Extrait du bulletin de
LES
MONOGRAMMES
du
CHATEAU
DE CANDALE
à
DOAZIT (Landes)
Messieurs,
Il y a environ trois ans,
M. Ozanne, alors ingénieur à Condom, soumit à
Un de nos membres se chargea de cette recherche, mais ne réussit pas à donner la traduction de ces monogrammes. M. Ozanne ayant dernièrement réclamé la solution du problème, je voulus essayer de le résoudre et je viens aujourd'hui vous donner le résultat de mes recherches.
En m'aidant de la
généalogie de la maison de Foix telle que la donne M. de Cauna
dans son ouvrage sur : "Le Clergé et
Après avoir terminé le déchiffrement, en suivant le dessin de M. Ozanne, j'ai voulu voir le château pour me rendre compte de quelques points qui me semblaient obscurs. Cette visite m'a permis de rectifier certains détails et me fournit aujourd'hui l'occasion de remercier les propriétaires du château de Candale, Madame Broca-Perras, Madame Lacaze et Monsieur et Madame Lacaze jeune du gracieux accueil qu'ils me firent ainsi qu'aux deux personnes de ma famille qui m'accompagnaient.
Le château de Candale, ainsi nommé parce qu'il a été bâti par la famille de Foix Candale à laquelle il a appartenu pendant plusieurs siècles, a été édifié au XVIe siècle, ainsi que l'indique son aspect. C'est un beau château de style Henri IV à quatre façades avec tourelles, situé dans une très belle position, sur une hauteur, en face du bourg pittoresque de Doazit, dont il fut le château seigneurial.
La façade principale, qui ne regarde pas Doazit, se compose d'un corps de bâtiment ayant au premier étage trois fenêtres, et de deux ailes en retour d'équerre ayant chacune une fenêtre de face au premier étage. Je ne parle que des fenêtres du premier étage parce que ce sont les seules qui m'intéressent.
Les trois fenêtres du corps principal, les deux fenêtres de face des ailes, et la fenêtre du premier étage de la façade latérale de l'aile droite, sont ornées de cartouches placés au-dessus des fenêtres et contenant les monogrammes qu'il s'agissait de déchiffrer (1).
Je vais commencer par la façade principale, c'est-à-dire par les six monogrammes numérotés 3-4, 5-6 et 7-8. Je les lis ainsi :
3. |
4. |
5. |
6. |
7. |
8. |
IEANNE |
DE |
BELSIER |
DAME |
DE |
DOVASIT |
Or, Jeanne de Belsier ou de Belcier, fille d'Antoine de Belcier et d'Anne de Lubersac, était la femme de Jacques de Foix Candale, baron de Doazit et du Lau, qui l'épousa le 6 juillet 1566. Jacques de Foix Candale mourut le 9 juillet 1595, en laissant plusieurs enfants dont l'aîné fut Sarran de Foix Candale, baron de Doazit.
La conséquence de cette lecture, c'est que le château ne fut bâti qu'après la mort de Jacques de Foix Candale, soit donc après 1595, puisque les cartouches de la façade principale portent à la place d'honneur le nom et la qualité de Jeanne de Belsier, dame de Douasit. Ce ne pouvait être qu'en qualité de veuve de Jacques de Foix, seigneur de Doazit, que Jeanne de Belsier mettait son nom sur le château seigneurial de Doazit. Peut-être aussi la baronne douairière de Doazit était-elle à cette époque tutrice de son fils, Sarran ?
Si Jacques de Foix eut vécu lors de la construction du château, c'est son nom et non celui de sa femme, et sa qualité de seigneur de Doazit qui eussent été gravés sur la façade du château.
Mais la veuve de Jacques de Foix Candale n'oublia pas l'illustre famille dans laquelle elle était entrée et de laquelle relevait la terre de Doazit. En effet, en décomposant les deux monogrammes qui se trouvent dans les cartouches 2 et 9, placés au-dessus des fenêtres de face des deux ailes, je retrouve toutes les lettres nécessaires pour reconstituer le nom de Jacques de Foix Candale : I. D. FOIX C. Jeanne de Belsier voulut que le château, commencé peut-être du vivant de son mari, portât son nom.
Voici comment je décompose ce monogramme : I(acques) se trouve dans le premier cercle du monogramme no 2, et le divise en deux parties : à droite : D(e) et à gauche C(andale). F est placé en travers des deux cercles ; c'est un F de fantaisie, couché et dont chaque jambage ou barre est terminé par des crochets ; O est le second cercle, traversé par I ; X peut se prendre à volonté dans l'un ou l'autre des deux cercles.
Le cartouche no 9 est pareil sauf deux barres qui terminent le monogramme à droite et à gauche. Je n'ai pu trouver à ces barres qu'une explication ; j'ai pensé que c'était une fantaisie du graveur qui avait voulu indiquer ainsi la fin de l'inscription.
Le monogramme no 1 est placé en dehors des autres, sur la façade latérale ; il a donc un sens séparé. Ce sens me parait évidemment religieux. La châtelaine de Doazit aura voulu placer son château sous le patronage de ses saints préférés : S. M. et S. A. (le 2e S retourné s'applique évidemment à l'A qui le précède.
Pour le premier nom, on a le choix entre S(anctus) M(artinus), patron de l'église du Mus, voisine du château qui est dans sa paroisse, et S(ancta) M(aria), patronne de Doazit.
Pour le second, je propose de choisir entre S(ancta) A(nna), patronne d'Anne de Lubersac (qui était la mère de Jeanne de Bersier) et S(anctus) A(ntonius), patron d'Antoine de Belsier (père de Jeanne).
Quels que soient les noms que l'on adopte, il est certain que ce sont deux des saints patrons du château. St-Martin et St-Antoine ou Ste-Marie et Ste-Anne.
Il reste à expliquer les S barrés qui se répètent dans chaque cartouche et encadrent chaque monogramme. Je les considère comme l'initiale de Sarran de Foix Candale répétée partout comme motif décoratif. Il était du reste naturel que le jeune seigneur de Doazit eut son nom près de celui de ses parents.
Enfin dans les cartouches nos 4 et 7, le monogramme DE est répété. Comme ce monogramme seul eut tenu peu de place et n'eut pas garni suffisamment le cartouche, l'artiste aura voulu, en répétant le monogramme à rebours, remplir la place vide et mettre ainsi ce cartouche plus en harmonie avec les autres.
On sait quelle fantaisie règne dans les monogrammes pour lesquels il n'existe aucune règle précise ; aussi ne doit-on pas s'étonner qu'il y en ait un peu dans ceux du château de Candale.
En résumé, je lis ainsi les neuf monogrammes :
1. |
2. |
S(anctus) M(artinus),
S(ancta) A(nna) ou S(ancta) M(aria), S(anctus) A(ntonius). |
I(acques) D(e) FOIX C(andale). |
3. |
4. |
5. |
6. |
7. |
8. |
IEANNE |
DE |
BELSIER |
DAME |
DE |
DOVASIT |
9. |
| I(acques) D(e) FOIX C(andale). | |
et l'initiale de S(arran) de Foix Candale répétée sur les huit derniers cartouches.
Si quelques doutes peuvent s'élever sur la lecture des monogrammes 1, 2 et 9 et sur celle des S barrés, en tout cas les six monogrammes 3 à 8 sont indiscutables et nous donnent à eux seuls l'histoire du château. C'est là le point essentiel.
Dax, le 20 octobre 1886.
Emile TAILLEBOIS.
(1) Voir à la planche ci-contre le fac-similé
de la fenêtre no 3-4, et la reproduction des neuf monogrammes,
dessinés par M. Ozanne. Ces monogrammes sont
numérotés dans l'ordre où ils sont placés, savoir : no 1, fenêtre
sur la façade latérale de l'aile droite ; no 2, fenêtre de face de
l'aile droite ; nos 3 et 4, première fenêtre de la façade
principale, en partant de l'aile droite ; nos 5 et 6, deuxième
fenêtre de la façade principale ; nos 7 et 8, troisième fenêtre de
la façade principale ; no 9, fenêtre de face de l'aile gauche.
Nota. - Les monogrammes 3-4, 5-6 et 7-8 sont
groupés deux par deux au-dessus des trois fenêtres de la façade principale,
chacun dans un cartouche, à raison de deux cartouches, l'un au bout de l'autre,
par chaque fenêtre. Au contraire, les monogrammes 1, 2 et 9 sont chacun
séparément dans un seul cartouche, chacun au-dessus d'une fenêtre.
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Extrait du bulletin de
A
Propos des monogrammes du Château de Candale à Doazit (Landes)
par le Docteur L. SORBETS
(Nous extrayons de cet article une
phrase concernant les « S » barrés, et un paragraphe faisant allusion
au monogramme numéroté 1 dans l’article ci-dessus : )
....
« Je considère comme les initiales I(acques) S(arran) les lettres
barrées S, la barre étant l’initiale de iacques et
répétées partout comme motif décoratif. »
...
« Le monogramme de
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Extrait du bulletin de
Les
monogrammes des Foix-Candale aux châteaux de Doazit (Landes) et de Cadillac-sur-Garonne
(Gironde)
par BRAQUEHAYE
Depuis plus de dix ans je
recueille des documents sur l’histoire des Beaux-Arts en Guienne
et notamment sur le château des ducs d’Epernon à Cadillac-sur-Garonne
(Gironde). Cette somptueuse demeure, bâtie sur le même emplacement que le château
des Candale, présente encore de nombreux débris des
brillantes décorations qui affirment le luxe princier déployé par le puissant
favori de Henri III, quoique ce palais de l’orgueil soit devenu la maison
centrale de Cadillac.
J’avais remarqué qu’un
monogramme était répété avec persistance dans les ornementations des façades,
dans celles des cheminées monumentales, dans la chapelle funéraire et sur le
superbe mausolée que Jean-Louis de Nogaret avait élevé dans la collégiale de St-Blaise. On le voyait et on le voit encore, dans les
carrelages, dans les peintures des plafonds, des lambris et des portes, dans
les fines broderies comme dans les découpures du fer. Ce monogramme est composé
de deux M entrelacés, quelques-uns y voient : M de Marguerite-Louise
de Foix-Candale et λ
de Louis de Nogaret ; on peut tout aussi bien y lire : M de
Marguerite et λ de Louise, si l’on ne veut pas y
reconnaître le chiffre de la famille elle-même. J’ai donc été vivement attiré
par le titre des communications faites, par MM. Taillebois
et Sorbets, sur les monogrammes du château de Candale,
à Doazit, qui avaient été relevés par M. Ozanne.
La lecture que M. Taillebois en a faite, avec une sagacité rare, m’a d’autant
plus intéressé que le chiffre que j’avais relevé à Cadillac semblait être le même
que l’un de ceux du château de Doazit. Malheureusement
M. Taillebois reconnaissait que la traduction de
celui-là n’était pas indiscutable et que des doutes pouvaient s’élever.
Les S barrés, indiquant le mot
Sanctus ou Sancta, avaient laissé M. Taillebois presqu’incrédule ;
il expliquait les autres par l’S de Sarran de Candale, répété deux fois sur chaque fenêtre. Ne le voyant
pas plus convaincu que moi-même, j’ai moi aussi essayé de déchiffrer l’énigme.
Mais trouver une bonne
explication à ce signe mystérieux après l’heureux traducteur de : JEANNE
DE BELSIER DAME DE DOUASIT, me semblait une entreprise téméraire, aussi je crus
tout d’abord devoir me contenter de faire remarquer que les mêmes lettres
entrelacées, étant placées sur les deux châteaux de Candale,
devaient rappeler la même origine c’est-à-dire le nom de cette illustre
famille.
Heureusement, le hasard, cette
Providence des chercheurs, devait venir à mon aide ; s’il ne m’a pas
fourni des preuves indiscutables, il m’a tout au moins mis en main des
documents intéressants.
J’avais à peine lu le travail
de M. Taillebois, que je trouvai à la foire de
Bordeaux, en octobre dernier, un in-18, couvert en parchemin : Les bigarrures du seigneur des Accords,
Poitiers, Jean Bauchu, 1615, où je fus étonné de
rencontrer, au milieu de contes rabelaisiens, le dessin exact et le sens
attaché à ces S barrés dont je ne connaissais que de muettes représentations. Après
avoir expliqué le titre du chapitre c’est-à-dire après avoir défini les Rébus de Picardie, après avoir cité ces
vers de Marot :
« Car
en Rébus de Picardie
« Une faulx,
une estrille, un veau,
« Cela faict, estrille fauveau.
L’auteur ajoute, p. 16 et 17 : « Or
ces subtillitez ont esté de
longtemps en vogue... de sorte qu’il n’estoit pas
fils de bonne mère qui ne s’en mesloit. Mais depuis
que les bonnes lettres ont eu bruit en France, cela s’est je ne sçay comment perdu, qu’à grand peine la mémoire en est-elle
demeurée pour en faire estime, sinon envers quelques cervelles à double rebras,
qui en sont encore aujourd’huy si opiniatres
qu’on ne leur sauroit oster
de la teste qu’une sphère ne signifie espère ; un lit sans ciel, un licentié ; l’ancholie,
mélancolie ; la lune bicorne, pour vivre en croissant ; un banc
rompu, pour banqueroute ; une S
fermée avec un traict ainsi (suit la figure), pour dire fermesle
au lieu de fermeté. Et autres, dont les vieux courtisans faisoient parade, selon que tesmoigne
Rabelais, l. 2, c. 19, qui s’en mocque plaisamment. »
Il n’y a donc plus d’erreur possible, les S barrés sont des signes
conventionnels, des « Rébus de Picardie » qui, placés autour des
monogrammes, signifient fermeté et
non Jacques Sarran(1),
ou Sanctus, ou Sigillum, ou Souvenir, ou Estrées (S
trait) qu’on a pu proposer. (2)
La difficulté semblait moins
grande pour les lettres entrelacées. Les monogrammes de Cadillac et ceux de Doazit ont entr’eux la plus
grande ressemblance, et les deux châteaux où ils sont placés appartenaient à la
même famille. Il était facile d’en déduire que les uns et les autres
désignaient les Foix-Candale.
Mais quelques sérieuses
objections peuvent être faites tant qu’on n’aura pas lu tous les signes gravés
sur les croisées du château de Candale, à Doazit, car les n° 2 et 9 (3) sont encore restés
indéchiffrables. Tout en reconnaissant l’ingéniosité de la lecture que M. Taillebois ne propose du reste que comme douteuse, Jacques de Foix-Candale,
je crois qu’il faut chercher un autre nom ou un autre sens. Les F n’existent
pas, mais on y voit des lambdas λ, et ce sont
des lambdas qu’on trouve dans les chiffres peints et sculptés dans le château
de Cadillac. De plus, le n° 9 n’est pas semblable au n° 2 et là, on peut isoler
très nettement le chiffre attribué à Marguerite de Foix et à Jean-Louis de
Nogaret.
Les monogrammes, relevés par
M. Ozanne au château de Doazit,
rapellent donc : le n° 1, les M entrelacés, le
n° 2, les λ et le n° 9, ces deux lettres réunies
dans un seul chiffre qui est celui qu’on voit à Cadillac. C’est donc plus qu’une
conjecture que de proposer d’y reconnaître le monogramme, non d’une personne de
la famille de Candale, mais celui de la famille
elle-même.
Il y a lieu d’espérer que M. Taillebois, qui a su deviner avec tant de bonheur cinq de
ces énigmes, saura fixer aussi sûrement la lecture des trois autres, et qu’il
nous dira quel rapprochement sérieux peut être fait entre les monogrammes du château
de Doazit et ceux du château de Cadillac.
Notes sur divers Monogrammes
Les difficultés de la
lecture des M entrelacés résultent surtout des nombreux exemples à peu près
semblables qu’on peut relever sur les monuments, sur les pièces d’orfévrerie, sur les reliures, sur les broderies.
Le connétable Anne de
Montmorency se servait du même chiffre traversé par une épée (4) sa fille Marie
de Montmorency portait les initiales MM, or, elle fut la mère de Marguerite-Louise de Foix-Candale
femme du duc d’Epernon, qui prit à peu près ce monogramme. D’autre part Marie
de Médicis employait la même marque accompagnée d’S barrés ; Habert de Montmort mettait le même signe avec une légère
variante sur les livres de sa bibliothèque HM (5) ; André de Meslon, un bordelais, maréchal de camp sous Henri IV,
signait quelquefois avec un chiffre analogue. Combien d’autres personnages
étaient dans le même cas ! Je possède moi-même un livre d’heures de 1630,
contenant de fines gravures de Ménager,
dont la reliure est couverte de très riches ornements au petit fer et porte,
sur le plat un ovale dans lequel on voit le monogramme MM accompagné de quatre
S barrés, en haut, en bas, à droite, à gauche. Ce chiffre fut donc souvent
employé, aussi l’interprétation en est-elle d’autant plus difficile. (6)
J’ajouterai pour faciliter les
recherches un extrait des Bigarrures du
seigneur des Accords, déjà citées ; il donnera l’avis d’un
contemporain sur ces signes qu’il nomme notes ou chiffres. « Chapitre XXI.
Des Notes... Or à fin que chacun sçache en bref que c’est
que note, il doit sçavoir que par une dénomination
générale note signifie une marque.... Il y a encore une autre façon de chiffres
practiquée par des brodeurs, comme quand on enlace
ensemble les premières lettres des noms et surnoms de quelques uns, que je
trouve avoir bonne grâce, mais les uns plus que les autres. Plusieurs sont d’avis
que pour le bien faire il ne faut que deux lettres seulement, sçavoir les deux premières lettres capitales des deux noms
propres de l’homme et de la femme, comme estoit celuy du roy Henry, et de
Catherine de Médécis : qui se void aujourd’hui encore ensculpté
en infinis bastimens, ainsi de quelque endroit que la
puissiez tourner, il y a toujours un C et une H. J’en ai vu d’autres infinis de
ceste façon, comme deux C deux V et autres semblables. Quelques autres en font
des lettres grecques, comme j’en ai veu un composé
par un brave amoureux d’un φ et d’un double ωω.
Les autres les veulent de quatre lettres, afin d’y comprendre les noms et les
surnoms des Amans.
J’en ay veu
d’autres si curieux que toutes les lettres, généralement des noms et des
surnoms y sont comprises, mais cela me semble trop encharboté
et confus pour les reduire à leur quarré. Car il faut
pour une règle generale retenir que pour faire un
beau chiffre, il ne faut pas qu’il excède la grandeur d’une lettre quarrée. J’appelle
une lettre quarrée, celle qui a un quarré parfaict,
comme M. H. V. A. X. O. Q. Davantage il ne faut qu’il y ayt
une combination s’il est possible, c’est à dire que
trois lignes ne se rencontrent point l’une sur l’autre : car cela estant ainsi on ne peut entrelasser
par bastons rompus les lettres, de sorte qu’elles perdent leur grâce, comme au
chiffre fait d’un NTH. Tu voids qu’au milieu la jambe
du T, le travers de H, et le milieu de la jambe de N, se joignent et se
combinent : Pour donc le rendre beau, il faudroit
hausser le trait de H. o.
Faut encor noter pour une
autre règle que jamais une lettre ne doit estre plus
longue ni plus courte l’une que l’autre.
J’ai veu
aussi practiquer des chiffres en forme de lettres
Moresques pour servir de pendans de fort bonne grâce,
et croy que si l’invention estoit
cogneuë qu’elle ne seroit
pas mal plaisante. L’on faict ainsi des lettres de Tout en Bonté seray.
(Suit la figure).
Si ce chiffre estoit bien entrelassé, il se trouveroit beau comme aussi les semblables qu’on voudra
faire. » (loc. cit. p.178, 181 et suiv.)
Comme on peut le voir les
chiffres formés par des lettres majuscules contournées qui ont été si souvent
employées sous Louis XIV et Louis XV, datent du commencement du XVIIe siècle et
ceux qui étaient formés par des lettres romaines comme à Doazit
et à Cadillac, étaient déjà passés de mode vers 1615.
Les citations qui précèdent
prouvent encore que les lettres grecques étaient assez souvent utilisées seules
ou mêlées aux lettres romaines. S’il n’est pas suffisamment démontré que des
lambdas peuvent avoir été employés concurremment avec des lettres romaines, je
puis fournir une autre autorité indiscutable. Le collier de l’ordre de St-Esprit, institué par Henri III, était composé de fleurs
de lys d’or, de trophées d’armes et des lettres entrelacées : HMλ, dont un lambda. Cet assemblage de lettres rappelle
même beaucoup le monogramme que d’Epernon, qui fut si fidèle à
Il faut donc le reconnaître,
ce très simple monogramme, quoiqu’appartenant
probablement aux Candale, présente de réelles
difficultés, et prête à bien des interprétations. (7) Je serais heureux si cette note pouvait aider
à en affirmer définitivement la lecture.
BRAQUEHAYE.
Bordeaux, février 1888.
(1) Lecture proposée aussi par M. le Dr
Sorbets, Société de Borda, 1887,
p.47.
(2) Mon auteur définit ainsi le titre de son chapitre II « Des Rébus de Picardie. – Sur toutes les follatres inventions du temps passé, j’entends que depuis
environ trois ou quatre cens ans en ça, on avoit
trouvé une façon de devise par seules peinctures qu’on
soulait appeler des rébus, laquelle se pourroit ainsi définir, que ce sont peinctures
de diverses choses ordinairement cognues, lesquelles
proférées de suite sans article font un certain langage : ou plus briefvement que ce sont équivoques de la peincture à la parole... Quant au surnom qu’on leur a donné
de Picardie, c’est à raison de ce que
les Picards sur tous les Français s’y sont infiniment pleus
et delectez. » loc. cit. p. 16.
(3) Voir Planche – Soc. de Borda – 1886 – 4e
trim.
(4) Gazette des Beaux-Arts – 1886, p.
47.
(5) Voir Spire Blondel. L’art intime et
le goût en France, Paris, Rouveyre, 1884.
(6) Voir Intermédiaire des chercheurs et
des curieux, Paris, t. XX. 514/
(7) M. Jacquelin y voit le chiffre d’Anne de Monnier,
qui aurait été épousée par d’Epernon en 1596, d’après un acte de mariage trouvé
à Caumont par M. le Marquis de Castelbajac.