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HISTOIRES INSOLITES

Ph. DUBEDOUT

[Sommaire DOAZIT] - [Table des articles de Ph. D.]
 

         Avec ses souterrains imaginaires (?), ses animaux fantastiques, sa charrette engloutie, sa chèvre d'or enfouie (ici un veau d'or) et ses jeteurs de sorts, le légendaire doazitien s'inscrit parfaitement dans la tradition régionale à laquelle tous ces thèmes sont chers.

 


Les Souterrains.

         Tels une toile d'araignée, ils tissent de leurs fils invisibles les quatre coins de la commune. Partant du Mus, du château de Candale et d'Aulès ils convergeraient vers la plate-forme du Ram*1.

         Raphaël Lamaignère nous dit tenir de M. Latappy, alors instituteur en retraite à St-Aubin, qui le tenait lui-même de M. Dupouy, ancien curé de Bretagne de Marsan, qu'il y a au Mus un souterrain partant de la butte en direction du bourg. Ce prêtre venu un jour à Doazit et accompagné du vicaire de la paroisse, voulut explorer cette antique galerie. Après s'être engagés tous deux dans le sombre couloir, porteurs de torches allumées, ils durent bientôt rebrousser chemin s'étant trouvés en présence d'un éboulis... Il serait bien intéressant de savoir où était l'entrée du souterrain*2.

         Le secret de l'entrée du Mus n'étant pas parvenu jusqu'à nous, nous tenterons de pénétrer par ailleurs.

         Au château de Candale, une ouverture pratiquée dans la paroi à l'intérieur du puits, donnerait accès à un souterrain. Mais il ne serait question d'entreprendre des recherches, le puits tenant lieu de puisard.

         "Vers 1964, des maçons de l'entreprise Capdeviolle découvrirent un souterrain dans le cimetière d'Aulès, en creusant un caveau pour la famille Castra-Lasserre. La voûte en parfait état formée de pierres de taille fut sondée avec une barre de fer sur une longueur de huit mètres. Là en restèrent les recherches, la municipalité avisée par M. Capdeviolle, fossoyeur, n'ayant pas jugé nécessaire de les poursuivre. Le mystère reste donc entier.

         Peut-être qu'un jour, décidés à le percer, des hommes descellant la pierre tombale, s'engageront-ils dans de sombres galeries qui les conduiront... vers ces fameux veaux d'or, qui selon la tradition furent enterrés dans le champ de Hilloucat*3".

         D'après des notes et mesures prises par M. Dessis, le dessus de la voûte se trouve à 70 cm de profondeur, et elle fut dégagée jusqu'à 70 cm plus bas. La partie visible de l'ouvrage, d'orientation nord-est sud-ouest, forme un angle de 60o avec la direction nord sud.*4

         M. Gaston Larrieu, du Tarigoch, maçon à Picuré, disait également avoir pénétré dans une galerie trouvée en creusant une une tombe dans le cimetière d'Aulès, et, en compagnie de M. Joseph Capdeviolle dit Pradet, l'avoir parcourue sur une certaine longueur (peut-être une dizaine de mètres).

         Il y a quelques années, alors que Jacques Dubedout, travaillait dans un champ de Loustalot au sud de l'église d'Aulès, on lui indiqua l'endroit où devait se trouver le passage du souterrain. On devinait à la surface une ligne droite tracée par une couleur légèrement différente de la végétation, et partant en direction du bourg. Avec une pelle mécanique, il creusa un trou sur le parcours supposé du souterrain, qui ne délivra aucun indice. Il s'agissait probablement d'une ancienne rigole.

         Nous savons aussi que le dessus d'une voûte en pierre a été trouvée dans la concession de la famille Barrouilhet de Pessabathè, à trois ou quatre mètres du contrefort sud-est du chevet de l'église, en 1961.

         A l'angle sud-est de la maison de Brouquère, sur la façade sud, il existait un curieux puits sans eau dont on ignore la destination exacte. Fermé à sa partie supérieure, un sondage effectué par un trou, permit d'estimer sa profondeur à près de 15 mètres. Il fut comblé en 1992, lors des travaux de restauration de la maison*5.

         Il y aurait dans ce puits une ouverture (comme dans le puits du château de Candale), permettant d'accéder à un souterrain se dirigeant vers l'église d'Aulés, et dans lequel auraient été cachés cloches*6 (en or, selon certains) et veaux d'or, à hauteur des champs de Hilhoucat. Un témoignage particulièrement précis, mais pas forcément plus juste, situe le magot à l'angle ouest de la parcelle no 375, section B, près du chemin qui relie la départementale D21 à l'église d'Aulès.

         A vos pioches... !

 


La Légende de la Téchoère.

         Au milieu du Tresquè, cette vaste zone pratiquement déserte d'habitations et même de cultures jusqu'à une période récente, se trouve une énorme cuvette dans le sol, d'une quinzaine de mètres de profondeur et d'une surface de 59 ares*7. Toutes les eaux de pluie des alentours convergent vers cette fosse, qui bien que n'ayant pas de déversoir, ne se remplit jamais. L'eau en serait évacuée par une rivière souterraine longeant la Gouaugue en direction de St-Aubin, pour resurgir à la source de Peyradère, théâtre de manifestations des fées*8.

         Effectivement, il se produit fréquemment dans le Tresquè de petits effondrements de terrain, en forme de puits d'un ou deux mètres de diamètre, parfois plus*9, qui trahissent des mouvements d'eau souterrains. Des concavités plus importantes existent au milieu du Sarralh (no1c, section ZB)*10. Les jours de grande pluie, on peut même entendre sur l'hypothétique parcours des eaux telluriques, des gargouillements venant des profondeurs de la terre.

         Mais en ce qui concerne la Teishoèra, tout ne fut pas toujours ainsi. Dans un passé indéterminé, comme la Hòssa de las Pèiras, sa voisine de Horsarrieu, notre fosse était un magnifique plan d'eau poissonneux, bordé d'arbres au croisement des chemins de Doazit à Horsarrieu et de Banos à Hagetmau. Il se produisit un jour un affaissement de terrain qui entraîna un attelage passant sur la rive. Boeufs et charrette furent engloutis, tandis que l'eau s'enfouit sous terre, ne laissant derrière elle qu'un abîme de boue.

         Le phénomène fut bientôt élucidé, tout autant que peut l'être une légende: "Quauqu'un, entà venjà's, qu'auré getat argent viu dens l'aiga."*11

         Cette pollution au mercure n'était hélas qu'un avant-goût de ce qui attendait notre repaire de blaireaux (teishoèra), bientôt comblé de détritus de toutes sortes en sa qualité de décharge municipale.

 


Une curieuse découverte au cimetière d'Aulès.

         En 1899, des maçons occupés à creuser un caveau pour la famille Dagès, à côté du portail, mirent à jour une petite chambre souterraine, où sous leurs yeux effarés, apparut tout à coup un personnage momifié, assis sur une chaise, tenant dans ses mains squelettiques, un livre ouvert, encore assez bien conservé. Inutile de vous dire que la découverte fit grand bruit à Doazit, et défraya toutes les conversations. Immédiatement alertés, des curieux, dont était le vicaire d'alors, l'abbé Lapègue, se rendirent près de cette tragique découverte. Mais c'était déjà trop tard: tel un château de cartes, frôlé par une main mystérieuse, la forme humaine se pulvérisa soudain au contact de l'air, laissant les seuls ouvriers, se perdre en conjectures sur sa macabre identité.

         Or, on apprenait bientôt qu'il s'agissait là, du cadavre d'un prêtre inhumé d'après le cérémonial de l'époque, et dont le corps avait comme miraculeusement échappé à la corruption du tombeau*12.

 


Lo Gran Can.

         La "Cama-cruda" et le "Sopa-tot-ser", sont des animaux fantastiques qui servent aux adultes à effrayer les enfants; mais ils se réservent à eux-mêmes la croyance aux loups-garous. "Le loup-garou était un sorcier capable de se métamorphoser en chien ou bête quelconque, et qui, la nuit, attaquait les gens sur les chemins"*13. Le bestiaire doazitien connaît une espèce dérivée, qui ne semble pas en voie de disparition.

         Il arrivait parfois que, rentrant chez eux à la nuit noire à travers bois et après un souper bien arrosé, nos braves Doazitiens sentissent derrière eux le souffle du Gran Can. C'est alors la panique; on court, on s'affole, on perd son chemin, et on finit par s'affaler dans quelque rigole, incapable de bouger en attendant le petit jour. L'excuse était alors invariable: -"Que soi estat seguit pr'un gran can, e ne'm podí pas jamei sortir deu bòsc".

         N'est-ce pas le même alibi qui est invoqué de nos jours encore, lorsque à une heure avancée de la nuit, les voitures de nos jeunes font une embardée, hélas parfois dramatique, en voulant éviter une bête sombre traversant la route ? Ils appellent ça un chien. Mais nous savons bien qu'il s'agit du Gran Can.

 

Arron lo darrèr vèire d'un sopar d'ajudèra
Los òmis de pr'aciu, e de 'quò n'i a pas hèra,
Preus sendèrs d'Aulès, o las caminas deu Mus,
S'en tornavan a casa a l'òra deu gahús.

Mès lo lhèit au matin, quauques còps qu'èra vuèit.
La fumèla lavetz, qu'anava per despièit,
Dab un vielh carriolòt, vesitar las arrelhas,
E deu pendard d'òmi, aloncar las aurelhas.

Que'u trovava sovent, dens un plèish ajaçat,
Mort de hred, blanc de paur, e quauque còp blaçat.
- "Un Gran Can, ce disè, que m'a seguit la tralha,
E tà sortir deu bòsc, m'a calut har batalha."

Las sègas qui v'esgraushan la pèth e las pelhas,
Lo vent dens los arrams e lo shuc de botelhas,
L'an podut har préner per lantèrnas veishigas;
O lavetz, pas tant pèc, que cèrca camaligas.

Pr'aquò, n'i a mantun qui an gahat la corruda,
De'us qui ne credèn pas mei a la cama-cruda,
S'an perdut lo camin, l'alet e la shudor,
Acossats, lhèu pr'un can, sòlide per la paur.

*

Hòrt sovent, de d'auts còps, a pè que se n'anavan,
Capvath camps e tojars, au mei dret que tiravan.
Que'ns cau la veitura tad anar au vesin :
Nat aujami pelut n'encóntram en camin.

Enqüèra que... quan los joens amassas devisan,
Shens curiosèr, qu'avètz podut enténer díser
Que tornar-se'n deu bal, juste abans l'accident,
Un Gran Can, dens las lutz, que'us muishava la dent.

Dab lo portrèit-robòt d'aquèra mala-bèstia,
Los gendarmas que halan, tà'n trovar lo mèste.
Longtemps enqüèra risclan de bàter campanha:
Cans d'aqueth escantilh, ne vaden pas de Canha !...

 


D'étranges panneaux.

         Ces panneaux avertisseurs poussent dans un secteur particulier de la commune, qu'il serait déloyal de dévoiler ici.

         Malheureusement, s'ils se veulent interdictions, ils incitent plus qu'ils ne dissuadent.  Le chasseur de cailloux se trouve ainsi renseigné sur les endroits à prospecter, et le simple promeneur,  poussé par sa légitime curiosité se change en pilleur. Les pierres tant convoitées, n'ont pourtant rien de pierres précieuses, mais elles trouvent preneurs auprès des collectionneurs, à des tarifs qui n'ont rien à voir avec le prix du kilo de gravier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Aspect extérieur des géodes de quartz. Leurs tailles vont du centimètre à plusieurs décimètres.


Aspect intérieur. Les couleurs des cristaux, opaques ou translucides, vont du blanc au rose et à l'orange

 

 

 

 

 

 

 

 


Le chemin des Fées.

         Chacun connaît ici la "Pèira-lonca", la fameuse pierre de Dumes qui appartient en fait à Ste-Colombe. On connaît aussi la légende qui s'y rattache*14: La Pierre fut déposée là, par une fée se rendant à Dax. "Ni les haies, ni les fossés, ni les tertres, ni les ruisseaux ne l'arrêtaient"*15. C'est donc en ligne droite en direction de Dax que nous allons retrouver son chemin.

         A quelque intervalle les uns des autres, comme pour jalonner la piste, nous trouvons plusieurs de ces énormes blocs de pierre sur un même alignement, et donnant une direction est-ouest, sur la partie médiane d'une ligne Aire - Dax :
 

 

 

         D'est en ouest :

- la Pèira-lonca, à Ste Colombe.

- Près de la Hòssa de las Pèiras (la hosse dé lés pèyres) à Horsarrieu.

- Dans la pièce de terre appelée au Sarralh, dans le Tresquè (no 1 section ZB).

- Près de Laborde-Yosse (parcelle no151, section H). Cette Pierre qui affleure le sol, se trouve, ainsi que la suivante, dans un terrain cultivé. On essaya donc de l'en sortir avec une pelle mécanique après avoir retiré une énorme quantité de terre pour la dégager : peine perdue.

- Entre Pérè et Petit-Guilhem (parcelle no257, section A) Une énorme pierre dépasse légèrement du sol. Il y a plusieurs années, on creusa une tranchée de 2 mètres de profondeur tout autour. Non seulement on ne trouva pas la base de la pierre, mais on la ceintura d'une chaîne pour tenter de l'arracher avec un bulldozer : elle ne bougea pas d'un pouce.

- A l'ouest de Méron (entre les parcelles 624 et 628, section G)*16. Encore une énorme pierre. Celle-ci est parfaitement visible depuis la route D 18.

         On peut n'y voir qu'un simple phénomène naturel sur la ligne où affleure la couche géologique du "grès de Coudures", mais puisqu'en chaque légende il faut chercher un fond de vérité, n'est-ce pas à travers le Tresquè*17 que Joseph Ferré, ancien instituteur de Doazit, avait relevé les traces d'une antique voie qui aurait pu relier Aire à Dax par la Chalosse ?... Au temps des bonnes fées, bien sûr.

 


La tombe de François-Henry de Candale.

         Cette tombe ne présente pas grand intérêt pour notre propos, si ce n'est qu'elle a donné lieu à quelques interrogations du public qui n'a pas manqué d'y apporter ses propres réponses.

         "Mr de Foix Candale mourût le 6 février 1822 âgé de 62 ans, il émigra du temps de la révolution et profita de l'amnistie pour revenir en France, il fût nommé maire en 1808, (...) il resta deux ans malade dans son lit, Il était très gros et devint maigre, décrépit et presque dépourvu de bon sens"*18.

         "En signe d'humilité, le dernier baron de Doazit tint à être inhumé sous l'auvent, à l'entrée même de la petite église du Mus où reposaient ses ancêtres. On peut y voir sa modeste pierre tombale dont l'inscription usée par le temps et les pas des fidèles se distingue encore"*19.

 

MR FOSHRY
DE FOIX CAND
ALE NE 2 JUIN
1758 CHR DE L'O
RL MRE DE ST LS
BRN DE DOAZIT
DECEDE LE 6 FR

Monsieur François Henry de Foix Candale, né [le] 2 juin 1758,
Chevalier de l'Ordre Royal [et] Militaire de St Louis,
baron de Doazit, décédé le 6 février [1822].

         La plaque tombale est modeste en effet, de part ses dimensions. Mais ce qui le serait moins, c'est la position supposée du corps: le baron y serait enterré debout ! Comment donc une si petite plaque pourrait-elle recouvrir un mort étalé de tout son long ?

         On prétend encore que c'est par humilité qu'il aurait demandé à être enterré à cet endroit pour que les fidèles le foulent au pied, pour expier la très grande méchanceté dont il aurait fait preuve sa vie durant.

         Disons tout d'abord, que les Candale étaient enterrés dans l'église d'Aulès ou en Gironde, et non dans l'église du Mus, à l'exception de deux femmes, Louise de Vidart en 1689, et Marie de Senault en 1729. Peut-on ensuite parler d'humilité, alors que les inhumations dans les églises étaient interdites depuis 1778, sauf pour les prêtres et les nobles, mais ceux-ci virent leurs privilèges abolis à la Révolution.

 


Fontaines.

- La fontaine d'Aulès.
         Consacrée à St Jean-Baptiste, le patron de l'église d'Aulès, cette fontaine a la vertu de favoriser la marche des enfants "en retard", et de soulager les rhumatismes. Elle a en outre la propriété de fortifier les oies et les canards*20. L'eau y est bénite pour le solstice d'été, avant d'allumer le feu de la St Jean. Ce dernier, ainsi que la "halha de Nadau" pour le solstice d'hiver, sont des vestiges d'un culte solaire pratiqué en Europe avant la christianisation.

- La fontaine des Sept Douleurs, au Mus, que certains auteurs mentionnent comme disparue, se trouvait à environ 50 m. de l'église, au pied de la première enceinte du camp du Mus, au bord du chemin dit "chemin rural de Labouethe" à gauche en allant vers le nord. L'eau y coule encore, mais il n'y a plus aucune trace d'aménagement. On ne se souvient pas qu'elle ait eu de pouvoir thérapeutique particulier.

- La hont de las gravas, près de Larrue, aurait eu aussi quelques vertus curatives.

- Il faut mentionner aussi la fontaine de Lartigon qui n'a pas de tradition guérisseuse, mais est remarquable par son déversoir, creusé à même la pierre.

 


Apparitions.

         Vers 1840, soit près de vingt ans avant celles de Lourdes, le bourg de Doazit aurait été le théâtre d'une apparition. Carmelle Barbe, née en 1826, qui, étant enfant, résidait à la maison "Joandic" ou "Lieutenant" (actuellement "au Barbe"), en fut l'unique témoin.

         Par une nuit sans lune, il lui avait semblé voir, près du puits, une ombre dont la robe diffusait une lumière. Elle s'adressa ainsi à Carmelle : -"Mainada, hè lo plan e siis brava ; tà servir lo bon Diu ne't hiquis pas la trava. E Sent Pierre, mei tard, devant lo portinet que't desvarrolherà shens t'espiar lo carnet..."

         Elle resta donc célibataire, et depuis, nous rapporte son petit neveu*21, pour être agréable à la Vierge, elle tint la flamme du devoir droite comme celle d'un cierge.

 


Ací, qu'i a mei o mens ! *22

         La calhèca. C'est un animal maléfique, dont le hululement est considéré comme un mauvais présage. Il nous a été donné d'assister il y a plusieurs années à Doazit, à une cérémonie, pratiquée le plus sérieusement du monde, et consistant à jeter une poignée de gros sel dans le feu de la cheminée, en prononçant les mots magiques conjurateurs: -"Salica- Salèca, lo huec au cuu de la calhèca, lo diable se l'empòrti".

 

         Lo poson de posoèra. Si un matin, devant votre porte, vous découvrez un petit tas d'excréments de couleur blanche (le "poson", ou "salopèr"), aucun doute, vous avez affaire à un étron de sorcière*23, venue déposer là, la preuve tangible de son passage. Ne paniquez pas, vous avez la possibilité de conjurer le mauvais sort tout en découvrant l'identité de la "posoèra". Ramassez le tout, et portez-le la nuit suivante au croisement de routes le plus proche. Allumez un feu au beau milieu du carrefour, faites-y brûler le "poson", et laissez se consumer jusqu'au matin. Cachez-vous à proximité, et guettez : la première personne qui passera par là, sera la sorcière démasquée (ou le sorcier). D'après R. Lamaignère, le poson aurait l'aspect d'une mousse jaunâtre, et en le faisant brûler à la croisée des chemins, pour être efficace, il faut prononcer ces mots -"Que lo diable brusli las sorcièras".
         Ma grand-mère, Marthe de Condrine, racontait que se rendant un jour à la première messe, elle trouva au carrefour du Plassin, un reste de brasier encore fumant. Avait-elle été la plus matinale ce jour-là ? Elle s'en défendait, bien sûr. Mais moi je sais, qu'elle excellait dans la préparation de potions à base de ronces, d'orties ou de chiendent...

 

         Hats e monacas. Nous ne nous étendrons pas beaucoup en ce qui concerne les maléfices (los hats) , qui touchent aussi bien les animaux domestiques (qu'an lo mau-dat), que les gens. C'est un aspect de la sorcellerie auquel on apporte encore quelque crédit, et que l'on a par conséquent des réticences à évoquer. Il y a des personnes à Doazit en présence desquelles il faut éviter de parler de sorcières si on ne veut pas les voir quitter soudainement le groupe, ou d'autres, qui à la suite d'un malheur familial se sont empressées d'autopsier les oreillers du défunt pour y découvrir les fameuses "monacas", ces agglomérats de fils et de plumes, preuves concrètes du sort jeté.
 

 

Peyroutoun, le sorcier d'Aulès, et Bénac, seigneur de Poyaler.

           Les sorciers. Il sont en général beaucoup moins nombreux que les sorcières. Il fallut même au seigneur de Bénac, parcourir nuitamment la distance de poyaler à Aulès pour en trouver un qui put lui obtenir une entrevue avec le Diable. Le contact eut lieu au carrefour du Mus, après avoir tracé sur le sol un cercle avec une branche d'ormeau*24.

 

         Prêtres ou sorciers ?

        Las aucas*25. Il y a plusieurs décennies, se trouvait à Doazit, Jean-Pierre Saint-Genez*26, prêtre en Algérie, originaire du Bourdillon, et qui abusait parfois de la bouteille. Un jour, sortant d'un repas bien arrosé au presbytère de Doazit, il avait besoin de toute la largeur du chemin pour avancer ; il se fit interpeller ainsi par un vieux qui habitait au Pouric (maison voisine du presbytère) :
-" Hé! qu'acóssatz las aucas, Mossur Curè ?"
-" Mensfida't de non pas acossar-les, tu, a nueit !"
         Et la nuit venue, le pauvre homme ne put fermer l'œil, assailli, par des troupeaux d'oies qui criaillaient à le rendre fou ! N’y tenant plus, le « Pouric » se présenta dans la nuit au Bourdillon, et demanda à parler au curé pour lui faire lever le sort qu’il lui avait jeté : « quan soi au hons qu’èi ua coada d’aucats au bèc, e quan soi au bèc la coada d’aucats que son au hons ! ». Le curé lui dit alors qu’il pouvait rentrer chez lui, que les oies n’y seraient plus, mais il lui recommanda, la prochaine fois qu’il verrait tituber un curé, de le laisser passer sans faire de commentaires : « quan tornis véder un curè har de l’auquèr, que’u deisheràs anar shens díser arren ».


         Autre anecdote sur les pouvoirs qui lui sont attribués, racontée par Robert Lagraulet : On aurait vu ce curé, partir au fond du jardin muni de son livre (bréviaire ?), faire face à un nuage d'orage menaçant, et le faire se séparer en deux parties déviées de part et d'autre, évitant ainsi que le quartier du Bourdillon ne soit touché par la grêle.


         Las 7 pishadas*27. Dans une maison de Doazit, après un repas de pèle-porc où étaient réunis parents et voisins, les hommes jouaient à la manille. Parmi eux, il y en avait un, connu pour posséder plusieurs livres de magie. En fin de soirée, une femme vint faire ses "adishatz". Le "sorcier" lui dit alors : -"Etz segura, Maria, de ve'n poder tornar shens aver enveja de pishar ?"
         Personne ne comprit le sens de cette question, ou n'y prêta attention. Mais pendant les deux kilomètres et demi qui séparaient Marie de son domicile, elle dut s'arrêter à sept reprises. Et sept fois, ce furent "les chutes du Niagara, à faire déborder les fossés !".
Elle alla conter son histoire à l'abbé Robert, curé de Doazit. Celui-ci interpella un dimanche le "sorcier" et lui enjoignit publiquement de faire brûler ses livres. Mais il ne le fit pas, ni le lundi, ni le mardi. Aussi, dans la nuit du mercredi, il se leva en sursaut, et comme un somnambule, il prit une pelle, alla dans un champ et creusa un trou, puis se recoucha. Mais le même scénario se reproduisit sept fois.
         Ayant compris la leçon, il fit brûler ses livres de magie.*28

 

         Maisons hantées.(d'après R. Lamaignère).

         "Je me rappelle qu'étant enfant, chez ma grand'tante Barbe, à Doazit (Carmelle Barbe résidait à la maison appelée Pradet, ou Pierrette), j'entendais chaque soir, de 9 h à minuit, comme des piaffements, semblant venir de l'écurie du menuisier voisin (Lucien Fescaux, de la maison Coudas). J'avais beau me raisonner, je ne parvenais pas à prendre le sommeil. Une nuit, n'y tenant plus, la sueur me perlant au front, je partis le matelas en mains, demander à Carmelle, de me donner asile en sa chambre. A peine en avais-je franchi le seuil, que trois coups formidables ébranlèrent la cloison. -"Eh bien, dis-je à la tante, qui toujours jusqu'alors était demeurée sceptique, vous avez entendu, cette fois ?" Et, toute tremblante, celle-ci se leva, s'agenouilla avec moi devant le cierge allumé, et me dit: -"Demain matin, tu iras me chercher à Maylis, ton oncle le supérieur (Isidore Lamaignère), et tu lui raconteras l'aventure..." Et l'oncle vint; et sa prière fut efficace. (... tout au moins pour un temps : )

         En 1918, soldat permissionnaire du front de Verdun, j'étais venu passer la nuit dans la même maison, gardée par une sainte femme, Henriette Lamarque, de Doazit. Comme jadis, à l'heure fatidique, mais cette fois jusqu'à l'angélus du matin, j'entendis comme le bruit d'un berceau qu'on balance, venant de la maison du "Tarigoch", et se répercutant sur le plancher du grenier... La locataire n'avait rien entendu.

         L'abbé Lafitte, curé de Montaut, m'a raconté que des coups étranges, rappelant ceux du forgeron qui frappe sur l'enclume, ne cessaient de s'entendre dans une maison du bourg (l'abbé Honoré Lafitte est né au Pandelé, dans le bourg de Doazit). Une première intervention du vicaire d'alors, n'eut d'autre effet que de jeter en celui-ci une de ces frousses dont on n'oublie pas le souvenir. Un autre soir, le curé et son auxiliaire, l'un revêtu du surplis, l'autre portant le goupillon, montèrent au grenier, précédés du maître de céans, cierge allumé à la main... On entre... Vacarme infernal... Un souffle mystérieux passe sur la chandelle... On allume à nouveau... En hâte, le curé bénit les combles, pendant que les coups redoublent d'intensité... -"Ça va bien, dit-il; descendons..." Et, onques plus, le bruit ne s'entendit, pour inquiéter les humains."

"A Pedaulès, on huec mei ne humava
Dempuish longtemps lo gahús que cocava.
Mes, que disèn qu'ua lutz au truc de mieja nueit
Tot ser devath lo teit,
Preu grèr que's passejava en hant la virolèra,
E que la vedèn tots de "Condrina" a "Broquèra".
Que n'aví de sudor lo cuèr tot ahroncit
Quan los ancièns me'n hesèn lo recit."

 

         Qu'an lo don !

         Contrairement aux sorcières, que l'on cherche à éviter, les sorciers sont recherchés pour leurs dons de guérisseurs.

         "Il y avait autrefois à Doazit, un de ces thaumaturges de campagne, au demeurant un excellent chrétien, et qui jouissait d'une popularité de bon aloi. On l'appelait lou Marche-Male... Le nom dépeignait l'homme. L'une de ses jambes était comme écartelée, et il n'avançait qu'avec peine, appuyé sur sa canne. Il n'en opérait pas moins des cures merveilleuses; celle, entre autres, du médecin de l'endroit, M. Branzeau, qui, tombant de voiture, s'était démis le pied, et ne trouva son salut qu'en venant frapper à sa porte"*29.

         Si certains sorciers, comme celui d'Aulès, dans la légende de Poyaler, tiennent leur don du Diable, d'autres le tirent de la nature : il suffit d'être né le septième d'une série continue de 7 enfants du même sexe, pour pouvoir guérir certains maux. Jean de Laborde, né à Péboué le 1er janvier 1695, "estoit septième garçon nais de suite, il avoit la fleur de lis sous la langue, et estant vicaire à Larbey, il y toucha des malades deux différentes fois, aux festes solemnelles, et quoyque l'on assurat que quelques uns en estoint guairis il ne voulut plus toucher, persuadé que les septièmes nont dautre vertu pour gayrir des ecroueles que celle qu'une erreur populaire leur attribue"*30. Avec la raréfaction des familles nombreuses, les "septièmes" ont pratiquement disparus, mais nous avons la chance d'avoir Jean-Marie Dupouy du Bayounés, qui touche les écrouelles (lo mau de Sent-Lois), par simple contact de la main sur les zones affectées. les abcès disparaissent en principe le jour suivant.

         Depuis le début de 1994, M. Henri Saint-Lary, membre du GNOMA*31, est installé à Berriot. Il utilise son magnétisme pour guérir grippes, sciatiques, entorses, dépressions,... et soulager les douleurs de toutes origines, soit à partir d'une photo, soit par le toucher accompagné de prières à caractère religieux (catholique), qu'il tient à garder secrètes. Il pratique aussi la radiesthésie, pour, à l'aide d'un pendule, découvrir l'origine des douleurs, ou, avec une baguette d'ormeau, détecter les courants sourciers à l'origine des troubles de certains patients.

         Jusqu'à notre docteur, Pierre Lasserre, qui s'est taillé une belle réputation de rebouteux !... scientifique et conventionné, celui-là.

         Vous avez donc l'embarras du choix pour vous faire soulager, mais le mieux est encore d'éviter les trabucs. Pour savoir si demain vous risquez de vous casser une jambe, vous pourriez aller, non loin du bourg, consulter notre tireuse de cartes... Hélas pour vous, nous ne lâcherons pas son nom : elle n'a pas payé sa patente.


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1- Jean Dessis, Doazit aux trois clochers, 1970.

2- Raphaël Lamaignère, Doazit aux trois églises, 1941, p. 37.

3- J. Dessis, Doazit aux trois clochers, 1970.

4- Si souterrain il y a, cette orientation ne correspond à aucune des assertions communément avancées. Un souterrain partirait de l'église (entre clocher et chapelle de St Michel), pour passer sous l'ancienne maison du Camenger, et aboutir dans l'église du bourg, sous les fonts baptismaux. Hélas pour cette théorie, avant 1838, le collatéral de l'église du bourg était plus court, à l'ouest, de deux travées. Au cours de notre enquête, chacun nous a fait part de ce qu'il avait entendu dire sur ce sujet. Les itinéraires proposés sont multiples: entre Mus et Candale; entre Mus et Ram; entre Ram et Candale; entre Ram et Aulès; Entre Ram et église du bourg; entre Aulès et église du Bourg; entre Aulès et Brouquère.

5- Il s'agit peut-être d'un puits creusé pour l'alimentation en eau; mais les puisatiers n'ayant probablement pas rencontré de nappe d'eau, (il n'y a de puits dans aucune des maisons voisines: Moustoulic, Loustau, Gachard, Mora, Pinton), on peut penser qu'il fut conservé pour permettre de poursuivre ultérieurement les travaux de creusement. Les occupants de Brouquère devaient aller s'approvisionner en eau aux fontaines de Courrams et de Mora.

6- C'est cette légende de cloche enterrée, qui a servi de fond au Dr J. Peyreblanques, pour construire son récit: Aulès; Nouveaux contes et légendes des Landes - Capbreton; Chabas, 1987.

7- Parcelle no 10, section ZB du cadastre.

8- Voir Olivier de Marliave, Sources et Saints guérisseurs des Landes de Gascogne, 1992, p. 128; et Raphaël Lamaignère, Superstitions et croyances populaires de Chalosse, dans Recueil de poésies, p. 67.

9- Un effondrement au milieu de la pièce de terre no44 section ZA, a été comblé avec succès, semble-t-il. En dehors du Tresquè. Il s'est également formé un trou profond, au dessus d'une ancienne carrière de pierre, entre Loste et Guit. (On trouve une autre de ces carrières entre Guit et Peyrous.)

10- Sur le plan cadastral de 1810, cette parcelle (no851, section E), est appelée "Lagourgue", c'est à dire le gouffre.

11- Sur cette propriété particulière du mercure, voir la légende rapportée par F. Arnaudin "Le nobis dou Jaugut", dans Contes populaires de la grande-Lande, édité par le Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne, 1994, p.309 ; ainsi que André de Laborde-Lassale "En Chalosse, notes historiques", 1907 ; éd. des Régionalismes, 2010, p.214. Voir aussi dans le Bulletin de la Société de Borda 3ème trimestre 2021, p.270 ; "On dit en effet que du mercure (vif-argent) ayant servi à la fabrication de la monnaie a été abandonné là et ronge la terre".

12- R. Lamaignaire; Doazit aux trois églises, p.26. Une inhumation en position assise est signalée à St-Julien-en-Born, vers 1795 (Joseph Légé, Archives des Landes 16 J 27, p.21).

13- Nous nous référons de préférence au travail de R. Lamaignère, car étant originaire de Doazit, ses définitions restent plus proches des croyances locales. Superstitions et croyances populaires de Chalosse, p.67.

14- Félicien Plantier; Bulletin Municipal du canton de Hagetmau (1964), p.36. Ou Contes Populaires de la Grande-Lande - Lou poun de Dacs, p.315 (1900). Edition établie par Jacques Boisgontier; Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne - Editions Confluence; octobre 1994.

15- De Laporterie; Bulletin de Borda, 1er trimestre 1888.

16- Sur le plan cadastral de 1810, ces mêmes parcelles, sous les numéros 1, 2 et 3, section B, sont appelées "Laspeyres". Sur le plan cadastral de 1847, le no628 actuel est porté au no1, section G, et est appelée "à la lanne de las peyres".

17- Mais nous ne savons pas où exactement. "De tous temps, dans la commune, les gens ont été frappés par la présence, à travers le Tresqué et dans le bas d'Aulès, derrière Méron, d'allées larges de plusieurs mètres, orientées est-ouest. Elles sont assez profondément entaillées quand le relief du sol le nécessite. Comme personne ne les utilise, on ne s'explique pas bien l'utilité qu'elles ont pu avoir." Monographie de Doazit; Joseph Ferré, p.10.

18- Mémoire de J. Bpte Barbe; p. 9.

19- Doazit aux trois clochers; J. Dessis.

20- Sources et Saints Guérisseurs des Landes de Gascogne; Olivier de Marliave,1992; p.73.

21- Voir "Ua camade dens lou bourg de Doazit", dans son recueil de poèsies, par Raphaël Lamaignère, petit neveu de Carmelle Barbe.

22- C'est ainsi que s'exprime le soupçon d'une influence diabolique.

23- De sorcière ou de chouette, mais c'est du pareil au même.

24- La tour de Pouyalè. par C. Daugé; Impr. Pouyfaucon, Dax; 1907.

25- Histoire racontée par l'abbé André Dubroca alors qu'il était curé d'Audignon ; et complétée (en avril 2015) par Robert Lagraulet du Bourdillon.

26- Jean-Pierre Saint-Genez (appelé parfois Jean, ou Jean-Baptiste), est né au Bourdillon le 23 août 1859. Ordonné en 1886 ; vicaire à Saint-Denis-du-Sig-en-Oranie (Algérie) en 1895. En 1898-1899, il participe à une souscription pour "l'oeuvre du couvent de Doazit" et pourrait donc se trouver à Doazit à cette époque. On le retrouve ensuite curé résident de Négrier (Chetouane) , de 1902 à 1909.

27- Histoire racontée par l'abbé André Dubroca alors qu'il était curé d'Audignon

28- L'identité des personnes ne nous a pas été révélée. On nous a simplement dit que Marie était décédée il y a quelques années à peine.

29- R. Lamaignère, superstitions et croyances, p.68.

30- R. de Laborde; Généalogie de la famille de Laborde de Péboué, p. 31.

31- Groupement National pour l'Organisation de la Médecine Auxilliaire.