Maurice-L. Prat :

Professeur au lycée de Mont-de-Marsan (au moins de 1932 à 1944) ; reçu membre de la Société de Borda le 19 janvier 1939 ; membre de la Société archéologique de Sens ; conservateur du Musée Municipal de Mont-de-Marsan (Musée Dubalen) de 1946 à 1960.

Extrait du bulletin de la Société de Borda 1946, p.29 à 31 :

 [Retour à la bibliographie]
 

Note sur divers vestiges anciens à Doazit et St-Aubin

__________________

        Doazit, petite commune de 1.200 âmes, ne figure pas parmi celles sur le territoire desquelles ont été relevés des traces d'occupation à l'époque gallo-romaine (1). Cependant il semble probable qu'une commune située à la croisée des communications entre Tartas et Hagetmau d'une part, entre Saint-Sever, Amou et le Béarn d'autre part, ait été habitée aux époques anciennes.

        La fertilité remarquable de cette terre, faite des argiles et des sables rouges de Chalosse, la désignait comme un terrain d'élection pour des cultures variées.

        I. - Or, au Sud-Est du bourg actuel de Doazit on peut voir, près du lieu dit le Castéra (du latin castra, les camps) un magnifique " turon " des plus abrupts de tous côtés, auquel on accède par un pédoncule étroit, facile à défendre et débouchant dans un chemin creux qui entoure en partie ce tertre.

        Le sommet très étendu et plat, occupé par un petit bois de pins, constitue une excellente plate-forme d'observation en même temps qu'un refuge inexpugnable pour une peuplade désireuse de s'y abriter. Il a pu être utilisé au cours des âges, par des troupes, s'y retranchant envers et contre toute surprise.

        Sur un côté, ce turon est longé par un ravin qui paraît être le lit d'un ruisseau desséché. Il devait servir de fossé, quand, rempli d'eau, il formait défense naturelle sur tout ce flanc du castrum. L'ami qui m'a signalé son existence, M. Ferré, instituteur à Doazit, n'a encore trouvé à ses abords aucune trace, aucun reste d'occupation ou de retranchement. Il y aurait lieu de se livrer à quelques fouilles, ou du moins à des sondages, en bordure et au sommet de cette petite citadelle naturelle.

        II. - En second lieu, cette commune porte les traces d'une voie romaine, comme nous avons cru pouvoir l'établir, quand je me suis transporté sur le terrain avec cet ami, au début de l'été de 1939.

        Au nord du bourg de Doazit, sur le territoire de la commune de St-Aubin, dans un petit vallon à proximité d'une métairie, dont le nom le Castérot est assez clair, j'ai pu suivre sur une certaine longueur, en bordure d'un frais ruisseau, un tapis herbeux dont la largeur moyenne de 6 à 8 mètres convient bien à une voie romaine.

        Mon ami, qui habite la commune et dispose de plus de temps par conséquent, a relevé son prolongement à travers les champs voisins, par delà les haies qui le coupent. Son parcours n'est interrompu que par un minimum d'arbres, de plantation plutôt récente, situés vers les bords de son trajet. Peut-être fût-elle utilisée par les pèlerins se rendant à St Jacques de Compostelle, et par conséquent entretenue encore à une époque relativement moderne, comme le XVe siècle. Quant à la ferme du Castérot elle pourrait être une auberge ancienne ; elle est située sur une sorte de plate-forme, un terre-plein dû à un élargissement local du vallon qu'empruntait cette voie. Il se peut d'ailleurs fort bien aussi que la voie en question représente une ancienne piste gauloise, dont la largeur, nous le savons, était très supérieure à celle des voies romaines.

        Quoi qu'il en soit, cette voie, à en juger par sa direction générale, devait venir de Saint-Sever, par Audignon ; elle laissait à sa gauche le hameau de St-Jean-d'Aulès, le village de Doazit, l'église du Mus et la colline du château de Foix-Candale, tous situés sur des hauteurs trop ardues à gravir pour une voie ancienne ; elle devait se poursuivre ensuite vers Brassempouy, ou peut- être vers Sault-de-Navailles.

        En tous cas, la tradition locale confirme qu'il s'agit d'un chemin très ancien, inutilisé depuis fort longtemps.

III. - Si l'on se transporte au Sud du bourg de Doazit, tout à côté de l'église du Mus, et qu'on gravisse la butte voisine qui plonge vers le Nord par un apic de 18 mètres, on ne tarde pas à discerner, à quelque distance, une seconde enceinte, sans doute fortifiée, dont mon ami a pu faire le tour complet, sans trouver jusqu'ici de vestiges de murs.

        De ce tuc si facile à défendre, la vue s'étend au loin sur la campagne. En face de soi, au premier plan, on a la colline qui porte le bourg de Doazit ; derrière elle, s'aperçoit l'église curieuse de St-Jean-d'Aulès, qui à elle seule mérite une visite, comme d'ailleurs l'église du Mus.

        Ces trois sanctuaires : Eglise du Mus, église de Doazit et St-Jean-d'Aulès, sur trois collines situées en ligne droite, suivant un axe parallèle à la voie antique, semblent bien être trois sanctuaires forts anciens, ayant pu exister à l'époque des pèlerinages à Saint-Jacques et probablement très antérieurs aux églises actuelles (2). Vues du haut du turon, ces trois églises semblent se dresser comme trois sentinelles avancées, veillant sur la Chalosse, que ces citadelles naturelles étaient chargées de défendre. Il leur était d'ailleurs facile de communiquer entre elles, le jour par des signaux optiques, la nuit par des feux avertisseurs des dangers, n'étant séparées que par des distances d'un kilomètre environ à vol d'oiseau. Enfin, il ne faut pas perdre de vue la proximité de l'importante voie qui passait en contrebas dans le vallon secondaire du Castérot. Plus loin sur la gauche s'aperçoit l'église moderne de Notre-Dame de Maylis, dont la silhouette complète cette vue, qui est fort belle.

        Tous ces points que je viens de vous signaler mériteraient à mon avis d'être parcourus et examinés en détail, d'être fouillés, tout au moins sondés superficiellement en plusieurs de leurs parties. C'est un coin de Chalosse qui jusqu'ici ne paraît pas avoir attiré le zèle des chercheurs, et où, semble-t-il, il y aurait beaucoup à glaner.

        Car l'on ne peut guère douter que des trouvailles intéressantes ne viennent récompenser la patience des fouilleurs qui entreprendraient sur ce territoire des recherches persévérantes et méthodiques.

Maurice-L. PRAT,
Membre de la Société de Borda
et de la Société Archéologique de Sens.

 

(1) Voir les listes d'antiquités landaises dans le Congrès de Dax et Bayonne de 1888.

(2) L'église de St-Jean-d'Aulès remonte au XIe siècle. Elle a été étudiée par le regretté archiviste des Landes, M. Michel Le Grand. (Bull. de Borda, 1936).