MÉMOIRE
POUR Messire BERNARD DE FOIX, Marquis de Candale, Seigneur, Baron de Doazit & autres lieux, Appellant d’une Sentence rendue par le Sénéchal de Saint-Sever, le 26 Août 1778, & autrement Intimé.
CONTRE sieur JEAN-PIERRE
DARCET, Bourgeois, tant en son nom que comme Syndic de certains Habitans &
bien-tenans de
ET les nommés Jean Lacassaigne, Pierre Poysegur, dit Pittou [Pillon] ; Bernard Dupreuilh [Duprouilh], dit Claverie ; Pierre Diris, Mora [ ; ] Capdeville [Capdeviolle], dit Prieuré [Picuré] ; Tailheuge [Lailheugue] Poutonne [Poutoune], Arnaud Laferrere, le nommé Larrezet, dit Chin ; Guirons Daubedout [Dubedout], dit Cazotte ; le nommé Fescaux Sallebert, [ ; ] le sieur Laferrere, Bourgeois ; le nommé Dutoya Garrias, [ ; ] Jean Ducos, dit Lacazebielle ; Jean de Meu [ ?], dit Barroilhet ; Joseph Daugoumau [Dangoumau], dit Matuchon [Matchou ?] : aussi Intimés.
ET Bernard Hontang, dit Daniel, Appellant incidemment de ladite Sentence, & demandeur en Lettres de restitution.
Des titres anciens & respectables assurent au Marquis de Candale, Baron de Doazit, le droit de laisser entrer le bétail étranger dans les landes de sa Juridiction, sur lesquelles les Habitans n’ont que celui de couper le soutrage. Pendans quatre siecles, le droit de ce Seigneur a été publiquement exercé sans réclamation de la part des Habitans. Une possession aussi longue, aussi paisible, vient d’être violemment troublée par une portion de ces
A
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mêmes Habitans : avertis par
l’Exposant, plusieurs ont reconnu leur tort, & ont offert de le
réparer. Un seul homme, qu’un ressentiment particulier animoit contre son
Seigneur, s’est opposé à cet acte de justice de la part des autres, qui
peut-être, sans lui, y auroient satisfait. Il s’est mis à leur tête, il a
convoqué une espece d’assemblée, il a pris une délibération ; &
se qualifiant de Syndic des Habitans & bien-tenans de
FAIT.
Depuis
plus de trois siecles,
Jean de Foix reçut un prix bien glorieux de ses sacrifices. Par un traité que Louis XI passa avec lui le 17 Mai 1462, il lui céda & aux siens, à perpétuité, tous les droits qu’il avoit dans toutes les Terres de Jean de Foix, dans lesquelles est celle de Doazit. Ce
(1)
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titre est trop honorable & trop utile à l’Exposant, pour ne pas le rapporter en substance (1).
« Nous, informés des louables vertus & commendable mérite de de notre cher & amé cousin Jehan de Foix, Comte de Candale, tenant le parti de l’Angleterre….. Considérant aussi la proximité de lignage en quoi il nous atteint….. le Roi donne, cede & transporte audit de Candale, pour lui & les siens, perpétuellement, tous les droits, noms, raisons & actions qu’il a & lui compétent & appartiennent en toutes les Terres & Seigneuries que feu M. le Captau & ledit de Candale tenoit & possédoit en ladite Duché de Guienne & Pays de Gascogne, avec leurs appartenances & dépendances, & toutes Jurisdictions haute, moyenne & basse, péages, forestages, pâturages, & autres droits quelconque (sauf la foi & hommage) ».
Depuis
cette époque, c’est-à-dire depuis 1439, les auteurs de l’Exposant ont
constamment possédé cette Terre avec tous les droits caractéristiques de
Dans
le nombre de ces droits, est celui de permettre aux Etrangers, moyennant une
redevance, de mener pacager leurs bestiaux dans toutes les landes de
Ce droit des Seigneurs de Doazit dérive sans doute de ce que, dans le principe, les Seigneurs de cette Terre ne donnerent qu’à cette condition l’usage des landes aux Habitans ; quoi qu’il en soit de l’origine de ce droit, il est certain qu’il existe depuis quatre cens ans (3).
C’est relativement à ce droit du Seigneur, que les Habitans de Doazit ayant divisé ces landes entr’eux pour le soustrage, la portion de chaque part prenant ne lui a jamais été affectée d’une maniere exclusive à tous autres, que pour le droit de soustrage seulement, mais chaque portion de ces landes a toujours demeuré assujettie au pacage général, soit pour les bestiaux appartenans à cha-
(1) Cote 16 Z du sac de l’Exposant.
(2)
Voyez le §.IV, où est expliqué la différence qu’il y a entre le bedat actif
dont il s’agit au procès, & le bedat prohibitif dont jouissent les
Seigneurs dans
(3) Cette preuve est consacrée par plusieurs titres dont nous ne rendrons compte que dans la discussion, pour éviter une répétition fatigante & inutile.
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que Habitant, soit pour ceux des Etrangers auxquels le Seigneur a accordé le droit de pacage.
Cette restriction, dans la division des landes, est très-importante dans cette cause ; il ne faut point oublier que les landes n’ont été divisées que pour le soustrage, & qu’elles ont été communes pour le pacage. Cette division ne présente ni héritages laissés par des ancêtres, ni des fonds à labourer & à cultiver.
C’est aussi pour laisser au Seigneur l’exercice de ce droit, & afin que ceux auxquels il accordoit la permission du pacage eussent la liberté d’en user, que de tous les temps ces landes ont demeuré ouvertes, quoique (comme nous l’avons déjà observé) ces Habitans s’en fussent assigné une portion à chacun d’eux, pour y couper le soustrage, d’une manière exclusive à tous autres. Ce seroit en effet interdire au Seigneur la faculté d’accorder les permissions, que de clore & de fermer ces landes, puisqu’en ce cas ceux à qui il auroit accordé la faculté de pacager, ne pourroient en user, & refuseroient par conséquent de payer les redevances relatives : tel est le point de vue sous lequel cette cause doit être considérée : jamais les Habitans n’ont fermé ces landes ; de tous les temps le Seigneur a accordé aux Etrangers qui traitoient avec lui, la faculté d’y mener pacager leur bétail, & ce pacage a constamment été exercé, sans interruption, depuis quatre siecles.
Cependant, au mépris de cette possession continue & paisible, quelques hommes inquiets & méchans, résolurent de clore la partie de lande qui leur avoit été affectée pour le soustrage, et de l’entourer de fossés.
Le
sieur Darbo fut le premier qui osa tenter cette entreprise
dangereuse : il étoit dans des circonstances qui paroissoient favorables
relativement à la nature de la lande qu’il fit entourer de fossés. Il avoit
acquis cette portion de lande, il avoit en main son contrat d’achat ; ce
contrat étoit à l’abri de toute suspicion ; mais cette espece de
propriété ne lui donnoit que le droit de couper le soustrage, &
ne l’affranchissoit point de l’obligation de tenir sa portion de lande ouverte :
aussi par Arrêt de
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les fossés qu’il avoit fait faire, avec inhibitions & défenses de récidiver, à telle peine que de droit (1)
Si cet Arrêt eût été rendu un an plutôt, sa rigueur salutaire auroit infailliblement contenu ceux des Habitans qui se proposoient d’imiter le sieur Darbo ; mais pendant le cours de la procédure contre ce dernier, quarante Particuliers suivirent son exemple, ce qui détermina l’Exposant de les assigner dans le mois d’Août & de Septembre 1776, aux fins d’abattre les fossés par eux pratiqués sur diverses parties des landes.
Ces instances étoient jointes, & le procès appointé en droit le 28 Juin 1777, lorsque le sieur Darcet, un des quarante, fit signifier à l’Exposant un acte par lequel ces Particuliers l’avoient nommé Syndic. Nous ne devons pas taire le motif qui engagea le sieur Darcet à mendier ce syndicat, ni les moyens qu’il employa pour placer sur sa tête cette qualité distinctive.
Le
sieur Darcet pere avoit exercé pendant plusieurs années
Le
24 Novembre 1776, le sieur Darcet convoque chez lui, dans sa maison,
une assemblée de Paroisse : les affaires de
(1) Vid. Le §. XI, où nous donnons des détails sur cet Arrêt.
(2) Le fait est si vrai, que le sieur Darcet n’a qu’un journal & demi des landes qu’il a a clôturé : ce ne peut donc pas être par esprit d’intérêt qu’il a agi.
B
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les livrer aux étrangers, & pour s’établir un revenu sur les ruines des Habitans. (1) Le sieur Darcet finit par s’offrir pour Syndic.
Un
discours aussi violent, tenu par un simple Particulier contre son Seigneur,
révolta le plus grand nombre des Convoqués, dont plusieurs étoient intéressés,
comme le sieur Darcet, à trouver des torts à l’Exposant ; de
sorte que sur cent qui étoient à cette assemblée, il n’y en eut que
vingt-quatre du plus bas étage qui signerent l’acte de syndicat ; sur
ces vingt-quatre, onze seulement sont de
Et à ce propos, nous ne devons pas laisser ignorer les manoeuvres pratiquées par le sieur Darcet pour séduire un nommé Bernard Hontang, qui, comme les autres, avoit fait faire des fossés sur la partie de lande où il coupoit le soustrage.
Ce Particulier fut assigné le 14 Septembre 1776 à abattre ces fossés ; il eût réparé ses torts sur le champ, si le sieur Darcet ne l’en eût empeché ; ce ne fût qu’au mois de Décembre suivant que, secouant le joug qui l’accabloit, & rendant hommage à la justice, Hontang adressa un acte à l’Exposant, par lequel reconnoissant son droit, il offrit d’abattre les fossés, de payer les frais faits, & les dommages & intérêts.
Cet acte de justice parut très-dangereux au sieur Darcet ; il résolut de le détruire, en conséquence, il capta l’esprit de ce Paysan, & l’obligea à donner, le 21 Janvier 1777, une Requête dans laquelle, désavouant ce qu’il avoit dit dans son acte, il contesta le droit de l’Exposant, attribua à ses Agens la surprise qu’il lui
(1)
Telles sont les expressions dont le sieur Darcet dut se servir dans son
assemblée, du moins ce sont celles qu’il a employés en
(2)
Il n’est pas moins vrai que le sieur Darcet, pour augmenter le nombre des
syndiqués, fut de porte en porte, dans
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avoir été faite, & finit par annoncer qu’il se pourvoira, par Lettres en restitution, contre son acte du mois de Décembre précédent, si l’Exposant persiste à vouloir s’en servir.
L’Exposant
ne fut point intimidé de ces menaces ; il en connoissoit l’auteur, il
demeura tranquille. Hontang ne prit point de Lettres en restitution,
& il a été condamné par
Ce
n’est qu’après dix-sept mois de réflexion, & lorsque les Parties ont
respectivement écrit dans ce procès sur l’appel de cette Sentence, que le sieur
Darcet, sous le nom de Hontang, a imaginé de faire signifier, le
21 du mois de Janvier dernier, ces Lettres en restitution, & un appel de
Le
sieur Darcet voyant la ligue qu’il espéroit former réduite à quelques
individus, voulut en imposer extérieurement. Il présenta une Requête en
intervention, dans laquelle il se qualifia Syndic des Habitans de
Cette restriction judiciaire, cet abandon inattendu des trois quarts des Convoqués, rendoient bien défavorable la cause du sieur Darcet ; (car c’est la sienne propre) mais son courage parut s’accroître en proportion des forces qu’il venoit de perdre ; & pour donner à
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ses moyens une apparence de
vérité qui leur est si étrangere, il tira du néant des titres que la
justice y avoit ensevelis. C’est à la faveur de ces titres, que changeant
la question du procès, le sieur Darcet soutint que la propriété
des landes appartenoit aux Habitans ; que ces landes étoient leurs
héritages, qu’ils pouvoient labourer & cultiver, &
sur lesquelles l’Exposant n’avoit aucune espece de droit. Le sieur Darcet
prodigua à son Seigneur les mêmes outrages dont il avoit orné son discours dans
l’assemblée ; les termes d’usurpation, d’exaction furent
repétés avec une licence d’autant plus révoltante, que ce Particulier, dans
l’exposé qu’il présentoit à
Cette
possession, ces titres, ces reconnoissances géminées dont l’Exposant
étaya sa défense, en affermissant son droit, ébranlerent le courage du sieur Darcet ;
en conséquence, il prit des Lettres en restitution, tant contre les
reconnoissances faites à l’Exposant de son droit par quelques Habitans
étrangers, que contre celles que ceux de Doazit avoient données de ce
même droit dans les actes qui l’établissent ; le sieur Darcet porta
la foiblesse au point de demander que l’Exposant fût condamné de restituer
à
Le sieur Darcet reconnut l’absurdité de cette prétention ; il ne tarda pas a s’en départir ; il eût bien voulu pouvoir, sans danger, se
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désister également des Lettres en restitution qu’il avoit prises contre les reconnoissances données par les Habitans de Doazit au droit de l’Exposant ; mais il voyoit que ces acquiescemens au droit de son Seigneur tiroient à de grandes conséquences ; aussi redoubla-t-il d’efforts pour établir la justice de ses Lettres en restitution, & en demander l’entérinement.
L’Exposant s’éleva contre ce chef de conclusions ; il observa que ces reconnoissances étoient le fruit d’une volonté libre de la part de ses Habitans ; que jamais aucun Seigneur, ni lui-même, n’avoient employé la force pour les engager à lui reconnoître ce droit ; qu’ainsi ces reconnoissances devoient subsister, & produire leur effet en sa faveur, & le sieur Darcet être débouté de ses Lettres en restitution.
C’est ici le lieu d’observer que les Habitans qui avoient adressé à l’Exposant des actes en reconnoissance de son droit, & au nom desquels le sieur Darcet avoit pris des Lettres en restitution, ont rendu cette manœuvre inutile. Le 4 Août 1778, ils notifierent à l’Exposant un acte (1) par lequel, en rappellant celui qu’ils lui avoient déjà fait, ils déclarent qu’ayant été instruits que le sieur Darcet avoit pris, à leur insu, des Lettres en restitution contre leurdit acte, & voulant que les reconnoissances qu’ils ont faites à l’Exposant de son droit, sortent leur plein & entier effet, ils protestent d’ors & déjà de tout ce qui pourroit être fait par le sieur Darcet à raison desdites Lettres en restitution.
Cette fraude d’un nouveau genre, dont le sieur Darcet s’est rendu coupable vis-à-vis ces Particuliers, doit faire présumer qu’il l’a aussi employée vis-à-vis ce Hontang dans les Lettres en restitution, & dans l’appel dont nous avons déjà parlé.
Tel est l’homme que l’Exposant a à combattre. Nous venons de présenter en substance les moyens qu’employerent les Parties devant le Sénéchal de Saint-Sever, & dont nous donnerons le développement lors de l’analyse des titres respectivement produits : de l’objet le plus simple dans son origine, le sieur Darcet est parvenu à faire un procès dont l’aspect seul effraye par son immense volume : aussi a-t-il atteint le but qu’il se proposoit ; il a tant parlé de pro-
(1) Cote 18 Z du sac de l’Exposant.
C
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priété, il a si souvent
répété que l’Exposant vouloit exproprier ses Tenanciers de leurs héritages,
que le Sénéchal de Saint-Sever s’est laissé aveugler. Une contradiction
frappante, qu’on voit dans
« Sans
avoir égard à chose dite ou alléguée par l’Exposant, le sieur Darcet
est relaxé, tant en son nom que comme Syndic des Habitans & bien-tenans de Doazit
dénommés dans l’acte de délibération du 24 Novembre 1776 ; seize
Habitans dénommés dans
On doit être bien étonné sans doute de ne pas voir dans cette Sentence l’entérinement des Lettres en restitution impétrées par le sieur Darcet, relativement aux acquiescemens donnés par les Habitans de Doazit au droit de l’Exposant, entérinement qui devoit, de toute nécessité, précéder la relaxance de ce Particulier ; l’une étoit le fruit de l’autre : mais on le sera bien davantage lorsqu’on saura que le Sénéchal de Saint-Sever a méprisé ce chef essentiel des conclusions du sieur Darcet, en mettant hors de Cour généralement sur toutes les autres conclusions respectivement prises par les Parties ; en sorte que, par cette rejection, subsistent dans leur entier les acquiescemens & reconnoissances que le sieur Darcet avoit tant à cœur & tant d’intérêt de faire anéantir, parce qu’elles assurent le droit de l’Exposant. Ces acquiescemens & ces reconnoissances devoient donc nécessairement militer pour le maintenir dans ce droit.
Ce
vice dans
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MOYENS, DISCUSSION.
§. Ier.
Qualité du sieur Darcet dans ce procès.
Il
est bien singulier que le sieur Darcet nous oblige de mettre en
question un fait jugé contre lui, & qu’il s’obstine à s’arroger,
même en
§. II.
Genre de l’action que l’Exposant a intentée contre les Particuliers qui ont fait faire des fossés sur les landes dont il s’agit.
Pour être fixé sur ce point, il ne faut que lire les exploits donnés par l’Exposant, & les conclusions qu’il a prises dans tout le cours du procès.
Ces Particuliers ont été assignés pour se voir condamner d’abattre
(1)
Les actes donnés à l’Exposant par certains Habitans qui ont
reconnu leur tort, prouvent en effet que cette querelle n’est que particuliere. Ces actes sont rapportés au sac de l’Exposant, cote
(2) Cote 17 O du sac de l’Exposant.
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les fossés qu’ils ont élevés sur les landes sur lesquelles l’Exposant a le droit de bedat actif, & aux dommages & intérêts soufferts à raison desdites fermetures. Les conclusions ne contiennent rien de différent.
Jamais l’Exposant n’a formé d’action en désistat ou délaissement ; l’unique objet de sa demande a été le droit d’accorder aux Etrangers la permission de faire pacager leurs bestiaux dans ces landes, & c’est en conséquence, & en exécution de ce droit, qu’il a demandé que les fossés qu’on y a pratiqués fussent comblés, à l’effet de laisser à ces Concessionnaires la faculté d’y exercer le pacage. En un mot, cette action n’est autre chose que la réclamation faite par l’Exposant, de l’exercice d’un droit de servitude établie sur ces landes.
§. III.
L’action intentée par l’Exposant, exclut toute idée de propriété de sa part sur ces landes.
L’Exposant n’a demandé ni désistat, ni délaissement ; donc il n’a jamais prétendu avoir la propriété des landes sujettes au bedat. La conséquence est juste ; si cette propriété lui eût été acquise, il n’auroit pas eu besoin de réclamer de droit de servitude ; l’exhibition de son titre eût suffi pour terminer le procès : ainsi l’action intentée par l’Exposant, prouve elle-même qu’il n’est pas propriétaire de ces landes. Il importe très-peu, que devant le Sénéchal de St. Sever, son Défenseur l’en ait dit propriétaire, puisque les conclusions prises dans tous ses écrits devant ce Tribunal, contredisent formellement ce systême de propriété.
Mais de ce que l’Exposant n’est pas propriétaire de ces landes, il n’en résulte point que les Parties adverses en soient eux-mêmes tellement propriétaires, qu’ils puissent interdire à l’Exposant l’exercice du droit qu’il réclame : nous prouverons cette proposition.
C’est
donc mal à propos que le sieur Darcet a
dit dans sa Requête (1) en
(1) Page 4.
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bitans, & feint d’être occupé du soin de défendre lui-même sa propriété.
L’Exposant proteste qu’il n’a jamais prétendu s’approprier les landes sujettes au bedat, ni quereller la division qu’en ont fait entr’eux les Habitans, lorsqu’ils ont assigné à chacun d’eux une portion de ces landes, où ils pouvoient couper le soustrage exclusivement à tous autres.
Tout
ce qu’il prétend & qu’il a droit de prétendre, c’est que ces Habitans doivent
laisser aujourd’hui les landes ouvertes comme elles l’ont toujours été, afin qu’il ait la liberté d’user du droit qui lui
appartient, de concéder aux Etrangers la permission d’y faire pacager leurs
bestiaux (mais non d’y couper du soustrage) ainsi que cela a été pratiqué
de temps immémorial, jusqu’aux premieres
entreprises des Parties adverses ;
telle est la question sur laquelle
§. IV.
Explication du droit de bedat ; différence entre le bedat actif & le bedat prohibitif.
Le droit de bedat est celui d’empêcher ou de défendre que le bétail étranger n’entre d’une Jurisdiction dans une autre, à peine de carnal (2).
Ce droit n’est connu que dans les Coutumes de Dax & de Saint-Sever. Celui dont ces Coutumes font mention est général à tous
(2) Page 5 ibid.
(1)
Vid.
D
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les Seigneurs des Terres du ressort de ces Sénéchaussées ; il est simplement prohibitif.
Le
bedat réclamé par l’Exposant, est tout à la fois actif & prohibitif ; c’est-à-dire, que l’Exposant
peut permettre l’entrée du bétail étranger
dans sa Terre, en lui payant une redevance, ou en interdire l’entrée à peine de
carnal. Le sieur Darcet affecte dans sa Requête en
Suivant
cette Coutume, les Seigneurs ont le droit de carnaler le bétail étranger qui est trouvé pâturant dans leur Jurisdiction (art. 2). Ce droit sembleroit
les autoriser à introduire ce bétail étranger ; cependant ils n’ont point
ce droit, à moins que les titres de
Il
est bien vrai que généralement les Seigneurs introduisent dans leurs
Jurisdictions les Pasteurs de la montagne ; mais c’est un droit
particulier qu’ils ne tiennent point de
Mais
le droit de l’Exposant est différent, il
est hors de la regle générale établie par
(1) Nous parlerons bientôt de ces dénombremens & des autres titres qui établissent le bedat actif en faveur de l’Exposant.
(2) Vid. Les art. 17 & 18, même titre des pâturages. Ces articles établissent le bedat actif, & en font connoître l’étendue.
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comme l’on voit, du simple bedat prohibitif, tel que celui de défendre l’entrée du bétail étranger, sous peine de carnal.
Le droit de l’Exposant a même une autre différence, c’est qu’il s’étend sur le bétail des Habitans de sa Jurisdiction ; & c’est par cette raison que l’on a dit devant le Sénéchal, que le bedat supposoit dans son origine un droit de propriété, & qu’il devoit être nécessairement la suite de quelque réserve faite dans la tradition du fonds.
Le
bedat actif n’est point sans exemple
dans
Il
y a quelques années que certains Propriétaires de
§. V.
Le bedat actif réclamé par l’Exposant existe ; titres qui établissent cette existence.
Ce droit existe depuis quatre siecles : voici les titres qui consacrent cette existence.
Par contrat du 9 Avril 1363 (1), Guilhelmine de Thoartigues ;
(1) Cote 16 X du sac de l’Exposant.
16
dame de Cabressat [Crabessat], vendit à Ogier de Doazit,
« tous les droits, devoirs, raisons & actions personnelles &
réelles, tant en propriété que possession,
qu’elle avoit & devoit avoir dans
« Ubi
de hoc, s’écrie le sieur Darcet (2) ? Comment
le Marquis de Candale prouve-t-il que
les landes aujourd’hui possédées par les Habitans, & qui leur furent
vendues en 1336 & en 1338, par Ogier de Doazit (3), étoient dépendantes de
La
réponse a précédé l’interpellation. Pour être convaincu que les landes en question
sont dans
La distance des temps & des époques, ne permet pas à l’Exposant de rapporter dans son entier la filiation de tous les actes qui ont été passés au sujet de ces landes : cependant il est parvenu à s’en procurer quelques-uns qui établissent parfaitement son droit de bedat actif.
(2)
Page 31 de sa Requête en
(3) Vid. Le §. XII, où nous parlons de cette prétendue propriété, & de ces titres sur lesquels on l’a dit fondée.
17
Un
acte principal & décisif dans ce procès, est un contrat du 8 Juin 1412 (1),
passé entre Enjean de Doazit & les
Habitans du lieu de Marquebieille, situé
hors de
Par
cet acte, le Seigneur de Doazit accorda
à ces Etrangers la faculté de faire pacager leur bétail, de nuit & de jour,
sur le territoire de Camés, Sanguinet & Labanicau, sur toutes les
landes dépendantes de
Depuis
l’époque de ce contrat, les Habitans de Marquebieille ont perpétuellement fait pacager leurs bestiaux dans
toute
Quand
l’Exposant n’auroit à présenter à
« C’est une chose vraiment singuliere (2), que le Marquis de Candale veuille prouver sa possession par un acte qui peut bien prouver une convention, mais qui certainement ne peut prouver les actes possessoires qui l’ont suivi. Si le Seigneur de Doazit avoit, en 1412, le droit de concéder l’héritage & le pacage aux Etrangers sur les héritages propres & particuliers des Habitans de sa Terre, un acte de 1412 pourroit prouver que ce Seigneur auroit transporté ce droit aux Habitans de Marquebieille ; mais cet acte ne sauroit prouver que les Habitans de Marquebieille aient profité de la concession, & joui réellement de l’herbage & du pacage qui qui leur étoit concédé. Rien n’a pu empêcher le Seigneur de Doazit & les Habitans de Marquebieille, d’insérer dans un acte tout ce qu’ils ont voulu, en l’absence & à l’insu des Habitans de
(1)
Ce contrat est rapporté en original, sous cote
(2)
Page 111 & suiv. de sa Requête en
E
18
Doazit. Mais qu’ont-ils fait en vertu & en exécution de cet acte ? VOILA LE POINT : or jamais les Habitans de Marquebieille n’ont mis leurs bestiaux dans les héritages particuliers des Habitans de Doazit, ceux-ci ne l’auroient pas souffert. Le Marquis de Candale n’en rapporte ni ne sauroit en rapporter aucune preuve. Mais quand cet acte porteroit ce que le Marquis de Candale dit qu’il porte, il seroit très-inutile, comme ayant été fait sans le concours des Habitans de Doazit. »
C’est bien sans le vouloir, que le sieur Darcet est convenu du point de la question qu’il a toujours éludé depuis le commencement du procès. Qu’ont fait les Habitans de Marquebieille, en vertu & en exécution de l’acte de 1412 ? Véritablement le procès se réduit à ce mot : quelqu’impatience que nous ayons de donner à cet égard satisfaction au sieur Partie adverse, nous devons nous arrêter un moment sur cet acte, & présenter les autres titres qui établissent l’existence du droit de l’Exposant.
L’Exposant n’a jamais dit que le contrat de 1412 prouve sa possession : il ne faut point prêter des ridicules aux autres pour justifier son injustice. Le contrat de 1412, établit le droit de l’Exposant ; d’autres titres consacrent l’exercice de ce même droit.
« Il s’en faut bien, continue le sieur Darcet (1), que cet acte de 1412 favorise le systême du Marquis de Candale ; on voit bien qu’il y accorde aux Habitans de Marquebieille, l’usage indéfini de certaines landes de sa Terre ; mais on voit aussi que les clauses de l’acte, & la nature de la faculté concédée, supposent nécessairement la propriété absolue des landes dont il s’agit dans cet acte, dans la main du Seigneur qui concede ; les expressions qui prouvent la propriété ne sont point équivoques. Hetbatge, trencadis, de dents, de bestiars, & tailh & dailh, & feugar dessus, terre & dejus terre. Il n’y a qu’un propriétaire qui puisse accorder cet usage indéfini. Or le Marquis de Candale n’avoit point cette propriété sur nos landes. C’est donc des siennes que les Habitans de Marquebieille ont l’usage, &c. .... »
Les clauses du contrat de 1412, & la nature de la faculté con-
(1) Page 16 & suiv.
19
cédée aux Habitans de Marquebieille, ne supposent point la propriété absolue des
landes dont s’agit dans la main de
l’Exposant ; les expressions tailh & dailh,
&c. ne prouvent point non plus cette propriété. Tout ce qui résulte de cet
acte, c’est que l’Exposant a accordé aux
Habitans de Marquebieille la faculté
d »herbager & pacager dans
« Cet acte a été fait sans le concours des Habitans ; donc il est inutile, quand il seroit favorable au Marquis de Candale ».
Mauvaise conséquence. Enjean de Doazit n’étoit point tenu d’appeller les Habitans de sa Jurisdiction pour user d’un droit qui lui appartenoit. Si leur suffrage lui avoit été nécessaire, vraisemblablement il n’auroit pas traité avec les Habitans de Marquebieille ; mais, quoi qu’il en soit, si l’exercice de ce droit fatiguoit ceux de Doazit, ils devoient se plaindre, s’opposer à cet exercice, & faire valoir la prétendue immunité des landes ; bien loin de là, ils n’ont jamais rien dit, ils ont souffert ce qu’ils ne pouvoient pas éviter ; ce silence de leur part, est un moyen bien puissant contre les efforts du sieur Darcet.
« Tout
ce que j’ai dit jusqu’à présent est oiseux,
ajoute-t-il (1) ; une clause de cet acte tranche la question : il y est dit expressément, que le Seigneur de
Doazit accorde cette faculté aux
Habitans de Marquebieille, sur les
landes de Camés, de Sanguinet ou Labanicau ; & au besoin,
Que tout ce qu’a dit le sieur Darcet, avant cette nouvelle découverte, soit oiseux, nous en convenons avec lui, puisqu’il l’avoue ; & il conviendra bientôt avec nous, que les conséquences qu’il tire
(1) Page 121
20
de cette clause, qui lui paroît si décisive, ne doivent point être distinguées de tout ce qu’il a dit jusques à présent. Nous nous contenterons d’observer dans ce moment, ce que nous avons déjà dit ; c’est que le contrat de 1412 embrasse toutes les landes du Bailliage de Doazit ; que cet acte est l’expression du droit du Seigneur, & qu’il est inutile de vouloir restreindre le droit de bedat aux landes de Camés, Sanguinet, Labanicau & Caverie de Thoartigues.
Le
second titre que l’Exposant produit pour
établir son droit, est un contrat d’achat de la moitié de
En
1598, le 9 Août (2), Jeanne de Belcier & Françoise de Bassillon, passerent une transaction, dans laquelle est
insérée la donation de la maison & bien de Labeyrie. Cette donation est en latin, les caractères sont un
peu difficiles à déchiffrer : cependant on voit à la page 8, que le
donateur s’est réservé
En
1608, le 1er Mai (3), le Seigneur de Doazit permit à un particulier Daudignon, de faire paître, pâturer, pacager & herbager
son bétail dans les herbatges de
En
1648, le 15 Décembre (4), le Seigneur de Doazit passa, avec le sieur Decés, son
Juge, une transaction, par laquelle ce Seigneur donne à ce Juge la permission
de faire paître & herbager en
tout temps ses bestiaux, de quelle nature
qu’ils soient, dans toute l’étendue de
En
1662, le 5 Septembre (5), Sarran de Candale
passa une transaction avec les Habitans de Marquebieille, les mêmes qui, deux siecles & demi auparavant,
avoient traité avec Enjean de Doazit, au
sujet du droit d’herbage dans les landes de
(1)
Cote
(2) Cote 21 D du sac de l’Exposant.
(3) Cote 20 O du sac de l’Exposant.
(4)
Cote
(5) Cote 20 P du sac de l’Exposant.
21
important de rappeller les motifs qui déterminerent ce dernier acte ; ils serviront à dissiper les nuages dont le sieur Darcet a essayé de couvrir le contrat de 1412, relativement à la propriété des landes dont s’agit.
On
a vu que par cet acte, Enjean de Doazit
avoit accordé aux Habitans de Marquebieille
la faculté de faire pacager leur bétail, de nuit & de jour, tant sur le
territoire de Camés, Sanguinet & Labanicau, que sur toutes les landes
dépendantes de
« De
padiber pertot lou Baytliage de Doazit, per herbatgar, pasturar, de noctys
& de jours, ab tots mouede, de pers de bestiars, & tailh & dailh,
& feugar dessus terre & dejus terre, & mettre los bestiars en
Camés, & en Seguinet, & en Labanicau, en lou tems de bedat, si lo Senhor de Doazit y met sous bestiars, o si la
bene en autre part ; & plus voulo lod. Senhor, que los padevenses
posquen padevir en tot
Les
mots tailh & dailh contenus dans cet acte, firent croire aux Habitans
de Marquebieille, qu’à la faculté d’herbager
dans toutes les landes de
« par laquelle les Habitans de Marquebieille se soumirent de payer les rentes convenues en 1412 ; de son côté, le Seigneur promet de les faire jouir, moyennant ce, de la concession à eux faite par le même contrat, pour le droit d’herbage & de pacage ; & pour faire cesser toutes questions à l’avenir, pour ledit droit de coupe & soutrage prétendu, a été convenu & accordé, qu’iceux dits Habitans de Marquebieille auront ledit droit de coupe, seulement, sur la lande appellée Coucsec & Banicau, audit Seigneur appartenant, & dans la conte-
F
22
nance
de quarante-quatre arpens, suivans les bornes & limites qui ont été mises
& posées ; dans laquelledite contenance ils pourront couper tuie &
fougere, en tout temps ; promettant ledit Seigneur ne vendre ni concéder à
autres personnes le droit de coupe dans
ladite lande, au préjudice desdits Habitans de Marquebieille, sous la réserve toutefois du droit
d’herbage, qui demeurera franc & libre, & commun, tant pour les
Habitans de Doazit que autres voisins qui payent droit d’herbage audit
Seigneur, comme fera aussi celui du reste de
Deux observations à faire sur cet acte. 1°. Les Habitans de Marquebieille ont eu l’exercice du droit de pacage depuis 1412 jusqu’aux approches de 1662, c’est-à-dire, pendant deux cens cinquante ans ou environ ; exercice dans lequel ils ne furent jamais troublés, & qu’ils ne suspendirent que par un fait particulier entr’eux & leur Seigneur ; exercice enfin qu’ils ont repris depuis 1662, sans aucune contestation de la part des Habitans de Doazit, Voilà en partie ce qu’ont fait ceux de Marquebieille.
2°.
La distinction des landes appartenant au Seigneur d’avec celles de toute
Ainsi cette transaction de 1662 ajoute un nouveau degré de force au contrat de 1412 ; elle confirme tout à la fois l’existence du droit de l’exposant, & l’exercice de ce même droit. Nous
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pourrions donc, sans aucun danger, nous reposer sur ces deux actes ; mais ceux dont nous allons parler, établissent plus parfaitement encore (s’il est possible) la juste réclamation de l’Exposant.
Ces titres sont trois dénombremens des années 1680, 1727, 1765 (1).
Ces dénombremens ont été rendus au Roi par le Seigneur de Candale, ils ont été duement publiés & vérifiés, ils n’ont jamais éprouvé aucune contradiction de la part des Habitans de Doazit.
Dans ces actes, le Seigneur de Doazit dénombre le droit de bedat & de carnal dans lesdites landes.
Ces
dénombremens ont paru au sieur Darcet,
décisifs dans l’intérêt de l’Exposant :
aussi, que de mauvaises chicanes n’a-t-il pas soulevé devant le Sénéchal, pour
soutenir qu’ils ne pouvoient être d’aucun avantage à l’Exposant ! systême de défense, qu’on a abandonné en
Aujourd’hui c’est tout autre chose ; le sieur Darcet s’est replié dans cette propriété dont il parle toujours, & dont il ne peut jamais être question.
« Quand les Seigneurs de Doazit, dit-il (2), auroient compris dans leurs dénombremens des choses contraires à la propriété, liberté & immunité des Habitans, dès que ceux-ci se sont constamment maintenus dans dans la possession des landes & héritages qui leur appartiennent, le Marquis de Candale ne peut point tirer avantage de cette circonstance ».
Le sieur Darcet a dit en quelqu’endroit de sa Requête, que les suppositions de l’Exposant sont des réalités. Nous lui répondons qu’il n’en est pas de même de l’allégation qu’il se permet relativement à la prétendue possession des Habitans, de la franchise & immunité de leurs landes. Il est étrange que le sieur Darcet s’obstine à soutenir que les landes dont s’agit ont toujours été exemptes du droit de bedat, lorsque la preuve contraire résulte de tous les actes du procès, lorsque la voix de presque tous ses Concitoyens s’élevroit pour le dé-
(1)
Cotes
(2)
Page 88 de sa Requête en
24
mentir sur ce point, lorsqu’enfin les Particuliers intéressés, comme lui, ont authentiquement reconnu la sujettion de ces mêmes landes au bedat.
Il
n’est pas moins étonnant que le sieur Darcet affecte de se servir continuellement des termes, nos héritages, pour désigner les landes sujettes au bedat. L’Exposant
ne prétend rien aux biens ni aux
domaines des Parties adverses ; tout ce
qu’il leur demande, & ce que ses titres lui assurent, c’est que chacun
d’eux en particulier laisse ouverte la portion
de lande qui lui a été assignée uniquement
pour y couper le soutrage, & non pour la cultiver & la labourer. Cette propriété qu’ils font
sonner si haut, ne leur donne que le droit de couper ce soutrage, faculté qui ne leur a jamais été interdite :
il y a trois ans qu’on ne cesse de leur répéter ce fait ; ils feignent de
ne pas entendre, pour avoir le prétexte de parler & reparler de leurs
héritages, croyant par ce petit moyen émouvoir
la pitié de
« Je conviens, ajoute le sieur Darcet (1), que ces dénombremens parlent du droit de bedat, mais c’est du bedat prohibitif ; pour de droit de bedat actif, jamais les auteurs du Marquis de Candale n’ont songé à en prétendre. Ce qui le prouve, c’est qu’ils font confronter le territoire de Camés aux padouens que les Habitans de Doazit occupent pour le présent. On connoît la maxime qui de uno dicit, de altero negat : dès que les Seigneurs de Doazit ont déclaré n’avoir ce droit de bedat que sur un territoire circonscrit, borné par nos possessions, ils ont donc déclaré n’avoir point ce droit sur les possessions placées hors de ce territoire ».
Le sieur Darcet perd de vue la clause des dénombremens. Cette clause n’a rien de limité, elle embrasse toutes les landes du Bailliage de Doazit.
Le droit de bedat actif est clairement énoncé dans les dénombremens de 1680 & 1727 ; mais celui de 1765 (2) ne laisse aucune équivoque : on y lit, page 9, le Seigneur a de plus le droit, depuis mil quatre cent douze, de prendre annuellement dans tout le lieu de Marquebielle, sur chaque maison d’icelle, six liards, une poule, & deux mesures d’avoine combles ; & s’ils nourrissent des agneaux,
(1) Pag. 90.
(2)
Cote
25
chevreaux, pourceaux, jusques au nombre de trois, ils sont tenus de lui en donner un à son choix.
L’époque à laquelle remonte ce droit, est précisément celle du contrat passé entre Enjean de Doazit & les Habitans de Marquebieille. La redevance est exactement celle qu’ils se soumirent de payer, elle est rappellée dans la transaction passée en 1662 entre Sarran de Candale & les mêmes Habitans de Marquebieille. Cette redevance est le prix du bedat actif, exercé depuis 1412. Ainsi ce contrat de 1412 forme le titre principal & fondamental du droit de bedat actif.
Après cette preuve, si l’on pouvoit douter encore que les dénombremens produits par l’Exposant énoncent ce droit, qu’on se rappelle les Lettres en restitution que le sieur Darcet a impétrées contre les acquiescemens & reconnoissances données par les Habitans de Doazit dans ces mêmes dénombremens. Le sieur Darcet se seroit-il donné tant de soins, si ces actes avoient été muets sur ce droit de bedat actif ?
Tels sont les titres qui établissent l’existence du droit réclamé par l’Exposant. A ces titres se joint l’exercice paisible, continu & public de ce droit pendant quatre siecles, possession dont le sieur Darcet conteste la légitimité. Voyons qui, de lui ou de l’Exposant, est le mieux fondé dans la prétention qu’il oppose.
§. VI.
L’Exposant a la possession immémoriale, dont il excipe.
Les différens titres que l’Exposant a produits, & dont nous avons fait l’analyse, prouvent tout à la fois, & son droit, & sa possession.
A compter du jour du contrat de 1412 jusqu’à l’époque de l’entreprise des Parties adverses, il s’est écoulé trois cent soixante-cinq années, qui suffisent sans doute pour établir la possession.
« Mille ans ne vous suffiroient pas, dit le sieur Darcet (1), non-seulement par cette raison générale qu’il n’y a point de prescription du Seigneur au Vassal, mais plus particuliérement encore, par cette raison supérieure, que tenant nos héritages du Seigneur
(1)
Pages 102 & 103 de sa Requête en
G
26
de Doazit, & le droit de bedat actif n’ayant pas été établi par ce titre, les possesseurs n’ont pu souffrir de surcharge ».
Il n’est pas temps encore d’examiner ce titre prétendu de propriété des Parties adverses, & d’en prouver tout au moins l’inutilité ; en attendant, nous observerons qu’à supposer ce titre aussi puissant qu’il est invalide, il seroit toujours anéanti par l’exercice constant & paisible de ce droit, dont les Habitans de Doazit ont laissé jouir leurs Seigneurs depuis 1412.
Quant à cette raison générale qu’il n’y a point de prescription du Seigneur au Vassal, notre réponse est bien simple, & le sieur Darcet a dû la prévoir ; elle résulte de la nature même du droit réclamé par l’Exposant.
Le
droit de bedat actif est celui de
laisser entrer le bétail étranger dans les landes de toute
Dans
§. VII.
L’Exposant a exercé sa possession.
C’est le moment à répondre à l’interpellation que le sieur Darcet nous a faite (1), & que nous avons rappellée plus haut. Qu’ont fait les Habitans de Marquebieille en vertu & en exécution du contrat de 1412 ? A quoi le sieur Darcet a ajouté, voilà le point.
(1)
Page 113 de sa Requête en
27
Si
l’Exposant prouve non-seulement que les Habitans
de Marquebieille, mais encore d’autres Habitans voisins, ont usé de la faculté qui leur a été donnée de mener leurs bestiaux
dans les landes de
Et
d’abord nous avons déjà observé que les Habitans de Marquebieille en avoient usé depuis 1412, date du contrat, jusques
en 1662 ou environ, époque où ils transigerent avec Sarran de Candale sur le procès qu’ils avoient en
A cette première preuve se joint celle prise des paiemens faits en différens temps, par les Habitans de Marquebieille, des redevances relatives à la faculté qui leur a été accordée. Nous rapportons cette preuve.
Ces Habitans ne sont pas les seuls étrangers auxquels les Seigneurs de Doazit aient accordé ces permissions, & qui en aient fait usage.
A
cet égard, la possession & l’exercice des Seigneurs de Doazit sont prouvés par une foule de titres passés avec des
Particuliers qui ne sont point de
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tion de Doazit : la majeure partie de ces actes remontent à l’année 1607, & comprennent quelques années subséquentes (1).
Depuis plus d’un siecle on n’a point passé d’acte public pour le droit de pacage & d’herbage ; le Seigneur s’est contenté de tenir des catalogues où se faisoient inscrire ceux qui étoient venus demander la permission de mener le bétail dans les landes, & à qui le Seigneur l’avoit accordée (2). S’il est besoin d’une enquête pour prouver l’existence de ce droit, l’Exposant est en état de la faire.
Ces
états ou catalogues établissent les paiemens des redevances relatives au
droit de bedat ; paiemens faits, tant par
les Habitans de Marquebieille, que par
ceux des Paroisses dont nous venons de rappeller le nom. Ces catalogues, faits
par les Agens du Seigneur, doivent faire en Justice la même foi que des actes
publics ; on n’est pas toujours à portée d’un Notaire, & on évite des
frais. Il fut jugé au mois de Juillet de l’année derniere, à l’Audience de
Lorsque quelqu’un de ces Particuliers qui s’étoient faits inscrire sur ces catalogues, vouloit ensuite cesser de participer au pacage, il adressoit un acte au Seigneur de Doazit, afin qu’il eût à ôter ou rayer son nom ; l’Exposant a recouvré des actes de cette espece, notifiés par le ministere d’un Notaire (4).
L’Exposant produit en outre un contrat de ferme de
Enfin la possession & l’usage du Seigneur d’accorder ces permissions, & d’en percevoir une redevance, est établie sans aucune
(1) Vid. un cahier in-4°. couvert en parchemin, où sont rapportés ces soixante-six actes, cote 21 E du sac de l’Exposant.
(2) Vid. ces catalogues, cote 21 N, ibid.
(3) C’étoit dans la cause de Me. Andrieu, Avocat à Levignac, Plaidans Mes. Feuilhe & Jaubert.
(4) Vid. les cotes 20 Q, 20 R, 20 S, 20 T, du sac de l’Exposant.
(5) Cote 21 J du sac de l’Exposant.
29
équivoque sur la
généralité des landes situées dans
Cette foule de titres qui établissent démonstrativement l’exercice du droit de l’Exposant, détruisent bien formellement cette assertion peu réfléchie du sieur Darcet, lorsqu’il a dit que jamais l’Exposant n’a joui de ce droit ; que jamais les Habitans de Marquebieille n’avoient mis leurs bestiaux dans les héritages de ceux de Doazit, que ceux ci ne l’auroient pas souffert.
Que ces Habitans n’eussent pas souffert que ceux de Marquebieille, de Banos, de Saint-Aubin, de Caupene, de Saint-Cricq ravagassent leurs héritages, ils eussent été très-bien fondés. Mais nous le répétons encore, ce n’est point des héritages des Habitans de Doazit qu’il est question, il s’agit des landes qui ne produisent que le soutrage, & sur lesquelles les titres de l’Exposant & sa possession lui assurent une servitude ; l’Exposant en a usé librement, les Parties adverses l’ont souffert, parce qu’ils ne pouvoient pas l’éviter. Le point fixé par le sieur Darcet est donc jugé en faveur de l’Exposant.
§. VIII.
Publicité de l’exercice du droit de bedat.
On a vu par les actes que nous venons de rappeller, que l’exercice que l’Exposant a eu de son droit, a dû nécessairement être public ; des Etrangers ne se transportent pas avec leurs bestiaux dans une autre Jurisdiction, sans que les Habitans s’en apperçoivent ; ces Etrangers ne viennent pas furtivement au Château payer les redevances relatives à la faculté qui leur a été concédée ; enfin ces Etrangers ne se maintiennent pas dans cet usage pendant trois cent soixante-cinq années par une possession furtive.
C’est
en vertu du contrat de 1412 que les Habitans de Marquebieille sont dans l’usage de mener paître leurs bestiaux
dans
H
30
Depuis cette époque, ce droit a toujours été exercé ; jamais les Habitans de Doazit qui connoissoient le droit, qui étoient les témoins de l’usage qu’on en faisoit, jamais ces Habitans n’ont osé contester l’un ni s’opposer à l’autre.
Le sieur Darcet a eu raison de dire que rien n’a pu empêcher le Seigneur de Doazit & les Habitans de Marquebieille d’insérer dans un acte tout ce qu’ils ont voulu.
Mais si les Habitans de Doazit avoient eu quelque pouvoir, quelque droit de s’affranchir de ce qui leur auroit été onereux dans cet acte, rien n’auroit pu les empêcher de réclamer contre cet acte, ils pouvoient l’attaquer dans son principe, contester au Seigneur un droit qu’il eût concédé mal à propos ; ils pouvoient au moins s’opposer à l’exercice de ce droit ; en un mot, faire tout ce qui étoit en eux pour empêcher les Habitans de Marquebieille, ceux de Saint-Aubin, de Banos, Daudignon, de Caupene, de Saint-Cricq & autres, d’en user aussi librement, aussi publiquement. Mais, encore une fois, les Habitans de Doazit n’ont jamais osé s’élever contre ce droit du Seigneur, parce qu’ils étoient sûrs de succomber dans les tentatives qu’ils hasarderoient.
« Mais ce contrat fut passé à l’insu & en l’absence des Habitans de Doazit ; comment donc pouvoient-ils se plaindre d’un acte duquel le Seigneur eut grand soin de les écarter » ?
Le sieur Darcet & ses Consorts ont-ils appellé l’Exposant lorsqu’ils ont fait clore de fossés les portions de landes qui leur ont été affectées ? Cependant il a agi. Dès l’instant qu’il a vu ces fossés, que les Parties adverses ne devoient pas faire, il a réclamé contre cette entreprise qui pouvoit compromettre son droit, à la différence des Parties adverses, qui ont vu tranquillement les Habitans des Jurisdictions voisines user d’une faculté accordée par le Seigneur, sans y former la moindre opposition, sans y mettre le plus petit obstacle.
Que les Habitans de Doazit n’aient pas concouru à la passation du contrat de 1412, cette circonstance est aussi indifférente au procès que leur présence à l’acte eût été inutile. Nous avons dit plus haut que le Seigneur n’étoit pas tenu de les appeller pour user d’un droit qui lui appartenoit. Il suffit à l’Exposant que l’exercice de son droit ait été public. Or nul doute à cet égard,
31
le contrat de 1412, la
transaction de 1662, les différens paiemens faits aux aïeuls de l’Exposant, & à l’Exposant lui-même, les redevances relatives à ce droit, le contrat de ferme de
Les conséquences qui réultent de ces actes, & l’exécution qu’ils ont reçue, au vu & sçu des Habitans de Doazit, se présentent d’elles-mêmes. Il n’est personne en effet qui ne sente combien ces Habitans eussent été intéressés à empêcher l’exercice de ce droit, s’ils eussent été fondés à s’y opposer. Ils ne l’ont cependant jamais entrepris, quoiqu’il ait presque toujours existé des procès très-sérieux entr’eux & le Seigneur au sujet d’autres droits.
On
doit singulierement faire attention à une circonstance que nous avons présentée
en commençant, & qui est d’une grande importance dans ce procès ;
c’est que les Habitans de Doazit se
diviserent entr’eux les landes, c’est-à-dire, qu’ils assignerent à chacun d’eux
une portion particuliere pour y couper le soutrage exclusivement à tous
autres. (Voilà en quoi consiste la
propriété des Habitans sur ces landes, ils n’ont que le soutrage exclusivement
à tous autres). Or, lors de cette division, les
Habitans ne crurent point pouvoir fermer ces portions qui leur étoient assignées, ils en laisserent au
contraire l’entrée libre comme auparavant.
Cette ouverture constante &
perpétuelle des landes, malgré leur
partage, relativement au soutrage, n’avoit & ne pouvoit avoir d’autre cause que le
droit appartenant au Seigneur d’accorder à des étrangers la permission
d’y envoyer paître le bétail ; sans
cela chaque Habitant n’eût pas manqué de clore sa portion de landes, soit pour se réserver à lui seul le pacage, soit pour
rendre le soutrage plus abondant ; car il est de fait constant & notoire dans le
Pays, qu’un journal de lande ouverte ne se vend pas au delà de
Cette ouverture constante & perpétuelle des landes, malgré le partage qu’en firent entr’eux les Habitans de Doazit, est un hommage solemnel que ces Habitans rendirent au droit de leur Seigneur. Quelle que fut l’idée ou la volonté de quelques-uns, & peut-être du sieur Darcet, s’il existoit alors, qui sans doute auroient voulu fermer leurs portions de landes, ce droit du Seigneur veilloit pour
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lui ; il défendoit ses intérêts contre les entreprises que les Habitans auroient tenté pour augmenter leur fortune. Ainsi ces Habitans ont été non-seulement les témoins de l’exercice du droit de l’Exposant, ils en ont été encore les coopérateurs. Ce respect, cette soumission qu’ils montrerent alors, pourquoi s’en sont-ils écartés ? Comment sur-tout ont-ils osé dire que la possession de l’Exposant est clandestine, lorsque cette possession est leur ouvrage, lorsqu’il dépendoit d’eux d’y mettre obstacle dans le temps le plus favorable pour eux, lors du partage de ces landes.
§. IX.
Force & effets de la possession immémoriale.
Tous les Auteurs nous apprennent que la possession centenaire & immémoriale ne forme pas une simple prescription, qu’elle est par elle-même un titre auguste formé par la nature, & qui ne peut être abrogé que par une loi spéciale.
Ces
principes sont renfermés dans l’idée générale que Dumoulin nous a donné de la possession centenaire, sur
l’article 12 de
« Si la prescription de dix ou vingt ans, de trente ou quarante ans, disoit le célebre Cochin (1), l’emporte souvent sur les titres de propriété les plus authentiques & les plus décisifs, que doit-on penser de la possession centenaire & immémoriale ? Il n’y a rien qui ne cede à son autorité, si par une disposition textuelle on n’y a expressément dérogé ; cette possession n’opere pas une simple prescription, elle ne fait pas seulement présumer des titres, elle opere
(1) Tom. 4, pag. 572 & 575.
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par elle-même le titre le plus puissant, le plus solemnel & le plus efficace ; titre à la vue duquel tout doit se soumettre.
Les
prescriptions les plus longues, qui sont celles de trente ou quarante ans, longissimi
temporis, sont purement de droit civil &
politique ;
Ce
discours éloquent, tenu par Cochin,
& qui fit rejetter un codicille que le Marquis de Nisas produisoit pour dépouiller le Comte Duluc,
après une possession plus que centenaire,
fondée sur le testament, le Marquis de Candale l’emploie aujourd’hui pour défendre le droit qu’on lui conteste après
une possession de près de quatre siecles. Si
une possession centenaire a paru
suffisante, si elle a tenu lieu de titre au Comte Duluc, quelle faveur ne doit pas mériter celle dont l’Exposant excipe, lorsqu’elle est appuyée d’ailleurs sur des titres
aussi anciens ? Toutes les Nations
ont reconnu que tout ce qui avoit subsisté dans le même état pendant cent ans, étoit
inébranlable ; & les Habitans de Doazit viendront contester à leur Seigneur, un droit qu’il
exerce depuis trois cens soixante-cinq années, un droit qui fait partie de ses propriétés, un droit qu’ils ont
respecté eux-mêmes, dans un temps où il sembloit que leur esprit litigieux
devoit les exciter à l’attaquer ? Quand l’Exposant n’auroit point à présenter à
I
34
Cette derniere circonstance nous ramene naturellement à la contradiction dans laquelle a tombé le Sénéchal de Saint-Sever, en relaxant, tant le sieur Darcet, en qualité de Syndic des Habitans dénommés dans l’acte de délibération, que les autres Particuliers, sans préalablement avoir entériné les Lettres en restitution que le sieur Darcet avoit impétrées, en sadite qualité, contre les reconnoissances au droit de l’Exposant, données par les Habitans de Doazit, dans les dénombremens dont nous avons parlé.
§. X.
Le mépris qu’a fait le Sénéchal de Saint-Sever de ces Lettres en restitution, est contradictoire avec la relaxance prononcée dans cette Sentence.
Une premiere observation à faire, c’est que le sieur Darcet, au nom qu’il agit, a compris, in eâdem cartâ, deux objets qu’il
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est essentiel de distinguer ; c’est-à-dire, qu’il s’est pourvu, dans les Lettres en restitution qu’il a prises, tant contre les reconnoissances données à l’Exposant de son droit, par les Particuliers dont nous avons parlé, que contre les acquiescemens donnés à ce même droit par les Habitans de Doazit, dans les dénombremens de cette Terre.
Nous ne parlons point de l’objet qui regarde les premiers Particuliers ; on a déjà vu qu’ils ont déclaré que ces Lettres en restitution étoient l’ouvrage du sieur Darcet, qu’ils les désavouoient, qu’ils étoient prêts deffectuer ce qu’ils avoient promis à l’Exposant dans leur acte, & qu’ils protestoient contre tout ce que feroit le sieur Darcet au préjudice de ce désaveu. Il n’est pas étonnant qu’après cette rétractation, le Sénéchal de Saint-Sever n’ait pas statué sur cet objet inféré dans ces Lettres en restitution, puisque ces Particuliers, au nom desquels elles avoient été prises, s’en sont authentiquement départis.
Ainsi
nous n’entendons parler que du second objet compris dans ces mêmes Lettres en
restitution (1), objet qui concerne les reconnoissances &
acquiescemens donnés par les Habitans de Doazit au droit de l’Exposant, dans
les dénombremens de
Et à cet égard, n’est-il pas bien étrange que le Sénéchal de St. Sever ait relaxé le sieur Darcet en sadite qualité, sans préalablement avoir entériné ces Lettres en restitution ?
Quel étoit l’objet du sieur Darcet, dans l’impétration de ces Lettres, sur ce point ? C’étoit de détruire les acquiescemens donnés au droit de l’Exposant : ces acquiescemens étoient décisifs dans son intérêt ; le sieur Darcet en étoit lui-même tellement convaincu, qu’il crut, avec raison, devoir les faire anéantir, pour obtenir la relaxance qu’il demandoit ; & cependant le Sénéchal de Saint-Sever laisse subsister ces acquiescemens & relaxe le sieur Darcet.
Ce
n’est pas même ici une omission de prononcer de la part de ce Tribunal, (moyen toutefois qui devroit opérer la
réformation de
(1) Elles sont produites sous cote 17 R du sac des Parties adverses. Il est essentiel de les lire.
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restitution, en mettant hors de Cour généralemant sur toutes les autres conclusions prises par les Parties. Ainsi le Sénéchal de Saint-Sever, en méprisant ces Lettres en restitution, a clairement jugé que les Habitans de Doazit ont parfaitement reconnu le droit de l’Exposant ; & par une conséquence bien juste, que ce droit existoit, & en même temps il a détruit ce même droit, en relaxant le sieur Darcet. Jamais peut-être on n’a vu de contradiction plus frappante.
Et
qu’on ne dise point que le sieur Darcet
avoit retiré ces Lettres, qu’il ne vouloit plus s’en servir ; on voit le
contraire dans ses Requêtes devant le Sénéchal, dans la derniere, où il demande
l’admission de toutes ses précédentes conclusions. Il y a quelque chose de mieux, & qui rend inexcusable sur ce
point le Sénéchal de St. Sever, c’est
que les Lettres en restitution sont visées dans
Nous
l’avons déjà dit ; ce vice, dans cette Sentence, devroit seul la faire
réformer ; mais combien l’injustice qu’elle renferme, & qui résulte
des titres dont nous venons de parler, rend cette réformation
indispensable ! Combien la relaxance prononcée en faveur du sieur Darcet & des autres Particuliers, contraste avec
§. XI.
L’Arrêt de
On se rapelle que le sieur Darbo fut le premier qui, au mépris des titres & de la possession qui assuroient le droit de l’Exposant, entreprit de clore la portion de landes qui lui avoit été affectée pour le soutrage. Cette portion étoit sur un territoire nommé Camés.
L’Exposant réclama contre cette entreprise ; il excepta de son droit de bedat actif ; il produisit les mêmes titres qu’il présente aujourd’hui, titres qui en consacrent l’existence & l’exercice ; il soutint que la
37
nature de ce droit étoit d’imposer aux Habitans de Doazit l’obligation de laisser les landes ouvertes, car autrement son droit de bedat deviendroit illusoire & chimérique ; que cette premiere obligation faisoit conséquemment au sieur Darbo, une Loi d’abattre les fossés qu’il avoit pratiqués pour clore ces mêmes landes, & dépouiller l’Exposant de son droit.
Le sieur Darbo se défendoit comme se défendent aujourd’hui les Parties adverses. Il disoit : cette lande m’appartient ; il produisoit le contrat d’achat du fonds sur lequel il avoit pratiqué les fossés ; ce contrat étoit authentique & très-bon ; (bien différent en cela de ceux dont les Parties adverses excipent, comme nous l’établirons tout à l’heure) muni de ce contrat, qui lui donnoit cette espece de propriété, le sieur Darbo soutenoit avoit été en droit de faire tout ce qu’il avoit voulu sur le territoire de Camés, puisqu’il l’avoit acheté ; mais connoissant bien le vuide de cette défense, le sieur Darbo introduisit sa garantie contre son vendeur.
L’Exposant répondit que le droit de bedat s’étendoit sur toutes les landes de
C’est sur ce motif que le Sénéchal de Saint-Sever rendit, le 26 Mars 1774 (1), Sentence par laquelle « le sieur Darbo fut condamné d’abattre, dans le délai de huitaine, les fossés qu’il avoit fait faire, avec inhibitions & défenses de récidiver, à telle peine que de droit, & il fut débouté de la garantie qu’il avoit instruite contre son vendeur ».
Sur
l’appel interjetté par le sieur Darbo de
cette Sentence, intervint Arrêt le 18 Mars 1777 (2), au rapport de M. l’Abbé
Feger, par lequel
D’après cet Arrêt, il paroîtra bien inconcevable que le Sénéchal de Saint-Sever, qui avoit reconnu le droit de l’Exposant contre
(1) Cote 17 D du sac de l’Exposant.
(2) Cote 17 E ibid.
K
38
le sieur Darbo, l’ait méconnu vis-à-vis les Parties
adverses ; les motifs qui déterminerent le
Sénéchal en 1774, sont cependant les mêmes qui devoient le guider dans
« Vous vous trompez, dit le sieur Darcet, la lande Camés appartient au Marquis de Candale ; lande sur laquelle les Habitans de Marquebieille ont le droit d’aller pacager ; au lieu que celles que nous avons entourées de fossés nous appartiennent, elles sont dans un autre quartier ; donc nous ne sommes pas dans les mêmes circonstances ; donc il n’est pas bien étonnant que d’un côté, le Sénéchal ait condamné le sieur Darbo envers le Marquis de Candale ; & que de l’autre, il ait condamné le Marquis de Candale envers nous ».
C’est
le sieur Darcet qui se trompe. On vient
de voir que le sieur Darbo se disoit propriétaire de la lande Camés, parce qu’il avoit acheté le fonds dont cette lande dépend. La lande de Camés n’est pas plus à l’Exposant que les autres landes. Dix à douze
particuliers, tant de Doazit que de Saint Criq, en ont différens morceaux où
ils coupent leur soutrage. Ce n’est donc point sur cette prétendue
propriété, qu’on soutenoit dans l’intérêt de
l’Exposant, que
Or l’Exposant a le même droit de bedat sur les landes dont il s’agit aujourd’hui, que sur la lande de Camés, que le sieur Darbo avoit fermée ; de tous les titres rapportés, il n’en est pas un qui fasse aucune distinction à cet égard ; les Parties adverses n’ont donc pas été plus en droit que le sieur Darbo, à faire des fossés sur les landes.
Il
est vrai que dans tous les dénombremens, les Seigneurs de Doazit avoient
dénombré la propriété du territoire de Camés ; mais
39
que les Habitans y coupoient du soutrage, & y faisoient pacager leur bétail, parce
que les landes ne donnent pas d’autre revenu ;
En
voilà bien assez, sans doute, pour justifier l’appel que l’Exposant a interjetté de
§. XII.
Titres des Parties adverses ; invalidité de ces titres.
Il
est bon de dire d’abord, que ce n’est pas la premiere fois que ces titres ont
été produits, parce que ce n’est pas la premiere mauvaise contestation que les
Habitans de Doazit ont soulevée contre
leur Seigneur. Ils le furent dans le dix-septieme siecle par un sieur Desessart
[Dedezest ?],
partisan, qui se mit à la tête de certains
Habitans de Doazit, pour contester à
Henri de Foix-Candale, quelques droits de
L’idée
générale que nous venons de donner de ces titres, doit fixer
40
Le
premier, est un prétendu contrat d’achat des landes dont s’agit, daté du 6
Juillet 1336 (1), par lequel il paroît qu’un Seigneur de Doazit, nommé Auger, vendit des landes de
Deux ans après, en 1338 (2), second contrat de vente d’autres landes.
A la suite de cet acte, on en voit un autre en date du 26 Juin 1434, retenu par Jean de Lipossa, par lequel il paroît qu’Enjean de Doazit (celui qui en 1412 avoit passé le contrat avec les Habitans de Marquebieille) petit fils du vendeur, a ratifié la vente faite par son grand’pere en 1338 : voici ce que ce dernier acte contient. « Ledit Auger de Doazit vend aux Habitans de Doazit, pour la somme de vingt-cinq livres de bon morlans, qu’il déclare avoir reçue pour droit d’entrée, toutes les pieces de terre, landes, afforêts, basta, heuguera, appellées de Lamenas, Feseaux [Fescaux], Lannedebout, Bos de Gourgue, Massey, Lanne, Gaxies, &c. » & leur ratifie en même temps la vente qu’ils disoient avoir été faite des landes & padouens de Thoartigues, par le Seigneur dudit Thoartigues, avec pouvoir à eux de vendre, bailler à fief, ou autrement de disposer desdits padouens à leur volonté ; renonce en faveur des mêmes, à tous les droits des eaux, pierrieres, marnieres, herbages, arbres antés ou sauvages, servitude qu’il pourroit prétendre, & à tout autre droit de fief, & d’obliger au guet, hommage, que les Jurats de Doazit auroient dû ou devroient faire, tant à lui qu’à ses dévanciers ; se réservant ledit Seigneur toute Seigneurie majeure, comme ban, clam sang & meurtre, péage, cens & carnal.
En premier lieu, il y a une contradiction frappante dans les clauses de cet acte.
On
fait vendre au Seigneur purement & simplement ; on le fait renoncer à
tous les droits qu’il avoit sur les objets vendus, & cependant il paroît
que dans le même temps, ce Seigneur se reserve
(1)
Cote
(2) Cote 18 H ibid.
41
En
second lieu, on fait vendre ces fonds par quelqu’un qui ne les possédoit pas,
puisqu’il ne les a acquis lui-même que vingt-cinq ans après, ainsi que cela résulte de l’acte de 1363 (1), dont
nous avons parlé, & on fait vendre pour vingt-cinq francs, près de deux mille journaux de fonds, tandis qu’il paroît par cet acte de 1363, que toute
En troisieme lieu, on fait ratifier cette vente, non par le fils du vendeur, quoique vivant, mais par le petit-fils, c’est-à-dire, quatre-vingt-seize ans après la prétendue vente.
En quatrieme lieu, & cette circonstance est très-singuliere ; cet Enjean de Doazit, petit-fils du vendeur, qu’on prétend avoir ratifié cette vente en 1434, étoit mort en 1430. Cela est justifié par un acte d’association, entre les Habitans de Doazit ; Horssarieu & Brassempoy, dans lequel ils déclarent qu’Enjean, leur Seigneur, est mort sans héritier de sa race. Cet acte est de 1430 (2).
La mort d’Enjean de Doazit (3) est confirmée dans un Arrêt du Grand Conseil, produit par l’Exposant : on lit, à la page 15 de cet Arrêt, ces mots : testament de feu Messire Jean, Seigneur de Doazit, du 17 Février 1430 (4).
On lit encore à la même page, qu’en 1431, 1432 & 1433, Bertrand Duviella étoit Seigneur de Doazit ; qu’il rendit hommage au Roi en cette qualité, & que les Habitans lui avoient prêté le serment de fidélité.
L’Exposant avoit dit que Jean de Doazit étant mort en 1430, ne pouvoit point avoir ratifié d’acte en 1434 ; le sieur Darcet nous répond (5) que cette objection méritera quelqu’attention, lorsque l’Exposant aura prouvé qu’il n’a pu y avoir deux Jean de Doazit l’un après l’autre, ou lorsqu’il aura prouvé qu’un Jean de Doazit n’étoit pas Seigneur de Doazit en 1434.
(1) Vide sup. §. 5, où ce contrat est rapporté.
(2)
Cote
(3) Cote 18 H du sac de l’Exposant.
(4)
Vid. ce testament en original cote
(5)
Page 44 de sa Requête en
L
42
Hé
bien, l’Exposant le prouve, puisqu’il paroît par les actes dont nous venons de
parler, que Jean de Doazit mourut en
1430 sans héritier de sa race, &
qu’en 1431, 1432 & 1433, c’étoit Bertrand Duviella qui étoit Seigneur de Doazit ; donc il n’y a pas eu deux Jean de Doazit
l’un après l’autre ; donc un Jean
de Doazit n’étoit pas Seigneur de Doazit en 1434 ; donc Jean de Doazit n’a pu ratifier en 1434 cette prétendue vente ;
donc l’objection de l’Exposant mérite
toute l’attention de
En cinquieme lieu, dans cet acte de 1338, on fait réserver au Seigneur le péage, & il est prouvé qu’il n’y en avoit pas à cette époque dans Doazit, puisqu’il ne fut établi qu’en 1440, c’est-à-dire, cent deux ans après la date de l’acte produit par les Parties adverses. Le titre d’érection du péage est rapporté (1).
En sixieme lieu, à supposer que Jean de Doazit, que nous avons prouvé être mort en 1430, eût été vivant en 1434, paroît-il vraisemblable qu’il eût ratifié une pareille vente, tandis qu’en 1412 il avoit donné aux Habitans de Marquebieille la faculté de mener leur bétail dans tout le Bailliage de Doazit ? Et ici revient cette question que nous avons faite si souvent aux Parties adverses : pourquoi, si ces landes vous appartiennent depuis 1338, avez-vous souffert patiemment que les Habitans de Marquebieille, ceux de Banos, Daudignon, de Caupene, de Saint-Cricq, soient venus constamment sur vos fonds, avec leurs bestiaux, depuis 1412 (2) ?
Le faux de ces actes étoit trop éclatant pour que le sieur Darcet, quelque aveuglé qu’il soit, n’en fût pas frappé : aussi les a-t-il bientôt abandonnés, pour se saisir avec transport d’un Arrêt du Parlement de Toulouse, rendu le 9 Décembre 1625, qui, suivant lui, a jugé nettement notre question. Le sieur Darcet a consacré une grande partie de son ouvrage à l’apologie de cet Arrêt, qui n’a aucun rapport, aucune analogie avec le droit que l’Exposant réclame aujourd’hui ; Arrêt dans lequel on ne voit visé aucun des titres des Seigneurs de Doazit, parce qu’il n’en fournit aucun ; ce qui dément l’assertion que le sieur Darcet s’est permise à cet égard,
(1) Sous la cote 17 T du sac de l’Exposant.
(2) On doit remarquer que le Notaire qui a fait l’extraction de ces actes, déclare qu’elle a été faite à la requisition des Habitans de Doazit, & qu’il ne paroît point que le Seigneur y ait été appellé, & cette extraction est sans date.
43
page 68 de sa Requête en
De quoi s’agissoit-il dans la contestation qui détermina l’Arrêt de 1625 ? Les Habitans de Doazit réclamoient-ils alors l’immunité des landes ? c’est-à-dire, demandoient-ils la permission de les clôre dans l’objet d’empêcher le Seigneur de jouir du droit d’y laisser paître le bétail étranger, droit dont l’existence est authentiquement établie par le contrat de 1412, qui n’a jamais été attaqué ; droit que les Seigneurs de Doazit exercent paisiblement depuis trois cent soixante-cinq ans ? Les Habitans de Doazit se pourvurent-ils alors contre ce contrat de 1412 ? L’Arrêt de 1625 a-t-il jugé que ces Habitans pouvoient fermer leurs landes ? a-t-il conséquemment privé le Seigneur de son droit ? Voilà ce que cet Arrêt devroit juger pour justifier l’application que le sieur Darcet en veut faire à la question qui nous divise aujourd’hui.
Qu’on lise cet Arrêt avec l’attention la plus scrupuleuse, on n’y verra rien de semblable. Il ne s’agissoit alors que du droit de propriété des landes, du taux des fiefs, & de quelques autres droits seigneuriaux.
Les Habitans produisoient des titres de 1326, 1332, 1336 & 1338 ; ils oublierent la fameuse ratification prétendue faite en 1434 par Jean de Doazit, mort en 1430, ou plutôt cette ratification n’étoit pas encore fabriquée en 1625.
L’Arrêt maintint les Habitans en la possession & jouissance des padouens communaux dont mention est faite auxdits titres.
On
le demande, quelle analogie y a-t-il entre cet Arrêt & la question sur
laquelle
« Les Habitans sont maintenus dans la propriété des landes, donc ils peuvent les fermer ».
Eh ! que fait à l’Exposant cette propriété à laquelle vous mettez un si grand prix, & qu’il vous abandonne ? Quel tort peut-elle faire au droit qu’il réclame, droit qui a été publiquement & paisiblement exercé pendant près de quatre siecles ? Possedez ces landes, aliénez-les, vendez-les ; ni vos acquéreurs, ni vous, n’aurez jamais le droit de les fermer, jamais vous n’en aurez d’autre que d’y couper le
44
soutrage exclusivement à vos voisins ; c’est là le seul fruit que vous pouvez en retirer. Telles sont les bornes
de votre propriété, vous ne devez point les
franchir. Le droit de votre Seigneur réclamera toujours l’ouverture de
ces landes. En vain amoncelerez-vous contrats
sur contrats ; en vain direz-vous, ces landes nous ont été données par
un Arrêt du Parlement de Toulouse, ces landes
sont nos héritages, nous les avons acquises. Et le sieur Darbo n’avoit-il pas acquis celles
qu’il fit fermer ? ne présenta-t-il pas ce titre à
Il
est donc évident que la propriété
accordée aux Habitans de Doazit par
l’Arrêt de 1625, ne peut nuire en rien à l’Exposant, & que cet Arrêt est inapplicable à notre
question, puisqu’il n’y est fait aucune mention du droit de bedat. Ainsi, quand cet Arrêt conserveroit aujourd’hui son
autorité, le sieur Darcet ne pourroit
point l’opposer avec succès ; mais il n’existe plus ; il fut cassé
deux ans après par Arrêt du Conseil, le 13 Juillet 1627, rendu en
contradictoire défense entre Pierre Camescasse & Jean Larezet, Syndic de
En
l’année 1619, les Habitans avoient obtenu des Lettres d’évocation au Parlement
de Toulouse ; le sieur de Candale
continua au contraire de plaider en
Cet Arrêt du Conseil est produit (1) : dans l’impossibilité de
(1) Cote 17 V du sac de l’Exposant.
45
recouvrer l’original de
cette piece, l’Exposant en rapporte deux
collationnés, un du 9 Mars 1629, & l’autre du 19 Avril 1638. Ces collationnés
sont dans la forme ordinaire, & il y a lieu de croire que malgré les
efforts du sieur Darcet, qui a employé
au moins douze pages d’écritures pour
critiquer cette forme, ces collationnés auront en Justice la même foi que le
sieur Darcet voudroit que
A cette critique, le sieur Darcet joint quelques observations sur cet Arrêt : ce n’est point l’Arrêt de Toulouse de 1625 (dit-il) que le Conseil a cassé, c’est une procédure entre Camescasse & Sarran de Candale.
Il
ne faut que lire l’Arrêt du Conseil pour être convaincu de la frivolité de
cette observation. En effet, cet Arrêt casse tout ce que le Parlement de
Toulouse avoit ordonné dans les affaires
d’entre Sarran de Candale & les
Habitans de Doazit depuis 1619 jusques
en 1627 ; conséquemment l’Arrêt de 1625, intermédiaire à ces deux époques,
est compris dans cette cassation ; le sieur Darcet en est si fortement persuadé lui-même, qu’il a
soutenu (non que c’étoit une autre instance sur qui portoit la cassation, comme
il le dit aujourd’hui), mais que l’Arrêt du Conseil ne fait simplement que
casser les procédures, sans prononcer la cassation de l’Arrêt de 1625. Le Défenseur du sieur Darcet en
Il y a quelque chose de plus fort encore qui rendroit infructueuse la citation de cet Arrêt quand il n’auroit pas été cassé, mais qui prouve bien qu’il l’a été ; c’est qu’il n’a jamais eu d’exécution, & que les fiefs ont toujours été payés sur le même taux ; le seul
M
46
usage que les Habitans en ont fait, c’est de les produire de temps en temps pour corroborer leur prétendue propriété des landes. Mais encore une fois, jamais cet Arrêt n’a été exécuté. Cette vérité résulte d’une transaction passée à Bordeaux le 23 Avril 1714 (1) entre Léon de Candale, fils d’Henri, & Bernard Juste, fils d’Etienne, qui avoit soulevé une contestation à Henri de Candale au sujet des exporles & reconnoissances que ce dernier exigeoit, devoir auquel Etienne Juste ne vouloit pas satisfaire.
Il
est dit dans cette transaction, que l’Arrêt du Parlement de Toulouse n’a
jamais reçu d’exécution. Cet aveu de la part du
sieur Juste (qui étoit un des principaux
membres de
Pour faire revivre cet Arrêt, le sieur Darcet reproduit un comparant prétendu fait en 1675 par Henri de Candale, petit-fils de Sarran, au Greffe de Doazit, par lequel il paroît qu’Henri auroit, de son pur mouvement, déclaré aux Habitans renoncer à certaines reconnoissances, comme condamnées en 1625, par Arrêt du Parlement de Toulouse. Les Parties adverses disent que ce comparant a été extrait du dépôt du Greffe de Doazit.
Cet acte est faux, il n’a jamais existé dans le Greffe de Doazit. Voici la preuve, ou du moins une terrible présomption de la fausseté de cet acte.
En
1680,
« Le Seigneur ne fit aucune suite de cette opposition ; donc il en reconnut le vice, comment osez-vous en parler aujourd’hui ? »
Si le sieur Darcet eût été moins préoccupé, il n’auroit pas fait
(1) Cote 17 Z du sac de l’Exposant.
47
cette objection, il se seroit rappellé que dans la même année 1680 le Seigneur de Doazit rendit son dénombrement ; que ce dénombrement fut vérifié sans opposition de la part des Habitans, quoiqu’il portât expressément le droit de bedat dont il s’agit. Cette vérification sans opposition est, sans contredit, la suite la plus salutaire que ce Seigneur eût pu faire de l’opposition qu’il avoit formée au dénombrement rendu la même année par les Habitans.
Quant
au comparant, l’Exposant le répete, il est faux, il n’a jamais existé dans le
Greffe de Doazit. Il est de fait qu’il
n’y a jamais eu à Doazit d’autre
Greffier que celui de
Cette
réflexion, qui a déjà été présentée, nous fait regretter le temps que nous
avons employé à combattre cet Arrêt ; mais le sieur Darcet l’a produit avec tant d’ostentation, que nous avons
cru indispensable de détruire les effets qui auroient pu résulter de l’usage
séduisant qu’on en a fait en
Qu’il replonge sur-tout dans le néant d’où il les a tirés, ces actes dont nous avons démontré l’inutilité & le faux : qu’il imite l’exemple du sieur Desessart, qui eut bien le courage de les produire en 1680 contre Henri de Foix, mais qui sur la menace qui lui fut faite par écrit d’une inscription de faux, fut assez prudent pour ne pas en soutenir la validité. Le sort que ces actes ont subi auroit dû servir de leçon au sieur Darcet. Par deux Jugemens (1) rendus par Mr. de Faucon, Intendant en Guienne, Commissaire nommé
(1)
Cote
48
par le Roi pour décider la contestation, ces actes furent rejettés, ainsi que l’Arrêt du Parlement de Toulouse ; ils sont visés dans le Dictum du Jugement.
Mais si le sieur Darcet, plus intrépide que le sieur Desessart, s’obstine à s’étayer de ces titres judiciairement réprouvés ; si contre toute vraisemblance & contre la justice, il parvenoit à les ressusciter, quel avantage pourroit-il s’en promettre ? Quels effets produiroient-ils contre le droit de l’Exposant ? Aucun, puisqu’encore une fois, ces titres ne feroient qu’établir la propriété des landes en faveur des Habitans, propriété que l’Exposant ne leur conteste pas.
Cet
abandon fait aux Habitans de Doazit, de
la prétendue propriété des landes, ne peut tirer à aucune conséquence contre le
droit de l’Exposant ; il est
essentiel cependant d’observer qu’il faut toujours distinguer cette espece
de propriété d’avec les termes nos
héritages, dont le sieur Darcet a sans cesse affecté de se servir pour désigner ces
landes. Il ne s’agit ici ni de champ fertilisés, ni des domaines que les
Parties adverses peuvent avoir joints à ceux qu’ils tiennent de leurs peres, il
n’est absolument question que des landes de
(1)
Le sieur Darcet n’ignore pas qu’il est dit dans
tous les dénombremens de
Le
sieur Darcet n’ignore pas non plus, puisqu’il a
été Jurat-Collecteur de
49
C’est sur ces mêmes landes qu’est assis le droit dans lequel l’Exposant demande à être maintenu. Quelles que soient les ressources du sieur Darcet (& ce procès prouve qu’il en a beaucoup) il ne parviendra jamais à détruire les titres que l’Exposant a produits, & à renverser la possession constante, paisible & publique de ses auteurs pendant près de quatre siecles.
Sans rappeller ici cette foule de titres qui démontrent l’existence & l’exercice de ce droit, qu’on veuille s’arrêter seulement à cet acte de 1412, titre fondamental, & qui doit seul juger ce procès.
A
cette époque, le Seigneur de Doazit
concede par cet acte public, aux Habitans de Marquebieille, d’une Jurisdiction étrangere, la faculté
d’herbager & pacager dans toute
Si les Habitans de cette Jurisdiction avoient eu alors (comme le sieur Darcet le prétend aujourd’hui) un usage pur, simple & absolu des landes, un usage exclusif à tous autres droits, n’auroient-ils pas fait valoir tous ces titres qu’ils présentent aujourd’hui ? Seroit-ce donc que les Habitans n’auroient pas connu ces titres, ou que ces titres n’auroient pas encore été fabriqués ? Cependant jamais ils n’ont été produits, malgré les contestations des Habitans avec leur Seigneur ; jamais ils n’ont porté aucun trouble, aucun obstacle à l’exercice de ce pacage de la part des étrangers concessionnaires du Seigneur, tant ils ont respecté le contrat de 1412.
Deux siecles & demi après, en 1662, le Seigneur de Doazit renouvelle par acte public, en faveur des Habitans de Marque-
N
50
bieille, cette même faculté. Même inaction, même silence de la part de ceux de Doazit ; nouvel hommage au droit du Seigneur.
En 1680, le Seigneur rend un dénombrement où le droit de bedat est porté. Ce dénombrement est vérifié sans opposition de la part des Habitans.
En 1727, second dénombrement vérifié, comprenant le même droit. Point d’opposition.
En 1765, troisieme dénombrement vérifié, dans lequel ce droit est dénombré. Point d’opposition encore de la part des Habitans.
De tous les temps les Habitans de Marquebieille, ceux Daudignon, Banos, Saint-Aubin, Caupene, Saint-Cricq, &c. ont joui de la faculté concédée par le Seigneur, & jamais les Habitans de Doazit n’y ont mis le plus petit obstacle.
Les
Seigneurs de Doazit ont affermé
Ces Habitans divisent les landes, ils s’en attribuent à chacun une portion, & ils laissent leur portion ouverte.
L’exercice
de ce droit, aussi long-temps & aussi formellement reconnu de la part de ceux qui avoient tant d’intérêt d’y mettre obstacle, suffiroit seul pour établir en
faveur de l’Exposant ce même droit,
qu’il n’est plus au pouvoir du sieur Darcet,
ni de ses Adhérens de quereller ; il ne peut point se dissimuler combien
cette possession milite contre
lui : aussi tous les efforts qu’il a faits ne tendent-ils qu’à dénaturer
la question du procès ; il défere l’Exposant à
Il ne falloit que cette derniere circonstance, que même le sieur Darcet n’a jamais osé désavouer, pour déterminer le Sénéchal de Saint-Sever à maintenir l’Exposant dans l’exercice d’un droit aussi inviolablement respecté ; cependant séduit par des titres judiciairement réprouvés, & couronnant un systême de défense que le sieur
51
Darcet n’avoit présenté que pour faire perdre de vue la véritable question du procès, ce Tribunal dépouille l’Exposant de ce droit malgré tout ce qu’il avoit pu dire pour dissiper l’illusion, & faire valoir les moyens employés pour être maintenu dans l’exercice de ce même droit.
Ces
moyens sont communs au nommé Hontang,
qui après avoir reconnu sa faute & offert de la réparer, vient, après dix-sept mois de silence,
réclamer contre le chef de
Hontang est dans le cas de tous les Habitans ; cette lande
qu’il possede dans le tenement de Tresqué,
& qu’il dit avoir achetée, est, comme toutes les autres, sujette au droit
de bedat ; la propriété qu’il en a ne lui donne que le droit de
couper du soutrage exclusivement à ses voisins, sans l’affranchir du bedat, acquis à l’Exposant sur toutes les landes de
Nous disons que c’est le sieur Darcet qui se cache sous le nom de Hontang. Eh ! peut-on en douter, lorsqu’on se rappelle la conduite qu’il a tenue vis-à-vis des autres Particuliers ? Si la réclamation de Hontang étoit vraie ; si excité par le sieur Darcet, ce Particulier avoit fait cet appel, le sieur Darcet joindroit l’inhumanité à l’injustice, en exposant à des frais immenses un pauvre Laboureur, heureux d’avoir réparé la faute qu’il a faite. Mais qui ne voit que ce Hontang n’est ici qu’une arme de plus que le sieur Darcet emploie pour se défendre ? Oui, nous pouvons assurer que Hontang ignore cette tentative qu’on a osé faire pour lui ; s’il en étoit instruit, il viendroit bientôt désavouer cet appel, & à l’exemple des autres Particuliers, rendre le sieur Darcet lui-même responsable d’une démarche à laquelle il n’auroit jamais consenti.
Aux titres qui assurent l’existence & l’exercice du droit de l’Exposant, nous ajoutons encore les moyens dont on se sert pour le
52
détruire. Qui pourra maintenant révoquer en doute la légitimité de ce droit ? Quel est l’homme honnête qui ne sera indigné de le voir contester aujourd’hui, & des manœuvres qu’on a employées pour pallier l’injustice de cette contestation ? Eh quoi ! tandis que ces Habitans intéressés à soutenir le systême du sieur Darcet, après avoir eu le malheur de suivre ses conseils, reconnoissent le droit de l’Exposant, & que brisant les fers dont il les tenoit enchaînés, ils sortent enfin de leur esclavage pour rendre hommage à la vérité & à la justice, le sieur Darcet, entraîné par la vengeance, prend sur lui de leur faire violer les engagemens qu’ils ont contractés ! A leur insu, contre leur volonté, il abuse de sa qualité de Syndic partiel, pour impétrer, en leur nom, des Lettres en restitution contre les actes qu’ils avoient librement adressés à l’Exposant ! Ce moyen honteux a détruit l’empire que le sieur Darcet avoit su prendre sur l’esprit de ces Habitans ; ils ont solemnellement désavoué ces Lettres en restitution, & protesté contre tout ce que feroit le sieur Darcet au préjudice de ce désaveu (1). Quel contraste ! Ainsi, en rendant hommage à l’Exposant, ces Particuliers ont consacré dans cet acte la preuve authentique de leur faute, de leur repentir & des trames que le sieur Darcet a ourdies dans cette cause.
§. XIII.
Il est dû des dommages & intérêts à l’Exposant.
Ce
ne seroit pas assez de maintenir l’Exposant dans l’exercice du droit de bedat
que ses titres & sa possession lui
assurent, il est juste encore de l’indemniser des pertes qu’il a faites depuis
l’entreprise des Parties adverses. Du moment qu’ils ont fermé leurs portions de
landes, l’Exposant n’a point usé de son
droit, les Habitans de Marquebieille ni
aucun autre Etranger n’y ont mené leurs bestiaux, conséquemment n’ont point
payé de redevance : c’est une perte réelle pour l’Exposant, & les Parties adverses, auteurs du mal, doivent le réparer ; rien ne peut les
soustraire à l’obligation que
(1) Cet acte est produit sous cote 18 Z du sac de l’Exposant.
53
§. XIV.
Impression & affiche de l’Arrêt.
L’Exposant
réclame l’impression & l’affiche de l’Arrêt qu’il attend de la justice de
§. XV.
CONCLUSIONS.
L’appel
interjetté, & les Lettres en restitution récemment impêtrées par Bertrand Hontang, ainsi que la demande en cassation de
PARTANT
il plaira à
O
54
l’intérêt dudit Hontang, ladite Sentence sortira son plein & entier
effet ; le condamner en douze livres d’amende envers le Roi, à raison de
son appel, & aux dépens le concernant envers l’Exposant ; & faisant droit de l’appel principal interjetté
par l’Exposant de la susdite Sentence,
mettre ledit appel & ce dont a été appellé au néant ; émendant,
condamner ledit Darcet, en sadite
qualité, & les autres Parties intimées, chacun en droit soi, d’abattre ou
faire abattre, dans le délai de trois jours, tous les fossés qu’ils ont fait
élever sur les landes désignées & confrontées dans les exploits
introductifs de l’instance, & à remettre & rétablir toutes les choses
dans le même & semblable état qu’elles étoient auparavant : à défaut
de ce, ledit délai passé, permettre à l’Exposant de le faire faire à leurs frais & dépens, dont il lui sera
contr’eux délivré exécutoire, sur les quittances des Ouvriers qui seront
employés audit rétablissement ; faire inhibition & défenses aux Parties
adverses de récidiver à l’avenir, à telle peine
que de droit. Au surplus, attendu que depuis plusieurs années les clôtures
pratiquées par les Parties adverses, ont
privé l’Exposant d’exercer son droit de bedat, les condamner solidairement aux dommages &
intérêts, qu’il mettra par état & déclaration, si mieux
Monsieur DUVAL, Rapporteur.
Me. DESLIX, Avocat. |
Me. DESLIX, Procureur. |
De l’Imprimerie de SIMON DE
rue du Cahernan, à Bordeaux. 1780.