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LA MAISON COMMUNE et le lieu des séances. |
Ph. Dubedout
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Sous l'ancien régime, les jurats de chaque quartier, ou mande, tenaient généralement leurs assemblées dans le porche des églises, ou dans les cimetières. C'est vraisemblablement ce qui se faisait au Mus, vu les dimensions importantes du porche de l'église. C'était également le cas à Maylis: "Aujourd'hui,(), se sont capitulairement assemblés les jurats et principaux de la Communauté du Bosc Saubon, au devant de l'églize de Maylis, où ils ont accoutumé de s'assembler,..."*1
"Les étages des portes de ville étaient utilisés généralement comme maison commune, pour lieu de réunion des jurats, la conservation des archives, le dépôt des armes de la milice, la prison, et la salle d'école."*2 Mais Doazit avait sa propre maison commune. Elle est mentionnée dans le dénombrement de Léon de Candalle, du 27 janvier 1624 : "La maison du bourg, expressément réservée au seigneur, dans le haut étage de laquelle est le parquet pour les audiences, et où, dans le bas, il y a une geôle pour mettre les prisonniers, et entre ces deux, une halle où se tiennent les foires et marchés."*3.
On voit que dans cette description il n'est pas question de maison "commune", mais qu'au contraire, le seigneur s'en réserve expressément l'usage, et bien sûr, la propriété. Tout au long du XVIIe siècle, les Candale, seigneurs de Doazit, et les jurats, se sont disputés la possession et jouissance des biens communaux. On y reconnait néanmoins le bâtiment décrit ci-dessous.
En 1680, les habitants de Doazit avaient la disposition des padoens et communaux du Tresqué, Mouscardiu, Lane Houssat (etc...) dont le seigneur s'est emparé; plus noblement la maison commune et halle, et deux chambres, l'une pour le parquet et l'autre pour les écoliers; plus deux autres chambres construites par les habitants *4. C'est du moins, ce que revendique Pierre Dulau, de Courrams, premier jurat de la communauté de Doazit.
Le 19 février 1687, Marie d'Essenault rend l'aveu et dénombrement de la "hore et seigneurie de Doazit.. en toute justice, haute moyenne et basse... pour l'exercice de laquelle justice a ladite Dame dans le bourg dudit Doazit une maison avec une plasse à costé, dans le haut estage de laquelle est le parquet pour les audiences, dans le bas une prison et dans l'entre deux une halle où par sa permission se tiennent les marchés et foires..."*5.
Cette maison a aussi servi d'habitation, et on la trouve sur les registres de Doazit :
-en 1646 :"A la maison commune où Laborde sergent ordinaire fait sa demeure".
Il s'agit de Pierre Laborde, dict Borda. Cette famille est mentionnée de 1609 à 1656 dans une maison appelée à Borda.
-en 1677 :"A la Commune"(?).
-en 1693 et 1694 :"A la Halle".
-en 1717 :"A la Maison Commune".
Les assemblées se tenaient certainement dans ce bâtiment, situé au-dessus de la prison. Or, nous savons que cette prison était "plascée au bas de la place, devant la porte de la maison de Lacabe", et qu'elle fut démolie en 1819.*6
En 1847, c'est la porte d'entrée du bourg, ou pigeonnier, qui servait de prison*7. Elle a également servi d'école, et peut-être aussi de maison commune après la disparition de la précédente au cours du XVIIIe siècle.
Le seul vestige qui en restait, était la prison. Cette dernière est portée sur le plan cadastral de 1810, sous le numéro 110, de la section F, avec une superficie de 24 m2, propriété de M. de Candale*8. Cet emplacement correspond au devant du garage de l'actuelle maison Farbos, et probablement au niveau du sous-sol.
La maison commune et halle de Doazit occupait donc une partie de la place publique, entre les maisons Farbos et Bordelane.
En 1789.
"L'assemblée, convoquée au son de la cloche, en la manière accoutumée", se réunissait "en l'auditoire de ce lieu", tant à Aules, qu'au Mus, au Bourg, et à Boscq-Saubon.*9
De 1790 au 9 mai 1793 :
Municipalité d'Aulès Paradère:
"En la salle publique du lieu des séances."
Cette salle était en fait le domicile du "citoyen Lafitte, greffier de la municipalité d'Aulès Paradère chez qui la dite municipalité tient ses assemblées, à défaut de maison commune". Le greffier d'Aulès était Michel Lafitte, Me tailleur, domicilié au Pépic.
Municipalité de Doazit :
"Dans la maison appelée de Poységur et dans une chambre d'icelle servant provisoirement de salle publique pour les séances de la municipalité à défaut de maison commune."
Il s'agit ici du domicile du maire, Pierre de Poységur, qui résidait à Plantier, maison appelée actuellement Bordelane.
Municipalité du Mus :
"Dans la salle de notre maison commune".
Faut-il prendre cette expression à la lettre, ou s'agit-il là aussi d'une maison particulière ?
Du 9 mai 1793 (date de création de la commune), à messidor an 6.
"Dans la maison de Barbe à Labeyrie et dans une chambre d'icelle servant provisoirement de salle publique pour les séances de la municipalité à défaut de maison commune."
Cette formulation, qui n'est plus employée après le 12 ventôse an 2, alterne puis est remplacée par : "Dans la maison commune du présent lieu". Mais il s'agit certainement toujours de la même maison, appelée actuellement au Pierrot, où résidait le greffier de la municipalité de cette époque : Bernard Barbe, né en 1760, tailleur.
Du 30 thermidor an 6, à la fin de l'an 6.
"Dans le domicile appelé au Brouca à défaut de maison commune".
On trouve cette formulation pour les maisons Brouca, Guichot et Millet, pour des actes concernant ces maisons, et au Coy, pour un acte concernant Lahouillade.
Du début de l'an 7, à la fin de l'an 8.
"Dans mon domicile".
Les actes portant cette mention sont signés successivement par Jean Tachoueres, Jean Peyroux et Jean Diris.
A partir de l'an 9, les actes d'état civil sont inscrits sur des feuilles imprimées, à compléter, où n'est pas indiqué le lieu où sont dressés les actes. Par contre, les publications des bans de mariage se font encore sur papier libre pendant l'an 9. Ces publications étaient faites de l'an 3 à l'an 6 : "devant la porte principale de notre maison commune", et depuis l'an 7 : "sur la place de la Liberté de la presente commune".
Le 15 pluviôse an 11, un accord fut passé avec le citoyen Bernard Barbe, demeurant à Labeyrie, qui pour la somme de 72 francs s'engageait : "à fournir une chambre pour la tenue des séances de la mairie et du conseil municipal, et de fournir pareillement le papier, plumes, encre, bois et lumière nécessaires pendant une année à compter de ce jour, et de faire en outre les fonctions de secrétaire".*10
Cet accord doit être une simple régularisation de la solution adoptée depuis mai 1793, puisque Bernard Barbe était déjà greffier de la municipalité à cette époque.
En 1806, la municipalité envisagea ce qui resta un projet: la construction d'un porche sur le bas de l'église du bourg, avec au dessus deux chambres, "dont l'une servirait aux assemblées de la commune, et l'autre pour y tenir les écoles"*11.
"En 1822, le gouvernement paya les réquisitions faites en 1812, 1813 et 1814, le principaux notables de la commune trouvèrent très difficile d'en faire une répartition juste, sollicitèrent les habitants d'abandonner toute cette somme pour les biens publics, en sorte qu'on fit faire dans cette occasion la maison commune, qu'on ne finit que l'année suivante, qui couta avec la petite cloche 2250 francs,...".*12
Cette maison fut donc construite en 1823, par Larrieu Lesperance, charpentier d'Audignon, adjudicataire des travaux. Auparavant, en 1815, "on construisit le mur qui se trouve sous la porte de la (future) maison commune, pour agrandir la place : ce terrain était un diminutif de la Galoppe vers la place"*13. Ce mur permit de remblayer la mare ou vivier qui se trouvait à cet endroit, d'après le cadastre de 1810.*14
En 1936, la commune acheta la maison Ducasse et son jardin, en vue de "l'aménagement d'un square; de l'hôtel des Postes, et agrandissement de la mairie". On allait en effet avoir besoin de place, car cette année là, le secrétariat fut amené (ou ramené ?) dans la mairie. Avant 1936, il se trouvait dans l'école des garçons (actuelle salle des fêtes), tenu par l'instituteur, M. Dumartin.
Le jardin de la maison Ducasse sera transformé en place publique (entre l'église et le presbytère), mais le reste du projet avortera : la maison fut revendue peu après.
Cette mairie, qui se trouvait donc près de l'actuel monument aux morts, fut utilisée pendant 146 ans, jusqu'en 1969, et fut démolie en 1971.
On accédait à l'étage depuis l'extérieur, par un étroit escalier qui donnait sur une unique grande salle, servant tout à la fois de secrétariat, de bureau pour le maire, de dépôt d'archives et de salle de réunions pour le conseil municipal et les associations. Une porte donnait sur le balcon, d'où le garde-champêtre lançait ses "avis à la population", à la sortie de la messe du dimanche. Le rez-de-chaussée, également d'une seule pièce, servait de salle d'école en 1843*15. Il servit plus tard, de salle de répétition pour la société musicale, de bureau de vote, de cantine pour la soupe scolaire,... Au sous-sol, on stockait le bois pour alimenter la cheminée de l'étage *16
En 1969, la mairie fut transférée (après remise en état notamment de la toiture, démolition des dépendances et aménagement intérieur), dans la maison Gaillard (anciennement appelée au Ségnou), achetée par la commune en 1967.
Cet immeuble, qui abrite la mairie actuelle, fut construit en 1837. On y trouve au rez-de-chaussée, le secrétariat, le bureau du maire et une salle de réunion. A l'étage, une grande salle de réunion ou salle des mariages, et une petite salle accessible par un escalier extérieur, attribuée depuis 1986 au Comité des fêtes. Elle avait servi de salle de répétition pour la société musicale avant la construction en 1983, de la salle de musique attenante à la salle des fêtes. Le deuxième étage, non aménagé, est utilisé en grenier.
La désignation du lieu des séances, dans les comptes-rendus actuels, reste une formule de la plus désolante imprécision : "Le conseil municipal dûment convoqué, s'est réuni au lieu ordinaire des séances".
Note : Dans les "extraits des délibérations du conseil municipal", publiés depuis 1977 dans le bulletin annuel "la Gazette de la Gouaougue", le texte était encore plus laconique: "Le Conseil Municipal dûment convoqué s'est réuni sous la présidence de Marcel Dutoya, Maire". Mais lors de la parution de cet article dans ce même bulletin (1991), le dernier paragraphe a été (intentionnellement ?) supprimé, tandis que dans le même temps, la formule sus-dite, était remplacée par :"Les Membres du Conseil Municipal dûment convoqués se sont réunis dans la salle des délibérations sous la présidence de Marcel Dutoya, Maire".
1- Notre Dame de Maylis; p.105; C. Daugé; 1936.
2- Les origines du bourg de Doazit. Bull. de Borda 1975; J.-F. Massie; p.20.
3- Arch. Nat. p.538. Arch. dép. Landes, 11 F 180. (Massie; ib. p.6)
4- Arch. dép. Gironde, C 4181, pièce 251. (Massie; ib. p.27).
5- Arch. dép. Gironde, C 4181, pièce 251. (Les Foix-Candale. A d'Anglade; p.95).
6- Mémoires. J.-Bte Barbe; p.9 (arch. dép. Landes 1 J 648)
7- Barbe; ib. p.37.
8- La prison est portée sur le plan, sous le numéro 110, et dans le registre du cadastre, sous le numéro 112. Il y a un décalage facilement rectifiable entre les numéros du plan et ceux du registre.
9- Arch. dép. Landes 3 B 8 (52).
10- Archives de la mairie de Doazit, II D 1. 15 pluviose an 11.
11- Archives de la mairie de Doazit, II D 11. 15 mai 1806.
12- Barbe; ib. p.9.
13- Barbe; ib. p.8.
14- C'est certainement de ce petit plan d'eau que vient le nom de "Lagalope", qui désignait la maison voisine (chez Laloubère).
15- Archives de la mairie de Doazit, III D 11. 10 juin 1843.
16- Contrairement à une idée fortement répandue dans la population doazitienne, ce sous-sol n'a pas servi de prison : il y a confusion avec le sous-sol de l'antique maison commune.
(..) Archives de Doazit II M 1, et autres; et témoignage d'Agnès Lafenetre, de Garros, restée secrétaire de mairie, du 1er juillet 1945, au 1er juillet 1977