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A tu Pedat !
En Chalosse et Tursan, rapport à la notoriété,
cet air de course landaise peut être classé immédiatement après
« la
Cazérienne ». Il était entonné par le public, pour encourager ou
fustiger
quelque écarteur ou amateur réticent à venir au centre de la piste.
Malheureusement, depuis la généralisation du microphone et des
haut-parleurs,
le public n’a plus droit à la parole, on ne manifeste plus son
enthousiasme ni
son dépit, on ne crie plus sur les gradins, on n’y chante plus. Le
mardi des
fêtes de Doazit, pour la course des cuisinières, on entendait « A
tu
Pinoute[3]
aquera qu’es la toa,... ». Ailleurs, c’était « A tu Gerard[4]... »,
« A tu Pradet[5]... »,
« A tu Forsans[6]... »,
« A tu Penasse[7]... », ...
Une chanson au titre fluctuant, donc !... et c’est peut-être ce
qui permit
son succès. Mais sur les cartons de la Société Musicale, le titre
demeure,
indélébile, « A tu Pedat ! ».
Voilà un hommage à un écarteur, qui
vaut bien tous les noms de rue, médailles ou biographies. Et pourtant,
au bas
de l’article de Gérard Laborde consacré à Pédat, la rubrique
« hommage » est restée vierge ! Nous avons donc résolu
d’apporter
ce complément.
L’homme
Maison "Pedat", Hagetmau - 10/10/2013 |
Lors de son passage
devant le
Conseil de Révision, il est déclaré « bon » (pour le
service) ;
il est alors cultivateur, et réside à Hagetmau. Sa fiche de recrutement
militaire[8]
nous renseigne sur son physique : cheveux et sourcils noirs, yeux
châtains, front découvert, nez moyen, bouche moyenne, menton rond,
visage
ovale, marques particulières néant, taille 1,65 m ; mais aussi sur
son
tempérament, au travers des condamnations mentionnées : pour
« bris de clôture » (1901) ; pour « coups
volontaires » (1906) ; pour « coups volontaires et
outrages à
garde-champêtre dans l’exercice de ses fonctions » (1906) ;
pour
« outrage par menaces envers un supérieur » (1916).
Rappelé pour la
mobilisation
générale, il est réformé le 15 août 1914 pour « perte de la vision
de
l’œil gauche avec déformation ». Il est néanmoins classé service
auxiliaire le 11 juin 1915, et rappelé le 5 septembre 1915. Il est
attaché à
l’Arsenal de Tarbes le 18 avril 1916. Il est démobilisé le 10 mars 1919.
C’est à Samadet qu’il passera la
majorité de sa vie. Pedat résidait et était commis chez Léon Moncoucut
aubergiste
(charron, maréchal ferrant, hôtel, café, restaurant) au bourg de
Samadet.
Lorsqu’il se fâchait, ce qui arrivait souvent, il partait quelques
temps habiter
chez Paul Dubéguier, dit « Paul de Joie », négociant en
vaches
laitières à Samadet. Il travaillait pour le gîte et le couvert ;
il
n’avait jamais d’argent. Aussi, lorsqu’il toucha une retraite
certainement très
modeste, et conscient d’avoir durant sa vie déployé peu de fougue pour
travailler, il disait : « Tant que paguin un feniant com jo,
n’anirà
pas miélher en França ».
Mme Jeanne Soum, de Samadet, nous l’a
décrit comme un « petit omiòt,
menu », et Jacky Lafitte nous a raconté avec un plaisir
non
dissimulé ses frasques innombrables, tours pendables ou réparties
grivoises.
Juste une anecdote choisie parmi les moins crues : chargé d’aider
une
voisine âgée à tuer une dinde, il la tenait
par les ailes et les pattes, lorsque, la dinde à moitié saignée,
il
lâche les pattes qui s’agitent tant qu’elles peuvent. Il demande
alors : « E vos
Marià, e las hasèvatz anar las camòtas atau, quan
èratz joena ? ».
Pensionnaire à l’Hôpital-Hospice de
St-Sever, Pedat est décédé âgé de 80 ans, au Cap de Gascogne, rue de la
Guillerie, le 1er février 1961.
L’écarteur[9]
En 1911 il est
classé 41ème,
avec 395 F. Le 2 juillet 1911, à Auch, « le bûcheur Pédat »
décroche
le premier prix de 70 F[10]
;
et une honorable 5ème place à Tartas, derrière Giovanni,
Fillang,
Meunier et Lalanne, lui rapporte 45 F[11].
En 1912 il est à nouveau classé 38ème,
mais avec seulement 270 F de gain. En octobre 1912[12]
il fait partie de la quadrilla attachée au ganadero de seconde, Casimir
Duluc
de Mant, dont il sera le chef pour la saison 1913.
Nous
n’avons pas trouvé en quelles
circonstances il perdit son œil gauche, avant 1914. Il lui aurait été
enlevé
par une pointe de corne entrée par la bouche[13].
Sa carrière se
poursuit quelques
saisons après la Grande Guerre, chez les ganaderos Boulin-Paou de Hagetmau, et
Darnaudet de Momuy.
(Voir sur le blog de YPF, le programme des fêtes de Pontix (St-Sever)
: « corrida landaise » du 13 septembre 1925, au Barat, troupeau de M.
Boulin-Paou, avec « Pédat » à l'affiche ; et en prime, une superbe
photo des arènes du Barat.)
Pour expliquer
ses déboires
d’écarteur, il avait coutume de dire : « Si n’èi pas pintat qu’èi
paur, e
quan èi pintat que’m hèi gahar ! ».
La
chanson
Si toutefois ce texte avait bien un
auteur, trois des personnes interrogées ont cité spontanément le nom
d’Andrée
Lahon ; mais il est vrai qu’on ne prête qu’aux riches. Cette
Andrée Lahon[14]
est en effet connue à Samadet pour avoir été « un peu
poète », et
surtout pour avoir écrit au moins une chanson de course landaise,
intitulée
« A
Monsieur Barrère et sa Cuadrilla »,
signée « Une Tauromachette
Samadetoise », imprimée sur des prospectus qui furent
probablement
distribués à l’occasion de la course de Samadet de 1921.
Pour recueillir les paroles, nous
avons interrogé plusieurs dizaines de personnes que nous remercions,
mais nous
ne pourrons citer ici que celles qui ont apporté les réponses les plus
intéressantes.
Comme
déjà dit, le premier vers est très connu et, à part le nom de
l’écarteur, n’a
pas de variantes :
-
« A tu
Pedat, aquera qu’es la toa ».
Le
deuxième vers rime avec le premier, soit par le mot « paur »
(prononcer « pou » [’pu] =
peur), soit par le mot « aunor » (aounou
[aw’nu] = honneur) :
-
« Escarta plan, n’agis pas
paur » (Andrée Bats, Samadet).
-
« Escarta plan, qu’auràs lo
prètz d’aunor » (Pierrot Bordes,
Hagetmau).
-
« Escarta plan, te’n tiraràs
en aunor » (Josette Dubedout, et sa sœur
Pierrette Bats, Hagetmau).
-
« Escarta-la, e n’agis pas
paur » (Paul Deyris, ganadero, Amou).
-
« Escarta-la, e ne l’agis
pas paur » (Claude Larrère, Samadet, et souvenirs
personnels).
-
« Escarta-la, e sòrt-te’n en
aunor » (Robert
Piraube, St-Loubouer).
-
« Escarta-la, qu’auràs lo
prètz d’aunor » (Marcel Dunoguier, Samadet).
-
« Escarta-la, que-t sauvaràs
l’aunor » (Hubert Baillet, musicien,
St-Sever).
-
« Vè-i suu mus, e ne l'agis pas paur » (Francis Marsan, musicien, Montaut).
-
« Vèn-i shens paur,
tira-te’n en aunor » (Jacky Lafitte, Samadet).
-
« Vèn-i, vèn-i, aquí si n’as
pas paur » (Raoul Daudignon, tauromache,
Laurède).
-
« Escarta-la e ne l’agis pas
paur,
Trabalha
plan qu’auràs lo prètz d’aunor » (Roger Laborde,
tauromache, Doazit).
Une
seule personne nous a donné 4 vers, mais le dernier est une reprise du
premier,
ce qui (avec 2 pieds de trop) ne cadre pas bien avec la musique :
-
« Escarta-la, e n’agis pas
paur
Si
tu as paur, unh aut qu’i anerà
A
tu Pedat aquera qu’es la toa ». (Gilbert Laloubère, dit
Penasse[18],
Hauriet).
o-o-o-o
Si vous, lecteur, connaissez quelques
autres morceaux ou variantes de cette chanson, vous pouvez nous en
faire
profiter en écrivant à l'auteur. Une
photographie de
Pedat
serait également la bienvenue.
o-o-o-o
Sans perdre l’espoir que les paroles
d’origine soient un jour retrouvées, mais passablement déçu par le
résultat de
nos recherches, nous avons imaginé une chanson complète en réutilisant
la
matière collectée, mais sans aucune garantie quant à la forme ni même à
l’esprit de la chanson originelle, si
tant est qu’elle ait existé :
|
-
Partition
au format Myriad (.myr)
-
Partition
(sans les paroles) (.gif)
-
Partition
(avec les paroles recréées) (.gif)
En plus des personnes citées dans le
texte, nous remercions celles et ceux que nous avons sollicités
à
divers titres, qui nous ont renseigné, servi d'intermédiaires, guidé,
conseillé, encouragé,... : Pierrot et Bernadette Costedoat
(Samadet), Michel Marsan (Hagetmau), Marie-Christine
Labat (Hagetmau),
Karine
Laborde (Pontedera), Annie
Laffitte-Minvielle (Seignosse), Jean Barrère (Escalans) et plus
particulièrement Jacky et Nicole Lafitte, sans oublier Monique Soum
(Samadet)
présidente de l’ACTS.
Philippe Dubedout –
janvier 2014
DEÉL :
Dictionnaire
encyclopédique des écarteurs landais,
Gérard Laborde, Éditions Gascogne, 2008, 558 pages.
[1] Dictionnaire
encyclopédique des écarteurs landais,
Gérard Laborde, Editions Gascogne,
2008, 558 pages.
[2] Cet air était
certainement au
répertoire de beaucoup d’autres cliques ou harmonies, mais c’est la
Société
Musicale Ste-Cécile de Doazit que nous avons fréquentée -
malheureusement trop
peu - avant 1970.
[3] Pinoute : surnom
de Jeannot
Dubernet (†2012), de Horsarrieu, vacher du ganadero Joseph Labat.
[4]
Gérard Saqueboeuf : écarteur ;
(†2013) ; voir DEÉL p.223.
[5] Pradet :
écarteur amateur,
de Nerbis.
[6] Marcel Forsans :
écarteur ;
voir DEÉL, p.207.
[7] Penasse : surnom
de Gilbert
Laloubère, de Hauriet, écarteur, sauteur, teneur de corde ; voir
DEÉL
p.227.
[8] Archives des landes en ligne : Fonds numérisés / Généalogie / Recrutement militaire / Bureau : Mont-de-Marsan / Classe : 1900 / Typologie : Registres matricules / Matricules 1001 à 1780 / côte 168 W 3 / vues 331 à 333/1392.
[9] Principalement
d’après Gérard
Laborde, DEÉL, p.446 ; on s’y reportera pour plus de détails. Pour
les
classements et statistiques : Journal « La Course
Landaise » n°1
du 21/01/1912, et n°2 du 02/02/1913.
[10] L’Express
du
Midi, 5 juillet 1911, édition régionale 2 (Gers ?), p.3, colonne d.
[11] Journal « La
Course
Landaise » n° ??, 1911.
[12]
L’Express du
Midi, 9 octobre 1912,
édition régionale 3 (Gers ?), p.3, colonne d.
http://images.expressdumidi.bibliotheque.toulouse.fr/1912/B315556101_EXPRESS_1912_10_09.pdf#search="Pédat"
[13] Rapporté par Jacky
Lafitte.
[14] Jeanne Andrée Lahon,
est née le
16 avril 1901 à St-Sever où habitaient alors ses parents, Henri Lahon,
cocher,
et Justine Coulat, ménagère, mariés à Samadet en 1899 où ils
reviendront avant
la naissance de la sœur cadette : Marthe-Joséphine Lahon, dite
Yvonne, née
à Samadet en 1909. Andrée était
infirmière, mariée en 1958 à Marcel Henric, médecin militaire. Elle est
décédée
sans enfants à Nîmes le 31 mai 1980.
[15] Pierre Bordes, de
Hagetmau,
actuellement Vice-Président honoraire de la Fédération Française de
Course
Landaise.
[16] Jacky Lafitte, de
Samadet,
ancien écarteur et toujours musicien ; voir DEÉL p.252.
[17] Giovanni Dionori, écarteur, dit « Gio » (Rome 1879 – Dax 1923) ; voir DEÉL p.228.
[18] Penasse : surnom
de Gilbert
Laloubère, de Hauriet, écarteur, sauteur, teneur de corde ; voir
DEÉL
p.227.
[19]
C'est en faisant tourner son mouchoir (ou d'un geste circulaire du
doigt) au-dessus de sa tête, que l'écarteur indique qu'il dédie l'écart
en préparation à tout le public.