Extrait du bulletin de la Société de Borda 1936, p.87.

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La Chapelle de l'église d'Aulès, près Doazit

et son inscription gothique

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Dans la commune chalossaise de Doazit, à un quart de lieue de la route de Saint-Sever à Amou, le quartier d'Aulès groupe quelques métairies autour d'une église paroissiale dédiée à saint Jean.

Aulès est rarement mentionné dans les textes anciens. Nous savons pourtant qu'à la fin du XVIe siècle - et peut-être avant - une prébende, dite prébende de Claverie, existait dans cette église Saint-Jean. Deux des prébendiers titulaires de ce bénéfice nous sont connus : maître Jean du Broca, curé de Montaut, et Pierre de Cès, clerc tonsuré, que plusieurs documents des Archives des Landes nous montrent recevant des reconnaissances de fiefs, le premier en 1596-1597, le second en 1623 (1).

L'église d'Aulès, en tant qu'édifice, est intéressante et bien conservée ; son chevet remonte à la fin du XIIe siècle ; sa nef, précédée d'un clocher-porche, n'est pas antérieure au XIVe. L'église est inscrite depuis 1929 sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques.

Elle présente une particularité curieuse. Sous le porche, à gauche, s'ouvre une chapelle de dimensions médiocres, complètement isolée du reste de l'église. Extérieurement, cette chapelle est élevée contre la base nord du clocher, entre les deux contreforts d'angle. Intérieurement, elle communique avec le porche et prend jour sur lui par une porte en forme d'arc brisé assez étroite et une large baie à arcatures trilobées. Mais, encore une fois, la chapelle est indépendante de la nef de l'église.

Cette disposition a autorisé certains, notamment l'un de mes prédécesseurs Raymond Teulet, à voir dans cette petite construction une chapelle réservée au cagots, nombreux en Chalosse au moyen âge. Une telle opinion paraît fort discutable. En effet, si maintes églises du Sud-Ouest (Landes, Hautes et Basses-Pyrénées) montrent, les unes des entrées et des portes spéciales, d'autres des bénitiers exclusivement réservés aux cagots, destinés à préserver dans une certaine mesure le reste de la population du contact de ces malheureux et du risque de contagion de la petite lèpre ou lèpre blanche, dont ils étaient ou avaient pu être atteints, nulle part en revanche nous ne connaissons de chapelles séparées, où se seraient assemblés les cagots pour assister à des offices particuliers.

La chapelle d'Aulès ne serait donc, selon nous, qu'un de ces oratoires construits par quelque seigneur ou quelque bourgeois du lieu, soit en exécution d'un voeu, soit pour abriter une sépulture familiale. Une telle pratique était courante au moyen âge, et s'apparente aux multiples fondations pieuses faites à titre privé dans les églises de jadis.

Une preuve matérielle vient confirmer cette hypothèse. Sur le mur de la chapelle, entre porte et fenêtre, à trois mètres environ de hauteur, s'encadre dans un rectangle mouluré une inscription parfaitement conservée, gravée dans la pierre en caractères gothiques du XVe siècle, qui fait connaître le fondateur de la chapelle et permet au surplus de fixer très exactement l'époque de la construction.

J'ai pu, grâce au concours d'un de mes anciens maîtres de l'Ecole des chartes, M. Samaran, achever la lecture malaisée de cette inscription, rédigée en gascon. En voici le texte et la traduction :

" L'an m cccc xxxv, fe fa

" mess. gm deu Domec a-

" questa capera ; ar de-

" u Domec, son fray, la fe

c'est-à-dire : " L'an 1435, Monseigneur Guillaume du Domec fit faire cette chapelle. Arnaud du Domec, son frère, la fit ".

C'est donc en 1435 que fut ajoutée, contre le mur nord du clocher porche de l'église d'Aulès, cette chapelle fondée par Guillaume du Domec et bâtie par son frère Arnaud.

Ce nom : du Domec, se retrouve d'ailleurs plus tard dans un document concernant Doazit et conservé aux Archives des Landes : le 28 octobre 1596, Jean du Domeq, vigneron, de la juridiction de Doazit, reconnaît tenir à fief noble de maître Jean du Broca, prébendier de la prébende de Claverie - que nous avons mentionné plus haut - une maison, des terres et des vignes (2).

Ainsi, le nom du Domec est bien celui d'une famille de Doazit ou des environs et la chapelle fut construite à titre de fondation pieuse en 1435 par un représentant de cette famille.

Michel LE GRAND,

Archiviste des Landes.

(1)Archives départementales des Landes, H 19, nos 12 et 13.

(2) Archives départementales des Landes, H 19.