près d'Hendaye.
Aussitôt, le tocsin appela à la mairie tous les hommes susceptibles de
porter
les armes, et un registre fut ouvert pour l'inscription immédiate des
volontaires. Les choses en étaient là, quand arriva d'Ustaritz un appel
adressé
à tous les procureurs syndicqs des Landes, daté de Bayonne le 23
avril :
« Notre territoire est envahy. Le général servant vient de nous
annoncer
qu'après un feu qui a duré depuis 3 heures du matin jusqu'à une heure
de
relève, l'ennemi s'est rendu maître du chemin par lequel il peut aller
et
marcher sur Bayonne. Nous vous conjurons, citoyens, de faire arriver
sans délai
à Bayonne autant d'hommes bien armés qu'il est possible, et en outre
tous les
fusils de guerre que vous pourrez vous procurer. La liberté est en
péril ;
sauvons-la en écrazant les tirans et leurs satelistes. »
Cet
appel était à peine entendu, que Jean Catalogne,
dit Héourè, cultivateur, vint apposer son nom sur les listes de
volontaires.
Quelques jours après, le 9 mai, imitant son exemple, se présentèrent à
la
mairie les jeunes gens de Peyre pour faire partie du contingent demandé
par
Dubalen et Dartigoeyte au nom du Comité de Salut Public, pour le
bataillon de
Saint-Sever. Les noms furent tirés au sort : Jacques Dunoguier, de
Larcoutè, chirurgien ; Jacques Camescasse, de Poyanne ;
Jacques
Camescasse, dit Massétat ; Jean Dauga et Pierre Costedoat,
domestiques à
Cournet ; Bernard Destaillats, à Estèben ; Jean Molia, du
Poücht.
A
leur tour, dans un élan patriotique et à une heure
où le danger rapprochait tous les cœurs, les habitants donnèrent du
blé, du
foin, de la paille, du bois, de la charpie, et en général tout ce qui
pouvait
être utile à la subsistance militaire des hommes en campagne.
74
fusils dont 14 susceptibles de porter la
baïonnette, 44 chevaux prêts à être équipés furent déclarés à la
mairie, ce
pendant que 47 hommes et jeunes gens de 18 à 40 ans étaient inscrits
d'office
sur les listes de recrutement.
—
Aux émeutes et insurrections de 1792 avaient
succédé des jours mauvais pour la Patrie ; il fallait des soldats
pour
défendre les frontières, il fallait surtout des vivres et des
équipements pour
les armées.
L'impôt
du sang coûtait cher aux familles, les
réquisitions multipliées finissaient par amener partout la plus
désolante
misère ; mais les procureurs syndicqs de Sr-Sever demeuraient
intraitables ; « sy hon n'arrive pas jusqu'à vendredy soir au
plus
tard, nous désignerons nous-mêmes les citoyens à marcher »
écrivaient à
cette époque Dubalen et Dartigoeyte aux édiles de Peyre.
Et
ce furent alors, bon gré mal gré, des équipes de
25 et 30 bouviers mobilisées à la fois pour se rendre à Mont-Adour
(St-Sever),
à Orthez, parfois même à Peyrehorade ; elles étaient conduites par
Canguilhem, Costedoat-Cournet et Daubagnan-Sallet. — Pour la seule
année 1793,
ceux-ci remirent aux magasins des subsistances militaires : 23
quintaux de
froment ou farine de méteil, 8 quintaux de maïs, 13 charettes de foin,
de
l'avoine, « toutes les vaches vieilles pour le 18e
Dragons », des sabots, tout le bois nécessaire à la confection des
crosses
de fusil ; ils durent, une fois par mois, fournir un bouvier, au
district
de St-Sever, avec bœufs et charrette ; et ce « sous peine
d'être
déclarés suspects et de se voir appliquer les mesures
révolutionnaires. »
C'était,
on le voit, la manière forte dans toute sa
rigueur.
Mais
bientôt, la population, privée des choses
indispensables à la vie, dût implorer l'aide des pouvoirs publics.
C'est ainsi
que le 11 messidor an II (30 juin 1793) ordre fut donné par Mont-Adour
d'aller
prendre à Dax 85 quintaux de maïs à distribuer comme suit : 1
livre aux
travailleurs, ½ à tous les autres citoyens Jean Forté du Trouilh
et
Barthélemy Sarramone allèrent chercher livraison. — le 25 messidor (13
juillet)
le maire Dubern se rendit à St-Sever pour lever 38 livres de savon.
Pour
remercier le District, il remit aux représentants du peuple, pour les
besoins
de l'armée, « 36 linceuls de lit donnés par les bons républicains
de la
commune. »
— A
quelque temps de là, le 21 thermidor (9
juillet) Bernard Mimbiolle fils aîné du Régent et Bernard Costedoat,
cadet de
Cournet, s'offrirent à partir pour Hagetmau travailler au lessivage des
terres
salpêtrées et « pour apprendre à fabriquer ledit fulminant destiné
à
foudroyer les tirans. » — Imitant leur exemple, Jean Lalanne, de
Doussine,
s'engagea dans la salpêtrerie de St-Sever, et quelques semaines plus
tard, le
28 vendémiaire (19 octobre) « vu sa capacité et son
intelligence »
fut envoyé monter, à Peyre même, et sous le contrôle de la
municipalité, un
atelier modèle, « destiné à lessiver les terres avec succès. »
*
* *
On
sait comment, grâce à la valeur militaire et au
sens pratique de Carnot, la France put triompher de ses divers
ennemis :
les victoires de Hondschoote et de Wattignies sur les Anglais et les
Autrichiens (1793), la conquête des Pays-Bas et de la Hollande, celle
de la
Catalogne et de la Navarre (1794-95), rendirent au pays tout son
prestige, mais
ne marquèrent véritablement la fin de la coalition, qu'en 1795, par les
traîtés
de Bâle et de La Haye.
*
* *
Ce
Calendrier compta du 22 septembre 1792 et fut
officiellement supprimé l'an XV de la République, en 1806.
Depuis
la pénible et surprenante incartade du curé
de Bassercles, Peyre était demeuré sans pasteur. Mais le parti du jour,
désireux de donner des gages à la Révolution, implanta dans la paroisse
un
autre curé jureur, nommé Lassalle,
natif de Lescar.
Des
bruits tendancieux couraient sur son compte et
on allait jusqu'à dire qu'il n'avait jamais reçu les Ordres. Avec une
audace
incroyable, il s'efforça de faire sur sa personne œuvre de conciliation
locale,
promettant beaucoup, mais donnant aussi des signes non équivoques
d'attachement
à la Constitution. De cette Constitution, il fut à Peyre l'agent le
plus actif
et le plus remarqué. Ainsi, on raconte qu'après les assemblées de
l'église, le
jour de la décade, ce malheureux ouvrait la danse du « Ça
ira »
autour de l'arbre de la liberté planté dans la basse-cour du
presbytère.
D'autres fois, il arrêtait les promeneurs que scandalisaient ces
folies, et il
les obligeait à faire le tour de l'arbre, s'ils ne voulaient pas passer
pour
suspects aux yeux des partisans du régime.
Un
tel autocrate ne pouvait manquer d'amener la
révolte de l'esprit public. Déjà, certains indices laissaient entrevoir
de
pénibles réalités ; craignant donc qu'un beau jour la lumière ne
se fît
sur ses origines et ses multiples tractations, Lassalle quitta
brusquement la
soutane, et rentra dans la vie civile. Le 30 Novembre 1793, il écrivit
aux
agents municipaux de Peyre cette lettre qui met à nu toute sa vilenie,
et fait
grand mal au cœur :
« Citoyens,
conformément aux vœux d'une nation
libre, je me suis déprêtisé, mes titres ont promis à la Commission
Centralle.
Recevez ma démission, et, d'après le serment que j'ay fait de ne plus
servir
comme prêtre dans la République, Salut et fraternité. »
Lassalle
avait à peine quitté Peyre, qu'il s'en
allait inaugurer une vie d'aventures, à Aurice, avec un nommé Marromes,
comme
lui de Lescar.
*
* *
— Le
7 prairial an III, (28 mai 1794) fut
dressé à la mairie de Peyre le compte exact des assignats portant
empreinte de
la royauté, de 5 livres et au-dessus, démonétisés par la loi du 27
floréal (16
mai) en dépôt dans les caisses de la commune. On y trouva : 2
assignats de
50 livres, 6 de 25, 119 de 5, et une seconde fois le 17 fructidor (4
septembre), 138 assignats de 5 livres, 1 de 25 et 600 livres en valeurs
diverses.
En
1795, on trouvait à Peyre : 60 bœufs, 40
vaches, 50 veaux, 27 chevaux, 2 mulets, 180 moutons, 12 chèvres, 82
porcs. Les
biens particuliers comprenaient : 105 arpents de froment, 135 de
maïs, 12
d'avoine, 5 de fèves, 5 de pommes de terre, 39 de châtaigneraies, 58 de
prairies naturelles, 60 de pâturages, 29 de lin, 35 de vignes.
(Archives
municipales)
*
* *
— Après
les jours sanglants de la Terreur où,
au dire des historiens (Histoire de France, Mame, pag. 520) plus de
300.000
victimes périrent, sans compter celles qui moururent de misère et de
faim, les
esprits souhaitaient le calme et la tranquillité. Au dedans et au
dehors, tout
reprenait une marche régulière, et seuls les révolutionnaires furieux
de leur
défaite, s'essayaient péniblement à troubler l'ordre public et à semer
l'épouvante. Sans doute, les prêtres souffraient encore ; mais ils
trouvaient aussi dans le dévouement et la profonde affection de leurs
ouailles,
de quoi adoucir leurs souffrances, peu à peu ils apparaissaient au sein
de
leurs populations. Le 9 nivose an V
(29 décembre 1796), 19 citoyens de Peyre écrivirent à l'agent
municipal :
« Désirant
jouir de la liberté du culte qu'ils
professent et ce conformer à la loi du 7 vendémiaire sur la polisse des
cultes,
article 17, déclarent qu'ils entendent vouloir pour l'exercice du culte
catholique l'enceinte de la cy-devant église de lad. commune, et
demandent
qu'il leur soit donné acte de lad. déclaration ». Mais la paroisse
n'avait
plus de curé : M. Monge était mort en exil, et ses successeurs,
tous
constitutionnels, avaient disparu depuis plus de trois ans. Les
véritables
pasteurs restés par delà les frontières, n'osaient encore reprendre
leur
houlette, craignant à juste titre qu'une saute de vent politique,
n'emportât
après elle le fragile état de choses : c'était donc pour la
paroisse une
situation des plus tristes, et tous réclamaient un curé à demeure. Les
municipaux s'en furent alors solliciter deux prêtres du
voisinage ; et le 27 nivose an V (17 janvier
1797) l'Abbé
Bernard Ducournau, prêtre catholique du Placiat de Monségur, l'abbé
Thomas
Dupin, également prêtre catholique, acceptèrent de servir la paroisse.
Ils
firent auparavant devant l'agent municipal de Peyre, la déclaration
suivante
demandée par la loi, et qui sauvegardait leur liberté : « Je
reconnais que l'universalité des citoyens français est le souverain, et
je
promets soumission et obeyssance aux lois de la République ». Nous
n'avons
pas à dire si cette formule renfermait un piège, et si elle impliquait
la
reconnaissance de tout ce qui s'était fait depuis 1789. Enfin, l'an
VIII (1799)
apparut la Constitution du Consulat, par laquelle Bonaparte désirant
recouvrer
la paix avec l'Eglise, engagea avec le Pape Pie VII des négociations
qui
aboutirent à la signature du Concordat (15 juillet 1801). L'année
suivante, en
la fête de Pâques (18 avril 1802) la cérémonie du rétablissement du
culte
catholique eut lieu à Paris, dans l'église Notre-Dame, devant les
consuls et
tous les grands corps de l'Etat.
Le
premier curé de Peyre après la Révolution, fut
l'abbé J. B. Dastugues.
*
* *
QUELQUES
RÉCITS
DES
TEMPS DE LA RÉVOLUTION ET DE LA
TERREUR
A
PEYRE
----:---
Parmi
les lois votées par la Convention, se trouvait
celle redoutable entre toutes, appelée Loi des Suspects. Elle
permettait de
prendre, de jeter en prison et de déférer à la justice toute personne
soupçonnée de regretter l'Ancien régime, de détester la République ou
d'en
vouloir à ses représentants. Les suspects devaient aussitôt comparaître
devant
le tribunal révolutionnaire dont la sentence était sans appel ; et
là, de
pauvres malheureux à qui était refusé le droit le plus élémentaire de
se faire
entendre, étaient condamnés à mort, sans même savoir souvent le vrai
motif de
leur arrestation. Ce fut le gouvernement de la Terreur, qui dura du 31
mai 1793
au 24 juillet 1794, et qui fit peser sur la France la plus honteuse et
sanguinaire tyrannie dont l'histoire ait conservé le souvenir.
*
* *
Dans
les listes de suspects dressées par la
Commission de Saint-Sever (appelé alors Mont-Adour), de mars à avril
1794,
figuraient 127 noms, appartenant tous à l'aristocratie des Landes.
Quiconque
était prévenu d'intelligence avec les prêtres réfractaires et les
émigrés,
quiconque passait pour chercher à avilir ou à faire méconnaître la
Représentation nationale, devait passer devant la Commission et se voir
appliquer les peines portées par la loi.
Parmi
les suspects, et détenu en ce moment dans les
geôles d'Etat, se trouvait la famille J.
Bte Laborde-Pédeboulan, d'Audignon. Nous la citons, ici, parce
qu'elle nous
touche de plus près, en raison des liens qui l'attachèrent par la suite
à la
maison de Peyrondine, à Monget.
M.
Laborde, sa femme, et leur fille, une toute jeune
enfant de 14 ans, étaient donc en prison. Ils y attendaient, résignés
et
confiants, l'heure fatidique qui devait les amener, non pas au couperet
sanglant, mais simplement à paraître sur la guillotine, devant le
peuple de
Saint-Sever. Elevés dans la crainte de Dieu et dans le culte des
vieilles
traditions, les trois condamnés voyaient déjà leur châtiment combler de
joie
farouche, la meute des révolutionnaires. Par bonheur, la Providence
veillait.
En effet, le lendemain même où le Tribunal décidait la comparution des
Pédeboulan sur la Place du Tour du Sol, à Mont-Adour, Robespierre, à
Paris,
montait à l'échafaud avec quatre de ses complices. C'était la fin de la
Terreur.
Le
29 juillet 1794, les prisons de Saint-Sever
s'ouvraient toutes grandes aux suspects, et les Laborde retrouvaient
leur
liberté.
Mlle
de Pédeboulan, l'ancienne détenue, se maria
plus tard avec M. Castéra, du château de Peyre.
*
* *
Nous
avons vu plus haut qu'avec la levée en masse
demandée par la Convention, tous les objets du culte avaient été
réquisitionnés
pour les besoins de la Nation : les cloches des églises, sauf une
par
commune, durent être remises loyalement et sans retard, aux districts
respectifs. C'est ainsi que Peyre dut en fournir 2, et Monget 1.
On
raconte qu'en cette circonstance, un Mongetois
chargé de donner livraison, fut assez mal reçu par les Syndicqs de
Saint-Sever.
Le procureur, voyant qu'il avait affaire à un homme des champs mais
d'un air
très honorable, le dévisagea d'un air sévère, et lui dit ainsi :
« Vous êtes un aristo, vous ! Vous irez à la guillotine, tout
simplement, comme les autres ! » L'infortuné fou de
désespoir, se mit
à parcourir la salle, à appeler à grands cris sa femme et ses
enfants ; si
bien, que le fondé de justice, pour éviter un malheur, crut bon de le
calmer et
de lui faire entendre raison. « Citoyen, lui dit-il, aujourd'hui
nous
avons une loi, et il faut obéir ; demain, il y en aura une autre,
et il
faudra obéir. Allez ! Retirez-vous ! Et dites partout : Ça
ira ! »
(Archives
Paroissiales)
*
* *
— Le
23 mai 1793, vers midi, le bruit courut et
« le tocq sein même feut sonné » que les ennemis de la
République
étaient à Castaignos, massacrant tout sur leur passage. Sans perdre un
instant,
80 hommes se mirent en campagne, armés de fusils, de faux, de serpes,
de
volants, de fourches, « afin de se déffendre de ces tirans et leur
téméraire entreprize ». Et l'on arriva à Argelos où la population
bien
calme et bien tranquille ne fut pas peu étonnée de voir nos guerriers
nouveau
genre, dévaler en trombe vers le Luy, à la rencontre des rebelles.
Convaincus,
non sans peine, qu'ils venaient d'être
les victimes d'un mauvais plaisant, ils rebroussèrent chemin, assez
confus, au
fond, de leur inutile et fatigante équipée. Or, le lendemain, on apprit
à
Peyre, à l'indignation générale, qu'un certain nombre de partisans
revenus ou
passés par Lataillade, étaient entrés
dans la maison, et en avaient emporté... une barrique de vin.
Naturellement,
les voleurs partirent sans déposer leur carte.
Il
faut croire que le soleil de la veille avait
asséché leurs gorges, ou, qu'en tout cas, nos révolutionnaires avaient
une
façon tout-à-fait spéciale de remonter leur cave à peu de frais, chez
leurs
concitoyens.
*
* *
Douce
époque, n'est-il pas vrai, que celle où la
force musculaire prétendait avoir raison des jeunes et paisibles
citoyens de
l'endroit.
*
* *
Il
fut un temps où les municipalités supprimèrent
tout usage des cloches, sauf pour l'annonce des assemblées de la décade
et les
cas de danger public ; plus d' « angélus » pendant la
journée,
plus de joyeux carillons pour les enfants nouveau-nés, plus de glas
funèbre
pour les chers disparus. Or, les populations s'accommodaient mal de cet
état de
choses, et rien ne leur semblait plus triste que ce lourd silence
planant des
hauts clochers et ne réveillant plus les échos d'alentour.
Le
12 messidor
an IV (1 juillet 1795) sur l'heure de midi, voilà que les cloches
de Peyre
se mirent longuement à sonner, comme pour appeler à l'incendie. On
accourut de
partout, en hâte, dans l'angoisse : mais de sinistre, point... Le
sonneur
avait bien tout prévu et admirablement préparé son affaire : le
matin, en
effet, il avait vu partir l'agent municipal, Lalanne-Hountagniou, au
marché de
Sault-de-Navailles ; il savait, d'autre part, que l'adjoint était
à dîner
chez le citoyen Géresse de Laglère, à Mant. On disait depuis longtemps
que la
serrure de la porte attendait chez le forgeron une nécessaire
réparation, et
que l'église restait, jour et nuit, à la disposition du premier
malandrin :
il était donc facile de se substituer sans trop de peine au benoît
officiel ; il ne fallait qu'un peu d'audace. De retour à Peyre,
agent et
adjoint instruisirent l'affaire. Ils mandèrent d'abord François du
Noguier
Cayan, sonneur attitré et voulurent savoir pourquoi, et par quel ordre,
il lui
avait plu d'alerter inutilement la population.
— « Mais
je ne suis pas entré ce jour-là
dans l'église, et vous ne pouvez me reprocher ». — « Et
alors ? » — « J'ai entendu sonner, c'est vrai, mais ce
n'était
pas le tocsin ; c'était l'angélus « de la manière qu'on
sonnait
autrefois midy ». J'ai couru comme les autres et rencontrant une
femme, je
lui ai demandé si elle connaissait l'auteur de l'incident ; et
elle m'a
dit que c'était le cadet de Latéoulère, surnommé Ménot ».
Pauvre
Ménot ! A son tour, il fut invité à
comparaître devant l'aréopage municipal ; il s'expliqua, se
défendit, et
ne manifesta aucun regret pour l'exploit qui lui avait si bien réussi
et qui,
au fond, lui avait valu l'approbation de toute la paroisse.
Et
procès-verbal fut dressé, qui eut son dénouement
devant le juge de Hagetmau.
*
* *
En
fin de compte, le Tribunal ne put trouver aucun
chef d'accusation, et l'abbé du Placiat échappant aux mailles des
filets
révolutionnaires, s'en revint dans sa retraite des bords du Luy, entre
Peyre et
Monget.
*
* *
Enfin,
voici un dernier fait raconté dans nos
Cahiers Paroissiaux.
A
l'époque qui nous occupe, il n'était pas rare de
voir nos paisibles populations, en butte aux plus bas instincts de ceux
qu'on
appelait alors « les purs », c'est-à-dire les démolisseurs du
trône
et de l'autel, les bourreaux des saines et respectables traditions
familiales.
C'est
ainsi qu'un jour, les terroristes de Peyre se
présentèrent dans une maison nommée Lataillade (entre Lucq et Cournet),
et
sommèrent le maître de leur donner sans riposte, une barrique de vin.
Comme
bien on pense, ce procédé ne fut pas du goût de la famille ; mais
il
fallut s'exécuter sous la menace de sévices terribles. Et le vin fut
amené au
presbytère. Là, racontent nos Livres, pendant deux jours les citoyens
de Peyre,
prenant exemple sur le pseudo-curé Lassalle, présent à la distribution,
« se gobergèrent amplement ». L'histoire ajoute, comme suite
à cette
affaire : que le bouvier chargé du transport fut plus tard obligé
de payer
de sa poche, la marchandise scandaleusement emportée de Lataillade.
______________
É P I L O G U E
_______
A
cette heure où tant de souvenirs revivent devant
nous, et où défile à nos yeux l'image de tant de cœurs qui firent la
paroisse,
il nous semble que nous ne pouvons manquer d'être compris par ceux dont
nous
avons aujourd'hui charge d'âme. Ces pages ont été écrites pour
eux :
qu'ils les gardent et aiment les relire. Elles leur apprendront à se
montrer
dignes de leurs pères et des nobles traditions dont ceux-ci furent si
justement
jaloux : elles leur rappelleront qu'ils se doivent de former à
leur image,
ceux qu'ils ont pour mission de conduire au bien et à l'honneur
chrétiens : là sera leur mérite et leur consolation. — Et nous
voulons
espérer que ni le mal qui souffle sur les âmes, ni l'actuelle
irréligion qui
fait tant de victimes, ne sauront prévaloir contre les droits
imprescriptibles
de Dieu et la ténacité d'une noble conscience.
Malgré
le conflit des idées qui se partagent le
monde, malgré le fol orgueil de tant de faux prophètes, l'histoire de
20
siècles proclame l'infaillible garantie des promesses du Christ. Malgré
tout,
malgré tous, pour le bonheur et la gloire des hommes, vers l'avenir des
plus
doux espoirs, nous le disons bien haut, la Religion et notre chère
communauté
de Peyre passeront... quand même.
R.
LAMAIGNÈRE,
Août 1927.
Notes :