Extrait du Bulletin de la Société de Borda, 1969, p.506 à 512.

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LE GRAND SAVANT JEAN DARCET

Doazit compte parmi ses enfants, le grand savant Jean Darcet. Mais il importait de donner une précision sur le lieu et la date de sa naissance. Le président Thouvignon nous conduit à la maison Labarrère et expose comment, contrairement aux affirmations des dictionnaires et de ses biographes successifs (8), Jean Darcet n'est pas né au Prouilh en 1725 ou en 1726, mais a été baptisé le 7 septembre 1724 à Audignon, ainsi qu'en témoigne un acte de baptême découvert en cette paroisse. Le parrain Jean Darcet est le juge seigneurial de Doazit ; l'acte de mariage des parents du futur savant mentionne la maison Labarrère, à Doazit, comme domicile. Là encore est morte, en 1728, la mère du célèbre chimiste...

Jean d'Arcet, né en septembre 1724, n'avait donc pas encore 4 ans, quand sa mère mourut à Labarrère, à la fin de juin 1728. Il a eu un frère, Christophe, né le 20 mars 1727 à Labarrère et qui mourut le 7 novembre 1730.

Puis son père François se remaria avec Jeanne-Marie Darbins, originaire de Samadet. Le premier né du nouveau ménage est du 15 avril 1737. A ce moment Jean d'Arcet, âgé de 13 ans 1/2, est au collège d'Aire ; depuis combien de temps ?

Il semble qu'on le trouve à Bordeaux, vers 1745, où Il aurait donné des leçons de latin et de grec et où il aurait étudié la médecine. Il était entré en relation avec Montesquieu qui en fit, sinon le précepteur de son fils J.-B. de Secondat, cependant de 8 ans plus âgé, tout au moins son compagnon et probablement son secrétaire.

Il serait devenu secrétaire de Montesquieu lui-même, avec lequel Il avait déjà fait un premier voyage à Paris, dès 1742. On l'y trouve en 1755. Montesquieu serait mort dans ses bras et ceux du jésuite Chastel. Darcet aurait entretenu chez Montesquieu, le goût des sciences, qui s'était déjà manifesté au début du XVIIIe siècle.

L'année suivante, la guerre de Sept ans éclatait. Darcet s'était lié avec un nouveau mécène, le duc de Lauraguais. Tous deux prirent part à la bataille de Hastenheck, en Saxe, où s'est trouvé également le chevalier Jean-Charles de Borda. En Saxe, Jean Darcet put-il percer le secret jalousement gardé de la composition de la porcelaine dure ? Le kaolin d'Yrieix sera découvert en 1768 et la porcelaine de Limoges en 1772...

Darcet aurait été reçu régent médecin en 1762, mais Il était chimiste autant que médecin et très doué pour l'application pratique de ses découvertes scientifiques. Il était très lié avec le pharmacien Rouelle, qui mourut en 1770. Agé de 47 ans, Darcet épousa l'année suivante sa fille, âgée de 18 ans, et acquit ainsi une certaine aisance.

Il aurait fait un voyage scientifique dans les Pyrénées en 1774 et y aurait rencontré le savant Monge, le futur créateur de l'Ecole Polytechnique. A cette occasion, si l'on en croit un ouvrage sur l'œuvre scientifique de Monge, et André de Laborde-Lassale, Jean Darcet serait venu à Doazit et y aurait réglé des questions d'intérêts.

En 1775, devenu professeur de chimie au Collège de France, Darcet aurait inauguré son cours par un " Discours en forme de dissertation sur l'état actuel des montagnes des Pyrénées et les causes de leur dégradation ".

Au collège de France, de 1784 à 1791, Darcet prit comme préparateur le chimiste Michel Dizé, né à Aire-sur-l'Adour, en 1764, dont il connaissait le père.

A la même époque Darcet fut en relation avec un autre mécène Philippe-Egalité, duc d'Orléans, qui s'intéressait vivement à ses expériences de chimie, notamment à la combustion du diamant, et les finançait.

Darcet fut directeur de la manufacture de Sèvres, Inspecteur général des essais des monnaies, inspecteur des ateliers de teinture des Gobelins...

Les relations qu'il avait eues avec Philippe-Egalité le compromirent sérieusement sous la Révolution. Est-il exact qu'il vint se réfugier à Doazit, pendant la Terreur. qu'il fit des expériences au Prouilh et y aurait découvert l'alliage fusible qui porte son nom ?

Le Conventionnel Fourcroy, autre savant, le défendit contre les dénonciations dont il était victime et le sauva.

C'est entre les bras de Dizé que Darcet mourut le 24 pluviôse an IX. Il avait été élevé à la dignité de sénateur. Il était associé surnuméraire de l'Académie des Sciences depuis 1784.

Tel est l'illustre savant dont peut s'enorgueillir justement Doazit. De nombreux renseignements sur sa carrière nous sont connus par Dizé. Mais. il conviendrait de les contrôler de très près. Ainsi les secrétaires perpétuels de l'Académie des Sciences nous ont signalé qu'il est inexact qu'il ait succédé à Pierre-Joseph Macquer, comme associé-chimiste.

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La grand-mère de Jean Darcet était une Labeyrie, peut-être seconde épouse du grand-père du savant. François Darcet eut six frères et sœurs.

Les habitants du Prouilh pouvaient être des proches parents du père du savant. Plusieurs Jean Darcet sont nés au Prouilh, dans le cours du XVIIIe siècle. Extraite des registres de l'église du Mus, nous trouvons notamment mention du baptême à la date du 14 mars 1726 de Jean Darcet, fils de Benoît et de Jeanne de Cès. Le parrain était Jean Labeyrie, maître chirurgien, de la paroisse et Jeanne de Lagrâce, dite Pémarque, habitante de la paroisse de St-Aubin. Nous pouvons préciser que Benoît n'était pas un des frères de François, père du savant, né du mariage de Jean Darcet, grand-père et de Marie Labeyrie.

C'est probablement cet acte de naissance qui avait conduit les biographes et les dictionnaires à faire naître le savant au Prouilh, en 1726.

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Doazit pourrait se nommer " Doazit-les-trois-Eglises ", puisqu'elle possède l'église du bourg, celle d'Aulès et celle du Mus. A ces deux dernières nous conduiront aujourd'hui M. l'abbé Rousseau et M. le colonel Massie. L'abbé Rousseau s'attache plus particulièrement à dégager la beauté de l'église St-Jean-Baptiste d'Aulès, siège d'un archiprêtré jusqu'à la Révolution, aujourd'hui bien solitaire. La partie la plus ancienne est l'abside avec ses arcatures, ses chapiteaux, ses graffiti que détaille avec beaucoup de compétence M. l'abbé Rousseau, notamment ce " lutteur " dont les formes sculpturales révèlent des influences de Saint-Sever. A l'intérieur se pose la question de la petite chapelle communiquant avec le porche et où se lit une inscription gothique du XVe siècle (9). La nef offre les apports successifs du XIVe au XVIIIe, siècle, faisant finalement de cette église un ensemble très complexe, mais de qualité. On y remarque également la sépulture de la famille de Broca-Perras, qui fut propriétaire du château de Candale, l'un de ses membres fut maire de Doazit et conseiller général du canton de Mugron.

Ainsi ce quartier d'Aulès, autour de son église romane, paraît antérieur à la fondation du bourg de Doazit, sur la motte du Ram, autour du château seigneurial, mais plus ancienne encore est l'occupation humaine du quartier du Mus. Le colonel Massie a fait une étude minutieuse du camp préhistorique, vaste enceinte de 6 hectares entourée d'un rempart qui subsiste encore dans toute sa longueur; ce " vallum " qu'on peut repérer sur le plan cadastral de 1810 peut être étudié " en coupe ", à l'entrée sud du camp, grâce à une sablière. A l'intérieur de l'enceinte sont à, signaler l'église de Saint-Martin du Mus et la maison à pans de bois, proche de l'église, qui était la demeure du seigneur cavier. Le colonel Massie signale les textes du XIIIe siècle faisant état de ces constructions, puis il trace un bref historique de leur évolution, insistant sur le rôle des Foix-Candale, qui avaient fait de l'église du Mus leur chapelle particulière et leur " Saint-Denis ".

Aussi, l'on est amené à parler plus particulièrement de l'illustre famille des barons de Doazit. MM. Ch. Blanc et Thouvignon pourront les évoquer avec plus de bonheur, dans le cadre du très beau château terminé en 1595, par Jeanne de Belcier, veuve de Jacques de Foix-Candale.

Le plan de Candale est très simple, rectangulaire (26 m x 22) flanqué anciennement de quatre pavillons d'angle, formant saillie. Sur les linteaux des fenêtres du Midi, figurent de curieux monogrammes, ornés de fermesses (10). Le corps de logis principal est coiffé d'un comble en flèche, possédant encore sa vieille charpente, en forme de carène de vaisseau renversé et sa couverture de tuiles plates.

La porte d'entrée, munie de curieuses ferrures, est ancienne. Elle était surmontée jadis des armes des Candale qui, martelées sous la Révolution, ont été remplacées par un simple écu de pierre, surmonté d'une couronne et tenu par deux lions.

Des quatre pavillons flanquant le corps de logis, trois subsistent encore. Le quatrième, celui du nord-ouest, abattu sous la Révolution, a été remplacé par une petite tourelle, en 1840.

Des douves qui entouraient jadis le château, il ne reste qu'une partie à l'est, ceinturant l'ancien jardin à la française et un petit pavillon, dont la charpente ancienne est l'exacte reproduction de celle du château.

M. Alain d'Anglade a traité, dans cette revue, des Foix-Candale (11). Le colonel Massie a évoqué leur séjour à la caverie du Mus, avant la construction de Candale.

Les Foix-Candale se succédèrent ainsi de père en fils, jusqu'à la Révolution. Euphrosine de Foix-Candale dut racheter son domaine à la... Nation, en 1796, pour la somme de 11.232 francs.

Seule survivante de la famille, Mlle de Maylis (surnommée ainsi en famille) vendit le château, le 4 décembre 1828, au trisaïeul de la propriétaire actuelle, notre collègue, Mme Louis de Gorostarzu. La famille de Jean-Jacques Broca-Perras était originaire de Doazit, où elle habitait une vieille gentilhommière, Perras, depuis 1573.

En 1838, J.-J. Broca-Perras, dont la devise familiale était PAX fit sculpter deux rameaux d'olivier au-dessus de la porte de Candale.

Mme de Gorostarzu reçut les excursionnistes avec son affabilité habituelle. Ils admirèrent le plan d'ensemble, se détachant nettement au milieu d'un parc entretenu avec soin, déchiffrant les fermesses sur les linteaux des fenêtres. L'on s'attarda dans les salons où maintes richesses sont précieusement conservées. Des rafraîchissements furent offerts avec une délicate attention que tous apprécièrent.

Et c'est à la nuit tombante que l'on se sépara, heureux d'une excellente journée, par un temps idéal et en se donnant rendez-vous au printemps prochain.

G. DESMOULINS et F. THOUVIGNON

 

(8) Voir " Précis historique sur la vie et les travaux de Jean Darcet ", dans A. PILLAS et A. BALLAND : Le chimiste Dizé, Paris 1906 et, auparavant, J. DUPOUY, .Nos Cahiers no 1, 1901 ; André de LABORDE-LASSALE, Une famille de la Chalosse, St-Sever-sur-Adour, 1902, p. 75.

(9) Voir Michel LE GRAND, La chapelle de l'église d'Aulès et son inscription gothique, dans Bull. Soc. Borda, 1936, p. 87-88

(10) Emile TAILLEBOIS. Les monogrammes du château de Candale à Doazit, Bull. Soc. Borda, 1886, p. 285-288 ; Dr L. SORBETS. A propos des monogrammes du château de Candale à Doazit, Bull. Soc. Borda, 1887, p. 47-50 ; BRAQUEHAYE, Les monogrammes des Foix-Candale aux châteaux de Doazit et de Cadillac-sur-Garonne (Gironde), Bull. Soc. Borda, 1888, p. 51-58.

(11) Voir Alain d'ANGLADE : " Les Foix-Candale, barons de Doazit en Chalosse ", Bull. Soc. Borda, 1952, p. 85 et suiv.